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Antonina (patricienne byzantine)

Antonina (en grec áŒˆÎœÏ„Ï‰ÎœÎŻÎœÎ±) est une patricienne byzantine et l'Ă©pouse du gĂ©nĂ©ral BĂ©lisaire.

Antonina
DĂ©tail des mosaĂŻques de la Basilique Saint-Vital de Ravenne : Antonina (au centre) et sa fille Joannina (Ă  gauche).
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
AprĂšs
Nom dans la langue maternelle
áŒˆÎœÏ„Ï‰ÎœÎŻÎœÎ±
Activité
Conjoint

Il s'agit d'un personnage controversé que l'historien Paolo Cesaretti présente comme le « bras droit » de l'impératrice Théodora dans l'exercice du pouvoir[1].

D'aprĂšs son contemporain, l'historien Procope, elle disposait d'une grande influence sur son mari. NĂ©e vers 495, elle survit Ă  son mari qui meurt en 565[2].

Jeunesse

Procope indique que le pĂšre et le grand-pĂšre d'Antonina Ă©taient des conducteurs de char qui conduisaient devant diffĂ©rents publics, notamment Ă  Constantinople et Ă  Thessalonique. Procope ne mentionne pas leur nom. 

La mĂšre d'Antonina, dont le nom ne nous est pas parvenu, Ă©tait une actrice. Procope la mentionne avec mĂ©pris dans ses Ă©crits. Il indique qu’elle Ă©tait « une des prostituĂ©es du monde du thĂ©Ăątre ». Le terme utilisĂ© pour « thĂ©Ăątre » dans ses Ă©crits est « thymele » (grec: ΞυΌέλη), qui Ă©quivaut au mot « orchestre » en grec (grec: ÎżÏÏ‡ÎźÏƒÏ„ÏÎ±). On l’utilisait Ă  l’époque pour dĂ©signer des artistes moins prestigieux que les acteurs tels que les acrobates, les danseurs, les jongleurs, etc. Le terme « artistes thymĂ©liques » Ă©tait presque toujours utilisĂ© dans un sens nĂ©gatif[3] - [4].

Procope prĂ©tend qu’Antonina mena une vie de dĂ©bauche durant sa jeunesse et qu’elle eut plusieurs enfants avant son mariage avec BĂ©lisaire. À propos d'Antonina, Procope Ă©crit : « Cette femme mena dans sa jeunesse une vie obscĂšne et Ă©tait un personnage dissolu. Elle cĂŽtoya plusieurs apprentis sorciers dans l’entourage de ses parents et en apprit suffisamment pour rĂ©pondre Ă  ses besoins. Elle devint plus tard la femme de BĂ©lisaire, aprĂšs ĂȘtre devenue la mĂšre de ses enfants »[3] - [4].

C’est Ă  cette Ă©poque qu’elle rencontre ThĂ©odora, future impĂ©ratrice, avec qui elle restera amie tout au long de sa vie[5]. Les deux femmes ayant Ă©tĂ© des actrices et des courtisanes durant leur jeunesse, il est probable que ce soit par le monde du thĂ©Ăątre qu'elles se sont rencontrĂ©es.

Le mariage entre Antonina et BĂ©lisaire aurait eu lieu vers 530, au moment mĂȘme oĂč ThĂ©odora devient impĂ©ratrice et commence Ă  constituer une cour autour d'elle[6]. D'aprĂšs Paolo Cesaretti, ThĂ©odora n'aurait pas Ă©tĂ© Ă©trangĂšre au mariage entre BĂ©lisaire et Antonina. Selon l'historien, il est probable que ce soit ThĂ©odora elle-mĂȘme qui ait suggĂ©rĂ© le nom d'Antonina Ă  Justinien qui l'aurait ensuite imposĂ© Ă  BĂ©lisaire. Antonina Ă©tant plus ĂągĂ©e que BĂ©lisaire, ThĂ©odora aurait vu en Antonina une partenaire parfaite pour celui-ci, capable d'administrer les richesses qu'il allait probablement amasser durant ses futures campagnes militaires[6].

Relations avec Théodora

Théodora représentée sur une mosaïque de la Basilique Saint-Vital de Ravenne, 547 de notre Úre.

