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Chromatographie d'affinité

La chromatographie d'affinité est une technique de chromatographie qui permet de séparer un composé en utilisant des interactions biologiques entre un ligand spécifique (greffé sur une matrice macromoléculaire) et son substrat, en l'occurrence la molécule à isoler. Sa principale application industrielle est la purification des anticorps monoclonaux.

Principe

Comme toutes les chromatographies, la chromatographie d'affinité permet de séparer les composants d'un mélange, donc de purifier les substances. Pour cela, elle utilise les propriétés d'interactions biologiques, donc elle peut purifier un composant en une seule étape. Une matrice insoluble à laquelle est attaché un ligand spécifique de la molécule à purifier et se liant de maniÚre réversible avec celle-ci est utilisée.

MolĂ©cule Ă  purifier + ligand spĂ©cifique-matrice insoluble ↔ MolĂ©cule-ligand-matrice insoluble

La molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt se fixe donc Ă  la matrice et les autres composants sont Ă©luĂ©s. Puis on dĂ©tache celle-ci de la matrice, ainsi la molĂ©cule est purifiĂ©e. Pour pouvoir sĂ©parer des composants par cette mĂ©thode, il faut donc connaĂźtre la structure et la spĂ©cificitĂ© de la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt afin de choisir un bon ligand, c'est-Ă -dire que le ligand ne doit pas accrocher d'autres composĂ©s que la molĂ©cule.

Principe de la chromatographie

MĂ©thodologie

Couplage du ligand

Pour cela, il faut coupler le ligand sur une rĂ©sine Ă  chromatographie qui, en tant que telle, n'a pas d'affinitĂ© pour la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt. Ce couplage doit Ă©videmment se faire sans dĂ©naturer le ligand pour que ce dernier conserve son affinitĂ© avec la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt.

Il existe sur le marché des gels de couplage qui sont des résines préparées à l'avance sur lesquelles est couplé le ligand choisi. Ce sont des résines spécialisées destinées uniquement à cet usage. Elles possÚdent en général un groupement chimique facilement activable posé au bout d'un bras écarteur. Diverses résines existent avec divers groupements activables selon la nature chimique du ligand qu'on veut utiliser.

Ce couplage consiste donc Ă  "activer" la rĂ©sine pour qu'elle puisse former un lien covalent avec le ligand, puis Ă  mettre le ligand en prĂ©sence de la rĂ©sine. Il y a ensuite dĂ©clenchement de la rĂ©action de formation d'une liaison covalente entre le ligand et la rĂ©sine afin d'Ă©viter que celui-ci ne se dĂ©tache et empĂȘche la fixation de la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt. Enfin, les rĂ©actifs rĂ©siduels sont Ă©liminĂ©s en percolant le gel avec un tampon appropriĂ©.

Adsorption

L'adsorption consiste Ă  mettre en prĂ©sence le mĂ©lange contenant la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt et le ligand fixĂ© Ă  la rĂ©sine dans des conditions favorables Ă  la liaison ligand-molĂ©cule spĂ©cifique. Les molĂ©cules n'ayant pas d'affinitĂ© pour le ligand ne se fixeront pas sur la rĂ©sine et seront Ă©luĂ©es, tandis que celles ayant une affinitĂ© y resteront attachĂ©es.

DĂ©sorption

La dĂ©sorption est pratiquĂ©e pour rĂ©cupĂ©rer la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt fixĂ©e Ă  la rĂ©sine lorsque les autres molĂ©cules du mĂ©lange sont Ă©luĂ©es. Pour cela, le complexe molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt-rĂ©sine est exposĂ© dans des conditions oĂč l'interaction ligand-molĂ©cule spĂ©cifique est moins stable.

MĂ©thode sur colonne

C'est la mĂ©thode la plus commune pour adsorber les molĂ©cules d'intĂ©rĂȘt.

