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Article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés

L'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s est l'article de la Charte des droits de la Constitution du Canada qui protĂšge l'individu contre les chĂątiments cruels et inusitĂ©s au Canada. Cet article a engendrĂ© une certaine jurisprudence, incluant l'affaire essentielle R. c. Smith (1987)[1], lors de laquelle l'article fut partiellement dĂ©fini, et R. c. Latimer (2001)[2], une affaire cĂ©lĂšbre oĂč le fermier saskatchewanais Robert Latimer a tuĂ© sa fille handicapĂ©e et a protestĂ© contre sa longue sentence en affirmant qu'elle Ă©tait cruelle et inusitĂ©e.

Texte

Sous la rubrique Garanties juridiques, l'article se lit comme suit :

« 12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. »

— Article 12 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s

DĂ©finition

R. c. Smith[1] fut la premiĂšre affaire oĂč la Cour suprĂȘme du Canada s'est penchĂ©e sur l'article 12. La Cour pouvait toutefois se rĂ©fĂ©rer a des interprĂ©tations de peines cruelles et inusitĂ©es issues de jurisprudence antĂ©rieure Ă  la Charte, notamment dans Miller et Cockriell c. La Reine (1977)[3], ce qu'elle a fait. Les peines cruelles ou inusitĂ©es ont Ă©tĂ© dĂ©finies comme Ă©tant « excessive[s] au point de ne pas ĂȘtre compatible[s] avec la dignitĂ© humaine »[4] ou « exagĂ©rĂ©ment disproportionnĂ©[es] Ă  ce qui aurait Ă©tĂ© appropriĂ© »[5] Le juge Lamer, Ă©crivant au nom de la Cour dans R. c. Smith, a fourni quelques guides sur la façon de mesurer la proportionnalitĂ©, mentionnant Ă  titre de considĂ©rations spĂ©ciales : la gravitĂ© du crime commis par l'individu, les « caractĂ©ristiques personnelles » de l'individu, et les diffĂ©rents types de peines disponibles qui pourraient « punir, rĂ©habiliter ou dissuader ce contrevenant particulier ou pour protĂ©ger le public contre ce dernier. »[6]

Plus tard, la Cour a ajoutĂ©, dans R. c. Goltz (1991)[7] et R. c. Morrisey (2000)[8] que l'impact qu'aura la peine sur l'individu en pratique, les objectifs de la peine, la possibilitĂ© de peines alternatives, et la façon dont d'autres types de criminels sont punis pourraient tous ĂȘtre pertinents dans un test relatif Ă  l'article 12. NĂ©anmoins, le test n'est pas sĂ©vĂšre mais plutĂŽt dĂ©fĂ©rent envers le gouvernement. Dans Steele c. Établissement Mountain (1990)[9], le juge Peter Cory a Ă©crit pour la Cour que la dĂ©couverte judiciaire d'une peine cruelle et inusitĂ©e ne se fait que « trĂšs rarement. » La capacitĂ© du Parlement du Canada de juger de la justesse de diffĂ©rentes peines n'est pas absolue, mais les cours sont gĂ©nĂ©ralement encouragĂ©s Ă  faire preuve de retenue en corrigeant le Parlement.

Peines d'emprisonnement

Certaines peines d'emprisonnement, si elles sont longues au point d'ĂȘtre considĂ©rĂ©es « exagĂ©rĂ©ment disproportionnĂ©es », peuvent ĂȘtre qualifiĂ©es de cruelles et inusitĂ©es au sens de l'article 12 et ainsi ĂȘtre inconstitutionnelles. Dans R. c. Smith[1], la peine d'emprisonnement d'un individu accusĂ© de trafic de cocaĂŻne fut jugĂ©e longue au point d'ĂȘtre cruelle et inusitĂ©e au sens de la Charte. Bien que le Parlement possĂšde le droit de crĂ©er des lois imposant des peines d'emprisonnement minimales pour un certain crime, cela pourrait ĂȘtre inconstitutionnel si la loi prescrit la mĂȘme durĂ©e minimale d'emprisonnement pour une sorte de crime qui « vise de nombreuses substances plus ou moins dangereuses. » Dans ce cas, la loi n'examinait pas la quantitĂ© de cocaĂŻne en jeu ni la raison pour laquelle l'accusĂ© en faisait l'acquisition.

La Cour s'est de nouveau penchĂ© sur la question des peines minimales d'emprisonnement longues et si on pouvait les considĂ©rer comme cruelles et inusitĂ©es dans l'affaire R. c. Latimer[2]. Latimer, ayant tuĂ© sa fille handicapĂ©e, affirmait que la peine minimale de dix ans qu'il devait purger (qui pourrait s'allonger s'il se voyait refuser une libĂ©ration conditionnelle) Ă©tait longue au point d'ĂȘtre cruelle et inusitĂ©e. Il fondait son argument sur le fait que le meurtre qu'il avait commis Ă©tait une forme d'euthanasie. Dans ce cas, la Cour a dĂ©cidĂ© que la peine n'Ă©tait pas inconstitutionnelle, notant que le crime a eu « la plus grave des consĂ©quences possibles, Ă  savoir la mort de la victime. »[10] Bien que Latimer ait Ă©tĂ© trouvĂ© coupable d'un meurtre au deuxiĂšme degrĂ© plutĂŽt qu'au premier degrĂ©, la Cour a ajoutĂ© que « le meurtre au deuxiĂšme degrĂ© constitue une infraction assortie d’un degrĂ© extrĂȘmement Ă©levĂ© de culpabilitĂ© criminelle. »[11] Dans cette affaire relative Ă  l'article 12, le principe de mens rea Ă©tait jugĂ© essentiel.