Lorsque ThĂ©odora arrive au pouvoir, Antonina est nommĂ©e surintendante de la garde-robe[7]. Petit Ă  petit, elle devient la principale collaboratrice de l’impĂ©ratrice. MalgrĂ© tout, leurs relations n’auraient pas toujours Ă©tĂ© au beau fixe, en raison des infidĂ©litĂ©s d’Antonina vis-Ă -vis de son mari BĂ©lisaire, ThĂ©odora n’étant pas prĂȘte Ă  transiger sur les vertus publiques demandĂ©es aux dames de sa cour[8].

En tant que secrétaire de Bélisaire, Procope faisait partie du cercle rapproché de ce dernier et de sa femme Antonina. Profitant de cette proximité, Procope n'hésite pas à décrire longuement dans ses écrits les escapades d'Antonina, notamment sa liaison avec un jeune Thrace du nom de Théodose, qui était également le filleul de Bélisaire. Cette relation aurait fortement déplu à l'impératrice Théodora. Bien qu'elles soient amies de longue date, Antonina craignait de perdre ses faveurs[9]. Procope écrit en effet que :

« Antonina craignait d’ĂȘtre l’objet de quelque machination de l’impĂ©ratrice qui se mettait souvent en colĂšre contre elle et lui montrait les dents »[10].

MalgrĂ© leur diffĂ©rend Ă  ce sujet, les deux femmes auraient travaillĂ© en Ă©troite collaboration, Antonina agissant comme un agent de ThĂ©odora Ă  plusieurs reprises[4]. Selon l'historien Henry Houssaye, ThĂ©odora aurait ainsi consenti Ă  couvrir les aventures extra-conjugales de sa collaboratrice afin de gagner son dĂ©vouement. PrĂ©server le secret d'Antonina Ă©tait un moyen pour l’impĂ©ratrice de s’assurer sa fidĂ©litĂ©[7].

Femme au tempérament dynamique et habile aux intrigues, elle aurait aidé l'impératrice en diverses occasions, notamment pour éliminer des opposants politiques[6].

Guerres des Vandales

Carte des opérations de la guerre des Vandales en 533-534.

Selon les rumeurs de l'époque, Antonina prodiguait souvent des conseils utiles à son mari, le général Bélisaire, qu'elle accompagnait lors de ses différentes campagnes[7]. Ce dévouement n'était cependant pas désintéressé. Selon Procope, il s'agissait en fait d'un moyen pour Antonina de garder une certaine influence sur lui :

« Afin que Bélisaire ne soit pas seul et ne vienne à penser ce qu'il devrait à son sujet, elle avait pris soin de voyager avec lui partout dans le monde[4] - [11]. »

Antonina est mentionnée pour la premiÚre fois lors de la campagne contre les Vandales de 533 à 535 :

« Au cours de la septiÚme année du rÚgne de Justinien, au moment de l'équinoxe de printemps, l'empereur ordonna au navire du général de mouiller l'ancre à un point situé devant le palais royal. AprÚs cela, le général Bélisaire et sa femme, Antonina, embarquÚrent[4] - [12]. »

Lors de la traversĂ©e de la mer Adriatique, les rĂ©serves d’eau de la marine byzantine auraient Ă©tĂ© contaminĂ©es. La seule exception Ă©tait l'approvisionnement du bateau de BĂ©lisaire, dont l'eau avait Ă©tĂ© prĂ©servĂ©e grĂące Ă  l'intervention d'Antonina. Celle-ci aurait en effet fait stocker l’eau dans des bocaux en verre et les auraient placĂ©s dans une piĂšce sĂ©curisĂ©e, afin d’empĂȘcher toute contamination. Procope Ă©crit :

« La flotte atteignit le port de Zacynthus, oĂč ils reçurent assez d’eau pour leur permettre de traverser la mer Adriatique. AprĂšs avoir finalisĂ© leurs prĂ©paratifs, ils poursuivirent leur route. En raison d'un manque de vent, ils furent contraint de ralentir et ce n’est que le seiziĂšme jour qu’ils arrivĂšrent dans un endroit dĂ©sert de la Sicile prĂšs du mont Aetna. C'est Ă  cet endroit que les eaux de toute la flotte commencĂšrent Ă  ĂȘtre contaminĂ©es, Ă  l'exception de celle que BĂ©lisaire et ses compagnons de table buvaient, car la femme de BĂ©lisaire avait rĂ©ussi Ă  la prĂ©server de la maniĂšre suivante : elle avait rempli des jarres de verre et avait construit une petite piĂšce avec des planches dans la cale du navire oĂč il Ă©tait impossible pour le soleil de pĂ©nĂ©trer. LĂ , elle coula les bocaux dans le sable. Par ce moyen, l'eau est restĂ©e intacte »[13] - [14]. »

Les prĂ©cautions d'Antonina permirent Ă©galement probablement d'empĂȘcher la croissance des algues Ă  bord[15].