Le mĂ©lange ainsi que le solvant servant de phase mobile sont introduits dans la colonne de rĂ©sine Ă  laquelle le ligand spĂ©cifique de la molĂ©cule a Ă©tĂ© prĂ©alablement fixĂ©. Donc la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt reste dans la colonne alors que le reste sort par gravitĂ© et flux de solvant. Ensuite, la molĂ©cule liĂ©e Ă  la rĂ©sine est Ă©luĂ©e en percolant un solvant dĂ©stabilisant l'interaction ligand-molĂ©cule spĂ©cifique pour recueillir celle-ci.

Méthode en cuve agitée (ou réacteur agité)

La méthode consiste à exposer la résine et le mélange à séparer simplement en les brassant ensemble, par exemple dans un bécher avec un agitateur magnétique, durant une période de temps suffisante pour que l'adsorption complÚte se fasse.

La rĂ©sine est rĂ©cupĂ©rĂ©e, sur laquelle les molĂ©cules d'intĂ©rĂȘt sont toujours attachĂ©es, par simple sĂ©dimentation ou, quelquefois, par centrifugation ou filtration pour accĂ©lĂ©rer le processus. Le "surnageant" ou le "filtrat" contenant le matĂ©riel non adsorbĂ© est Ă©liminĂ©, puis la rĂ©sine est lavĂ©e avec le solvant d'adsorption pour enlever les traces rĂ©siduelles de contaminants. La molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt peut alors ĂȘtre dĂ©sorbĂ©e, avec un solvant dĂ©stabilisant l'interaction ligand-molĂ©cule spĂ©cifique.

Cette méthode n'est quasiment plus utilisée à l'échelle industrielle, car elle est moins efficace que la colonne et nécessite de manipuler la phase solide, notamment d la filtrer. On utilise maintenant la méthode en colonne, désignée par chromatographie préparative.

DĂ©tection des effluents

Les effluents caractĂ©risent le solvant, les analytes c'est-Ă -dire les constituants de l'Ă©chantillon qui doivent ĂȘtre caractĂ©risĂ©s. Si la colonne est employĂ©e pour effectuer la chromatographie d'affinitĂ©, il faut suivre alors au fur et Ă  mesure la sortie de la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt aprĂšs dĂ©sorption.

Si la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt est une protĂ©ine, alors l'identification est basĂ©e sur le fait que les protĂ©ines absorbent dans l'UV et si celles-ci contiennent un acide aminĂ© aromatique comme la tyrosine, phĂ©nylalanine et tryptophane, alors un pic d'absorption vers 280 nm peut ĂȘtre observĂ©. C'est pourquoi la quantification des protĂ©ines se fait par spectrophotomĂ©trie d'absorption Ă  280 nm.

Si la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt est un acide nuclĂ©ique, alors le pic d'absorption se situe vers 254 nm.

Types de chromatographie d'affinité

Chromatographie d'affinité avec protéine comme ligand

La chromatographie d'affinité avec la protéine A (et aussi G et L) comme ligand est une application industrielle pour la purification des anticorps monoclonaux.

Les anticorps ont des affinitĂ©s pour les parois cellulaires des bactĂ©ries, ce qui est la raison de leur efficacitĂ©. On utilise ainsi les protĂ©ines A, G et L qui sont des parties de la paroi cellulaire de bactĂ©ries Staphylococcus aureus et streptocoque. Leur masse molaire est d'environ 50 000 g/mol. Elles ont une forte affinitĂ© pour le fragment Fc des anticorps polyclonaux ou monoclonaux type IgG. C’est la base de la purification des IgG: on greffe ces protĂ©ines (recombinantes d'E.Coli) sur un support poreux en billes (gel d'agarose ou rĂ©sine de polystyrĂšne-divinylbenzĂšne), ce qui permet d'obtenir un grand nombre de sites de fixation par unitĂ© de volume (et par consĂ©quent de diminuer la taille des installations). La protĂ©ine A se lie fortement aux IgG1, 2 et 4. Elle ne se lie pas ou peu aux autres Ig (IgG3, IgA, IgD, IgE, IgM). La protĂ©ine G fixe plus de types d’Ig que la protĂ©ine A et exclut l’albumine. La protĂ©ine L se lie Ă  la partie kappa variable des chaĂźnes lĂ©gĂšres (L, d'oĂč son nom) des Ig ou de leurs fragments.

