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CĂ©lestine Henri

Célestine Henri, née vers 1777, est une femme qui a accompagné l’aérostier et pionnier du parachutisme André-Jacques Garnerin dans un voyage en ballon le 22 messidor an VI à partir du parc Monceau à Paris[2].

CĂ©lestine Henri
Gravure d’actualité : « Ascension en Montgolfière par le physicien Garnerin et la Citoyenne Henri[1]. »
Biographie
Naissance
Vers
Activité

Plusieurs femmes avaient dĂ©jĂ  effectuĂ© des ascensions en ballon : le , la marquise et la comtesse de Montalembert, la comtesse de Podenas et une demoiselle de Lagarde avaient effectuĂ© une ascension dans un ballon captif Ă  Paris et Élisabeth Tible avait fait une ascension dans un ballon libre le [3], la « Citoyenne Henri Â» a nĂ©anmoins Ă©tĂ© mentionnĂ©e comme la première femme « qui ait jamais eu le courage de s’aventurer dans les rĂ©gions aĂ©riennes Â».

Annonce et interdiction

En 1798, Garnerin, l’aĂ©ronaute prĂ©fĂ©rĂ© des Parisiens pour avoir tentĂ©, le premier, une descente en parachute, le [4], et cherchant toujours la nouveautĂ© pour intĂ©resser le public parisien, annonça qu’une « jeune personne du sexe[4] Â» l’accompagnerait lors de sa prochaine ascension. MĂŞme si d’autres femmes Ă©taient dĂ©jĂ  montĂ©es en ballon, toute la ville fut en Ă©moi Ă  l’idĂ©e qu’un homme allait se trouver dans la nacelle d’un ballon en tĂŞte Ă  tĂŞte avec une jeune fille et, en dĂ©pit du soutien de son projet par le public et la presse[5], le citoyen Picquemard, commissaire du Bureau Central, dĂ©fendit Ă  Garnerin de mettre son projet Ă  exĂ©cution. Garnerin fut contraint de justifier son projet devant le Bureau central de la police. « J’étais prĂ©sent, Ă©crit Picquemard, quand le citoyen Garnerin vint au Bureau Central… InterrogĂ© s’il avait prĂ©vu les accidents qui pouvaient rĂ©sulter de la seule pression de l’air sur des organes aussi dĂ©licats que ceux d’une jeune fille, il rĂ©pondit qu’il ne voyait pas qu’il put en survenir. InterrogĂ© si, dans le cas oĂą sa compagne Ă©prouverait des affections douloureuses, produites par la peur ou une Ă©lĂ©vation non calculĂ©e, au point de lui faire perdre le sentiment de connaissance, sa manĹ“uvre et sa propre suretĂ© ne se trouveraient pas compromises de la manière la plus dangereuse pour lui et sa compagne, a dit qu’il rĂ©pondait de tout[6].

Insatisfaite des rĂ©ponses de Garnerin, la police Ă©mit une mise en demeure lui interdisant l’ascension. « Outre que les magistrats, en prenant cet arrĂŞtĂ©, ont cru veiller au maintien des mĹ“urs, ils y ont encore Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©s par le doux sentiment de l’humanitĂ©, cruellement affectĂ© chez eux Ă  la seule idĂ©e d’une jeune fille se livrant, sans motif utile, Ă  une Ă©preuve dont elle n’avait pas mĂŞme calculĂ© les effets[4] Â», ajoutait le commissaire du Bureau Central. Garnerin protesta et les journaux engagèrent une polĂ©mique. Dans une lettre insĂ©rĂ©e au Moniteur du 11 florĂ©al, il annonça que le bureau central de police, pris d’un subit et inexplicable accès de pudeur, venait d’interdire son ascension « avec une personne d’un sexe diffĂ©rent ». Le Moniteur du 13 florĂ©al publia une note, probablement communiquĂ©e par la police, insistant sur ce que « le spectacle de deux personnes de sexe diffĂ©rent s’élevant publiquement en ballon est indĂ©cent et immoral[7] ».

Garnerin ne se tint pas pour battu, et fit agir ses amis de l’AcadĂ©mie des Sciences et du Parlement[7]. Le ministre de l’IntĂ©rieur et le ministre de la Police intervinrent et invitèrent le bureau central Ă  rapporter son arrĂŞtĂ©, le Moniteur du 27 prairial an VI annonça que l’administration centrale de la Seine avait annulĂ© l’arrĂŞtĂ© du bureau central de police considĂ©rant qu’« il n’y a pas plus de scandale Ă  voir deux personnes de sexe diffĂ©rent s’élever ensemble dans l’air, qu’à les voir monter dans une mĂŞme voiture[4] Â». Ils ont Ă©galement conclu que « d’ailleurs on ne peut empĂŞcher une femme majeure de faire Ă  cet Ă©gard ce que l’on permet aux hommes, et de donner, en s’élevant dans les airs, une preuve Ă  la fois de confiance et d’intrĂ©piditĂ©[4] Â». L’ascension, depuis si longtemps annoncĂ©e, allait enfin pouvoir avoir lieu.

