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Attaque tibétaine contre Songzhou

L'attaque tibétaine contre Songzhou, qui survient en 638, est le premier conflit militaire entre la Chine et le Tibet.

Attaque tibétaine contre Songzhou
Informations générales
Date 638
Lieu Sichuan
Issue victoire de la dynastie Tang
Forces en présence
inconnues100 000 soldats selon les sources tibétaines
Plus de 200 000 soldats suivant les sources chinoises[1] - [2]
CoordonnĂ©es 32° 38â€Č nord, 103° 35â€Č est
GĂ©olocalisation sur la carte : Chine
(Voir situation sur carte : Chine)
Attaque tibétaine contre Songzhou

Au dĂ©but du VIIe siĂšcle, l'expansion vers l'ouest de la dynastie chinoise des Tang la met en contact avec l'Empire du Tibet, qui est la puissance montante de la rĂ©gion. Lorsque l'empereur Tang Taizong lui refuse un mariage-alliance, l'empereur tibĂ©tain Songtsen Gampo prend le commandement d'une armĂ©e et part attaquer la ville frontaliĂšre chinoise de Songzhou (æŸć·ž)[note 1]. AprĂšs avoir subi de lourdes pertes Ă  la suite de l'attaque nocturne d'une armĂ©e Tang, Songtsen Gampo dĂ©cide de se replier. Une fois rentrĂ© au Tibet, il envoie des Ă©missaires et des tribus Ă  Chang'an pour s'excuser, et demande Ă  nouveau Ă  pouvoir Ă©pouser une princesse chinoise. Taizong change alors d'avis et dĂ©cide de donner en mariage Ă  Songtsen Gampo une niĂšce lointaine, la princesse Wencheng. La paix ainsi conclue dure jusqu’à la fin des rĂšgnes de Taizong et Songtsen Gampo, mĂȘme si, par la suite, le Tibet reste une des plus importantes menaces militaires contre la Chine, et ce presque jusqu’à la fin de la dynastie Tang.

Premiers contacts entre les Tang et le Tibet

Au cours des premiÚres décennies du VIIe siÚcle, la principale menace pesant sur les frontiÚres ouest de la Chine est le royaume Tuyuhun, une des tribus du peuple Xianbei. TrÚs vite, la puissance de l'empire du Tibet, qui se trouve au sud-ouest des Tuyuhun, augmente au point de rivaliser avec celle des Xianbei[3].

Les Chinois n'apprennent l'existence du Tibet qu'en 608, lorsque des émissaires tibétains de l'empereur Namri Songtsen arrivent à la Cour impériale des Sui pour leur verser un tribut[3] - [4]. En 634, son fils Songtsen Gampo envoie de nouveaux émissaires pour verser un tribut à la Chine et demander un heqin ("mariage-alliance"). Entre-temps, une guerre civile a ravagé la Chine et provoqué la chute de la dynastie Sui. Une nouvelle dynastie, la dynastie Tang, a été fondée en 618 par l'empereur Tang Gaozu et c'est Tang Taizong, le fils et successeur de Gaozu qui reçoit les messagers.

Dans un premier temps, Taizong, occupĂ© Ă  lutter contre les Tuyuhun, ne rĂ©pond pas immĂ©diatement ; mais il finit par envoyer Feng Dexia (éŠźćŸ·é) comme Ă©missaire au Tibet pour Ă©tablir des relations pacifiques.

Le conflit de 638

Au mĂȘme moment, vers la fin de l'annĂ©e 634, Taizong envoie le gĂ©nĂ©ral Li Jing attaquer les Tuyuhun. AprĂšs une campagne militaire couronnĂ©e de rĂ©ussite, il vainc Busabo Khan[note 2], le chef des Tuyuhun, qui est tuĂ© lors des combats. Taizong fait alors de Murong Shun, le fils de Murong Fuyun, le nouveau Khan des Tuyuhun, mais le rĂšgne de ce dernier est bref, car il meurt assassinĂ© Ă  la fin de l'annĂ©e 635. L'empereur chinois dĂ©cide alors que c'est Murong Nuohebo, le fils de Murong Shun, qui doit succĂ©der au dĂ©funt comme nouveau Khan.

D’aprĂšs ce qu'indiquent les chroniques de l’époque, c'est Ă  peu prĂšs Ă  ce moment-lĂ  que Feng Dexia semble ĂȘtre arrivĂ© au Tibet. Lorsque l'envoyĂ© chinois arrive Ă  sa Cour, Songtsen Gampo a appris que, dans le passĂ©, les khans du Khaganat des Turcs Orientaux et des Tuyuhun ont pu conclure des heqin avec la Chine. Lorsque Feng repart vers la Chine, il dĂ©cide donc de le faire accompagner par un Ă©missaire porteur d'un nouveau tribut, afin de renouveler sa demande d'Ă©pouser une Princesse Tang[1].

