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Compromis historique

Le « compromis historique » (compromesso storico) est le nom donné en Italie dans les années 1970 à un accord visant à mettre un terme à la division du pays en deux, partagé entre les deux partis rivaux de la Démocratie chrétienne et du Parti communiste italien, dirigés respectivement par Aldo Moro et Enrico Berlinguer.

Photographie d'Aldo Moro, dirigeant de Démocratie chrétienne et partisan du Compromis historique

Origines

Soutenu entre autres par le philosophe Norberto Bobbio, le compromesso storico visait à faire entrer le PCI au gouvernement, alors que ce dernier atteignait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale des résultats électoraux élevés, notamment en 1976, quand le PCI obtient plus de 34 % des voix. L'un des leaders de la DC, Aldo Moro, partisan du compromis historique, devait permettre au PCI l'accès au pouvoir en se faisant élire président de la République.

Les trois hommes-clés de la stratégie de Berlinguer

Berlinguer tire de la chute du gouvernement Allende au Chili en 1973 l'analyse que l'union des forces de gauche, PCI et PSI est insuffisante pour se maintenir durablement au pouvoir. Un environnement international hostile, comme l'a montré l'action des États-Unis vis-à-vis du Chili, peut faire échouer une politique économique et tomber un gouvernement[1]. Un compromis est donc indispensable avec la Démocratie chrétienne qui représente au moins un tiers du corps électoral et les trois groupes de pression qui dominent la vie politique et sociale en Italie depuis 1945 : l'Église, dirigée de fait par le pape Paul VI, le patronat dirigé par Giovanni Agnelli et les États-Unis, représentés par leur ambassadeur.

Giovanni Agnelli lève son veto à partir du moment où son rôle dirigeant dans l'économie italienne n'est pas remis en cause puisque Fiat devait rester entre ses mains.

Berlinguer pensait obtenir l'accord des États-Unis si le pape donnait également le sien et s'il ne remettait pas en cause l'équilibre géopolitique de l'Europe en promettant le maintien de l'Italie dans l'OTAN : au cours d'un interview, il déclara se sentir en sécurité à l'ombre des Américains. Cependant, les États-Unis maintinrent leur hostilité de principe.

L'adversaire le plus déterminé de cette stratégie fut certainement le pape Paul VI. En effet, celui-ci est en train de négocier un modus vivendi (ou plutôt modus non moriendi) pour les catholiques persécutés dans les pays communistes et ne veut pas donner l'impression de pratiquer cette ouverture pour des raisons de politique intérieure italienne. D'autre part, il est parfaitement conscient de la faiblesse de la classe politique et du système politique italien en général. Le pape ne veut donc pas donner l'impression aux Soviétiques qu'il négocie dans la même situation. Enfin, il craint que le PCI, déjà assez puissant, ne devienne dominant en Italie. Aussi, comme leader de fait de la Démocratie chrétienne, Paul VI fait échouer l'opération.

La DC accepte après les élections générales de 1976 la formation de gouvernements de « solidarité nationale », présidés par Giulio Andreotti entre 1976 et 1979, soutenus par l'opposition sans y participer directement[1].

Les causes géopolitiques de l'échec

Le compromis échoua à cause de l'hostilité déterminée de Paul VI et des États-Unis, mais aussi à cause de l'assassinat, en mai 1978, d'Aldo Moro par le second groupe des Brigades rouges . En effet, à l'hostilité de l'Église et des États-Unis s'ajoute celle de l'Union soviétique, qui se méfie d'Enrico Berlinguer depuis 1968 et qui ne veut pas voir naître une expérience de socialisme dans un cadre pluraliste dirigé par le PCI. D'autre part, l'Union soviétique ne veut pas affronter les États-Unis dans leur fief de l'OTAN. Au nom de la détente Etats-Unis-URSS entamée en 1972 et ratifiée en 1975 par les accords d'Helsinki, chacune des deux grandes puissances se doit de respecter le système socio-économique et la zone d'influence de l'autre. Le soutien logistique apporté par des pays socialistes (URSS, Allemagne de l'Est[2], Tchécoslovaquie) aux Brigades rouges renforce Berlinguer dans sa conviction de la volonté soviétique de contrer son arrivée au pouvoir et distendra encore plus les relations entre les deux Partis communistes. En novembre 1982 à la mort de Léonid Brejnev, son successeur Iouri Andropov refusera de recevoir deux personnalités occidentales venues le rencontrer : Pierre Mauroy et Enrico Berlinguer.

L'héritage

La chute du mur de Berlin le va conduire les héritiers de Berlinguer à transformer le Parti communiste italien (PCI) en Parti démocrate de la gauche (PDS), qui disparaîtra rapidement en une multitude de petits partis, mettant fin à l'opposition communiste la plus puissante d'Europe de l'Ouest.

Notes et références

  1. Jean-Louis Briquet, « Introduction », dans Mafia, justice et politique en Italie. L'affaire Andreotti dans la crise de la République (1992-2004), Paris, Karthala, coll. « Recherches internationales », (lire en ligne), p. 5-28
  2. Eric Jozsef, « Les dessous secrets de l’amitié entre l’Italie et Kadhafi », sur Le Temps, (consulté le )

Liens externes

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