La protĂ©ine A peut fixer deux molĂ©cules d’IgG.

La fixation s'effectue à pH >6, par exemple dans un tampon phosphate de sodium 0,02 M de pH 7,0. L'élution s'effectue de pH 3 à pH 6, par exemple dans un tampon acide citrique 0,1 M de pH 3,0. Une molécule qui est utilisée comme ligand est l'héparine. Elle est utilisée dans la purification des facteurs de croissance et de coagulation (antithrombine III), récepteurs stéroïdiens, endonucléases, lipases. L'affinité est moyenne et l'élution s'effectue par augmentation de la force ionique.

La mise en Ɠuvre est rĂ©alisĂ©e dans des colonnes oĂč le lit de billes est typiquement d'une hauteur de 30 cm et d'un diamĂštre pouvant aller jusqu'Ă  un mĂštre. Les billes ont un diamĂštre de 50-100 microns. L'Ă©tape de chromatographie d'affinitĂ© dans le procĂ©dĂ© complet d'extraction et de purification est en gĂ©nĂ©ral suivie de deux Ă©tapes de purification par chromatographie d'Ă©change d'ions. Il y a ensuite une filtration virale et une ultrafiltration de formulation.

Chromatographie sur colorant

Cette technique est aussi appelée chromatographie de pseudo-affinité. Un des colorants utilisés est le bleu de Cibacron.

Il a été démontré que des enzymes se fixent sur le bleu de Cibacron, notamment les déshydrogénases à coenzyme NAD+ de par la ressemblance structurale avec le NAD+ . Donc ce colorant se comporte comme un analogue structurel de l'ADP, l'AMP, l'ATP et le GTP, ce qui lui permet de retenir des protéines liant des nucléotides. Mais il n'est pas spécifique d'une protéine ce qui ne fait pas un bon ligand pour séparer des protéines liant les nucléotides.

Donc la chromatographie sur colorant ne permet pas de retenir la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt, mais les composants que le colorant reconnaĂźt, c'est pourquoi cette technique est qualifiĂ©e de pseudo affinitĂ©.

Cette technique est nĂ©anmoins beaucoup utilisĂ©e car, mĂȘme si la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt n'est pas liĂ©e spĂ©cifiquement, celle-ci est colorĂ©e donc plus pratique Ă  manipuler. Pour sĂ©parer la molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt aux autres composants que le colorant reconnait s'ils sont prĂ©sents dans le mĂ©lange, il faut effectuer une autre chromatographie d'affinitĂ© avec un ligand spĂ©cifique.

Chromatographie covalente

Cette chromatographie permet de retenir des analytes contenant des groupes thiols en formant des ponts disulfure.

Chélation de métaux immobilisés

La chelation de métaux immobilisés permet de séparer et d'étudier la structure de protéines ayant une affinité pour les ions de métaux lourds.

Appareillage

Effecteurs

Les effecteurs sont des ligands qui fixent toutes substances capables de former des complexes stables avec des molécules à isoler. Ces substances doivent posséder un groupement réactif assez éloigné du site actif pour que celui-ci reste librement accessible aprÚs la fixation.

Chaque domaine possĂšde des effecteurs prĂ©cis ; c’est pourquoi pour la purification d’enzymes, il est prĂ©fĂ©rable de choisir des substrats et analogues de substrats, des inhibiteurs rĂ©versibles, des effecteurs allostĂ©riques et des coenzymes. En immunologie, les haptĂšnes, les anticorps et les antigĂšnes sont les mieux adaptĂ©s. Et, enfin, pour les protĂ©ines rĂ©ceptrices, des hormones, des peptides et des analogues de peptides sont utilisĂ©s.

