Accueil🇫🇷Chercher

Black Face

Black Face est la vingtième histoire de la série Les Tuniques bleues de Lambil et Raoul Cauvin. Elle est publiée pour la première fois du no 2315 au no 2325 du journal Spirou, puis en album en 1983.

Black Face
32e histoire de la série Les Tuniques bleues
Scénario Raoul Cauvin
Dessin Lambil
Couleurs Vittorio Leonardo
Genre(s) Franco-Belge
Historique

Personnages principaux Sergent Chesterfield
Caporal Blutch
Général Alexander
Capitaine Stilman
Lieu de l’action Drapeau des États-Unis États-Unis

Éditeur Dupuis
Première publication 1982
ISBN 2-8001-0877-0
Nb. de pages 48

Prépublication Spirou
Albums de la série

Résumé

La Guerre de Sécession perdure, au grand dam du général Alexander. Ce dernier réunit son état-major et envisage une nouvelle stratégie consistant à provoquer une révolte chez la population noire sudiste afin de déstabiliser les lignes ennemies. Les Nordistes sont censés se battre officiellement pour l'abolition de l'esclavage et la liberté de la population noire. Le régiment de Stark étant décimé, ils décident d'envoyer les deux cavaliers survivants, Blutch et Chesterfield en territoire ennemi. Ils accompagnent pour cela un fossoyeur noir, qui se fait surnommer par les soldats Black Face. Malheureusement, Blutch et Chesterfield se retrouvent séparés de leur homme, qui se rend alors auprès de la population locale, pour prêcher la révolte, non pas uniquement contre les Sudistes, mais contre la population blanche tout entière. En effet, Black Face considère que, qu'on soit chez les Nordistes ou chez les Sudistes, la solution pour les noirs reste la même : ils sont toujours inférieurs aux Blancs, et ne peuvent se prétendre libres.

Très vite, la situation dégénère. Incontrôlable, Black Face multiplie les incendies et les attaques contre les civils, avant de traverser la frontière pour se rendre dans le camp des Nordistes. Alexander se retrouve alors confronté à une révolte de Noirs dans le camp censé défendre la cause de ces derniers. Ne pouvant mater cette révolte sans provoquer de sérieux problèmes politiques, le général décide de faire appel à Ripley, un lieutenant sadique mis aux arrêts. Il est ordonné à ce tortionnaire raciste et sa troupe d'endosser des uniformes confédérés avant de tuer Black Face, dans le but de faire accuser les Sudistes du massacre.

Apprenant les manigances du général Alexander, Blutch et Chesterfield parviennent à rejoindre puis à prévenir Black Face, réfugié dans une église avec ses hommes. L'insoumis refuse de se rendre, arguant qu'il sera exécuté de toute manière. Black Face laisse partir Blutch et Chesterfield avant d'affronter jusqu'à la mort Ripley et sa troupe de nordistes déguisés, lors d'un combat qui ne laisse aucun survivant.

Après ce combat sanglant, Blutch et Chesterfield décident de contrer le plan de leur général en brûlant les uniformes sudistes, mais ils sont arrêtés en flagrant délit par une patrouille de l'Union qui les présente ensuite au général Alexander. Celui-ci perd toute retenue et décide sadiquement de condamner les deux soldats à une exécution immédiate qu'il dirigera personnellement, mais le capitaine Stilman s'insurge et parvient à raisonner son supérieur, qui renonce à l'exécution et réaffecte le sergent et le caporal à leur affectation habituelle du 22e régiment de cavalerie du capitaine Stark.