Une fois arrivĂ©s en Afrique de Nord, BĂ©lisaire installa ses forces dans « un camp situĂ© Ă  trente-cinq stades de Decimum, entourĂ© d'une solide palissade ». Procope Ă©crit : « BĂ©lisaire laissa sa femme en arriĂšre avec l'infanterie barricadĂ©s dans le camp, puis il partit avec tous les cavaliers ». Alors qu'ils progressent vers Carthage, ils sont alors rejoints par l'armĂ©e vandale, qu'ils mettent en dĂ©route lors de la bataille de l'Ad Decimum[4] - [16]. Antonina et l'infanterie les rejoignent le jour suivant : « Le lendemain, l'infanterie et l'Ă©pouse de BĂ©lisaire se mirent en route et nous nous sommes tous dirigĂ©s ensemble vers la route de Carthage, oĂč nous sommes arrivĂ©s en fin de soirĂ©e »[4] - [17].

Guerre des Goths

Destitution du pape

Carte des opérations de la guerre des Goths.

Antonina est ensuite mentionnée comme le bras armé de Théodora dans la déposition du pape SilvÚre en au début de la guerre des Goths. Procope évoque l'événement dans un chapitre indépendant :

« Lorsque la reine rencontra des difficultés, Antonina gagna son amitié en l'aidant tout d'abord à détruire SilvÚre, comme je vais vous le raconter dans la suite de ce récit[18]. »

Procope reste nĂ©anmoins flou sur la maniĂšre dont les deux femmes s’y seraient prises. L’ouvrage Liber Pontificalis, qui fut rĂ©digĂ© par des clercs de la cour pontificale, donne plus de prĂ©cisions :

« L’Augusta [ThĂ©odora] Ă©tait en colĂšre contre SilvĂšre. Elle envoya des instructions au patricien Vilisarius [Belisaire] afin de le faire arrĂȘter : « Trouvez un prĂ©texte pour accuser le pape Silverius et le destituer de l'Ă©vĂȘchĂ© puis amenez le nous rapidement » [
] Certains faux tĂ©moins, encouragĂ©s par ces instructions, se sont prĂ©sentĂ©s au gĂ©nĂ©ral et lui dĂ©clarĂšrent : « Nous avons trouvĂ© le pape SilvĂšre en train d'envoyer des lettres au roi des Goths ». Puis il [BĂ©lisaire] ordonna au pape SilvĂšre de venir le voir sur la colline du Pincio. SilvĂšre se prĂ©senta seul et fut accompagnĂ© dans une salle privĂ©e oĂč il fut reçu par Antonina[19]. Celle-ci Ă©tait allongĂ©e sur un lit. A ses pieds se trouvait le patricien Vilisarius [BĂ©lisaire]. Antonina lui lança : « Alors, seigneur pape SilvĂšre, que vous avons-nous fait, Ă  vous et Ă  tous les Romains ? Pourquoi ĂȘtes-vous si pressĂ© de nous remettre aux mains des Goths[20] ? » Tandis qu’elle parlait, le sous-diacre Jean lui enleva le pallium de son cou, le dĂ©pouilla de ses vĂȘtements, le mit dans une robe de moine et l’emmena dans la clandestinitĂ©. »

D’aprĂšs le Liber Pontificalis, SilvĂšre aurait ensuite Ă©tĂ© envoyĂ© en exil Ă  Ponza, oĂč il serait mort quelques mois plus tard, le . La cause de sa mort n’est pas connue avec exactitude. NĂ©anmoins certains historiens Ă©voquĂšrent plus tard la thĂšse d’un assassinat. Certains rejettent la responsabilitĂ© sur le nouveau pape Vigile, d’autres sur Antonina. Dans plusieurs Ă©crits, Antonina est ainsi dĂ©crite comme accomplissant sa mission avec « une efficacitĂ© impitoyable » et une « rapiditĂ© Ă  couper le souffle »[21].