D'aprĂšs l'arrĂȘt R. c. Bissonnette[12], l'article 745.51 du Code criminel[13] qui prĂ©voyait le cumul de pĂ©riodes d'inadmissibilitĂ© Ă  la libĂ©ration conditionnelle en cas de meurtres multiples est inconstitutionnel car il contrevient Ă  l'article 12 de la Charte canadienne et il n'est pas justifiĂ© par l'article premier de la Charte.

Peine capitale

En 2001, dans l'arrĂȘt États-Unis c. Burns[14] relatif Ă  l'extradition, la Cour suprĂȘme a refusĂ© de se prononcer sur la question de la peine capitale, Ă  savoir si cela pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une peine cruelle et inusitĂ©e en droit canadien et donc une violation directe de l'article 12. Toutefois, ils ont affirmĂ© que « la peine capitale fait intervenir les valeurs qui sont Ă  la base de l’interdiction des peines cruelles et inusitĂ©es », notant son « caractĂšre irrĂ©versible » (dans l'Ă©ventualitĂ© d'une erreur judiciaire) et la perception voulant qu'elle soit « arbitraire », ainsi que le scepticisme qui entoure son influence rĂ©elle sur les taux de criminalitĂ©[15]. La cour a Ă©galement fait valoir que la peine capitale fut abolie par le Parlement du Canada.

Torture

La torture, par nature, est cruelle et inusitĂ©e au sens de l'article 12. Comme l'a dit la Cour suprĂȘme dans Suresh c. Canada (2002)[16], la torture est « si intrinsĂšquement rĂ©pugnante qu’elle ne saurait jamais constituer un chĂątiment appropriĂ©, aussi odieuse que soit l’infraction. »[17] La Cour a notĂ© que « la perspective de la torture provoque la peur et les consĂ©quences de la torture peuvent ĂȘtre dĂ©vastatrices, irrĂ©versibles, voire fatales. »[18] Cette vision de la torture renvoie Ă  R. c. Smith, dans lequel le juge Lamer a Ă©crit que « certaines peines ou certains traitements seront toujours exagĂ©rĂ©ment disproportionnĂ©s et incompatibles avec la dignitĂ© humaine: par exemple, l'imposition d'un chĂątiment corporel... »[19]

En plus de violer l'article 12, dans l'arrĂȘt Suresh il fut jugĂ© que la torture viole les droits de libertĂ© et de la sĂ©curitĂ© de la personne garantis Ă  l'article 7, et qu'elle choque la conscience. Par consĂ©quent, le Canada ne peut extrader des personnes vers des pays oĂč elles seraient Ă  risque de torture.

Absence d'application aux personnes morales

D'aprĂšs l'arrĂȘt QuĂ©bec (Procureure gĂ©nĂ©rale) c. 9147-0732 QuĂ©bec inc.[20], « l’article 12 de la Charte ne protĂšge pas les personnes morales contre les traitements ou peines cruels et inusitĂ©s, parce que l’expression « cruels et inusitĂ©s » dĂ©note une protection que seul un ĂȘtre humain peut avoir ». La Cour fonde sa dĂ©cision sur le sens courant du mot cruel, qui suggĂšre qu'il ne peut s'applique qu'aux ĂȘtre humains. Pour qu'une amende soit excessive, elle doit ĂȘtre incompatible avec la dignitĂ© humaine, en plus d'ĂȘtre odieuse et intolĂ©rable pour la sociĂ©tĂ©, donc ce critĂšre ne peut pas ĂȘtre appliquĂ© aux personnes morales.

Notes et références

  1. R. c. Smith (Edward Dewey), [1987] 1 R.C.S. 1045
  2. R. c. Latimer, 2001 CSC 1, [2001] 1 R.C.S. 3
  3. Miller et autre c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680 — IIJCan
  4. Miller ; cité dans Smith, par. 54.
  5. Smith, par. 54.
  6. Smith, par. 56.
  7. R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485
  8. R. c. Morrisey, 2000 CSC 39, [2000] 2 R.C.S. 90
  9. Steele c. Établissement Mountain, [1990] 2 R.C.S. 1385
  10. Latimer, par. 81.
  11. Latimer, par. 84.
  12. 2022 CSC 23
  13. Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 745.51, <https://canlii.ca/t/ckjd#art745.51>, consulté le 2022-05-28
  14. États-Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, 2001 CSC 7
  15. Burns, par. 78
  16. Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l'Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3
  17. Suresh, par. 51.
  18. Ibid.
  19. Ibid. ; citation tirée de Smith, par. 57.
  20. 2020 CSC 32

Sources

Lien externe

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