AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

BiosphĂšre profonde

La biosphÚre profonde est la partie de la biosphÚre située sous les premiers mÚtres de la surface.

Selon les donnĂ©es scientifiques actuellement disponibles, elle s'Ă©tend au moins jusqu’à 5 kilomĂštres sous la surface continentale et jusqu’à 10,5 kilomĂštres sous la surface de la mer. Elle englobe les trois domaines de la vie et sa diversitĂ© gĂ©nĂ©tique semble comparable Ă  celle de la surface. Cette vie peut souvent se passer d'oxygĂšne (anaĂ©robiose) et se base alors sur le soufre.

ÉlĂ©ments de dĂ©finition

La biosphÚre profonde s'est développée sur un substrat non éclairé et pas ou trÚs peu oxygéné, dans les fonds marins ou dans la croûte terrestre[1].

Pour le fond marin, une définition opérationnelle du sous-sol profond est la région qui n'est pas pénétrée par l'eau de mer ou bioturbée par les animaux; c'est généralement à environ un mÚtre ou plus sous la surface[2]. Sur les continents, il se situe en dessous de quelques mÚtres, sols non compris[3]. Les organismes de cette zone sont parfois appelés intraterrestres[4] - [5].

Histoire scientifique

Dans les annĂ©es 1920, Ă  l’UniversitĂ© de Chicago, le gĂ©ologue Edson Bastin cherche Ă  comprendre, dont avec l'aide du microbiologiste Frank Greer, pourquoi l’eau extraite des champs pĂ©trolifĂšres contient du sulfure d’hydrogĂšne et des bicarbonates, deux produits chimiques classiquement synthĂ©tisĂ©s par des bactĂ©ries. Dans ce cas mais l'eau provenait d'une profondeur oĂč la chaleur et la pression sont considĂ©rĂ©es comme trop importantes pour permettre la vie. Ces deux chercheurs ont Ă©tĂ© capables de cultiver des bactĂ©ries anaĂ©robies sulfato-rĂ©ductrices dans l'eau, dĂ©montrant ainsi que les produits chimiques avaient une origine bactĂ©rienne[6] - [7] - [8].

Toujours dans les annĂ©es 1920, Charles Lipman, microbiologiste de l'UniversitĂ© de Californie (Berkeley) note que des bactĂ©ries enfermĂ©es dans des bouteilles scellĂ©es durant 40 ans pouvaient ĂȘtre rĂ©animĂ©es (phĂ©nomĂšne dit d'anhydrobiose. Il se demande alors s'il en va de mĂȘme pour les bactĂ©ries prĂ©sentes dans les veines de charbon. Il stĂ©rilise des Ă©chantillons de charbon, les mouille les broie et rĂ©ussit ensuite rĂ©ussi Ă  cultiver des bactĂ©ries Ă  partir de la poussiĂšre de ce charbon. La procĂ©dure de stĂ©rilisation (chauffage du charbon Ă  160 °C jusqu'Ă  50 heures durant a en fait encouragĂ© leur croissance. Il a publiĂ© ces rĂ©sultats en 1931[4] - [8].

De premiĂšres Ă©tudes sur la vie souterraine sont menĂ©es par Claude E. Zobell, le "pĂšre de la microbiologie marine"[9], de la fin des annĂ©es trente aux annĂ©es cinquante [9]. Bien que la profondeur de carottage soit alors limitĂ©e, des microbes sont trouvĂ©s partout oĂč les sĂ©diments sont Ă©chantillonnĂ©s[10] - [11]. Et plus la profondeur augmente, plus les microbes aĂ©robies cĂšdent la place aux anaĂ©robies[12].

La plupart des biologistes ont d'abord refusé de croire qu'une vie profonde existait, notamment aprÚs le naufrage du submersible Alvin (1968) aprÚs qu'on ait retrouvé des restes de repas ne montrant aucun signe de décomposition microbienne[9]. Ceci a renforcé la vision d'une mer profonde (et par extension du sous-sol) abiotiques, faisant que l'étude de la biosphÚre profonde a été mise en sommeil durant des décennies, hormis chez quelques microbiologistes soviétiques qui ont commencé à se considérer comme des géomicrobiologistes[8].

