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Commandos anti-IVG en France

Le terme de « commandos anti-IVG en France » désigne une série d'actions généralement sans violence physique qui visaient à entraver le fonctionnement d'établissements médicaux pratiquant l'avortement, en France, entre 1987 et 1995.

Ces « commandos » menèrent majoritairement des occupations, parfois avec blocage, de locaux, et furent crĂ©Ă©s par des militants anti-avortement. Le terme de « commando » est rĂ©cusĂ© par ces militants qui affirment que leurs mĂ©thodes Ă©taient non-violentes[1] et les appellent d'ailleurs « opĂ©rations sauvetage ».

Ce terme recouvre communément les campagnes, de type différent, menées à l’initiative de deux associations distinctes : SOS Tout-Petits et la Trêve de Dieu[2].

Opérations de sauvetage

Type d'actions

Ces actions, généralement attribuées à l'association anti-avortement Trêve de Dieu[3], consistaient pour les membres des « commandos » à s’enchaîner, à l’aide de menottes ou d’antivols de moto, à l’intérieur même du bloc opératoire d’un établissement pratiquant des avortements dans le but d’en bloquer le fonctionnement. Ces actions ont été appelées par leurs auteurs « sauvetages ».

Inspiration

Le mode d’action retenu, le blocage d'établissements pratiquant l’avortement, s’inspirait[4] de la campagne menée aux États-Unis par Operation Rescue. Cette dernière était toutefois menée à une tout autre échelle, puisqu'à son point culminant à l’été 1991 plusieurs milliers de militants anti-avortement bloquant des cliniques dans le Kansas ont été arrêtés. L’inspiratrice du mouvement français, Claire Fontana, raconte avoir participé à son premier « sauvetage », mené par un groupe d'Américains, en à Rome[5].

1990

1992

  • : « sauvetage » Ă  l’hĂ´pital Saint-AndrĂ© de Bordeaux par 18 militants, dont Claire Fontana. Les participants ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  3 Ă  6 mois de prison avec sursis et des amendes[8].

1993

  • : 9 militants occupent le service d'orthogĂ©nie de l'hĂ´pital Bretonneau du CHU de Tours. Parmi eux se trouvait Claire Fontana, enceinte de 8 mois, qui Ă©tait convoquĂ©e le mĂŞme jour au tribunal de Bordeaux pour rĂ©pondre de l'action du [9].

1994

  • : occupation pendant 7 heures du bloc rĂ©servĂ© aux IVG Ă  l’hĂ´pital Michallon de Grenoble. Parmi les membres du « commando » se trouvait un moine catholique, Dom GĂ©rard Calvet. Le procès pour entrave Ă  IVG, en , a donnĂ© lieu Ă  des manifestations des opposants Ă  l’avortement et des partisans de l’avortement lĂ©gal devant le palais de Justice de Grenoble[10] - [11]. Les participants ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  3 mois de prison avec sursis et 5000F d’amende[12].
  • : occupation l'hĂ´pital de Roanne. Quatre des six participants sont condamnĂ©s en Ă  Lyon Ă  18 mois de prison, dont quinze avec sursis - la première condamnation de « commandos » Ă  de la prison ferme. Les deux autres, une Ă©tudiante en mĂ©decine et un malade du sida, sont condamnĂ©s avec sursis[13].
  • : occupation Ă  l’hĂ´pital Saint-Jacques de Nantes. Parmi les 21 participants figurait Mgr AndrĂ© Loucheur, Ă©vĂŞque Ă©mĂ©rite de Bafia au Cameroun[14].

1995

  • : occupations simultanĂ©es dans deux hĂ´pitaux de Lyon, la Croix-Rousse et l'HĂ´tel-Dieu. Trois prĂŞtres du diocèse de Lyon figuraient parmi les « sauveteurs ».
  • : blocage du centre d'orthogĂ©nie de la maternitĂ© de Chalon-sur-SaĂ´ne[15].
  • : blocage du sas d'accès au centre d'orthogĂ©nie de l'hĂ´pital de la Croix-Rousse Ă  Lyon par neuf militants, cinq femmes âgĂ©es de 19 Ă  72 ans et quatre hommes de 29 Ă  70 ans[15].
  • : occupation par huit militants, cinq femmes et trois hommes d'une vingtaine d'annĂ©es, du service de l'hĂ´pital d'Annecy pratiquant les IVG[16].
  • : condamnation pour des actions menĂ©es dans deux hĂ´pitaux lyonnais de 33 membres de « commandos » anti-IVG par le tribunal correctionnel de Lyon. 28 militants non-rĂ©cidivistes ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  10 mois de prison avec sursis et 8000 francs d'amende; 5 autres, impliquĂ©s dans deux ou trois opĂ©rations, se sont vu infliger entre 15 et 18 mois avec sursis[17].
  • : 10 personnes, dont le directeur adjoint de l'Ă©tablissement, s'enchaĂ®nent dans la salle d'intervention de l'hĂ´pital de Valenciennes[18]. Le fonctionnaire est condamnĂ© en première instance Ă  18 mois de prison ferme[19], la plus importante prononcĂ©e pour entrave Ă  avortement, avant de voir sa peine allĂ©gĂ©e en appel. Sa nomination comme directeur de l'Établissement public de santĂ© mentale de la Marne en sera contestĂ©e par des syndicats et Ă©lus de gauche[20].