Liberatus de Carthage et Victor de Tunnuna rapportent qu'Antonina força le nouveau pape Vigile, au dĂ©but de son mandat, Ă  signer une dĂ©claration de foi en faveur du monophysisme. Cette dĂ©claration aurait Ă©tĂ© envoyĂ©e aux principaux Ă©vĂȘques monophysites. Cependant cette affirmation est considĂ©rĂ©e comme douteuse, aucune autre source ne permettant de la confirmer[22].

SiĂšge de Rome

Lorsque les Goths assiĂ©gĂšrent Rome de Ă  , Antonina se tenait aux cĂŽtĂ©s de son mari, le gĂ©nĂ©ral BĂ©lisaire. À ce sujet, Procope Ă©crit : « Au cours de la nuit, BĂ©lisaire, qui avait jeĂ»nĂ© jusque lĂ , fut contraint par sa femme et ses amis qui Ă©taient prĂ©sents Ă  manger un trĂšs petit pain[4] - [23] ».

Au cours de l’annĂ©e 537, BĂ©lisaire envoya ensuite Antonina Ă  Naples, apparemment pour sa propre sĂ©curitĂ©. Une fois lĂ -bas, Antonina ne resta pas oisive. Elle aida notamment Procope, alors secrĂ©taire de BĂ©lisaire, Ă  constituer une flotte, qui serait destinĂ©e Ă  transporter du grain et des renforts Ă  Rome via le port d'Ostie[4] - [24]. Procope Ă©crit :

« Il [BĂ©lisaire] demanda Ă  Procope de charger autant de navires que possible avec du grain et de rassembler tous les soldats qui Ă©taient arrivĂ©s Ă  Naples depuis Byzance
 Il ordonna ensuite Ă  Martinus et Trajan de se rendre Ă  Tarracina avec un millier d'hommes. Il demanda Ă  sa femme Antonina de partir avec eux, en ordonnant qu’elle soit conduite Ă  Naples avec une petite troupe, afin d’y attendre en toute sĂ©curitĂ© le ravitaillement qui devait arriver
 Martinus et Trajan parvinrent Ă  traverser le camp ennemi en profitant de l’obscuritĂ© de la nuit. AprĂšs avoir atteint Tarracina, ils envoyĂšrent Antonina avec quelques hommes en Campanie
 De son cĂŽtĂ©, Procope, qui Ă©tait dĂ©jĂ  arrivĂ© en Campanie, rassembla lĂ -bas moins de cinq cents soldats. Il chargea un grand nombre de navires avec du grain, et fit en sorte qu’ils se tiennent prĂȘts. Il fut rejoint peu de temps aprĂšs par Antonina, qui l'aida immĂ©diatement Ă  prendre les dispositions pour prĂ©parer la flotte[25]. »

L’historien canadien Evans suppose que Procope aurait exagĂ©rĂ© son propre rĂŽle dans cette mission, car il semble qu’Antonina Ă©tait elle-mĂȘme chargĂ©e d’organiser l'expĂ©dition de grain[15].

Lorsque « la flotte des Isauriens » arrive enfin Ă  Ostie, Antonina, en tant que responsable de l’acheminement des vivres, doit faire face Ă  un certain nombre de problĂšmes. En effet, les cargaisons arrivĂ©es par bateau devaient initialement ĂȘtre transportĂ©es Ă  Rome sur des pĂ©niches, mais les bƓufs qui devaient tirer les pĂ©niches sur le Tibre Ă©taient Ă©puisĂ©s, « la moitiĂ© Ă©tant morts ». D’autre part, les routes des deux cĂŽtĂ©s du Tibre Ă©taient bloquĂ©es. L’une d’elles Ă©tait tenue par les Goths, l'autre Ă©tait trop Ă©troite et « totalement inutilisable ». Procope raconte :

