Château des Crozes
Le château des Crozes est une demeure qui se dresse sur la commune de Frontenaud (71580), dans le département de Saône-et-Loire, en région Bourgogne-Franche-Comté.
Le Château des Crozes | |||
Le Château des Crozes en 2018 | |||
Type | Château | ||
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Architecte | François DULAC | ||
Début construction | 1875 | ||
Fin construction | 1884 | ||
Propriétaire initial | Jules LOGEROTTE | ||
Propriétaire actuel | L'EHPAD le Château des Crozes | ||
Destination actuelle | Etablissement public autonome hébergeant des personnes âgées dépendantes | ||
Protection | Inscrit MH (2016) | ||
Coordonnées | 46° 32′ 31″ nord, 5° 18′ 33″ est | ||
Pays | France | ||
Ancienne province de France | Bourgogne | ||
Région | Bourgogne-Franche-Comté | ||
Département | Saône-et-Loire | ||
Commune | Frontenaud | ||
Géolocalisation sur la carte : Saône-et-Loire
Géolocalisation sur la carte : France
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Site web | www.ehpad-chateaudescrozes.fr | ||
Historique
En 1875, le député de Saône-et-Loire, M. Jules Logerotte (1823-1884), également Conseiller Général du Canton de Cuiseaux et sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-arts, commande auprès de l’architecte François DULAC, la construction du Château des Crozes, dans les hauteurs de la commune de Frontenaud. Le chantier s’étendra jusqu’en 1884 et donnera naissance à l’un des édifices les plus remarquables de son époque.
Son style singulier, généreusement décoré de détails ornementaux, lui vient directement de l’abondante inspiration de son architecte. Ses archives ont permis de retracer la chronologie du chantier et une centaine de dessins des plans rend compte du haut niveau de précisions attendu par le créateur.
À l’intérieur du château, les boiseries, les placards, les cheminées et les parquets ont été longuement travaillés. De grandes fresques représentant la famille Logerotteainsi que des scènes historiques ou mythologiques ornent les murs des différents salons.
C’est au décès de Jules Logerotte, en 1884, que le château est légué à sa fille Madame Rose de Laverine, épouse du capitaine de Laverine « mort pour la France ».
Le deuxième fils de Madame De LAVERINE, Hubert De LAVERINE, s’est réfugié, en 1842 à son retour de captivité, dans les terres d’origine de sa femme, Antoinette Pathé, à Oradour-sur-Glane où une mort tragique lui arriva le 10 juin 1944 lors du massacre perpétré par le 1er bataillon du 4e régiment de SS. Malheureusement sa femme et ses deux filles, Mireille et Thérèse, feront également parties des 643 victimes de ce massacre. Seul leur fils, Hervé De LAVERINE, survivra à cette horreur et deviendra le dernier héritier de Rose De LAVERINE.
Au décès de madame de Laverine, en 1952, le petit-fils de la défunte décide de mettre en vente le château des Crozes. L’édifice sera acquis en 1956 par le Syndicat Intercommunal du château des Crozes comprenant les communes de Condal, Champagnat, Dommartin-lès-Cuiseaux, Flacey-en-Bresse, Frontenaud, Le Miroir, Sagy, Sainte-Croix-en-Bresse et Varennes-Saint-Sauveur.
C’est en 1956, sous l’impulsion du docteur Paul Guimet de Varennes-Saint-Sauveur, le "toubib du maquis", que ce syndicat intercommunal se constitua pour racheter le bien et y créer une maison de retraite. Son expérience avait en effet permis au Docteur GUIMET de mettre en avant le besoin social que ressentaient de plus en plus les personnes âgées de la région.
La maison de retraite créée par le Syndicat a été inaugurée le 5 mai 1957 par Monsieur le Préfet de Saône et Loire, Monsieur le Président du Conseil général et de nombreux parlementaires du Département.
Les communes constituant le syndicat s’unirent donc côte-à-côte pour mener à bien cette entreprise et inaugurer cette maison de retraite « pour vieillards et convalescents » comme le mentionnait la presse d’alors, le 5 mai 1957.