Actions de SOS tout-petits

Type d'actions

SOS tout-petits, créé en 1986 par le Dr Xavier Dor, a essentiellement pratiqué l’investissement par surprise des halls d’entrée d’établissements médicaux pratiquant l’avortement, sans en bloquer l’accès, suivi, après plusieurs heures de prières, d’un départ volontaire des lieux[21].

Xavier Dor a été accusé par le quotidien L'Humanité d'avoir fait preuve de violence, en , en faisant irruption en hurlant dans une salle d’opération de l’hôpital de Clamart pendant une intervention et saccagé le matériel[22].

Inspiration

À l’inverse des actions de « sauvetage », qui revendiquent une origine américaine, Xavier Dor s’est dit inspiré par les actions d’occupation des centres IVG de l’Hôtel-Dieu de Paris et du centre hospitalier de Lille par des membres du Mouvement de la jeunesse catholique de France en 1978[23].

Chronologie

  • : face-Ă -face entre 80 opposants Ă  l’avortement et 50 partisans de l’avortement lĂ©gal devant la clinique Labrouste Ă  Paris. SOS Tout-Petits revendique Ă  cette date dĂ©jĂ  45 actions depuis sa crĂ©ation[24].
  • : 7 militants ont pĂ©nĂ©trĂ© dans un sas menant Ă  un bloc opĂ©ratoire dans la clinique Ambroise ParĂ© de Bourg-la-Reine, oĂą ils ont priĂ© et chantĂ© des cantiques pendant un quart d'heure avant d'ĂŞtre interpellĂ©s. Le , 6 d'entre eux ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  des peines de 1 Ă  3 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Nanterre[25].
  • : manifestation de 9 personnes, pour la plupart âgĂ©s de plus de 60 ans, Ă  la PitiĂ©-SalpĂŞtrière, Ă  Paris. Parmi les manifestants se trouvait la rĂ©sistante Rolande Birgy[26]. Les participants ont Ă©tĂ© relaxĂ©s par la 16e chambre correctionnelle de Paris le [17].
  • : 10 militants, donc le docteur Xavier Dor, ont investi un couloir de l'hĂ´pital Louis-Mourier (Colombes) et rĂ©citĂ© des prières avant d'ĂŞtre conduits au commissariat de Colombes[27].

Réaction de l’Église catholique

L'attitude vis-à-vis des « sauvetages » a donné lieu à un débat parmi les prélats catholiques.

  • En , le cardinal Albert Decourtray, archevĂŞque de Lyon, a apportĂ© son soutien Ă  Claire Fontana alors en procès Ă  Lyon. Insistant sur la « non-violence » de son action, le prĂ©lat a Ă©crit dans une lettre de soutien que cette dernière avait montrĂ© par son action « une conscience Ă©clairĂ©e de la dignitĂ© Ă©minente de la personne humaine » et qu'« il Ă©tait lĂ©gitime de tenter d'empĂŞcher l'acte de mort »[28] - [29]. Claire Fontana a Ă©galement reçu le soutien de Mgr Jean HonorĂ©, archevĂŞque de Tours, lors d'un autre procès[30].
  • Ă€ l'occasion de son procès en , le moine bĂ©nĂ©dictin Dom GĂ©rard Calvet a reçu plusieurs tĂ©moignages de soutien d'Ă©vĂŞques français et de prĂ©lats Ă©trangers[31]. Le cardinal-archevĂŞque de Paris Jean-Marie Lustiger a dĂ©crit l'action du moine comme « une protestation moralement fondĂ©e de la conscience droite »[32]. Mère Teresa apporta Ă©galement son soutien aux « sauveteurs », qu'elle a dĂ©crit comme « en train de combattre l'avortement par la puissance de l'amour »[31].
  • En , le prĂ©sident de la confĂ©rence des Ă©vĂŞques de France Mgr Joseph Duval a toutefois dĂ©sapprouvĂ© ces actions, disant craindre qu'elles nourrissent « le thème de l'intolĂ©rance de l’Église »[32].