« Au petit matin, Antonina et les autres commandants rĂ©flĂ©chirent au moyen de transporter les cargaisons jusqu’à Rome. Ils choisirent des petits bateaux parmi les plus gros de la flotte, installĂšrent dessus des palissades de hautes planches de tous les cĂŽtĂ©s, afin que les hommes Ă  bord ne soient pas exposĂ©s aux tirs de l'ennemi, et embarquĂšrent avec eux des archers et des marins en nombres appropriĂ©s pour chaque bateau.AprĂšs avoir chargĂ© les bateaux avec toute la cargaison qu’ils pouvaient transporter, ils attendirent un vent favorable et partirent vers Rome en suivant le Tibre. Une partie de l’armĂ©e les suivit le long de la rive droite du fleuve afin de les soutenir en cas d’attaque. Cependant ils laissĂšrent un grand nombre d’Isauriens afin de garder les navires. [
] Les barbares restĂšrent dans leur camp, soit parce qu’ils Ă©taient terrifiĂ©s par le danger, soit parce qu’ils pensaient que les Romains ne rĂ©ussiraient jamais par de tels moyens Ă  faire venir des provisions. [
] AprĂšs que les Romains aient fait plusieurs fois le trajet en remontant le fleuve de la mĂȘme maniĂšre, et aient ainsi transportĂ© toutes les cargaisons dans la ville sans encombre, les marins remontĂšrent dans les navires et se retirĂšrent trĂšs rapidement, car il Ă©tait dĂ©jĂ  presque l'heure du solstice d'hiver ; le reste de l'armĂ©e entra dans Rome, sauf Paulus qui resta Ă  Ostie avec quelques-uns des Isauriens[24] - [25]. »

Retour Ă  Constantinople

Procopius accuse par ailleurs d'Antonina d'ĂȘtre impliquĂ©e dans la mort de Constantinus Ă  la fin de 537.

« Peu de temps aprĂšs, Antonina persuada BĂ©lisaire de faire tuer Constantin. A cette Ă©poque avait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e l'affaire de Presidius et des poignards, comme je l'ai exposĂ©e dans le rĂ©cit prĂ©cĂ©dent. Bien que l'homme soit sur le point d'ĂȘtre acquittĂ©, Antonina n'Ă©tait pas satisfaite tant qu'elle ne l'aurait pas puni pour la remarque qu'il avait faite [contre elle] que je viens de mentionner[4] - [26] »

Cependant, Procope donne un récit assez différent des événements dans un autre passage, dans lequel il indique que Constantinus aurait été exécuté pour vol, insubordination et tentative d'assassinat sur Bélisaire[27].

Antonina séjourna ensuite probablement en Italie de 538 à 540, mais Procope ne donne aucun détail sur ses activités. Il indique simplement qu'elle et Bélisaire retournÚrent à Constantinople en 540. Bélisaire avait en effet été rappelé pour participer à une nouvelle guerre contre les Perses. Procope écrit « A cette époque, Belisaire, aprÚs avoir conquis l'Italie, revint à Byzance sur convocation de l'empereur en compagnie de son épouse Antonina, afin de marcher contre les Perses ». D'aprÚs Procope, l'amant d'Antonina, Théodose, serait également revenu avec eux : « Là-bas [en Italie], elle avait profité pleinement des attentions de son amant et de la naïveté de son mari, puis était ensuite revenue à Byzance en compagnie de chacun d'eux[4] - [28] - [29]. »

Chute de Jean de Cappadoce

À son retour Ă  Constantinople, Antonina aida ThĂ©odora dans sa lutte politique contre le prĂ©fet du prĂ©toire d’Orient, Jean de Cappadoce. La chute et l’exil de ce dernier en 541 semblent avoir Ă©tĂ© le rĂ©sultat d'une rivalitĂ© persistante entre lui, ThĂ©odora et BĂ©lisaire. Jean et ThĂ©odora se livraient en effet une lutte d’influence auprĂšs de Justinien, chacun cherchant des motifs d’accusation contre l’autre. L’impĂ©ratrice et le prĂ©fet se haĂŻssaient rĂ©ciproquement. De son cĂŽtĂ©, BĂ©lisaire avait gagnĂ© un soutien populaire considĂ©rable aprĂšs son retour d’Italie et considĂ©rait Jean de Cappadoce comme un rival[4] - [30] - [31].

