Compas (genre musical)
Le compas ou Compas Direct (appelé en créole haïtien konpa) est un genre musical originaire d'Haïti. Inventé par le saxophoniste et guitariste haïtien Nemours Jean-Baptiste en 1955, précédemment fondateur du Conjunto International qui devint en 1955 L'Ensemble Aux Callebasses[1]. Le Compas Direct dérive de la famille de la méringue haïtienne et est proche du quadrille, lui-même dérivé de la contredanse française.
Konpa Dirèk
Origines stylistiques | |
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Origines culturelles | |
Instruments typiques |
guitares, basse, section de cuivres, tambour et cloche-floor Tom s, cowbell, synthétiseurs, batteries, timbales, cloches (cowbells)… |
Popularité |
depuis 1957 |
Scènes régionales |
Compas love, Compas manba, Compas roussi |
Historique
En 1955, Nemours Jean-Baptiste forme en compagnie de son compère, le virtuose du saxophone Webert Sicot, le Conjunto International avec l'aide du promoteur et propriétaire de discothèque Jean Lumarc. Le 26 juillet de la même année, à la Place Sainte Anne, Port-au-Prince, l’orchestre donne son premier concert.
Quelques semaines plus tard, Webert Sicot laissa l’orchestre et sans tarder, Nemours Jean Baptiste adopta le nom de la boite de nuit où jouait tous les samedis ‘Ensemble Aux Calebasses’. D'abord basé à Kenscoff puis, peu de temps après, le night club Aux Callebasses de Jean Lumarc s’établira à Carrefour. Au début, les rythmes principaux que jouaient Nemours Jean Baptiste et ses musiciens étaient fondés sur le genre populaire Grenn Siwèl/Twoubadou. Leurs noms furent Bannann Pouyak (exemple : Padon Caporal, 78 Seeco 7736 –Année 1957) et Grenn Moudong (exemple : Chaise, 7’’ Seeco 7739 - Année 1957) ainsi que des Meringues Lentes telles « Mariage Solennel » (LP Cook 1186 – Année 1958). L’orchestre interprétait également une série de pièces originales jouées sur des rythmes cubains tels la Guaracha et le Son Montuno (Cuba).
En 1957, Nemours Jean-Baptiste (avec l'assistance des frères Duroseau -Kreudzer et Richard), inventa -graduellement- le Compas Direct s'appuyant sur le Grenn Siwèl ayant sa source dans le Vaudou haïtien. C'était la naissance de tout un genre et toute une culture musicale[2].
La musique urbaine cubaine basée sur le concept de Big Band des États-Unis jazz a fortement influencé le Compas Direct. La présence des instruments à vent comme le saxophone, la trompette, le trombone pour ne citer que ces instruments, et la composition même des premiers groupes pouvant compter une quinzaine de musiciens (percussions, pianiste, bassiste et plus tard avec l’avènement des mini-jazz avec en tête le groupe les Shleu Shleu, guitariste lead et guitariste secondaire) illustrent le lien entre ces deux styles musicaux. L'orchestre Tropicana d'Haïti (1963) et l'orchestre Septentrional (1949) en sont de parfaits exemples. Ce lien de filiation explique la présence du terme « band » dans les appellations choisies par de nombreux groupes : Magnum band, System Band et l'organisation des groupes autour du maestro, sorte de chef d'orchestre, leader du groupe.
Avec la contredanse Kwaze le 8 venue du sud d’Haïti, le compas participe à la culture haïtienne[3]. Il a connu, durant la décennie 1970-1980, un grand succès dans les caraïbes et contribué à l'influence du zouk dans les Antilles françaises[4]. Néanmoins, le Zouk et son rythme restent principalement influencés par le Mazouk et la Biguine Martiniquaise, ainsi que par le Gwoka guadeloupéen, musiques traditionnelles des Antilles françaises.
Compas digital
En 1986, au moment où de grands noms du compas commencent à constater que le style est en train de s'essouffler, le maestro du groupe Top-Vice, Robert-Charlot Raymonvil, introduit un nouveau concept qui deviendra un phénomène : le « compas digital » ou « compas nouvelle génération ».