Cette fois-ci, Taizong répond rapidement en refusant la proposition et l'émissaire repart pour le Tibet. Lorsqu'il revient à la Cour de Songtsen Gampo, il explique à son empereur que Taizong était disposé à approuver un mariage entre les deux dynasties, mais aurait changé d'avis aprÚs avoir entendu des calomnies propagées par les Tuyuhun à l'encontre des Tibétains[2]. Selon les sources tibétaines, ces histoires de calomnies seraient une pure invention de l'émissaire[2], mais selon les sources chinoises c'est Murong Nuohebo en personne, alors présent à la Cour des Tang, qui aurait interféré dans les négociations, menant au refus de Taizong. Toujours est-il que Songtsen Gampo, croyant le rapport de son émissaire, attaque les Tuyuhun fin 637 - début 638, capture certains d'entre eux et force les autres à fuir au nord du lac Qinghai[1] - [2]

À l'automne 638, les forces tibĂ©taines, apparemment commandĂ©es par Songtsen Gampo lui-mĂȘme, attaquent la ville chinoise de Songzhou (æŸć·ž)[note 3], situĂ©e sur la frontiĂšre ouest de l'empire. Ceci n’empĂȘche pas Gampo d'envoyer de nouveaux Ă©missaires Ă  Chang'an, la capitale des Tang, pour offrir Ă  nouveau un tribut et renouveler pour la troisiĂšme fois sa demande d'Ă©pouser une princesse Tang. La taille de son armĂ©e est Ă©valuĂ©e Ă  100 000 hommes par des sources tibĂ©taines et plus de 200 000 soldats par des sources chinoises[1] - [2]. Dans un premier temps, c'est Han Wei, le gouverneur de Songzhou, qui attaque les tibĂ©tains pour essayer de repousser l'invasion, mais il est vaincu. Taizong rĂ©agit en envoyant une armĂ©e commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Hou Junji, lequel est assistĂ© par les gĂ©nĂ©raux Zhishi Sili (ćŸ·ć€±æ€ćŠ›), Niu Jinda (牛é€Č達) et Liu Jian (抉簡). Une fois arrivĂ© sur place, Niu inflige une cuisante dĂ©faite aux TibĂ©tains, qui subissent de lourdes pertes Ă  la suite d'une attaque nocturne surprise. AlarmĂ©, Songtsen Gampo se retire, puis envoie Ă  nouveau des Ă©missaires et des tribus Ă  Chang'an pour s'excuser et demander pour la quatriĂšme fois Ă  pouvoir Ă©pouser une princesse chinoise. L'empereur Taizong accepte les tribus et les excuses, puis, cette fois-ci, donne son aval au mariage[1].

Le mariage entre Songtsen Gampo et la Princesse Wencheng

MalgrĂ© ce changement d'avis de l'empereur, pendant les deux annĂ©es suivantes, aucune autre mesure n'est prise pour mener Ă  bien le mariage. La situation n'Ă©volue qu'Ă  l'automne 640, lorsque Songtsen Gampo envoie son premier ministre Gar Tongtsen YĂŒlsung, connu sous le nom de Lu Dongzan( ç„żæ±èŽŠ) pour les Chinois, Ă  la capitale des Tang pour offrir un nouveau tribu d'or et de bijoux et demander pour la cinquiĂšme fois l'organisation d'un mariage. En rĂ©ponse, Taizong Ă©lĂšve la fille d'un parent Ă  lui au rang de princesse, la princesse Wencheng, et se prĂ©pare Ă  la donner en mariage Ă  Songtsen Gampo. ImpressionnĂ© par la biensĂ©ance dont fait preuve Gar Tongtsen YĂŒlsung lorsqu'il parle avec lui, Taizong veut lui donner pour Ă©pouse Dame Duan, la petite-fille de la princesse Langye[note 4]. De maniĂšre extrĂȘmement polie, Gar Tongtsen YĂŒlsung dĂ©cline l'offre de l'empereur en objectant qu'il a dĂ©jĂ  une femme et qu'il serait inappropriĂ© pour lui de se marier avant son roi.