Dans ses écrits, Procope raconte en détail comment Théodora et Antonina brisÚrent la carriÚre de Jean de Cappadoce :

« BĂ©lisaire jouissait d'une popularitĂ© sans Ă©gale. C'est sur lui que les espoirs des Romains se concentrĂšrent lorsqu’il marcha une fois de plus contre les Perses, laissant sa femme Ă  Byzance. De son cĂŽtĂ©, Antonina, la femme de BĂ©lisaire (elle Ă©tait la personne la plus douĂ©e dans le monde pour inventer l'impossible), cherchait Ă  rendre service Ă  l'impĂ©ratrice. Elle Ă©labora le plan suivant : Jean avait une fille, EuphĂ©mie, une femme rĂ©putĂ©e pour sa discrĂ©tion, mais qui Ă©tait Ă©galement trĂšs jeune, et donc trĂšs vulnĂ©rable. Elle Ă©tait extrĂȘmement aimĂ©e de son pĂšre car elle Ă©tait son unique enfant. En traitant cette jeune femme avec bontĂ© pendant plusieurs jours, Antonina rĂ©ussit bientĂŽt Ă  gagner son amitiĂ©. Elle ne refusait d’ailleurs pas de lui livrer quelques secrets. Alors qu’Antonina se trouvait seule dans sa chambre en compagnie d’EuphĂ©mie, elle feignit de dĂ©plorer le sort qui l'attendait. Elle dĂ©clara Ă  EuphĂ©mie que, mĂȘme si BĂ©lisaire avait rĂ©ussi Ă  Ă©tendre l'empire romain encore plus qu’avant, et qu'il avait capturĂ© deux rois et amassĂ© de grandes richesses Ă  Byzance, il trouvait malgrĂ© tout Justinien ingrat ; puis Antonina poursuivit en critiquant Ă©galement le gouvernement de Justinien et ThĂ©odora. EuphĂ©mie Ă©tait ravie de ces paroles, car elle Ă©tait Ă©galement hostile Ă  l’administration en place en raison de sa peur de l’impĂ©ratrice. Elle dit Ă  Antonina : « Et pourtant, ma trĂšs chĂšre amie, c’est Ă  toi et BĂ©lisaire que tu dois t'en prendre car, bien que vous en ayez la possibilitĂ©, vous n'ĂȘtes pas disposĂ©s Ă  utiliser votre pouvoir. » Antonina lui rĂ©pondu rapidement : « C’est parce que nous ne pouvons pas, ma fille, entreprendre des rĂ©volutions sur le champ, Ă  moins que certains de nos compatriotes ne se joignent Ă  nous pour cela. Maintenant, si votre pĂšre le voulait bien, nous pourrions trĂšs facilement organiser cela, projeter et accomplir tout ce que Dieu veut. » Quand EuphĂ©mie entendit cela, elle promit avec empressement Ă  Antonina que sa proposition serait bientĂŽt rĂ©alisĂ©e. Elle partit et porta immĂ©diatement l'affaire Ă  son pĂšre[4] - [28]. »

« Jean Ă©tait satisfait du message de sa fille car il en dĂ©duisait que cette entreprise lui offrait un moyen d'accomplir ses prophĂ©ties et d’atteindre le pouvoir royal. AussitĂŽt et sans aucune hĂ©sitation, il donna son consentement et ordonna Ă  sa fille d’organiser la rencontre avec Antonina. Le lendemain, il souhaitait venir de lui-mĂȘme s’entretenir avec Antonina afin de prendre certains engagements. Lorsqu’Antonina apprit les intentions de Jean, elle prit ses prĂ©cautions afin de ne pas Ă©veiller sa mĂ©fiance. Elle dĂ©clara tout d’abord que pour le moment il Ă©tait dĂ©conseillĂ© de la rencontrer, de peur d’éveiller les soupçons et d’ĂȘtre poursuivis ensuite. Elle avait l’intention de partir rapidement pour l’Est afin de rejoindre son mari BĂ©lisaire. Lorsqu’elle aurait quittĂ© Byzance et atteint une maison dans un des faubourgs de la ville (qui s'appelait Rufinianae et qui appartenait Ă  BĂ©lisaire), Jean devait alors venir la rencontrer comme pour la saluer et l’escorter ensuite durant son voyage. Ils pourraient ainsi se concerter sur les questions relatives Ă  l’Etat et prendre des engagements rĂ©ciproques. Ce faisant, elle sembla convaincre Jean et une date prĂ©cise fut choisie pour exĂ©cuter le plan. Antonina rapporta tout Ă  l’impĂ©ratrice qui approuva ce qu’elle avait planifiĂ©, et se montra enthousiaste comme jamais elle ne l'avait Ă©tĂ© auparavant[4] - [28]. »