La maison de retraite, agréée provisoirement le 19 septembre 1957, a ouvert ses portes le 4 novembre 1957 et par décret du 30 mars 1961 a été érigée en Etablissement Public. Le premier résident fut Monsieur Duchesneau, fils d’un ancien médecin de Louhans.
Depuis, des extensions et travaux divers se sont succédé au fil des décennies, en 1974 et en 1993, sous la présidence au Conseil d'administration de l'ancien sénateur de Saône-et-Loire, René BEAUMONT. Le château des Crozes est maintenant un Etablissement hébergeant des personnes agées dépendantes (Ehpad), pouvant accueillir 91 personnes. Un projet de restructuration visera à détacher les annexes de 1974 et 1993 du château afin de lui rendre son unité.
Aujourd'hui, le château abrite l'administration de l'Ehpad ainsi que les cuisines.
Avec sa chapelle et la ferme bressane du domaine, le château fait l'objet d'une inscription aux monuments historiques depuis le [1].
L'Architecture
par M. SACCARO, Docteur en histoire de l'Université de Bourgogne
L'un des édifices les plus importants édifiés par François Dulac est le château des Crozes à Frontenaud (Saône-et-Loire). Le cadastre de 1824 montre que l'emplacement du château, à proximité de la ferme des Courbes, était vierge de toute construction, mais il est possible qu'une maison ait été construite au milieu du siècle, les plans de l'architecte mentionnant l’« ancienne construction ».
Dans le dernier tiers du XIXe siècle, cette terre appartenait à Jules-Benoit Logerotte (1823-1884). Fils d'un juge de Chalon-sur-Saône, il avait étudié le droit avant de devenir avocat à la Cour d'Appel de Paris, puis de regagner la Bourgogne. Inscrit au barreau de Louhans, républicain, il fut élu conseiller général du canton de Cuiseaux en 1872 puis député de Saône-et-Loire en 1876, mandats qu'il conserva jusqu'à sa mort. Membre de la Gauche républicaine, ami de Jules Ferry, il fut le rapporteur du budget des Beaux-arts et du projet de loi relatif à l'isolement et à l'agrandissement des bâtiments de la Bibliothèque nationale en 1882. Le président du conseil Charles Duclerc le nomma sous-secrétaire d'Etat au ministère de l'Instruction publique et aux Beaux-Arts, fonction qu'il occupa du 10 août 1882 au 20 février 1883 « sans compétence artistique particulière », mais « pour renforcer l'action des ministres de l'Instruction publique, alors en pleine bataille au Parlement pour imposer la réforme scolaire et universitaire ». Les recensements de population montrent que Jules Logerotte ne vivait pas en permanence dans sa propriété.
En 1874, pour reconstruire partiellement sa propriété de Frontenaud, Jules Logerotte fit appel à François Dulac, son collègue du conseil général qui partageait les mêmes opinions. Le chantier s'étendit entre 1875 et 1884, sa chronologie pouvant être établie à partir des archives de l'architecte, qui comportent une centaine de plans d'exécution de la « construction de M Logerotte. »
Le 12 janvier 1874, François Dulac fournit les dessins des pignons et de la tourelle méridionale, et ceux des menuiseries du vestibule et du salon. Le 20 mai 1875, le dernier plan de la tourelle fut achevé, suivi par d'autres détails d'exécution pour les menuiseries des portes, des plafonds et des chambres, et un projet de lit le 30 décembre.
En 1876, les plans d'exécution concernent toujours le même corps de métier, avec les profils des huisseries et de l'escalier nord, mais aussi le plan des armoires. François Dulac expédia à l'entrepreneur en maçonnerie les dessins des lucarnes et de la cheminée de la cuisine.
En 1877, outre les plans de menuiserie, l'architecte donna ceux du calorifère, de l'escalier d'honneur et d'un parquet. Le 1er juin, François Dulac rédigea une estimation de la « maison de campagne en construction aux Crozes ». À ce moment, seule l'aile nord pouvait être habitée, bien qu'elle n'ait pas encore été achevée. En ce qui concerne le corps central et l'aile sud, la maçonnerie était achevée et la charpente posée. L'architecte en conclut au peu de valeur de la construction en l'état.
Le 27 septembre 1878, il donna le plan de la porte du porche occidental.