Garnerin avait déjà choisi la Citoyenne Henri pour l’accompagner et, à la suite de la levée de l’interdiction, il était immédiatement prêt à procéder à son plan. Il annonça, dans l’Ami des Lois, son ascension dans les dix jours à venir, au parc de Mousseaux[8], en soulignant :

« La jeune citoyenne qui consent à m’accompagner est ravie de voir approcher le jour du voyage[4]. »

Le vol

Après avoir Ă©tĂ© obligĂ© d’en reculer la date par mauvais temps, un grand nombre de spectateurs se rĂ©unirent, le [7], dans le parc Monceau pour assister Ă  l’ascension depuis si longtemps annoncĂ©e. Ă‚gĂ©e de 21 ans, la Citoyenne Henri Ă©tait belle. Elle apparut au bras du chevalier de Saint-George et fit, avec Garnerin, plusieurs tours de parc sous les applaudissements de la foule, avant que l’astronome JĂ©rĂ´me Lalande ne lui offre la main pour monter dans la nacelle. L’astronome Lalande lui offrit la main pour l’aider Ă  entrer dans la nacelle « oĂą elle s’est Ă©lancĂ©e avec la plus grande intrĂ©piditĂ©[4] Â». Tandis que le ballon montait aux acclamations d’une foule innombrable qui couvrait la chaussĂ©e du boulevard extĂ©rieur et la plaine Monceau, Lalande faisait observer que cet exemple de courage donnĂ© par une femme « avait lieu le jour mĂŞme oĂą Beauvais cĂ©lĂ©brait la levĂ©e du siège de 1472, par la valeur d’une autre femme, Jeanne Hachette Â». Le journal qui rapporte cette coĂŻncidence remarque que la citoyenne Henri a fait plus d’une rivale « en cette occasion comme en bien d’autres sans doute[4] Â». « Nous avons vu, ajoute le gazetier, pleurer de chagrin ou de dĂ©pit des femmes qui avaient dĂ©jĂ  pris leurs dispositions pour disputer Ă  la citoyenne Henry le prix du courage[4]. Â» Le ballon s’éleva sans incident Ă  plus de 3 000 mètres et le voyage prit fin Ă  Goussainville[4], Ă  environ 30 kilomètres au nord de Paris, Ă  neuf heures du soir[7]. « Les voyageurs, dit le Moniteur, n’ont Ă©prouvĂ© d’autre accident que celui d’être arrĂŞtĂ©s comme suspects par un agent municipal qui a trouvĂ© mauvais qu’on voyageât dans les airs sans passeport en bonne et due forme[7]. Â»

Postérité

Garnerin donna, après l’ascension, un cadeau à la Citoyenne Henri. Comme il n’existe aucune trace de la relation entre Garnerin et elle, on ignore où il l’avait recrutée pour l’ascension ou quelles étaient ses motivations lorsqu’elle accepta. Le Moniteur du 27 messidor publia en outre la relation officielle rédigée de la main de Garnerin, qui louait fort le courage de sa compagne[7]. L’intérêt qu’elle suscita dans la presse dura quelques jours, mais sa renommée fut rapidement éclipsée lorsque, peu de temps après, le , Jeanne Labrosse, future épouse de Garnerin, monta également à bord de son ballon. Elles forment cependant toutes deux le premier équipage entièrement féminin qui mena leurs propres observations et relevés météorologiques à bord de leur aérostat, comme en témoigne le Rapport des citoyennes Henry et Labrosse sur leur voyage aérien publié dans La Chronique Universelle du 17 novembre 1798[9]. Par la suite, les exploits en parachutisme de la femme de Garnerin et de sa nièce Élisa, et les ascensions en solo en montgolfière de Sophie Blanchard, ont réduit la performance, moins impressionnante, de Célestine Henri à une note dans l’histoire de l’aérostation.

Notes et références

  1. Annemarie Kleinert, Le « Journal des Dames et des Modes Â» : ou la conquĂŞte de l’Europe fĂ©minine (1797-1839), Jan Thorbecke, 2001, 502 p., p. 215-6
  2. Gaston Tissandier, Histoire des ballons et des aéronautes célèbres : 1783-1800, Paris, H. Launette, 1887, 180 p., p. 148.
  3. Guillot Le Songeur, L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 43e année, 2e semestre, Paris, 1908, 1028 p., p. 547-8.
  4. G. Lenotre, Paris qui disparaît, Paris, Grasset, 1937, 295 p., (ISBN 978-2-24679-843-9).
  5. Revue aérienne, vol. 5, Services d’aviation de l’univers automobile, 1912, p. 422.
  6. L’Ami des lois du 12 floréal an VI.
  7. Marcellin Pellet, L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, année 29, vol. 49, 1er semestre 1904, Paris, B. Duprat, p. 493.
  8. Autrefois connu sous le nom de « parc de Mousseaux Â», le parc Monceau est ainsi dĂ©signĂ© dans de nombreuses sources. Voir Édouard Charton (dir.), « Le parc Mousseaux », Le Magasin pittoresque, Paris, s.n. « 19e annĂ©e », no 23,‎ , p. 179-181 (ISSN 1770-7080) (BNF 32810629) lire en ligne sur Gallica. ConfisquĂ© au duc de Chartres lors de la RĂ©volution, il Ă©tait bien national depuis 1793.
  9. « Export Embed », sur RetroNews.fr (consulté le ).

Bibliographie

  • Gaston Tissandier, Histoire des ballons et des aĂ©ronautes cĂ©lèbres : 1783-1800, Paris, H. Launette, 1887, 180 p., p. 148.
  • Revue aĂ©rienne, vol. 5, Services d’aviation de l’univers automobile, 1912, p. 422.
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