Chemin de fer Eagle Lake et West Branch
Eagle Lake and West Branch Railroad | |
Création | 1927 |
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Disparition | 1933 |
Fondateur(s) | Édouard Lacroix |
Sigle | EL&WBRR |
Localisation | North Maine Woods region, Penobscot County and
Piscataquis County, Maine, USA |
Longueur | 13 miles (21 km) |
Le chemin de fer «Eagle Lake and West Branch Railroad» est construit pour transférer le bois de pulpe entre les bassins versants au nord du Maine (USA) et permettre le flottage du bois de quatre pieds vers une usine à papier située plus au sud. Le chemin de fer fonctionne de 1927 à 1933, dans un endroit si difficile d'accès que les locomotives à vapeur ont été abandonnées sur place et restent exposées aux intempéries sur le site du tramway d'Eagle Lake.
Histoire
Les forêts de conifères du nord du Maine ont été une source de bois de pulpe tout au long du XXe siècle. En hiver, les arbres étaient coupés en longueurs de 4 pieds (3,66 m), chargés sur des traîneaux (remorqués par des animaux de trait ou des grumiers) et transportés jusqu'à la rivière ou le lac le plus proche. Au printemps lorsque la neige et la glace sont fondues, le bois est dirigé par flottage vers une papetière située en aval[1]. Le bois, récolté dans le bassin supérieur de la rivière Allagash qui coule vers le fleuve St-Jean au Canada, est destiné à la papeterie de la «Great Northern Paper Company» située au sud, sur la branche ouest de la rivière Penobscot à Millinocket.
Édouard Lacroix, le «Canadian Lumber Baron» (Baron Forestier)
Édouard Lacroix est un canadien français d'humble naissance qui commence à travailler à 14 ans comme bagagiste pour le chemin de fer «Quebec Central Railway». Doté d'une excellente mémoire et d'un sens aigu des affaires, il construit un empire industriel en seulement une douzaine d'années. Durant les années 1920-1930, il est le plus gros entrepreneur forestier du Maine. Il n'hésite pas à construire des routes, des ponts, des barrages ou des villages. En 1926, il construit une route de 50 milles (80,5 km) de Lac-Frontière au Québec jusqu'au lac Churchill du Maine. Un pont à treillis d'acier à 2 travées sera démantelé à St-Georges (Québec) en janvier 1929 et réassemblé dans le Maine (Nine-Miles Bridge) pour traverser le fleuve St-Jean. Il utilise de la machinerie lourde dont 11 camions à benne basculante (modèle Reo1924) et une pelle mécanique à vapeur. Il construit le quartier général (Churchill Dépôt) d'une de ses compagnies (la Madawaska), pour gérer l'exploitation forestière de la région de 1926 à 1938. Un plan (basé sur des photos aériennes de 1966) du terminus du lac Eagle, liste 33 bâtiments et équipements (comme les 3 convoyeurs) dont une écurie, un énorme hôtel-dortoir, une importante scierie et un gros atelier pour locomotive à vapeur; il y a aussi une école. Chacun des hommes de confiance de Lacroix avait sa maison: Émile Labbé chef mécanicien, son collègue Jos Giguère, Duquette & Fils, Edwin et Sam Robichaud, le forgeron Aurel Ferland, le commis Floran Poulin et le superintendant Auguste Lessard.
Au plus fort des opérations, plus de 3 500 employés transitent annuellement par Churchill Dépôt. La plupart sont des canadiens-français qui le surnomment Édouard King Lacroix et qui lui sont d'une grande loyauté car il respecte les simples travailleurs et leur assure des salaires, des conditions d'hébergement et de nourriture supérieures aux pratiques de l'époque et fournit la machinerie la plus moderne dont 26 semi-chenillés (grumiers) Lombard[2].
