Clef de Saint-Hubert
La clef de Saint-Hubert est un reliquaire de laiton datant du XIe au XVIIe siècle[1]. De grandes dimensions, ce chef-d'œuvre d'orfèvrerie, qui contient une relique de l'apôtre Pierre, se trouve exposée au Trésor de la cathédrale de Liège dans la salle du Grand Prévôt.
au Trésor de la cathédrale de Liège.
Type | |
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Technique | |
Hauteur |
37,3 cm |
Localisation | |
Protection | |
Coordonnées |
50° 38′ 43″ N, 5° 34′ 12″ E |
La légende
La clef de Saint-Hubert, conservée d'abord à la collégiale Saint-Pierre de Liège puis à la collégiale Sainte-Croix, est un des objets les plus précieux de la Cité mosane. Cette clef, de grande taille, est en général associée à saint Hubert, évêque de Liège de 706 à 727, qui l'aurait reçue des mains du pape Grégoire II lors de son voyage à Rome. La poignée de la clef contient une limaille des chaînes de saint Pierre. La légende fut amplifiée dans les forêts des Ardennes. Tandis que saint Hubert célébrait la messe à Rome, saint Pierre lui serait apparu et lui aurait remis une clef d'or « comme signe de son pouvoir de lier et de délier, ainsi que de guérir les fous et les furieux ».
Les sources
Elle n'apparaît dans les documents historique que vers 1250[2]. La clé dite de saint Hubert est une clé monumentale, longue de 37,3 cm, qui étonne avant tout par ses dimensions et par la conservation remarquable du fragment de fer, informe mais combien insigne, précieuse relique de saint Pierre contenue à l'intérieur de la poignée. L'œuvre en laiton fondu et travaillé à jour comporte trois parties de dates différentes mais peu visible par le fait d'avoir utilisé la même matière : la bélière, la poignée et la tige avec un panneton.
Description
Au sommet de la poignée, une bélière, anneau de suspension, s'appuie sur des espèces d'arcs-boutants. La poignée ovoïde, légèrement effilée, d'une largeur de 19 cm est divisée en huit compartiments de forme triangulaire par des bandes de 1,8 cm, l'une horizontale et médiane, et les deux autres verticales, comme deux hémisphères juxtaposés. Les reliefs de la poignée sont fort usés, ce qui envisage un usage fréquent; il est difficile de rétablir leur état original. Tout le décor est ajouré de manière à laisser voir, enfermé à l'intérieur de la poignée, le fragment de métal réputé provenir des liens de saint Pierre; quand on déplace la clé, on l'entend bouger. Les bandes sont ornées d'animaux fantastiques, très vraisemblablement des félins, affrontés de part et d'autre d'un arbuste stylisé représentant l'arbre de vie. Dans les compartiments triangulaires, on devine les figures en pied de saint Pierre en haut (avec une clé comme attribut) et du Christ en majesté en bas (avec un livre en mains), tous deux bénissant, qui se répètent quatre fois; outre ces figures en relief, des triangles et des croix grecques constituent les ouvertures du réseau. Au bas de la poignée, quatre demi anneaux en saillie assurent la transition vers la tige.
Modification de l'original
Une étude interdisciplinaire[3] a révélé que la clé de saint Hubert telle qu'elle est conservée aujourd'hui n'est pas l'objet originel que les textes historiques mentionnent. Un texte de la vie de Saint Hubert publié à la fin du 19ème affirme déjà qu'il s'agit d'un fac-simile[4]. La clé a été modifiée au cours des siècles. Les trois parties sont nettement différenciées par la composition exacte des alliages. La partie qui comprend le panneton, la tige et le calvaire, est pour l'analyse la partie la plus ancienne à situer selon un corpus expérimental, entre le XIe et XIIe siècles. La poignée, qui contient la relique, est caractérisée par un alliage dont la fabrication se situerait entre le XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle. Enfin, la bélière est identifiée par un alliage plus récent encore, pas avant le milieu du XVIIe siècle car vraisemblablement avec du zinc d'importation. Enfin, malgré la légende, la clé n'a jamais été dorée[5].