En 1879, il fournit les profils des boiseries du salon, et un projet de table de chevet. Les derniers envois concernent les menuiseries du cabinet de travail, le 7 février 1880.
Le château des Crozes présente un plan classique en H, avec un corps de logis encadré par deux ailes nord et sud, l'ensemble ayant deux niveaux d'élévation sur un soubassement. La construction fut presque entièrement réalisée en pierre calcaire, provenant des carrières jurassiennes voisines, et couverte de tuiles vernissées formant des motifs losangés. Les crêtes de zinc y répondent aux souches de cheminée en brique.
À l'ouest, entre les pignons des deux ailes, la façade principale montre un avant-corps saillant. Un soubassement peu élevé s'achève sur un cordon mouluré continu. Le premier niveau est cantonné de colonnes à chapiteaux composites, présentant un rang de feuillages et de crochets. L'espace est occupé par deux cabinets, éclairés par des fenêtres étroites, de part et d'autre d'un porche. On y accède par une arcade couverte d'un arc segmentaire, reposant sur des colonnes dont les chapiteaux sont identiques aux précédents.
Sur les côtés, deux bancs de pierre se font face, encadrant une porte rectangulaire soulignée par une modénature large et simple, prolongeant celle du cordon de soubassement. Le porche est couvert d'une voûte d'ogives en plâtre, dont la clé est ornée d'un motif floral. Un cordon larmier continu sépare le rez-de-chaussée de l'étage. Celui -ci est éclairé par une claire-voie, scandée par des colonnettes sur piédestaux moulurés, entre lesquels les allèges forment des métopes aux motifs floraux, avec le monogramme de Jules Logerotte au centre. Les linteaux chanfreinés des cinq fenêtres sont soulignés par des arcs de décharge en brique. La corniche soutenue par des corbeaux est interrompue par une grande lucarne légèrement pénétrante, percée de trois fenêtres chanfreinées et d'une petite baie géminée. Les faces latérales de l'avant-corps reçoivent le jour par deux fenêtres hautes et peu larges. À l'étage, l'encadrement saillant se détache d'une maçonnerie de brique.
Entre l'avant-corps et les pignons, les élévations sont très courtes et identiques. Une petite baie carrée donne le jour au soubassement, dont le cordon souligne la fenêtre du rez-de-chaussée, qui présente une allège ornée d'un bossage en pointe-de-diamant. La fenêtre du premier étage possède un encadrement fortement saillant et mouluré, avec un appui ponctué de deux médaillons à motifs floraux. Une petite baie à traverse permet d'éclairer un cabinet. Au-dessus de la corniche, on trouve une lucarne très simple, avec un fronton triangulaire. Les deux murs-pignons des ailes nord et sud sont identiques. Leurs percements sont réguliers, avec un décor différencié et hiérarchisé pour les deux fenêtres de chaque niveau. Un chanfrein agrémente les deux baies décalées du soubassement. Celles du rez-de-chaussée sont rehaussées d'un tore et d'une allège moulurée, celles du premier étage ont un appui .et un encadrement saillant, celles du second étage sont simplement chanfreinées avec un linteau sur coussinets. Enfin, les deux petites baies des combles sont seulement décorées de chanfreins. Le pignon à crossettes est amorti par une souche de cheminée.
La façade septentrionale présente un caractère néogothique plus affirmé. Les ouvertures sont placées de manière irrégulière, qu'il s'agisse des grandes baies carrées et chanfreinées du soubassement ou des fenêtres à traverse du rez-de-chaussée et de l'étage, qui présentent le même décor. L'axe central de l'élévation est marqué par une porte de service couverte d'un arc segmentaire, rehaussée par le cordon mouluré du soubassement, et dont la clé est restée à l'état de bloc équarri. À main droite se trouve la poignée de la cloche d'appel, installée près de la corniche, dans une niche hémisphérique. Un oriel à trois niveaux et à trois pans souligne également I ‘axe médian de l'élévation. Ses deux premiers niveaux, bâtis en pierre, sont percés chacun de trois fenêtres à tore et cavet, avec une allège moulurée. Le dernier niveau, établi en bois, montre trois croisées sous une corniche mordillonnée. La base de l'oriel se trouve en encorbellement au-dessus de la porte de service, reposant partiellement sur un support en fer forgé avec deux consoles demeurées sans sculptures.
