Boucle de chaussure
Les boucles de chaussures sont des accessoires de mode portés par les hommes et les femmes du milieu du XVIIe siècle au XIXe siècle, en passant par le XVIIIe siècle. Les boucles de chaussures étaient fabriquées dans divers matériaux, notamment le laiton, l'acier, l'argent ou l'argent doré, et les boucles pour les tenues de cérémonie étaient serties de diamants, de quartz ou d'imitations de bijoux[1].
Histoire
Le soulier masculin moderne, à talons et lacets, fut conçu au début du XVIIe siècle, ce qui suscita nombre d'idées : lacets et nœuds de rosette, rubans, « rose de rubans plissés, cascade de ruban en "petite oie" ou grandes raquettes montées sur métal, en ailes de moulin à vent ou de libellule » [2]. C'est au milieu de ce flux d'excentricités qu'apparut en milieu de siècle[3] la boucle de chaussure : « décorative et précieuse, elle est aussi fonctionnelle : elle permet une fermeture rapide des pattes de quartier sur l’empeigne »[2]. Samuel Pepys écrivit dans son journal, à la date du : « Ce jour, j'ai commencé à mettre des boucles à mes chaussures, que j'ai achetées hier à M. Wotton »[4].
« Apparue vers 1660, démodée vers 1670, revenue vers 1680, la boucle ne s’impose qu’au début du XVIIIe siècle comme la fermeture évidente du soulier élégant »[2]. Elles devinrent un signe d'ostentation, sauf pendant les deuils, ou or et argent brillant étaient proscrits. Les boucles d'acier de Wolverhampton connurent le succès. Pour les soirées, on sortait des boucles serties de pierreries, et un courtisan avait souvent en plus paire de boucles de jarretières pour serrer la culotte aux genoux. La démesure de Versailles alla jusqu'à la création de boucles serties de diamants : « 1788, à la veille de la Révolution, Louis XVI – grand amateur de pierreries – en fait réaliser une paire, ornée de 80 diamants identiques, taillés en brillants, pesant chacun plus d’un carat : elle est estimé à 48 000 livres, soit environ 400 000 euros. Livrée en 1789, elle n’est sans doute portée qu’une fois, pour la cérémonie d’ouverture des États généraux »[2]. Quand ce n'étaient pas les diamants c'était la "pierre du Rhin" de Georges Frédéric Strass, joailler du roi, connue aujourd'hui sous le nom de strass.
« Les formes, les motifs, les formats évoluent en effet beaucoup. A partir de 1775, la taille des boucles prend une très grande ampleur, couvrant tout le cou-de-pied. Outre-manche, elles sont appelées Artois shoe buckles en référence au comte d’Artois, le plus jeune frère de Louis XVI et futur Charles X, alors célèbre pour son élégance de mirliflor ».
« Les hommes portaient d’énormes boucles d’argent, si grandes qu’elles rasaient le parquet des deux côtés ; elles blessaient souvent les chevilles, et, si le coup était violent , c’était une vraie blessure. Elle se renouvelait souvent par des coups successifs et produisait une plaie douloureuse. Je l’ai éprouvé, et, après avoir souffert courageusement ces effets de notre divinité, la mode, je fus forcé d’y renoncer, et de souffrir, avec un courage plus difficile, les sarcasmes des hommes d’esprit sur mes petites boucles. Mais comme j’ai toujours eu la manie, blâmable sans doute, de ne jamais suivre entièrement la mode, au point d’en être souvent remarqué , j’avoue que je mis quelque vanité dans mes petites boucles. Un présent de ces larges boucles fut envoyé par un de nos princes au prince Henri de Prusse, et le grand Frédéric s’en moqua beaucoup ; il dit que nous mettions à nos souliers les boucles de nos harnais de carrosses »[5]. Cela provoqua des moqueries : Dans la pièce de Sheridan, Le Voyage à Scarborough (1777), Lord Foppington, ironise : si les boucles servaient jusque là à tenir la chaussure, « la situation est inversée maintenant, et la chaussure ne sert plus qu’à tenir la boucle ».
La Révolution française mit un terme progressif aux boucles, signes de stupre et de luxe. « Dès l’automne 1789, les "dons patriotiques" envoient aux hôtels des monnaies pour 1 million de livres de boucles de souliers, dans la tradition des fontes d’Ancien Régime »[2]. Le Dictionnaire nationalde Pierre-Nicolas Chantreau définissait en 1790 les boucles d’argent comme un « ornement superflu qui désigne un aristocrate, ou un égoïste au cœur de bronze »
À partir de 1792, la nécessité de financer la guerre contre les souverains européens inspira des cérémonies pendant lesquelles les citoyens envoyaient leurs boucles de chaussures en argent à la fonte, pour sauver la « Patrie en danger ». En échange, ils reçoivent des boucles carrées, de fer ou de laiton, sur lesquelles une inscription félicite le donateur d’avoir payé « le prix du patriotisme français ». Cela provoqua la faillite des fabricants anglais : « pour la seule région de Birmingham-Wolverhampton, le nombre de fabricants de boucles passe de 253 fabricants en 1770 à … à peine 20 en 1818. »[2]. En outre, le Blocus continental imposé en 1806 à la couronne britannique par Napoléon y contribua fortement. Bonaparte, premier Consul puis Empereur, portait lui-même des boucles à ses souliers, et encouragea une production française, notamment parisienne. « La boucle de chaussure masculine jette sous l’Empire (1804-1814) ses derniers feux, qui s’éteindront sous la Restauration (1814-1830) »[2].
Galerie
- Paire de boucles de chaussures d'homme en acier et fil doré, Angleterre, vers 1777-1785. LACMA
- Boucles de chaussures de femme en argent et acier avec pierres en pâte, 1780-85. LACMA
- Boucles de chaussures d'homme avec étui. Pierres en pâte avec garniture en alliage cuivreux doré sur argent et acier, France, vers 1785. LACMA
- Boucles de chaussures en acier taillé pour homme, États-Unis, années 1780. LACMA
- Boucle probablement française, début du XVIIIe. The Met
- Boucles conservées au Norsk Folkemuseum
- Boucle portugaise. Musée Soares dos Reis
- Chaussure française baroque, début XVIIIe. Bata Shoe Museum
- Paire de chaussures de femme en damas de soie avec boucles, 1740-1750. Londres, Angleterre, Spitalfields.
- Fin XVIIIe, The Met
- Chaussures anglaises, milieu XVIIIe siècle, The Met
- Chaussure probablement française, entre 1760 et 1775.
- Style monk
- Taft de Lucca
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Shoe buckle » (voir la liste des auteurs).
- Takeda and Spilker (2010), p. 183
- Aymeric Peniguet de Stoutz, La boucle de chaussure. L'auteur a placé son travail dans le domaine public
- Tortora and Eubank (1995), p. 190
- The Diary of Samuel Pepys, Sunday 22 January 1659/60
- Mémoires de Monsieur le comte de Vaublanc, Firmin Didot Frères, 1857, p. 139.