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Catastrophe de Port Chicago

La catastrophe de Port Chicago est l'explosion accidentelle de deux cargos de munitions en cours de chargement, le , à Port Chicago, en Californie (États-Unis). La catastrophe fit 320 morts, 400 blessés et de très importants dégâts matériels.

Localisation sur la carte des États-Unis
Port Chicago

Localisation sur la carte des États-Unis

Port Chicago.
Port Chicago au début de l'année 1944.
Embarcadère après la catastrophe.
Schéma montrant la position du SS E. A. Bryan et du SS Quinault Victory.
La jetée de Port Chicago après l'explosion du 17 juillet 1944.

Le contexte

Durant la Seconde Guerre mondiale, la flotte amĂ©ricaine du Pacifique Ă©tait approvisionnĂ©e en munitions par un dĂ©pĂ´t, appelĂ© le « Naval Ammunition Depot », situĂ© Ă  Port Chicago, Ă  50 km au nord-est de San Francisco, dans la baie de Suisun. La localitĂ© de Port Chicago, peuplĂ©e de 1 500 habitants, se trouvait Ă  2,5 km du dĂ©pĂ´t. La base navale de Mare Island, situĂ©e Ă  proximitĂ©, avait Ă©galement un dĂ©pĂ´t de munitions oĂą s'effectuait le chargement des cargos.

La construction du dĂ©pĂ´t de Port Chicago avait Ă©tĂ© autorisĂ©e le , deux jours après l'attaque de Pearl Harbor, et le dĂ©pĂ´t commença Ă  fonctionner en novembre 1942. Le site de Port Chicago avait Ă©tĂ© utilisĂ© comme chantier naval pendant la Première Guerre mondiale. Il Ă©tait desservi par trois lignes de chemin de fer : Southern Pacific, Santa Fe et Western Pacific. Les munitions provenaient principalement d’une usine situĂ©e Ă  Hawthorne (Nevada). Ă€ leur arrivĂ©e Ă  Port Chicago, les wagons Ă©taient placĂ©s entre des murs de protection en bĂ©ton. Le train avançait ensuite sur une jetĂ©e le long de laquelle pouvaient accoster deux cargos. La caserne des marins chargĂ©s de la manutention, tous des conscrits afro-amĂ©ricains, Ă©tait distante de 1,5 km.

La United States Navy, qui avait une longue tradition de sĂ©grĂ©gation Ă  l'Ă©gard des Afro-AmĂ©ricains, en recrutait depuis 1932, mais en nombre limitĂ©. Ils Ă©taient confinĂ©s Ă  des tâches subalternes, dans les cuisines, ou affectĂ©s Ă  la manutention des munitions. En 1942, l'U.S. Navy se rĂ©signa Ă  accepter des Afro-amĂ©ricains dans les services gĂ©nĂ©raux, mais dans des unitĂ©s qui leur Ă©taient rĂ©servĂ©es. Il y avait 150 000 Afro-AmĂ©ricains dans l'U.S. Navy, mais ils n'effectuaient aucun service en mer et il n'y avait aucun officier afro-amĂ©ricain.

Au moment de la catastrophe, il y avait au dĂ©pĂ´t de Port Chicago 1 400 conscrits afro-amĂ©ricains, 71 officiers, 106 gardes de marine et 230 civils. Ni les officiers, tous blancs, ni les hommes n'avaient reçu la moindre formation pour manipuler les munitions. Il existait des consignes de sĂ©curitĂ©, mais les hommes affectĂ©s Ă  cette tâche subissaient une Ă©norme pression pour effectuer les chargements le plus rapidement possible. Les officiers faisaient mĂŞme des paris sur la quantitĂ© de munitions que leur Ă©quipe pourrait charger en 8 heures et ils menaçaient les hommes de sanctions pour que le travail avance plus vite.

Le chargement des munitions dans les cargos s'effectuait sans interruption. Trois Ă©quipes de 125 hommes se succĂ©daient toutes les huit heures. Les conditions de travail Ă©taient très pĂ©nibles. Les hommes transportaient les munitions manuellement sans gants de protection, ou au moyen de chariots. Les bombes de forte puissance Ă©taient roulĂ©es depuis les wagons par une rampe, jusqu'Ă  la jetĂ©e, puis placĂ©es dans des filets de chargement Ă©tendus sur le sol. Les munitions Ă©taient très variĂ©es : balles de petit calibre, bombes Ă  fragmentation, bombes incendiaires, bombes Ă  charges creuses, bombes jusqu'Ă  2 000 livres. Puis les filets Ă©taient descendus dans la cale au moyen des bras du navire et les munitions Ă©taient rangĂ©es par couches, isolĂ©es par des copeaux de bois.