L'intĂ©rĂȘt pour la vie souterraine rĂ©apparait quand le dĂ©partement de l'Énergie des États-Unis cherchait un moyen sĂ»r d'enfouir les dĂ©chets nuclĂ©aires, car Frank J. Wobber s'est rendu compte que des microbes vivant profondĂ©ment sous la surface pourraient interagir avec des dĂ©chets ou leur conteneurs enfouis. Il a lancĂ© un programme de science de subsurface pour Ă©tudier la vie profonde. Pour rĂ©soudre le problĂšme des risques de contamination des Ă©chantillons, un Ă©quipement spĂ©cial a Ă©tĂ© conçu pour minimiser le contact entre une carotte et le fluide de forage lubrifiant le foret. De plus, des traceurs ont Ă©tĂ© ajoutĂ©s au fluide de forage afin qu'on puisse vĂ©rifier s'il avait contaminĂ© l'Ă©chantillon.

En 1987, plusieurs puits de forage ont été forés prÚs du site de la riviÚre Savannah, et des micro-organismes abondants et diversifiés sont trouvés jusqu'à au moins 500 mÚtres sous la surface[11].

De 1983 à 2003, des microbiologistes trouvent et étudient de nombreuses cellules dans les carottes de forage du programme de forage des océans[10].

Un groupe dirigĂ© par John Parkes (UniversitĂ© de Bristol) signale des taux de 10⁎ Ă  10⁞ cellules par gramme de sĂ©diment jusqu'Ă  une profondeur de 500 mĂštres (les sols agricoles contiennent environ 10âč cellules par gramme)[13], ce qui suscite initialement un certain scepticisme (il faudra 4 ans Ă  son Ă©quipe pour publier ces rĂ©sultats[9].

En 1998, William Whitman et ses collÚgues publient le résumé de 12 ans de données dans les Actes de la National Academy of Sciences[13], estimant que prÚs de 95% de tous les procaryotes (archées et bactéries) vivent dans le sous-sol profond, dont 55% dans le sous-sol marin et 39% dans le sous-sol terrestre[10].

En 2002, ODP Leg 201 se met en quĂȘte de la vie profonde alors que les explorations prĂ©cĂ©dentes avaient presque toujours concernĂ© les marges continentales. L'objectif Ă©tait donc de forer en haute mer Ă  des fins de comparaison[14] - [4].

méthodes scientifiques

Voir aussi

Notes et références

  1. Tori M. Hoehler et Bo Barker Jorgensen, « Microbial life under extreme energy limitation », Nature Reviews Microbiology, vol. 11,‎ , p. 83-94 (DOI 10.1038/nrmicro2939)
  2. A. Schippers, « Deep biosphere », dans A. Schippers, Encyclopedia of Marine Geosciences, Dordrecht, (ISBN 978-94-007-6644-0)
  3. Yinon M. Bar-On, Rob Phillips et Ron Milo, « The biomass distribution on Earth », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 115, no 25,‎ , p. 6506–6511 (PMCID 6016768, DOI 10.1073/pnas.1711842115)
  4. (en) Katrina Edwards, « North Pond: Searching for Intraterrestrial Life », Scientific American Blog Network,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Olivia Judson, « Meet the Intraterrestrials », Opinionator,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  6. William M. Alley, Regional Ground-Water Quality, John Wiley & Sons, , 634 p. (ISBN 978-0-471-28453-6, présentation en ligne), p. 182
  7. Peter D. Ward et Donald Brownlee, Rare Earth : Why Complex Life is Uncommon in the Universe, Copernicus, , Pbk. Ă©d., 7–12 p. (ISBN 978-0-387-21848-9, prĂ©sentation en ligne)
  8. Onstott 2016, Chapter 1
  9. Amanda Leigh Mascarelli, « Low life », Nature, vol. 459, no 7248,‎ , p. 770–773 (DOI 10.1038/459770a)
  10. Katrina J. Edwards, Keir Becker et Frederick Colwell, « The Deep, Dark Energy Biosphere: Intraterrestrial Life on Earth », Annual Review of Earth and Planetary Sciences, vol. 40, no 1,‎ , p. 551–568 (DOI 10.1146/annurev-earth-042711-105500)
  11. James K. Fredrickson et Tullis C. Onstott, « Microbes Deep inside the Earth », Scientific American, vol. 275, no 4,‎ , p. 68–73 (JSTOR 24993405)
  12. F. S. Colwell et S. D'Hondt, « Nature and Extent of the Deep Biosphere », Reviews in Mineralogy and Geochemistry, vol. 75, no 1,‎ , p. 547–574 (DOI 10.2138/rmg.2013.75.17)
  13. Onstott 2016, Chapter 6
  14. « Leg 201: Controls on microbial communities in deeply buried sediments, eastern Equatorial Pacific and Peru Margin sites 1225-1231 », sur Ocean Drilling Program (consulté le )