La loi Neiertz de 1993

Devant la difficultĂ© de qualifier pĂ©nalement ces actions, la ministre socialiste VĂ©ronique Neiertz a fait voter en une loi, datĂ©e du , crĂ©ant un dĂ©lit spĂ©cifique d'entrave Ă  avortement volontaire. La loi prĂ©voit des peines d'emprisonnement de deux mois Ă  deux ans, et des amendes de 2 000 Ă  30 000 francs[9].

L’amnistie de 1995

L’amnistie traditionnelle consécutive à l’élection à la présidence de la République de Jacques Chirac en 1995 a donné lieu à des débats quant à l’inclusion des membres des « commandos » condamnés entre 1993 à 1995.

La député PS Véronique Neiertz, qui siégeait à la commission des lois de l’Assemblée nationale, a proposé un amendement excluant du champ de l'amnistie les personnes condamnées pour avoir pris part à ces actions. Elle a été suivie par Pierre Mazeaud, le président RPR de la commission[33].

L’amendement Neiertz a été voté à la quasi-unanimité d’une trentaine de députés présents en séance, à l’exception du député divers-droite Pierre Bernard[34]. Absent de la séance, le député de Vendée Philippe de Villiers avait qualifié le soutien du gouvernement à l'amendement de « scandale moral »[35].

Références dans des œuvres de fiction

Les « commandos anti-IVG » ont fait l’objet de plusieurs références dans des œuvres de fiction télévisuelle.

  • En 1996, l'Ă©pisode « Le choix d'une vie » de la sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e Docteur Sylvestre oppose le hĂ©ros Ă©ponyme Ă  une ligue anti-IVG[36].
  • En 1997, un Ă©pisode de la neuvième saison de Navarro, Une femme Ă  l'index, un membre d'un « commando anti-IVG » est suspectĂ© dans la mort d'un mĂ©decin pratiquant des avortements[37].

Notes et références

  1. Claire Fontana, Lettres aux Sauveteurs, DMM, Bouère, 1993 (ISBN 2856521835)
  2. L’Express 13 décembre 1990
  3. L’Express, 8 juillet 1993
  4. L’Express 13 décembre 1990
  5. Claire Fontana, Lettres aux Sauveteurs, DMM, Bouère, 1993 (ISBN 2856521835)
  6. Le Parisien, 17 septembre 1990.
  7. Le Parisien, 10 décembre 1990.
  8. Le Monde, 21 décembre 1993.
  9. Le Monde, 20 novembre 1993.
  10. Le Figaro 29 nov 1994
  11. Le Monde 26 octobre 1994
  12. Ouest-France, 18 janvier 1995
  13. Le Figaro, 28 juin 1995; Le Monde, 29 juin 1995
  14. Famille chrétienne, 22 décembre 1994
  15. Libération, 13 juin 1995
  16. Le Figaro, 28 juin 1995
  17. Le Monde, 6 juillet 1995
  18. L'Express, 16 novembre 1995 Le Procès de Valenciennes
  19. L'Express, 18 janvier 1996
  20. L'Union, 1er décembre 2009 Un militant anti avortement patron de la santé mentale
  21. L’Express 13 décembre 1990
  22. (fr) Xavier Dor Ă©vite la prison
  23. Xavier Dor, Le Crime contre Dieu, Perrin & Perrin, Paris, 1998 (ISBN 2911005147)
  24. La Croix 11 décembre 1990
  25. Le Monde, 16 septembre 1994.
  26. Le Figaro, 14 juin 1995
  27. Libération, 19 janvier 1995.
  28. Revue Permanences, N°306, pp2-3.
  29. Le Figaro, 14 décembre 1994.
  30. Famille chrétienne, 22 décembre 1994, p56.
  31. Famille chrétienne, 22 décembre 1994, p57.
  32. Le Figaro, 19 décembre 1994.
  33. Le Figaro, 26 juin 1995
  34. Ouest-France, 29 juin 1995
  35. Le Monde, 29 juin 1995
  36. http://www.programme-tv.net/divertissement/r1440-docteur-sylvestre/104625-le-choix-d-une-vie/
  37. https://www.humanite.fr/1997-05-15_Articles_-Navarro-face-aux-commandos-anti-IVG

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