Au printemps 641, Taizong envoie son cousin Li Daozong, le Prince de Jiangxia, accompagner Gar Tongtsen YĂŒlsung qui retourne au Tibet et escorter Wencheng. Les chroniques de l'Ă©poque rapportent que quand ils arrivent sur place, Songtsen Gampo est si heureux de voir enfin arriver son Ă©pouse qu'il s'incline devant Li Daozong de la maniĂšre dont un gendre s'incline devant son beau-pĂšre pour l’accueillir. Il fait construire un palais pour Wencheng et s'habille en vĂȘtement chinois avant de la rencontrer. Toujours selon les chroniques de l'Ă©poque, Ă  l'Ă©poque le peuple tibĂ©tain aurait eu pour coutume de se peindre le visage en rouge, chose que la princesse Wencheng dĂ©testait. Pour plaire Ă  sa nouvelle Ă©pouse, Gampo aurait fait interdire cette coutume.

Conséquences

Dans le cadre de l'accord conclu entre le Tibet et la Chine, des nobles et des membres de la famille de Gampo sont envoyĂ©s Ă  Chang'an pour Ă©tudier Ă  l'UniversitĂ© impĂ©riale des Tang oĂč ils doivent apprendre les coutumes et la culture chinoise pour amĂ©liorer les relations entre les deux pays. Il s'agit lĂ  d'une pratique trĂšs ancienne, qui faits de ces "Ă©tudiants" des otages de facto. De son cĂŽtĂ©, Songtsen Gampo a Ă©galement demandĂ© que Taizong lui envoie des lettrĂ©s chinois[5]. Au dĂ©but du rĂšgne de Tang Gaozong, le fils et successeur de Taizong, le Tibet demande Ă©galement des transferts technologiques pour la sĂ©riciculture, la vinification, la fabrication des moulins a vent et celle du papier.

Ce « mariage-alliance » marque le dĂ©but de deux dĂ©cennies de paix entre les deux empires[5][note 5]. Ainsi, en 647, lorsque Taizong organise une expĂ©dition punitive contre le royaume de Kucha et son roi Hari Pushpa, [note 6], parce que le roi prĂ©cĂ©dent avait refusĂ© de rendre hommage aux Tang[9] ; il envoie une armĂ©e commandĂ©e par le prince GöktĂŒrk Ashina Shö-eul, Ă  laquelle se joignent des troupes tibĂ©taines. En outre, en 648, lorsque Wang Xuance, un Ă©missaire Tang, se retrouve empĂȘtrĂ© dans l'agitation politique d'un État indien, il demande l'aide du Tibet et du NĂ©pal. Les deux Ă©tats rĂ©pondent Ă  l'appel en 649 et l'aident Ă  vaincre l'une des factions.

Pendant cette pĂ©riode, les TibĂ©tains se renforcent et agrandissent leur Empire. À la fin de la dĂ©cennie 660, ils envahissent le territoire des Tuyuhun et se retrouvent en contact direct avec celui des Tang [10], au niveau de l'actuelle province du Sichuan et des rĂ©gions de l'ouest. Les deux empires se combattent sporadiquement au cours des dĂ©cennies suivantes et une grande partie de l'est du territoire du Tibet tombe entre les mains des Tang[11].

La situation change avec l'affaiblissement de la puissance chinoise consĂ©cutif Ă  la rĂ©volte d'An Lushan (755 – 763), ce qui permet aux TibĂ©tains de reconquĂ©rir leurs territoires perdus, de prendre le contrĂŽle de Songzhou et de sa rĂ©gion en 763 et mĂȘme de s'emparer briĂšvement de Chang'an. Songzhou est par la suite colonisĂ© par des TibĂ©tains venant de Ngari et identifiĂ©s dans les traitĂ©s gĂ©ographiques tibĂ©tains comme un territoire de l'Empire du tibet, rattachĂ© tantĂŽt Ă  la rĂ©gion d'Amdo, tantĂŽt Ă  celle de Kham[12]. Les rĂ©gions de Sharkok et Khöpokok, restent toujours Ă  l'heure actuelle des zones oĂč l'on parle la langue tibĂ©taine. Auparavant considĂ©rĂ© comme faisant partie du tibĂ©tain de l'Amdo, les langues parlĂ©es dans ces zones sont maintenant provisoirement classĂ©es comme Ă©tant cinq dialectes distincts d'une branche indĂ©pendante du tibĂ©tain, le tibĂ©tain Sharkhog[13].

L'un des effets de la montée en puissance de l'empire du Tibet est qu'il facilite le prosélytisme du bouddhisme au nord et à l'ouest, au détriment de l'expansion de l'Islam. Il a été un facteur décisif dans le déplacement des routes terrestres du commerce de la soie chinoise et du commerce est-ouest en général, qui se sont déplacés vers le nord et ont fini par traverser le territoire des ouïghours[14] - [15].