« Lorsque la date approcha, Antonina dit au revoir Ă  l'impĂ©ratrice et partit de Constantinople. Comme prĂ©vu, elle se rendit Ă  Rufinianae comme si elle allait dĂ©buter un voyage vers l’Orient. Jean vint la rejoindre dans la nuit suivant le plan convenu. Entre-temps, l'impĂ©ratrice dĂ©nonça Jean Ă  son mari. Elle envoya Ă©galement l’eunuque NarsĂšs et Marcellus le commandant des gardes du palais, Ă  Rufinianae avec une escorte de soldats afin qu’ils puissent s’enquĂ©rir de ce qu’il s’y passait. S’ils trouvaient Jean en train de prĂ©parer une rĂ©volte, ils pourraient le tuer immĂ©diatement et revenir. La petite troupe partit aussitĂŽt. Cependant l’empereur avait Ă©tĂ© informĂ© des intentions de sa femme. Il envoya alors un des amis de Jean afin de lui interdire de rencontrer Antonina en secret, pour quelque raison que ce soit. Jean ignora l'avertissement de l'empereur et rencontra vers minuit Antonina prĂšs d'un mur derriĂšre lequel Ă©taient postĂ©s NarsĂšs et Marcellus avec leurs hommes de sorte qu’ils pouvaient entendre ce qu’ils disaient. Se sentant en confiance, Jean dĂ©voila ses intentions. Il approuva de planifier un plan contre le pouvoir et prit des engagements dans ce sens. NarsĂšs et Marcellus sortirent alors de leur cachette et se prĂ©cipitĂšrent vers eux. Cependant, dans la confusion qui en rĂ©sulta, les gardes du corps de Jean (qui se tenaient Ă  proximitĂ©) vinrent immĂ©diatement s’interposer. L’un d’eux frappa Marcellus avec son Ă©pĂ©e, sans savoir qui il Ă©tait. Jean put ainsi s’échapper et retourna en ville Ă  toute vitesse. S’il avait eu le courage d’aller aussitĂŽt voir l’empereur, je pense qu’il aurait pu s’en sortir sans que l’empereur ne le punisse sĂ©vĂšrement, mais il prĂ©fĂ©ra se rĂ©fugier dans un sanctuaire, ce qui donna l’opportunitĂ© Ă  l’impĂ©ratrice de manƓuvrer contre lui comme elle le souhaitait[4] - [28]. »

Il semble en effet que Jean ait commis une erreur en cherchant refuge dans une église voisine. Celle-ci étant hors du périmÚtre de la justice impériale, ce geste fut ainsi perçu comme une preuve de sa culpabilité[32].

Procope poursuit : « AprĂšs avoir terminĂ© son travail et avoir gagnĂ© encore davantage la confiance de l’impĂ©ratrice, elle se dirigea vers l’Est en compagnie de son amant ThĂ©odose [
] LĂ -bas, l’impĂ©ratrice dĂ©montra Ă  tous qu’elle pouvait rĂ©compenser ceux qui la servent par des dons toujours plus grands mais aussi par des faveurs sanglantes. Antonina avait tendu un piĂšge Ă  un de ses ennemis et avait trahi ce dernier. Elle rĂ©compensa alors Antonina en lui livrant une foule d’hommes et brisa leur vie, alors qu’aucune charge particuliĂšre n’avait Ă©tĂ© retenue contre eux[4] - [33] - [34]. »

Tensions avec BĂ©lisaire

Ce personnage, reprĂ©sentĂ© Ă  la droite de l'empereur sur une mosaĂŻque cĂ©lĂ©brant la reconquĂȘte de l’Italie par l’armĂ©e byzantine (basilique Saint-Vital de Ravenne), est probablement celui du gĂ©nĂ©ral victorieux, BĂ©lisaire.