Articles connexes

Bibliographie

  • « Guide des papiers Edson Sunderland Bastin 1913-1922 », sur BibliothĂšque de l'UniversitĂ© de Chicago (consultĂ© le )
  • Jennifer F. Biddle, « Prospects for the study of evolution in the deep biosphere », Frontiers in Microbiology, vol. 2,‎ , p. 285 (DOI 10.3389/fmicb.2011.00285)
  • Malin Bomberg et Lasse Ahonen, Geomicrobes : life in terrestrial deep subsurface, Frontiers Media SA, (ISBN 978-2-88945-179-1, prĂ©sentation en ligne)
  • James A. Bradley, Jan P. Amend et Douglas E. LaRowe, « Survival of the fewest: Microbial dormancy and maintenance in marine sediments through deep time », Geobiology, vol. 17, no 1,‎ , p. 43–59 (DOI 10.1111/gbi.12313)
  • North Pond: The Search for Intraterrestrials () Center for Dark Energy Biosphere Investigations. ConsultĂ© le . (IMDb)
  • Daniel R. Colman, Saroj Poudel, Blake W. Stamps, Eric S. Boyd et John R. Spear, « The deep, hot biosphere: Twenty-five years of retrospection », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 114, no 27,‎ , p. 6895–6903 (DOI 10.1073/pnas.1701266114)
  • S. D'Hondt, « Metabolic Activity of Subsurface Life in Deep-Sea Sediments », Science, vol. 295, no 5562,‎ , p. 2067–2070 (DOI 10.1126/science.1064878)
  • (en) Jennifer Frazer, « Inside Earth, Microbes Approach Immortality », Scientific American Blog Network,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Tia Ghose, « What lies beneath: Tiny organisms thrive below Earth's surface », Live Science,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Stephen Jay Gould, « Planet of the Bacteria », Washington Post Horizon, vol. 119,‎ , p. 344 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • (en) Katherine Hignett, « Have scientists been looking for life on Mars in the wrong place? », Newsweek,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  • K.-U. Hinrichs et F. Inagaki, « Downsizing the Deep Biosphere », Science, vol. 338, no 6104,‎ , p. 204–205 (DOI 10.1126/science.1229296)
  • Jens Kallmeyer et Dirk Wagner, Microbial life of the deep biosphere, Walter De Gruyter, , 342 p. (ISBN 978-3-11-037067-6, prĂ©sentation en ligne)
  • Carmen Leitch, « The 'Deep Biosphere' of the Earth Teems with Life », LabRoots,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Kenneth H. Nealson, « Harnessing microbial appetites for remediation », Nature Biotechnology, vol. 21, no 3,‎ , p. 243–244 (DOI 10.1038/nbt0303-243)
  • K Pedersen, « Exploration of deep intraterrestrial microbial life: current perspectives », FEMS Microbiology Letters, vol. 185, no 1,‎ , p. 9–16 (DOI 10.1111/j.1574-6968.2000.tb09033.x)
  • (en) Tullis C. Onstott, « Deep Subsurface Microbiology », dans Tullis C. Onstott, Encyclopedia of Astrobiology, Berlin, Heidelberg, , 1–4 p. (ISBN 9783642278334, DOI 10.1007/978-3-642-27833-4_573-3, lire en ligne)
  • Tullis C. Onstott, Deep Life : The Hunt for the Hidden Biology of Earth, Mars, and Beyond, Princeton University Press, , 512 p. (ISBN 978-1-4008-8424-7, prĂ©sentation en ligne)
  • Andreas Teske et Ketil B SĂžrensen, « Uncultured archaea in deep marine subsurface sediments: have we caught them all? », The ISME Journal, vol. 2, no 1,‎ , p. 3–18 (DOI 10.1038/ismej.2007.90)
  • Elizabeth Trembath-Reichert, Yuki Morono, Akira Ijiri, Tatsuhiko Hoshino, Katherine S. Dawson, Fumio Inagaki et Victoria J. Orphan, « Methyl-compound use and slow growth characterize microbial life in 2-km-deep subseafloor coal and shale beds », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 114, no 44,‎ , E9206–E9215 (DOI 10.1073/pnas.1707525114)
  • Jonathan Watts, « Scientists identify vast underground ecosystem containing billions of micro-organisms », The Guardian,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )


Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.