La façade orientale est encadrée par les deux murs-pignons des ailes nord et sud, légèrement saillantes. Ceux-ci sont identiques à leurs pendants occidentaux, à quelques détails près. En raison de la pente du terrain, le soubassement est plus élevé. Les fenêtres du rez-de-chaussée et de l'étage conservent la même ornementation mais sous la forme de baies géminées. Entre les deux ailes, l'élévation du corps central est prolongée par une véranda, le soubassement formant une terrasse à laquelle on accède par un perron. Avant les transformations du dernier quart du XXe siècle, celui -ci présentait un degré adouci, flanqué de deux départs formés de piliers trapus et moulurés. Le soubassement de la terrasse était percé du même type de baies que les murs-pignons voisins. Un parapet scandé de motifs floraux entourait la terrasse et soutenait les panneaux vitrés de la véranda, dont la couverture formait un appentis sous l'appui des fenêtres du premier étage.
La véranda communique avec toutes les pièces du rez-de-chaussée exposées au levant.
Les deux grandes salles situées dans les ailes sont chacune accessibles par une porte latérale, ornée d'un tore et d'un cavet. Le premier niveau du corps central est percé de cinq portes, dont quatre sont géminées. Toutes présentent une forte modénature similaire à la précédente. La porte centrale est encadrée par deux niches encadrées d'un large cavet scandé de boutons floraux. Cinq fenêtres éclairent le premier étage. Les trois principales présentent un encadrement très saillant, avec un linteau à crossettes et des piédroits dont le chanfrein est ponctué de gros boutons. Un fronton triangulaire couronne la fenêtre centrale, qui est encadrée de deux petites fenêtres à traverse chanfreinées. Trois lucarnes donnent le jour aux combles. Celle qui occupe l'axe médian est percée d'une baie géminée et de deux jours. Les deux autres sont de dimensions plus réduites, avec des percements simples.
La perception de la façade méridionale est difficile, en raison des modifications profondes intervenues dans la seconde moitié du XXe siècle. La composition présente la même dissymétrie que pour l'aile nord, et les baies sont du même type. Comme un pendant à l'oriel septentrional, François Dulac avait prévu une tourelle circulaire, à deux niveaux d'élévation, en encorbellement au niveau de la corniche, et qui n'existe plus. Deux demi-lucarnes encadraient un premier niveau percé de trois baies jumelées. Une petite fenêtre éclairait le second niveau, sous une ceinture de corbeau portant une poivrière de pierre à ressauts. Il faut noter que les quatre pignons des deux ailes abritent un petit escalier à leur revers, permettant d'assurer facilement l'entretien des cheminées et de la couverture.
À l'intérieur, François Dulac a donné libre cours à son inspiration ornementale, comme en témoignent ses nombreux plans d'exécution de menuiserie.
La distribution du rez-de-chaussée est assez inhabituelle. Le corps central est occupé par un vestibule central sur lequel s'ouvrent deux couloirs, délimitant ainsi quatre petites pièces. Quatre autres salles prennent place dans les deux ailes adjacentes. Les fonctions originelles de ces espaces ne sont plus connues aujourd'hui. Les deux petites pièces orientales furent couvertes d'une voûte d'arêtes en plâtre, très surbaissée, dont les solives de rive reposent sur des modillons. Les arêtes sont soulignées par une frise de perles au nord, et une frise alternant perles et feuillages au sud. Les petites cheminées de pierre polie sont traitées de manière géométrique.
À l'ouest, les deux autres petites pièces ont un plafond à solives apparentes posées sur arête. On trouve le même type de couvrement dans la grande pièce du sud-ouest, mais les solives sont peintes de rinceaux à motifs floraux sur fond ocre, et les entrevous ornés de carreaux de faïence mêlant motifs végétaux stylisés et géométriques. La cheminée en pierre polie présente une composition rigoureuse, avec deux frises végétales, au manteau et au couronnement de la hotte.