L'explosion

Dans la soirée du , deux navires étaient en cours de chargement :

  • Le Liberty ship SS E. A. Bryan avait 4 178 tonnes (mĂ©triques) de munitions et d'explosifs Ă  bord, après quatre jours de chargement, et 98 conscrits afro-amĂ©ricains y travaillaient. Ă€ bord se trouvaient Ă©galement l'Ă©quipage de 31 hommes de l'U.S. Merchant Marine et 13 gardes de marine armĂ©s.
  • Le Liberty ship SS Quinault Victory Ă©tait amarrĂ© Ă  l'embarcadère depuis 18 heures ce soir-lĂ  et en cours de chargement par 100 conscrits afro-amĂ©ricains. Il s'agissait de son premier voyage. Ă€ bord se trouvaient les 36 hommes d’équipage et 17 gardes.

Une barge de pompiers des gardes-cĂ´tes Ă©tait Ă©galement amarrĂ©e Ă  la jetĂ©e, sur laquelle se trouvaient 430 tonnes de bombes attendant d'ĂŞtre chargĂ©es, une locomotive et 16 wagons avec 3 civils et un marine en sentinelle.

Une Ă©norme explosion eut lieu Ă  22 h 18. Elle fut entendue Ă  300 km et l'onde de choc fut ressentie jusqu'Ă  Boulder (Colorado), Ă  800 km. Selon les tĂ©moins, il y eut d'abord un Ă©clair blanc brillant accompagnĂ© d'une dĂ©tonation sourde, suivi, six secondes plus tard par une explosion plus violente lorsque le chargement du E. A. Bryan explosa. Une colonne de feu et de fumĂ©e s'Ă©leva Ă  plus de km de hauteur au-dessus de Port Chicago. Des dĂ©bris de mĂ©tal chauffĂ© Ă  blanc et des bombes qui n'avaient pas explosĂ© furent projetĂ©s en l'air et retombèrent jusqu'Ă  km du lieu de l'explosion. L'Ă©quipage d'un avion de l'ArmĂ©e qui volait Ă  3 000 mètres d'altitude vit passer des morceaux de mĂ©tal aussi gros qu'une maison. Selon le copilote, le « feu d’artifice » dura une minute.

Conséquences

L'explosion, dont la cause ne fut jamais dĂ©terminĂ©e avec certitude, creusa un cratère de 22 mètres de profondeur, 100 mètres de large et 230 mètres de long dans la rive du fleuve Sacramento. La jetĂ©e en bois longue de 400 mètres, la locomotive et les wagons, le SS E. A. Bryan et 320 hommes disparurent, dont 202 marins afro-amĂ©ricains. Il ne restait pas un seul morceau identifiable du SS E. A. Bryan et la poupe du SS Quinault Victory gisait retournĂ©e Ă  200 m de la jetĂ©e.

Une Ă©quipe du Los Alamos National Laboratory, qui travaillait alors sur le projet Manhattan, Ă©tudia l’explosion : elle fut Ă©valuĂ©e Ă  l’équivalent de 2 000 tonnes de trinitrotoluène (TNT)

Le Mémorial national du dépôt de Port Chicago.

Les conscrits afro-américains survivants furent envoyés à la base toute proche de Mare Island. Quelques jours plus tard, ils y reçurent l'ordre de faire le même travail dans les mêmes conditions qu'à Port Chicago. Cinquante d'entre eux refusèrent, provoquant la mutinerie et le procès de Mare Island.

L'U.S. Navy racheta la ville de Port Chicago dans les années 1960. Le dépôt fut incorporé à la « Concord Naval Weapons Station », qui fut un important port d'embarquement de munitions pendant la guerre du Viêt Nam. Il fut aussi, dans les années 1970 et 1980, le site de manifestations pacifistes.

Chaque année a lieu sur le site une cérémonie du souvenir. En 1994, fut inauguré un mémorial qui rappelle le rôle de Port Chicago pendant la Seconde Guerre mondiale ainsi que l'explosion du , qui fut la catastrophe industrielle la plus meurtrière de la guerre sur le territoire des États-Unis.

Liens externes et sources

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