Chemin de fer «Umbazooksus and Eagle Lake»
Vers 1925, Lacroix propose à la Great Northern un approvisionnement en bois par flottage sur la rivière Musquacook, qui se jette dans la rivière Allagash, jusqu'à un endroit à proximité du fleuve St-Jean où le bois peut être chargé sur le chemin de fer Bangor and Aroostook. Mais le tarif ferroviaire exigé est trop élevé pour que l'opération soit rentable. Indompté, Lacroix propose avec l'ingénieur O. A. Harkness de la Northern, de construire un chemin de fer à travers les forêts, le chemin de fer «Umbazooksus and Eagle Lake». Malgré son coût élevé, le nouveau chemin de fer sauve 35 ¢/corde de bois (4 pi. X 4 pi. X 8 pi.) par rapport au tarif de la Bangor & Aroostook. Au cours de l'hiver 1926-1927, Lacroix utilise des semi-chenillés Lombard pour acheminer du matériel ferroviaire lourd par voie terrestre de Lac-Frontière à Churchill Depot, puis sur les lacs gelés Churchill et Eagle. Le matériel lourd à transporter inclut deux locomotives à vapeur (72 et 90 tonnes, (la chaudière de la 90 t est enlevée pour être transportée séparément), une pelle mécanique à vapeur Eerie Steam Shovel No. 181 (pour ouvrir des tranchées à travers les collines et récupérer le gravier nécessaire à l'assise de rails), 2 aiguilleurs à essence de marque Plymouth (4 roues, 18 tonnes), des kilomètres de rails en acier et le matériel roulant pour construire 20 wagons sur place; chacun mesure 32 pieds (9,7536 m) de long, avec des côtés hauts en lattes et peut contenir 12 cordes de bois de 4 pieds. Trois convoyeurs actionnés par moteur diesel sont construits pour récupérer le bois du lac Eagle, le transporter sur une distance de 225 pieds (68,58 m) et à une hauteur de 25 pieds (7,62 m); deux des convoyeurs fonctionnent simultanément et chacun peut remplir un wagon en 18 minutes (il y en a toujours un d'arrêté pour entretien ou réparation)[3]. Un pont ferroviaire à chevalet en bois de 1 500 pieds (457,2 m) de long (incluant 5 sections de 20 pieds de portée appuyées sur des digues d'enrochement) et 10 pieds (3 m) de hauteur au-dessus de l'eau, est construit pour traverser la rivière Allagash à l'extrémité nord du lac Chamberlain. Une jetée sur chevalet de 600 pieds (182,88 m) de long est construite à l'autre extrémité de la voie, au nord du lac Umbazooksus, pour faciliter le déchargement du bois[4].
La «Great Northern Paper Company» qui avait laissé Lacroix prendre tous les risques, achète le chemin de fer le 1er juin 1927 (tout en confiant l'exploitation à Lacroix) et le rebaptise «Eagle Lake and West Branch Railroad»[5].
Fonctionnement
Les deux locomotives à vapeur, originellement au charbon, sont converties pour brûler du mazout car les cendres et le mâchefer évacués sur la voie sont à l'origine de nombreux feux de forêt. Les fûts de produits pétroliers pour alimenter les convoyeurs à bois, les aiguilleurs et les locomotives à vapeur, représentent une part importante des fournitures nécessaires à l'exploitation du chemin de fer. La compagnie Great Northern construit un embranchement à la voie ferrée (long de 5 milles/8 km, qui n'est pas prévu pour le transport de bois) pour prolonger le chemin de fer de Lacroix en vue de s'approvisionner à partir de la jonction Greenville, Maine, sur la voie ferrée «St-John-Montreal» du chemin de fer Canadian Pacific et l'extrémité d'un embranchement de la Bangor & Aroostook Railroad, plutôt que par Lac-Frontière au Québec. Les marchandises sont transportées sur 45 miles de route forestière, puis sur le lac Chesuncook par le bateau à vapeur à roues à aubes «AB Smith»[1]; le reste du trajet s'effectue sur le nouvel embranchement «Chesuncook and Chamberlain Lake Railroad» qui débute au débarcadère des bateaux à vapeur, à l'extrémité nord du lac Chesuncook, longe la rive Est du lac Umbazooksus jusqu'à son extrémité nord où se situe le quai de déchargement du bois du chemin de fer de Lacroix[4] - [5]. La great Northern doit faire venir un troisième aiguilleur (par le sud, sur le bateau à aubes) pour le transport du train de marchandise sur l'embranchement.