Les deux réceptions principales se trouvaient au sud-est et au nord-est. Dans la première, les boiseries à hauteur d'appui sont ornées de caissons, et scandées par les portes des placards, dont l'épais chambranle est agrémenté d'une frise de billettes. Les menuiseries sont peintes en blanc avec des rehauts dorés. Les trois murs sont recouverts de toiles marouflées, signées et datées de 1880 par Paul Pompon. Né à Sens, élève de Jean-Léon Gérôme (1824-1904), il fut nommé peintre officiel de la Marine en 1883. À la demande de Jules Logerotte, dont les initiales figurent dans les médaillons inférieurs des angles, il exécuta trois grandes toiles bordées d'une frise de pampres sur fond rouge. La première montre le débarquement des Grecs sur le site de la future Phocée, la seconde deux scènes opposées, l'une de culte grec et l'autre une druidesse s'apprêtant à cueillir le gui, près d'un cavalier gaulois s'éloignant. Le troisième tableau montre Jeanne d'Arc gardant ses moutons, et ayant une vision de ses futurs faits d'armes.
Ce cycle peut être interprété comme une synthèse de geste nationale, la France naissant de la rencontre des cultures classiques et locales, prélude à l'accomplissement johannique. La face sud de la pièce est la seule à ne pas avoir reçu de toile marouflée, à cause de la présence des deux fenêtres et d'une cheminée haute et étroite. Une épaisse frise de feuilles d'érable occupe le manteau, la hotte disparaissant au profit d'une niche encadrée par deux colonnettes habillées de rinceaux de lierre, supportant un entablement richement sculpté de feuillages. Le plafond est du même type que les précédents, mais avec une ornementation plus riche. Corbeaux, poutres et chevêtres sont peints en noir, avec des rehauts de rouge et d'or. L'intrados des poutres maîtresses présente des rinceaux de pampres sur fond ocre. Une frise dentelée habille les deux faces de chaque solive, alternant feuilles de lierre sur fond brun et motifs floraux sur fond ocre. Les entrevous sont revêtus de plaques de faïence sur lesquels court un rinceau ponctué d'œillets, de pensées et de muguet.
De l'autre côté, le décor de la salle nord-est est assez similaire. Les boiseries ont été seulement vernies, les chambranles des portes sont plus simples que les précédents, seulement ponctués de motifs floraux. Les trois toiles marouflées ne sont ni datées ni signées, mais la manière est différente de celle de Paul Pompon. La première montre un cortège seigneurial du Moyen Âge se dirigeant vers un château, dans un cadre bucolique qui n'est pas sans évoquer celui de Frontenaud, avec le Revermont comtois en arrière-plan. La seconde est une scène de moisson en Bresse, tout à fait contemporaine ; dans laquelle le château des Crozes apparaît à l'arrière-plan. La troisième est beaucoup moins anecdotique, montrant le paiement des redevances en nature dans une abbaye médiévale. Des paysans soumis s'avancent avec crainte, l'un d'entre eux n'a pu fournir son dû et s'en explique auprès de l'abbé, assis dans une cathèdre, une cassette à ses pieds. Les vêtements monastiques laissent à penser qu'il s'agit d'une évocation de l'ancienne abbaye cistercienne du Miroir, toute proche du château des Crozes. Les scènes sont encadrées par des frises de fruits sur fond bleu.
Ici, les toiles ne forment pas un cycle unitaire, mais une juxtaposition de trois scènes de genre, la dernière exprimant de manière subtile l'anticléricalisme du commanditaire. Entre les fenêtres, le mur fut également recouvert d'une toile marouflée à caractère naturaliste.
La cheminée de pierre polie montre des chapiteaux feuillagés supportant un manteau orné d'une large frise de fleurs d'églantine. Le rétrécissement ébrasé porte le monogramme de Jules Logerotte. La fausse hotte est composée de deux parties. Un cadre de pierre porte deux médaillons de bronze, montrant des scènes de danse antique. Au-dessus, un fronton triangulaire porte trois socles et abrite une pendule au tympan. Le plafond est assez similaire au précédent, mais les poutres, chevêtres et solives ont reçu un fond ocre rehaussé de rouge. Ces dernières montrent un rinceau de lierre sur chaque face, les carreaux des entrevous ayant des motifs floraux stylisés.