Le souvenir du voyage de Saint-Hubert à Rome
Le dossier a permis l'hypothèse suivante: apparue à Liège seulement vers le milieu du XIIe siècle, cette relique historique insigne de Liège pourrait faire partie de l'arsenal des pièces justificatives destinées à redorer le blason de l'Église de Liège, affaiblie par la Querelle des investitures[6]. Ce n'est qu'au milieu du XIIIe siècle que les sources historiques commencent à en parler, quand l'objet subit quelques transformations au moment de la rénovation de l'édifice dans lequel il est conservé, la collégiale Saint-Pierre de Liège, premier lieu de sépulture sépulture de saint Hubert. La clé est placée dans le souvenir de saint Hubert et de son pèlerinage à Rome qui est une « nécessité anthropologique »[7], la justification obligatoire a posteriori d'un déplacement de saint Hubert à Rome et son contact direct avec des reliques de saint Pierre. L'association de Saint-Pierre à Saint-Hubert, de Pierre au fondateur de Liège, est une obligation pour la fondation d'une grande Église: l'association du fondateur de l'Église universelle au fondateur de l'Église locale[8].
Notes et références
- Datations de la clé-reliquaire de Saint-Hubert, Connaître la Wallonie
- (la) Gilles d'Orval, « Aegidii Aureaevallensis gesta episcoporum Leodiensium », dans M.G.H., SS, t. XXV, Hanovre, (1re éd. 1251), 129 p. (lire en ligne) (version éditée par Johannes Heller)
- Martinot, Weber et George 1996
- "(Le pape) lui remit une clef d'or marquant la puissance de lier et délier comme aussi de guérir les fous et les personnes atteintes de la rage. De cette clef, on ne conserve plus qu'un 'fac-simile' assez grossièrement travaillé." Théodore-Joseph Gravez, Vie du grand Saint Hubert à la Cour, au désert et sur le siège épiscopal de Tongres. Namur, imprimerie Picard-Balon. 28 pp. 12 septembre 1870.). pages 10 et 11.
- Cette pièce n’a jamais été dorée : le procédé classique de la dorure à l’amalgame laisse toujours des traces de mercure sur le métal recouvert. Ces traces sont identifiables par la technique PIXE mais elles sont ici absentes in Martinot, Weber et George 1996
- Philippe George et Françoise Pirenne, Trésors de Cathédrales d’Europe : Liège à Beaune, Somogy, , 207 p. (ISBN 978-2-85056-922-7)
- George 1996, p. 106
- Claude Carozzi et Philippe George, Rome et les églises nationales, VIIe-XIIIe siècles, Publications de l'Université de Provence, , 154 p. (ISBN 978-2-85399-248-0)
Voir aussi
Bibliographie
- Joseph Demarteau, « Histoires ou légendes ? I. La première cathédrale de Liège. — II. La clef de saint Hubert ou de saint Pierre à Sainte-Croix. — III. Eaux et Bains. — IV. Pierre l'Ermite. — V. La fondation de Saint-Gilles, lez-Liège. — VI. La Vierge de Saint-Laurent, dite de dom Rupert. — VII. La machine liégeoise de Marly », Bulletin de l'institut archéologique liégeois, Liège, t. XVIII,‎ , p. 450-462 (ISSN 0776-1260, lire en ligne)
- Philippe George, « Les routes de la foi en pays mosan (IVe – XVe siècles). Sources, méthode et problématique. », Centre de recherches sur l'Antiquité tardive et le Haut Moyen-Age, Université de Paris X: Nanterre, no VII « Les trésors de sanctuaires, de l'Antiquité à l'époque romane »,‎ , p. 102-106 (ISBN 2-7084-0515-2, EAN 9782708405158, ISSN 0292-1979, lire en ligne)
- Lucien Martinot, Georges Weber et Philippe George, « La clé de Saint Hubert », Feuillets de la Cathédrale de Liège, Liège, Trésor de la Cathédrale de Liège, nos 21-23,‎ , p. 3-22
- Philippe George, Georges Weber et Lucien Martinot, « La clé de saint Hubert, palladium de la cité épiscopale », dans Jean-Louis Kupper, François Pirenne et Philippe George (dir.), Liège — Autour de l’an mil, la naissance d’une principauté (Xe – XIIe siècles), Liège, Éd. du Perron, (ISBN 978-2871141785)
- Philippe George, Reliques & arts précieux en pays mosan : du haut Moyen Age à l'époque contemporaine, Editions du CEFAL, , 266 p. (ISBN 978-2-87130-121-9 et 2871301212, lire en ligne), « Saint-Pierre à Liège : la clé de saint Hubert, palladium de la cité épiscopale », p. 109