Christ de saint Jean de la Croix
Le Christ de saint Jean de la Croix est une des plus cĂ©lĂšbres toiles du peintre Salvador DalĂ. C'est une huile sur toile rĂ©alisĂ©e en 1951 de 205 Ă 116 cm qui est conservĂ©e au musĂ©e Kelvingrove, Ă Glasgow.
Artiste |
Salvador DalĂ |
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Date | |
Type | |
Technique |
huile sur toile |
Dimensions (H Ă L) |
205 Ă 116 cm |
No dâinventaire |
2964 |
Localisation |
MusĂ©e Kelvingrove, Ăcosse, Glasgow (Royaume-Uni) |
L'originalité de la perspective et l'habileté technique rendirent la toile trÚs célÚbre, au point que dans les années cinquante, un fanatique tenta avec peu de succÚs de la vandaliser. Durant les années cinquante, l'artiste représenta plusieurs fois la scÚne de la crucifixion, comme dans Corpus hypercubus peint en 1954. Pour réaliser cette toile, Dali se basa sur les théories du Discours sur la forme cubique de Juan de Herrera, responsable du monastÚre de San Lorenzo de l'Escorial au XVIe siÚcle.
Inspiration
DalĂ s'inspira d'un dessin mystique de saint Jean de la Croix rĂ©alisĂ© vers 1575 et conservĂ© au MonastĂšre de l'Incarnation d'Ăvila, et d'une image qu'il dit avoir rĂȘvĂ© d'un cercle dans un triangle. Cette figure qui d'aprĂšs lui Ă©tait comme le noyau d'un atome, Ă©tait similaire au dessin du monastĂšre et il dĂ©cida de l'utiliser pour sa toile[1].
Dali s'explique « PremiĂšrement, en 1950, jâai eu un « rĂȘve cosmique » dans lequel je vis en couleur cette image qui, dans mon rĂȘve, reprĂ©sentait le « noyau de lâatome »[2]. Ce noyau prit par la suite un sens mĂ©taphysique, je le considĂšre « lâunitĂ© de lâunivers », le Christ ! DeuxiĂšmement, grĂące aux indications du pĂšre Bruno, carme, je vis le Christ dessinĂ© par saint Jean de la Croix, je rĂ©solus gĂ©omĂ©triquement un triangle[3] et un cercle[4], qui « esthĂ©tiquement » rĂ©sument toutes mes expĂ©riences antĂ©rieures et inscrivis mon Christ dans ce triangle »[5].
Le paysage calme s'inspire de Portlligat. Les pĂȘcheurs sont inspirĂ©s d'une peinture de Le Nain et d'un dessin de VelĂĄzquez pour La Reddition de Breda[1].
Histoire
Le tableau est exposĂ© dĂ©but 1952 dans une galerie de Londres oĂč le Docteur Tom J. Honeyman (en), directeur des MusĂ©es de Glasgow, le dĂ©couvre : il juge opportun, pour donner une image plus culturelle Ă sa ville en pleine pĂ©riode de dĂ©clin Ă©conomique avec une dĂ©sindustrialisation rapide conduisant Ă un chĂŽmage Ă©levĂ©, d'acheter la peinture et les droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle qui s'y rattachent, afin de pouvoir rĂ©aliser des reproductions, des cartes postales, pour la somme de 8 200 ÂŁ, prix jugĂ© exorbitant par certains bien qu'il fĂ»t rĂ©duit, le catalogue des Ćuvres de Dali la proposant initialement Ă 12 000 ÂŁ[6]. Une pĂ©tition contre cet achat a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e au conseil municipal de Glasgow par les Ă©tudiants de la Glasgow School of Art qui considĂšrent que cet argent aurait dĂ» servir Ă promouvoir les artistes locaux. Cette polĂ©mique sera Ă l'origine de l'amitiĂ© entre Honeyman et Dali qui ont engagĂ© un Ă©change Ă©pistolaire pendant de nombreuses annĂ©es[6].
Le tableau est exposé au Kelvingrove Art Gallery and Museum la premiÚre fois le 23 juin 1952 et durant seulement les six premiers mois plus de 50 000 visiteurs viennent assurer le succÚs de cette judicieuse acquisition. En 1961, un visiteur attaque la peinture avec une pierre et déchire la toile avec ses mains. Elle est restaurée avec succÚs pendant plusieurs mois. En 1993, la peinture est transférée au St Mungo Museum of Religious Life and Art (en) puis revient à Kelvingrove pour sa réouverture en juillet 2006.
En 2005, avec 29 % des voix, la peinture remporte le sondage organisé par The Herald sur la peinture écossaise la plus populaire[7].
Description
La peinture montre JĂ©sus crucifiĂ©, pris en perspective plongeante et vu d'au-dessus de la tĂȘte. Cette derniĂšre regarde vers le bas et est le point central de lâĆuvre. La partie infĂ©rieure du tableau reprĂ©sente un paysage impassible, formĂ© par la baie de Portlligat. Entre le CrucifiĂ© et la baie sâintercalent des nuages aux tons mystiques et mystĂ©rieux, illuminĂ©s par la clartĂ© qui Ă©mane du corps de JĂ©sus. Le puissant clair-obscur qui sert Ă rehausser la figure de JĂ©sus provoque un effet dramatique[1].
