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Canuck Letter

The Canuck Letter (lettre des Canucks) est une fausse lettre Ă  l’attention de l’éditeur du Manchester Union Leader, journal rĂ©gional du New Hampshire, publiĂ©e le , deux semaines avant l'Ă©lection primaire dĂ©mocrate dans cet État, au dĂ©but du processus de dĂ©signation du candidat dĂ©mocrate Ă  l’élection prĂ©sidentielle de 1972. Cette lettre laisse entendre que le sĂ©nateur Edmund Muskie, candidat du Parti dĂ©mocrate, a portĂ© prĂ©judice aux AmĂ©ricains d’ascendance franco-canadienne. L’effet immĂ©diat de la lettre est d’obliger le candidat Ă  faire un discours devant le siège du journal, connu comme le discours larmoyant (« the crying speech Â»). L’effet indirect est l’effondrement de la candidature de Muskie.

La lettre

Avec une écriture enfantine et bourrée de fautes d’orthographe, l’auteur de la Canuck Letter prétend avoir rencontré Muskie et son équipe en Floride. Il affirme avoir demandé à Muskie comment il pouvait comprendre le problème des Afro-Américains, compte tenu de la faible population noire dans le Maine, l’État où était élu Muskie. Selon la lettre, un membre de l’équipe de Muskie aurait alors répondu : « Pas de noirs, mais nous avons des Canucks », et Muskie aurait ri en entendant cette remarque. Canuck est un terme péjoratif pour désigner les Américains d’origine franco-canadienne, qui représentent un nombre significatif d’électeurs dans le New Hampshire.

Le discours larmoyant

La nuit du , soit trois jours avant la primaire du , Muskie prononce un discours devant les bureaux de l’Union Leader, qualifiant l’éditeur, William Loeb de menteur, et le fustigeant pour avoir brocardĂ© le caractère de sa femme, Jane Muskie. Plusieurs journaux, dont le Washington Post ou le Boston Globe, relatent cet Ă©vĂ©nement en Ă©crivant que Muskie a pleurĂ© lors de son discours. Le journal tĂ©lĂ©visĂ© du soir de CBS montre son visage contorsionnĂ© par l’émotion. Muskie maintient que ce que les journalistes ont pris pour des sanglots dans sa voix Ă©tait en fait l’expression de sa colère. L’éditeur, William Loeb, Ă©tait dĂ©jĂ  un adversaire de Muskie lors de la campagne prĂ©sidentielle de 1968 (Muskie Ă©tait candidat dĂ©mocrate Ă  la vice-prĂ©sidence), et l’avait alors qualifiĂ© de girouette, ou encore l’avait surnommĂ© « Moscow Muskie Â». D’après Muskie, ce que l’on a pris pour des larmes, Ă©tait en fait de la neige (il neigeait abondamment) fondue sur son visage. Le reporter du New York Times situĂ©, lors de cette scène, juste Ă  cĂ´tĂ© de Muskie, n’a pas pu confirmer qu’il avait pleurĂ©.

L'effondrement de Muskie

Quelle que soit la vérité, la crainte de l’état émotionnel supposé instable de Muskie, incite plusieurs démocrates du New Hampshire à passer du côté d’un autre candidat, George McGovern. Muskie remporte la primaire avec 46 % des voix, McGovern réalisant 37 %. Cette marge est plus faible que ce que son équipe de campagne avait prévu. Cette progression et cette deuxième place provoquent un élan décisif dans la campagne de McGovern. En , Muskie était de loin le favori, battant le président Nixon de 8 points selon les sondages. Lors de la primaire en Floride qui suit une semaine plus tard, alors que McGovern redouble d’effort avec un afflux de sympathisants de gauche pour faire sa campagne sur le terrain, la campagne de Muskie est au point mort. Muskie retire sa candidature avant la convention démocrate à Miami, en juillet, qui voit la nomination de McGovern.

Les accusations

La journaliste du Washington Post Marilyn Berger a Ă©crit plus tard que le directeur adjoint des communications de la Maison-Blanche, Ken Clawson s’était vantĂ© auprès d'elle d’avoir Ă©tĂ© l’auteur de la lettre, ce que Clawson a niĂ©. En , dans le cadre de l’affaire du Watergate, des enquĂŞteurs du FBI ont affirmĂ© que la Canuck letter Ă©tait l’une des opĂ©rations de sabotage politique (dirty tricks) contre les dĂ©mocrates orchestrĂ©es par le ComitĂ© pour la rĂ©Ă©lection du PrĂ©sident (CRP) et Donald Segretti, un avocat employĂ© pour ce type de travail par un conseiller du prĂ©sident. Loeb, l’éditeur de l’Union Leader, a maintenu que la lettre n’était pas un faux. Toutefois, il a plus tard fait Ă©tat d’un doute, après avoir reçu une autre lettre prĂ©tendant que quelqu’un avait Ă©tĂ© payĂ© 1 000 dollars pour Ă©crire la Canuck letter. L’auteur prĂ©sumĂ© de la lettre n’a jamais Ă©tĂ© retrouvĂ©. L’histoire de cette lettre est l’objet d’un long passage dans le livre des journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein, Les Hommes du prĂ©sident.

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