Personnages

  • Sergent Chesterfield : Ă  l'honneur dans cet album, Chesterfield se fâche très rapidement avec "Black Face", qui, en contrepartie, le surnomme Blanc d'Ĺ“uf. Éternel naĂŻf, Chesterfield croit en effet dur comme fer que la raison fondamentale de cette guerre est l'abolition de l'esclavage, et a par consĂ©quent du mal Ă  comprendre pourquoi "Black Face" se montre aussi dĂ©sagrĂ©able avec lui. Il serait sans douce excessif de considĂ©rer Chesterfield comme un personnage raciste, mais la manière dont il envisage la condition noire, et la manière dont il lui arrive parfois de parler des Noirs est ambivalente. Sans condamner la population noire, il ressort clairement des idĂ©es de Chesterfield une forme de supĂ©rioritĂ© de la population blanche sur les Noirs, les Blancs devant aider et logiquement guider ces derniers. On comprend aisĂ©ment en ce sens pourquoi lui et "Black Face" ne peuvent s'entendre.
  • Caporal Blutch : en retrait dans cet album, Blutch est un spectateur neutre et impartial, qui laisse la plupart du temps Chesterfield et "Black Face" se taper dessus, sans Ă©mettre vĂ©ritablement d'opinions sur les causes de cette guerre. Blutch est assez lucide dans cet album. Il se rapproche assez de "Black Face" dans leurs opinions sur la guerre, et partage sans doute son avis sur le fait que les Noirs ne sont qu'un prĂ©texte dans cette guerre, mais ne cherche pas Ă  prendre position.
  • Black Face : personnage central de l'album, "Black Face" est une allĂ©gorie, un personnage sans nom, qui incarne brièvement toute la frustration d'une population qui, peu importe oĂą elle se trouve, est toujours considĂ©rĂ©e comme une espèce infĂ©rieure devant se battre pour prouver aux Blancs qu'ils sont dignes d'ĂŞtre comme eux, d'ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme des "hommes", ainsi que le sous-entend Ă  plusieurs reprises Chesterfield. "Black Face" est un personnage intelligent et dĂ©sabusĂ©, qui sait pertinemment que, derrière les mensonges des Nordistes, la situation des Noirs, libres ou pas, ne change pas, car ils sont condamnĂ©s Ă  exercer des travaux mĂ©diocres et Ă  affronter le mĂ©pris de la population.
  • Lieutenant Ripley : malade mental nordiste remis en circulation pour rĂ©soudre le problème "Black Face". En effet, quand ce dernier retourne dans les pays nordistes et commence Ă  propager la rĂ©volte, Alexander doit trouver une solution pour Ă©viter de dĂ©shonorer les forces de l'Union. Il envoie donc Ripley, un lieutenant tortionnaire et cruel, se battre contre les Noirs rĂ©voltĂ©s. Ripley ne laissera aucun survivant, mais mourra dans cet assaut avec tout son rĂ©giment. Étant donnĂ© sa rĂ©putation, il est probable que sa mort ne manquera pas Ă  grand-monde.
  • GĂ©nĂ©ral Alexander : le gĂ©nĂ©ral envisage dans cet album une stratĂ©gie fumeuse et risquĂ©e pour affaiblir les ConfĂ©dĂ©rĂ©s. Si on admet en effet que les Nordistes se battent pour l'abolition de l'esclavage, et donc, par extension, pour la libertĂ© et les droits de la population noire, son idĂ©e ne semblait pas si mauvaise que ça... En rĂ©alitĂ©, Alexander sait très bien que les causes profondes de cette guerre ne sont pas la promotion de la libertĂ© des Noirs, mais il escompte probablement sur la crĂ©dulitĂ© de cette population, considĂ©rĂ©e comme infĂ©rieure, pour se battre en leurs noms. Son plan se retourne malheureusement contre lui, car les Noirs sont loin d'ĂŞtre aussi crĂ©dules que ne l'est Chesterfield, et se retourneront, autant contre les Sudistes que contre les Nordistes. Il ressort en dĂ©finitive une image peu glorieuse du gĂ©nĂ©ral, qui est responsable d'un vĂ©ritable carnage.
  • Capitaine d'État-Major Stephen Stilman : de prime abord, Stilman se comporte en officier peu prĂ©occupĂ© par la conduite de la guerre, tranquillement assis comme Ă  son habitude en sirotant silencieusement son jus de fruit. Durant l'exposĂ© du plan d'Alexander, il se met Ă  tousser bruyamment comme s'il avait avalĂ© de travers son zeste de citron, dĂ©rangeant les autres officiers qui Ă©voquent alors entre eux les origines sudistes du perturbateur. Cependant, loin d'ĂŞtre un simple officier incompĂ©tent, Stilman se distingue dans cet album en tant qu'homme avisĂ© et non dĂ©pourvu de principes. Ainsi, il s'Ă©trangle dès l'instant oĂą Alexander parle de l'abolition de l'esclavage comme d'un simple prĂ©texte de la cause nordiste. Enfin, Ă  la suite de l'Ă©chec sanglant de la mise en scène imaginĂ©e par Alexander, Stilman Ă©coute sa conscience et impose exceptionnellement son point de vue aux autres officiers, Ă©pargnant ainsi le peloton d'exĂ©cution Ă  Blutch et Chesterfield.