Supports

Les propriĂ©tĂ©s d’un support sont :

  • ĂȘtre insoluble dans l’eau mais mouillable
  • ĂȘtre poreux
  • ĂȘtre stable chimiquement et mĂ©caniquement
  • porter un groupement fonctionnel rĂ©actif permettant la fixation des « spacer » (bras fixateur)

Il y a différentes sortes de supports à partir de dérivés de polymÚres osidiques :

  • la carboxymĂ©thylcellulose : dans ce dĂ©rivĂ© plusieurs sortes de carboxymĂ©thylcelluloses comme la CM-cellulose aminohexylique possĂšdent un « spacer » (bras espaceur) long permettant d’avoir une certaine distance entre le ligand et le support ce qui rĂ©duit la contrainte stĂ©rique et facilite la rĂ©action de complexation. Puis, Ă  l’inverse, la CM-cellulose hydrazide qui possĂšde un « spacer » court permettant la fixation d’effecteur ayant une masse molaire Ă©levĂ©e. Ces deux dĂ©rivĂ©s permettent la fixation d’effecteurs portant une fonction carboxyle.

La CM-aminohexylique succinylĂ©e et la CM-cellulose aminododĂ©cylique sont des supports permettant la fixation des effecteurs portant une fonction –NH2 rĂ©active.

  • les sĂ©pharoses activĂ©es
  • le gel de polyacrylamides

Facteurs influençant la complexation ligand/molĂ©cule d'intĂ©rĂȘt

Le tampon additionnĂ© de substance oĂč le gel est mis en suspension permet de protĂ©ger la liaison entre le ligand et le support.

La dimension de la colonne et le volume du lit de gel sont adaptĂ©s Ă  la quantitĂ© d’échantillon Ă  traiter et Ă  la capacitĂ© de rĂ©tention du gel.

Le tampon a un pH, une force ionique et une composition dĂ©finis pour pouvoir rĂ©aliser la rĂ©action de complexation. En effet le pH est choisi de façon qu’il n’y ait pas de dĂ©naturation de la protĂ©ine et que la stabilitĂ© du complexe entre effecteur et partenaire soit au maximum. De plus, le pH et la force ionique sont aussi prĂ©dĂ©finis pour Ă©viter une interaction entre le support et les partenaires d’affinitĂ©s.

La température quant à elle, joue un rÎle dans la durée de la complexation ; plus la température est basse, plus le temps de complexation sera long.

Applications

La chromatographie d’affinitĂ© a Ă©tĂ© utilisĂ©e :

  • en enzymologie, pour l’extraction d’enzymes et la purification d’extraits enzymatiques ;
  • en immunologie, pour la purification d’anticorps ;
  • en biochimie, pour l’isolement des protĂ©ines et des acides nuclĂ©iques.

Isolement des protéines et des antigÚnes

Pour isoler des protĂ©ines de nombreuses sortes de molĂ©cules peuvent ĂȘtre utilisĂ©es comme ligand.

Les anticorps sont des ligands trĂšs efficaces pour isoler leur antigĂšne spĂ©cifique, il s'agit de l'immunoaffinitĂ©. L'interaction entre un antigĂšne et son anticorps est trĂšs forte, les constantes de dissociation (Kd) de l'ordre 10−10M ne sont pas rares. Le dĂ©fi dans ces chromatographies est de dĂ©tacher l'antigĂšne sans l'endommager et, si possible, sans endommager la colonne et l'anticorps qui lui est attachĂ©. Il faut donc employer des conditions douces de dĂ©tergents (Triton, Tween).

Les ligands d'une enzyme peuvent ĂȘtre un cofacteur non hydrolysable de cette enzyme, ou encore un analogue structurel non hydrolysable du substrat.

De plus, certains colorants ont une affinité inattendue pour certaines protéines. Ainsi, le bleu de dextran peut se fixer de façon réversible à certaines kinases tandis que le bleu de procion a une affinité pour des déshydrogénases utilisant le NAD comme cofacteur.

Isolement d'acides nucléiques

Les ARNm polyadĂ©nylĂ©s peuvent facilement ĂȘtre isolĂ©s par chromatographie sur des rĂ©sine d'oligo(dT)-cellulose ou de poly(U)-Sepharose. En effet, Ă  forte force ionique, la courte sĂ©quence de polyadĂ©nines au bout 3' des ARNm peut se lier par simple complĂ©mentaritĂ© de base Ă  des sĂ©quences de d'oligo-dĂ©soxythymidine ou de poly-uridine. Il faut ensuite dĂ©sorber Ă  faible force ionique.

Références

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