Avec la cage d'escalier, le vestibule occupe la plus grande partie du corps central. Il s'étend principalement entre les degrés et la façade méridionale. Ses deux faces sont percées chacune d'une porte ornée d'un large tore. Des corbeaux à motifs floraux individualisés soutiennent une voûte en berceau segmentaire. Des frises de perles et de feuilles de houx sur fond rouge agrémentent l'intrados des arcs doubleaux. Les entrevous de plâtre sont peints en bleu pâle, avec un discret semis de perles en quinconce. Avant l'escalier, le vestibule s'ouvre sur deux couloirs perpendiculaires, encadrés par trois colonnettes, dont deux jumelées. Ces supports annelés portent des chapiteaux composites d'inspiration romane, au large tailloir. Chaque couloir est couvert d'une voûte identique à celles des deux petites pièces méridionales. La voûte du vestibule s'achève au niveau du palier de l'étage, par une poutre moulurée, soutenue par deux pièces plus courtes. Entre les deux rampes de l'escalier, une porte agrémentée d'une accolade au linteau donne accès à la seconde partie du vestibule, qui communique avec la porte principale et les deux cabinets de l'avant-corps occidental. Les sols du vestibule paraissent avoir été refaits dans la seconde moitié du XXe siècle.
L'escalier présente deux volées au rez-de-chaussée, avec des départs formés de piliers en pierre polie moulurée. Les rampes métalliques forment de vigoureux rinceaux, qui se prolongent de part et d'autre de la volée unique, après le repos. À l'étage, le palier forme un balcon sur trois côtés. Les murs présentent une boiserie à hauteur d'appui, ainsi que deux pilastres surmontés de gros chapiteaux feuillagés. De là, deux couloirs desservent des appartements formés de chambres et de cabinets, dont l'ornementation est simple.
Certains plafonds ont des solives posées sur arêtes mais sans peinture décorative, les boiseries et les chambranles sont sobrement moulurés. Seuls quelques placards ont un encadrement plus riche avec un chanfrein enrichi d'une frise de billettes. Naturellement, dans les combles, les chambres de domestiques sont très austères, mais certaines présentent tout de même les plafonds à solives posées sur arêtes. Sur la face nord, un escalier de service monte de fond. Entre chaque niveau, on trouve deux volées parallèles et un repos éclairé par les trois fenêtres de l'oriel. Sur chacun des paliers, l'extrémité supérieure du mur-noyau forme un corbeau fortement mouluré et agrémenté d'un motif feuillagé, pour supporter la poutre du plafond à entrevous en berceaux segmentaires.
Par ailleurs, François Dulac conçut une partie du mobilier. Outre les menuiseries des placards, on lui doit des armoires dont la structure chanfreinée est enrichie de frises de billettes. Une table de toilette ; portant le monogramme de Jules Logerotte, a également été conservé. En revanche, on ne peut savoir si les projets de lit, de table de chevet et de chaise ont abouti.
Enfin, la nouvelle construction fut implantée au milieu d'un parc à l'anglaise nouvellement tracé. Un petit bâtiment de dépendances fut établi au sud-est du château, sous la forme d'une construction traditionnelle bressane, avec des murs à pans de bois et un important toit de tuiles.
À peu de distance de la demeure, une chapelle néo romane fut construite au-dessus d'un caveau de famille. Seule la porte paraît avoir été dessinée par François Dulac. Son linteau, à l'épais chanfrein, repose sur des coussinets au profil complexe.
En Bourgogne, le château des Crozes est certainement le meilleur exemple de l'assimilation des thèses de l'Histoire d'une maison. L'ouvrage a paru en 1873, alors que les premiers plans de François Dulac datent de janvier 1874. À première vue, les principes Viollet-le-Duc ne sont pas flagrants dans le plan et la distribution. Cependant, l'architecte bourguignon a vraisemblablement dû s'adapter à un bâtiment préexistant, ce qui expliquerait le classique plan en H. Cependant, l'organisation de l'espace est assez originale, avec des circulations horizontales et verticales bien comprises, et structurant fortement les différents niveaux de la résidence.
La composition est très équilibrée, l'ampleur des volumes étant compensée par leur élévation et le léger ressaut observé à chaque changement de niveau. L'horizontalité des façades nord et sud a été habilement rectifiée, respectivement grâce à l'oriel et à la tourelle en encorbellement.