Suivant les traces des pionniers Shleu Shleu, Tabou Combo, Bossa Combo, Les Ambassadeurs, Les Difficiles de Pétion-Ville, Les Gypsies de Pétion-Ville et en 1974 du Skah Shah, du Caribbean Sextet, du DP Express et des frères Widmaier (de Zéklè), ce groupe de trois musiciens apparu sur la scène Compas de Miami au sein de la communauté haïtienne fait à ses débuts l’effet d’un OVNI musical.
La présence dans le groupe d'un des piliers du compas haïtien, Henry Celestin fondateur des Difficiles de Pétionville, Les Gypsies de Pétion-Ville de Robert Martino, Scorpio d'Haïti, les As de Pétion-Ville, Mini All Stars, Top-Vice), recruté peu de temps après sa création, est déterminante : il introduit un nouveau style de rythme, basé sur une présence répétitive et rythmée de la guitare avec effets (delay, super-chorus), un vrai groove que les Haïtiens baptisent rapidement « le kite'l maché » (« Laissons tourner »), à tel point qu'on en oubliera l'absence de vrais percussionnistes (batterie, congas, campana) remplacés par une boîte à rythmes. Le synthétiseur se substitue quant à lui à la section de cuivres traditionnelle[4]. Robert Martino avouait avoir vainement tenté de mettre au point depuis l'époque du Scorpio d'Haïti en 1976.
Toute une génération de jeunes musiciens (Digital Exprex d'Ansyto Mercier, Sweet Micky, Carimi, Konpa Kreyol, Degré Konpa, Ti-Kabzy, T-Vice, etc.) vont profiter de cette opportunité pour rafraîchir le Compas Direct et l’ouvrir à des influences musicales telles que le rap, le hip-hop, le r'n'b, le reggae et le ragga. Il faut aussi souligner l'impact sur le marché antillais du clavier Ansyto Mercier et son groupe Digital Express au début des années 1990[5].
Et pourtant le style a su conquérir une bonne partie de amoureux du compas et surtout eu le mérite de renouveler la base de fans en attirant aux bals un jeune public qui ne s’y intéressait plus du tout.
Renouveau
Depuis quelques années, le même processus d'essoufflement qu'a connu le Compas Direct ancienne génération, a touché le compas digital au point que les groupes composant cette dernière tentent de renouer avec les instruments organiques abandonnés par le passé comme les cuivres, et les percussions. C'est le cas de T-Vice et d'autres jeunes groupes de la nouvelle génération. On notera les diverses incursions de Wyclef Jean dans le compas, en particulier avec des groupes comme Sweet Micky.
« La nouvelle vague de la musique haïtienne », comme Carimi ou Dega, met en lumière un savant mélange entre l'expérience des anciens et le talent des jeunes qui capte de plus en plus l’attention des fans du compas dans les Caraïbes, et notamment dans les Petites Antilles.
Gouyad
Le gouyad (qui signifie déhanché en créole haïtien) est un dérivé du compas[6].
Liste d'artistes et groupes de compas
- Alan Cavé
- Carimi
- Coupé Cloué
- Daan Junior
- Djakout Number One
- Émeline Michel
- Enposib
- Gracia Delva
- Les Frères Déjean
- Magnum Band
- Misty Jean
- Nickenson Prudhomme
- Richie
- Sweet Micky
- System Band
- Tabou Combo
- T-Vice
- Zafem
- Zenglen
- Zin
- Vanessa Désiré
- Daniel & Arly Lariviere
Marque déposée
Le « Compas Direct » est une marque déposée aux États-Unis. De 1957 à 1980, Nemours Jean-Baptiste de son vivant s'était évertué à garder l'ortographie et la nature de sa création comme il les avait conçues.
Notes et références
- (en) Peter Manuel, Musics of the Non-Western World, p. 74, Chicago University Press, 1984.
- Le Nouvelliste, Haiti, 27-07-2020
- « La musique haïtienne », sur musiquehaitienne.fr (consulté le )
- « Le kompa : son histoire », sur haitianmusicaward (consulté le )
- (en) « KONPA! MAGAZINE; Haitian Music News », sur kompamagazine, (consulté le ).
- Chosic : Genre Kompa Gouyad