Historique

Pour écrire le scénario de Black Face, Cauvin s'est inspiré de divers documents traitant du rôle des noirs durant la guerre de Sécession. L'œuvre présente également des éléments issus de son imagination.

L'album indique bien les rôles qu’exerçaient les noirs autant du côté Nord que du côté Sud.

Dans la Confédération, les noirs portaient bien le nom d'esclaves et ceux-ci étaient considérés comme tels. Ils travaillaient essentiellement dans les plantations qui constituaient une grande ressource de main d’œuvre[1] (p. 19). Dans l'Union, les noirs avaient effectivement le statut de libres mais occupaient tout de même une place inférieure aux blancs, ils étaient encore victimes de ségrégation. Ce titre autorisait les personnes noires à entrer dans l'armée[1] mais ils exerçaient les plus sales corvées comme le nettoyage des latrines, l'ensevelissement des morts ou les travaux de terrassement (p. 5). Ils subissaient encore de la discrimination en ayant un salaire de misère [1] d'un montant de 7$ par mois qui ne leur permettait pas de vivre confortablement comme les blancs qui, eux, touchaient 13$ par mois (p. 20).

Le but de cette guerre est mentionné avec subtilité par Raoul Cauvin lors d'un dialogue de l'État-Major unioniste (p. 8). Pour les Unionistes, les généraux ont fait croire aux noirs que la guerre était menée pour l'abolition de l'esclavage mais en réalité, le but principal était l'appropriation des richesses venant du Sud[2], à savoir les champs de coton, ainsi que le maintien des États-Unis[3]. Le Sud, lui, était contre l'abolition de l'esclavage car les noirs assuraient la survie de leurs plantations ainsi que le train de vie de l'aristocratie[2].

Enfin, le personnage de fiction "Black Face" nous en apprend également sur leur place dans l'armée unioniste. Cauvin a créé ce personnage pour représenter les noirs qui jouaient un rôle en tant qu'agents de renseignement au sein des troupes de l'Union.

Avec beaucoup de ressemblances avec la dure réalité des noirs en cette période, le manque de sources ne nous permet pas de dire si les rébellions de noirs du côté du Nord ont réellement eu lieu. Les événements cités en page 24 de la BD ne sont donc pas vérifiables.

Publication

Notes et références

  1. Christine Hatt (trad. de l'anglais), L'esclave, de l'Afrique aux Amériques, Bonneuil-les-eaux, Gamma, , 63 p. (ISBN 2-89069-718-5), Pp55-56
  2. « GUERRE DE SECESSION », sur Claude FOHLEN, « SÉCESSION (GUERRE DE) », Encyclopædia Universalis (consulté le )
  3. Jadoulle Jean-Louis, Georges Jean, ss. la dir., Construire l'Histoire, tome 3 : l'Europe dans le monde : expansion et révolutions ( de la fin du 18e siècle à 1918), Namur, Didier Hatier, 2e ed. 2011., 336 p. (ISBN 978-2-87441-292-9), Pp 288-289

Annexes

Bibliographie

  • Paul Gravett (dir.), « De 1970 Ă  1989 : Black Face », dans Les 1001 BD qu'il faut avoir lues dans sa vie, Flammarion, (ISBN 2081277735), p. 439.

Articles connexes

  • Nat Turner, esclave afro-amĂ©ricain ayant conduit une rĂ©bellion, et qui a possiblement inspirĂ© l'histoire de "Black Face".
  • Louis Delgrès, Français dont l'histoire prĂ©sente beaucoup de points communs avec celle de « Black Face ».

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.