Du point de vue constructif, François Dulac a multiplié les citations de la maison de Paul. La maçonnerie est faite de moellons piqués, la pierre de taille étant réservée aux baies, aux cordons, corniches, rampants et angles. Les grands et hauts pignons sont à crossettes, chaque niveau est légèrement décalé vers l'intérieur. Le chanfrein prédomine dans la modénature, on retrouve régulièrement les baies géminées, mais aussi la claire-voie de l'étage. Le métal joue un rôle structurel, avec le renforcement des pièces de charpenterie, mais aussi ornemental, comme le montre la véranda. Dans le choix des matériaux, l'architecte bourguignon a également retenu la leçon, en privilégiant les productions locales. La pierre provient des carrières jurassiennes toutes proches, y compris celle des cheminées polies. De même, ce sont des artisans de la région qui ont œuvré aux Crozes, qu'il s'agisse du maçon de Cousance (Jura) ou du menuisier de Louhans (Saône-et-Loire). Ce faisant, il s'est parfois éloigné de la lettre de la maison de Paul. Ainsi, les tuiles vernissées de deux tons différents ont été préférées aux ardoises, et l'escalier d'honneur possède des marches de pierre. François Dulac est même allé plus loin que son modèle, en systématisant l'usage des poutrelles métalliques habillées de bois, comme l'attestent les plans d'exécution destinés au menuisier.
C'est dans le répertoire formel que la distance est la plus forte par rapport au modèle Viollet-le-Duc. D'une part, François Dulac est allé bien au-delà de la sobriété de la maison de Paul, où l'ornementation extérieurs est très réduite. À l'inverse, le château des Crozes témoigne de la place éminente donnée à la modénature, avec des profils amples ou compliqués, mais également au motif végétal. Si certains éléments, comme les boutons floraux, sont de véritables citations, d'autres relèvent de répertoires propres à François Dulac, à l'instar des églantines et des feuillages. De même, à l'intérieur, les cheminées et les éléments de mobilier témoignent d'un attrait irrésistible pour la ligne droite, la géométrisation des formes s'étendant par la stylisation des végétaux. La peinture ornementale des plafonds atteste encore d'un enseignement rationaliste bien compris, avec l'emploi des tons en aplat, et des contrastes équilibrés.
D'autre part, bien des formes ne relèvent visiblement pas des canons de François Dulac. Les chapiteaux d’avant-corps et du vestibule, et surtout le décor de la chapelle, sont la marque d'une inspiration toute différente. En effet, leurs formes éclectiques relèvent davantage de l'historicisme, et sont trop éloignées du répertoire de l'architecte bourguignon. On peut en déduire que Jules Logerotte a confié ces apports à un autre architecte, qui n'apparait malheureusement pas dans les archives Dulac, De même, bien qu'elles soient l'œuvre de deux artistes distincts, les toiles marouflées sont d'une facture toute académique. Pour autant, ces apports ne nuisent pas vraiment à un ensemble qui demeure très harmonieux, même si la divergence d'inspiration n'est pas masquée.
Le château des Crozes est une manifestation éclatante de l'influence des ouvrages pratiques de Viollet-le-Duc, peu de temps après leur publication, et de leur puissance pédagogique. Cette construction, pour reprendre les termes de François Dulac, témoigne également de la capacité d'assimilation de ce dernier, qui a su adapter, développer et interpréter les thèses rationalistes, Son écriture néogothique va déjà au-delà de l'archéologie, selon un processus de géométrisation de la forme, Les principes qu'il pose dans cette première œuvre ont déjà atteint leur maturité. Ils révèlent en filigrane les multiples expériences que leur auteur avait menées depuis le milieu des années 1850. L'ambition du château des Crozes était visiblement d'établir une œuvre totale du rationalisme architectural, s'étendant au mobilier. Le projet était sans doute un peu trop audacieux pour le commanditaire, et celui-ci tempéra les volontés de son architecte par des apports plus académiques, notamment en termes d'ornementation, quitte à altérer légèrement la profonde unité d'ensemble.
Notes et références
- Liste des objets immobiliers protégés en 2016, JORF n°0065 du 17 mars 2017 sur Légifrance
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