Sur le chemin de fer Eagle Lake and West Branch Railroad, les opérations de routine s'effectuent avec deux trains de dix wagons; l'un est chargé de bois et se dirige vers le sud, du lac Eagle au lac Umbazooksus, et l'autre retourne à vide vers le nord. L'aller-retour s'effectue en 3 heures et les deux trains se croisent sur une voie double à mi-parcours. Les deux aiguilleurs servent à manœuvrer les wagons, le premier lors du chargement au lac Eagle et l'autre lors du déchargement au lac Umbazooksus, pendant qu'on entretient et qu'on réapprovisionne les locomotives en seulement 10 minutes par un château d'eau et des réservoirs de carburant sur pilotis. Pour accélérer le déchargement du bois, le rail extérieur de la jetée est surélevé de 6 pouces (15,24 cm) par rapport au rail du bord du lac; de plus, le plancher de chaque wagon est incliné de 12 pouces (30,48 cm) du côté déchargement dont le panneau à lattes est articulé par le haut pour s'ouvrir lorsque les loquets du bas sont relâchés pour laisser le bois glisser dans le lac Umbazooksus (ce panneau articulé aurait été conçu par le mécanicien en chef de Lacroix, Émile Labbé). Un barrage flottant le long de la jetée, est relié à une poulie fixée à un point d'ancrage plus loin sur le lac, ce qui permet de repousser les billots vers le large avec l'aiguilleur. Les débris d'écorce qui s'accumulent au fond du lac doivent être déplacés périodiquement et c'est encore l'aiguilleur qui remorque un râteau le long de la jetée afin de maintenir la profondeur nécessaire au flottage. En moyenne, 6 500 cordes de bois sont acheminées par semaine[5] permettant à « Great Northern Paper Company » (la plus grosse usine à papier au monde) de fabriquer environ un cinquième de la production annuelle de papier des États-Unis[1].
Fin des opérations
La demande de papier diminue drastiquement pendant la Grande Dépression et le chemin de fer est fermé en 1933 après avoir transporté près d'un million de cordes de bois[3]. Les aiguilleurs et les rails de l'embranchement (Chesuncook and Chamberlain Lake Railroad) sont récupérés par la Great Northern tandis que les locomotives à vapeur sont remisées sur place près des wagons abandonnés. Lorsque les conditions économiques se sont améliorées après la seconde guerre mondiale, il est plus rentable pour la Great Northern d'utiliser des camions plutôt que de restaurer le chemin de fer et les vieilles locomotives. Le pont à chevalet du lac Chamberlain s'est progressivement effondré, mais les employés du Maine Forest Service ont continué d'utiliser un véhicule à moteur sur la section de deux milles entre le lac Eagle et le lac Chamberlain[6].
L'atelier des locomotives abandonnées est devenu une destination populaire pour les motoneigistes dans les années 1960[8] et des accessoires de laiton comme les jauges, les cloches, les phares et les plaques d'immatriculation ont commencé à disparaître des locomotives. L'atelier est détruit accidentellement en 1969[9]. En effet, l'État du Maine prend possession de la région des « Allagash Waterway » en 1966 et décide de détruire les vieux bâtiments pour des raisons de sécurité et pour maintenir l'aspect naturel. En 1969, le Service des Forêts du Maine reçoit l'ordre de relocaliser ses quartiers et de détruire sa Maison Forestière et les bâtiments associés dans le secteur du Tramway; l'employé chargé du travail comprend qu'il fallait brûler tous les bâtiments, ce qu'il fait, incluant l'atelier des locomotives.
En 1995, des travaux de conservation sont effectués, une locomotive couchée dans la boue est redressée, les chemises des chaudières des locomotives et le revêtement en amiante sont retirés. Les coques de la locomotive dépouillées et peintes en noir restent un rappel unique de la révolution industrielle dans les forêts du nord du Maine[5].
Fabricant | Année | Modèle | No série | Poids | |
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No 1 | Schenectady Locomotive Works | 1897 | 4-6-0 | 4552 | 72 tonnes |
No 2 | Brooks Locomotive Works | 1901 | 2-8-0 | 4062 | 90 tonnes |
Notes et références
- « The Northern: The Way I Remember », John E. Mcleod (consulté le )
- (en) Amanda Barker, « Lacroix's Legacy » [PDF] (consulté le )
- Pike, Robert E. Tall Trees, Tough Men W.W.Norton & Company (1999) (ISBN 0393319172) p.164
- Rice, Douglas M. Log and Lumber Railroads of New England (3rd edition) The 470 Railroad Club (1982) -p.2
- « The Eagle Lake & West Branch Railroad », Maine Bureau of Parks and Lands (consulté le )
- Smith, Dwight A. Northern Rails (1967) p.15
- Eagle Lake and West Branch Railroad locomotives Location 46.322445, -69.374989
- Erickson, Anne R. Snowmobile Rendezvous in Down East magazine pp.64&65
- Smith, Charles M. The Locomotives at Chamberlain Lake The 470 Club Newsletter (August, 1978) p.11
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Mystery In Maine, The Story of a Lost Railway, by Jim Shaughnessy
- Lacroix's Legacy
- A Tramp To The Tramway (convoyeur construit en 1901)