Le Christ est reprĂ©sentĂ© de façon humaine et simple. Il a les cheveux courts â au contraire des reprĂ©sentations classiques â et est dans une position relaxĂ©e. L'Ă©criteau de la partie supĂ©rieure de la croix est une feuille de papier doublĂ©e aux initiales INRI[1]. Ă la diffĂ©rence des reprĂ©sentations classiques, le Christ n'est pas blessĂ©, n'est pas clouĂ© sur la croix, n'a pas d'entaille, trĂšs peu de sang et ne possĂšde aucun des attributs classiques de la crucifixion â clous, couronne d'Ă©pines, etc. Il semble flotter accolĂ© Ă la croix. DalĂ se justifia en expliquant qu'au cours d'un rĂȘve il changea son projet initial de mettre des fleurs, Ćillets et jasmins, dans les blessures du Christ « peut-ĂȘtre Ă cause d'un proverbe espagnol qui dit A mal Cristo, demasiada sangre[note 1] - [8] » Certains commentateurs affirment qu'il s'agit de lâĆuvre la plus humaine et humble sur le thĂšme de la Crucifixion[1].
Dali utilisa un cascadeur d'Hollywood, Russel Sanders, comme modĂšle pour peindre le Christ.
Description de DalĂ
Dans le numéro spécial de 1952, édité par la Scottish Art Review, Dalà expliqua sa peinture de la façon suivante :
« La position du Christ a provoquĂ© une des premiĂšres objections sur cette peinture. Du point de vue religieux, cette objection n'est pas fondĂ©e, puisque mon tableau est inspirĂ© de dessins de crucifixion de saint Jean de la Croix en personne. Pour moi, ce tableau devait ĂȘtre exĂ©cutĂ© comme une consĂ©quence d'un Ă©tat d'extase. La premiĂšre fois que je vis ce dessin, il m'impressionna de telle façon que plus tard, en Californie, je vis le Christ en rĂȘve dans la mĂȘme position, mais dans le paysage de Portlligat, et j'entendis des voix qui me disaient Dali, tu dois peindre ce Christ »
« Et je commençais Ă le peindre le jour suivant. Jusqu'au moment oĂč je commençais la composition, j'avais l'intention d'inclure tous les attributs de la crucifixion â clous, couronne d'Ă©pines, etc â et de transformer le sang en Ćillets rouges sur les mains et les pieds, avec trois fleurs de jasmin qui ressortiraient des blessures du cĂŽtĂ©. Les fleurs auraient Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă la maniĂšres ascĂ©tique de Zurbaran. Mais juste avant de finaliser mon tableau, un second rĂȘve modifia tout ça, peut ĂȘtre Ă cause d'un proverbe espagnol qui dit A mal Cristo, demasiada sangre[note 1] »
« Dans ce second rĂȘve, je vis le tableau sans les attributs anecdotiques : seule la beautĂ© mĂ©taphysique du Christ-Dieu. J'avais Ă©galement eut l'intention de prendre pour modĂšles pour le fond les pĂȘcheurs de Port Lligat, mais dans ce songe, Ă leurs places, apparaissait dans un bateau un paysan français peint par Le Nain, dont seul le visage a Ă©tĂ© modifiĂ© pour ressembler Ă un pĂȘcheur de Port Lligat. Cependant, vu de dos, le pĂȘcheur a la silhouette de VelĂĄzquez. Mon ambition esthĂ©tique dans ce tableau Ă©tait contraire Ă tous les Christ peints par la majoritĂ© des peintres modernes, qui l'interprĂ©tĂšrent dans un sens expressionniste et contorsionniste, provoquant une Ă©motion par le biais de la laideur. Ma principale prĂ©occupation Ă©tait de peindre un Christ beau comme le Dieu mĂȘme qu'il incarne »
Influence
Une des sculptures de la Collection Clot reprend le thÚme du Christ de Saint Jean de la Croix, c'est une représentation en bronze du sujet.
Notes et références
- Notes
- Ă mauvais Christ, trop de sang.
- Références
- Regards sur la peinture, p. 28
- L'atome devient son sujet préféré depuis les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki.
- FormĂ© par les bras, il peut ĂȘtre vu comme une rĂ©fĂ©rence Ă la TrinitĂ©.
- FormĂ© par la tĂȘte, il peut Ă©voquer la pensĂ©e platonicienne.
- Gille Néret, Le Monde, dans 1 Le Musée du Monde, 2005, Série 2, p. 74-83
- (en)Gill Davies, « Scotland's favourite painting: Dali's Christ of St John of the Cross », sur BBC,
- (en)Christ of St John of the Cross is famous throughout the world
- Propos recueillis dans un entretien de « Dalà », Scottish Art Review, vol. IV, no 2 numĂ©ro spĂ©cial,â
Liens externes
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (en) Art UK
- Voir la toile.
- Une visite au Kelvingrove museum de Glasgow.
Bibliographie
- Luisa Cogorno, Gaspare de Fiore, Gianni Gobba et Marina Robbiani, « Dalà », Regards sur la peinture, Fabbri, no 12,â