Voir Ă©galement

  • Relations sino-tibĂ©taines pendant la dynastie Tang (en)

Notes

  1. Cette ville se situe dans la région qui correspond actuellement au Sichuan
  2. Il s'agit lĂ  du titre que porte ce dirigeant, dont le vrai nom est Murong Fuyun
  3. Ce qui correspond actuellement au Xian de Songpan, Sichuan
  4. Cependant, les biographies des princesses Tang du Nouveau Livre des Tang, ne mentionnent pas une princesse Langye. Il est donc assez compliquĂ© de connaĂźtre les liens exacts entre l'empereur Taizong et la princesse Langye, et dĂ©terminer si la seconde Ă©tait une sƓur ou une tante du premier. Voir Nouveau livre des Tang, vol. 83.
  5. Une tradition tibétaine mentionne qu'aprÚs la mort de Songtsen Gampo en 649, des troupes chinoises ont pris Lhassa et brûlé le Palais rouge[6] - [7], mais cet événement n'est mentionné ni dans les annales chinoises ni dans les annales tibétaines trouvées à Dunhuang, et certains historiens doutent qu'il se soit jamais produit[7] - [8].
  6. Hari Pushpa est connu en Chine sous le nom d'HēlĂ­ BĂčshÄ«bĂŹ (ç™œèš¶é»Žćžƒć€±ç•ą).

Références

  1. (en) Kurtis R. Schaeffer (dir.), Matthew Kapstein (dir.) et Gray Tuttle (dir.), Sources of Tibetan Tradition, New York, Columbia University Press, , 810 p. (ISBN 978-0-231-13598-6, BNF 43606717, présentation en ligne) Traductions de passages de l'Ancien livre des Tang et du Nouveau Livre des Tang.
  2. (en) Per K. SÞrensen (dir.), The Mirror Illuminating the Royal Genealogies: an Annotated Translation of the XIVth Century Tibetan Chronicle rGyal-rabs gsal-ba'i me-long, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, , 673 p. (ISBN 978-3-447-03510-1, présentation en ligne), p. 418.
  3. (en) Christopher I. Beckwith, The Tibetan empire in Central Asia : a history of the struggle for great power among Tibetans, Turks, Arabs, and Chinese during the early Middle Ages, Princeton, NJ, Princeton Univ. Press, , 4. print., and 1st pbk. éd., 281 p. (ISBN 978-0-691-02469-1, BNF 37149055, présentation en ligne), p. 17.
  4. (en) Denis Twitchett et Hans Van de ven (dir.), Warfare in Chinese History, BRILL, , 456 p. (ISBN 978-90-04-11774-7, présentation en ligne), « Tibet in Tang's grand strategy » p. 115.
  5. (en) Howard J. Wechsler et Denis Twitchett, Sui and T'ang China, 589–906 AD, Part 1, vol. III, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « The Cambridge History of China (en) », , 850 p. (ISBN 978-0-521-21446-9, prĂ©sentation en ligne), « T'ai-tsung (reign 626–49) : the consolidator » p. 229–230, citant Tang Huiyao 97 (p. 1730) et Zizhi Tongjian 196 (p. 6164–5).
  6. (en) Charles Bell, Tibet Past and Present, (lire en ligne), p. 28 RĂ©impression en 1992 par CUP Motilal Banarsidass, (ISBN 81-208-1048-1).
  7. (en) W. D. Shakabpa (trad. Derek F. Maher), One hundred thousand moons, Volume 1, BRILL, (1re Ă©d. 1976), 1184 p. (ISBN 978-90-04-17788-8, lire en ligne), p. 123.
  8. (en) Tiezheng Li, The historical status of Tibet, King's Crown Press, Columbia University, , p. 6.
  9. (en) René Grousset, The Empire of the Steppes : A History of Central Asia, Rutgers University Press, , 687 p. (ISBN 978-0-8135-1304-1, présentation en ligne).
  10. Twitchett 2000, p. 120.
  11. Twitchett 2000, p. 126-130.
  12. (en) Jack Patrick Hayes, A Change in Worlds on the Sino-Tibetan Borderlands : Politics, Economies, and Environments in Northern Sichuan, Lexington Books, , 310 p. (ISBN 978-0-7391-7381-7, présentation en ligne), p. 10.
  13. (en) Hiroyuki Suzuki, « Tibetan Dialects Spoken in Shar khog and Khod po khog », East and West, vol. 54, nos 1/4,‎ , p. 273–283 (JSTOR 29757812).
  14. (en) Christopher I. Beckwith (dir.), Silver on Lapis : Tibetan Literary Culture and History, Bloomington, Tibet Society, , « The Tibetans in the Ordos and North China : Considerations on the Role of the Tibetan Empire in World History », p. 3–11.
  15. (en) Christopher I. Beckwith, Empires of the Silk Road : A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present, Princeton University Press, (lire en ligne), p. 145–146.

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