Antonina accompagna ensuite son mari lorsque celui-ci partit combattre les Perses durant la guerre lazique. Cependant, sa liaison avec son amant ThĂ©odose causa des tensions au sein du couple. Son manque de discrĂ©tion lors de ses entrevues avec ThĂ©odose conduisit Ă  une confrontation publique. Ses relations avec Photius, son fils nĂ© d’un prĂ©cĂ©dent mariage, se dĂ©tĂ©riorĂšrent Ă©galement Ă  cause de cette histoire. BĂ©lisaire rĂ©ussit Ă  convaincra Photius d’agir en tant que son propre agent : « Les deux hommes se sont alors jurĂ© les serments les plus terribles parmi les chrĂ©tiens et se sont promis de ne jamais se trahir, mĂȘme en face d’un danger mortel[4] - [35] ».

Antonina aurait rejoint BĂ©lisaire peu aprĂšs son retour de la forteresse de Sisauranon : « Quelqu'un l’aurait prĂ©venu qu'elle Ă©tait en chemin. AprĂšs quoi, considĂ©rant que toutes les autres choses avaient peu d’importance, il fit retraite avec son armĂ©e. À ce moment-lĂ , certaines choses s’étaient produites au sein de l’armĂ©e, qui l’avaient dĂ©jĂ  fait rĂ©flĂ©chir sur une Ă©ventuelle retraite. Cette information le conduisit Ă  prendre sa dĂ©cision plus rapidement que prĂ©vu : « A cause de la mauvaise conduite de sa femme, il ne voulait pas rester dans une rĂ©gion aussi Ă©loignĂ©e du territoire romain. DĂšs que sa femme serait arrivĂ©e de Byzance, il voulait pouvoir faire demi-tour, la rattraper et la punir immĂ©diatement »[4] - [35].

BĂ©lisaire fit arrĂȘter Antonina, tandis que Photius fut envoyĂ© Ă  ÉphĂšse arrĂȘter ThĂ©odose. « Quand BĂ©lisaire fut de retour en territoire romain, il s'aperçut que sa femme Ă©tait arrivĂ©e de Byzance. Il la fit mettre sous bonne garde, comme quelqu’un tombĂ© en disgrĂące. Bien qu’il ait envisagĂ© de la dĂ©truire, son cƓur fut vaincu, me semble-t-il, par une sorte d'amour enflammĂ©. Certains disent que c'est aussi par magie qu’elle avait rĂ©ussi Ă  l’influencer[4] - [36] ».

L’impĂ©ratrice ThĂ©odora intervint alors en faveur de son alliĂ©e et collaboratrice. Elle persuada BĂ©lisaire et Antonina de revenir Ă  Constantinople, puis elle se retourna contre les « proches » de BĂ©lisaire et de Photius. Le couple dut se rĂ©concilier sur ordre de ThĂ©odora, bien qu’elle ne sache pas encore oĂč Photius avait enlevĂ© et cachĂ© l’amant d’Antonina, ThĂ©odose : « Elle [ThĂ©odora] força BĂ©lisaire, contre son grĂ©, Ă  se rĂ©concilier avec sa femme Antonina. Elle infligea ensuite toute sorte de tortures Ă  Photius, le faisant frapper sur le dos et sur les Ă©paules Ă  coups de fouet [4] - [35] ».

ThĂ©odora fit rechercher et dĂ©livrer ThĂ©odose puis le cacha dans le palais. Ensuite elle l’offrit en cadeau Ă  Antonina, afin que leur liaison puisse se poursuivre : « Elle [ThĂ©odora] fit sortir ThĂ©odose de la chambre de l'un des eunuques et le montra Ă  Antonina. Antonina Ă©tait si heureuse qu'elle resta d'abord sans voix, puis elle fit grĂące Ă  ThĂ©odora qui lui avait rendu une si grande faveur, l’appelant sa bienfaitrice et sa maĂźtresse. L’impĂ©ratrice fit installer ThĂ©odose dans le palais et lui confĂ©ra luxe et toutes sortes d’indulgence. Elle lui fit comprendre qu’elle pourrait faire de lui plus tard un gĂ©nĂ©ral romain, mais une sorte de justice l'en empĂȘcha, car il fut saisi d'une attaque de dysenterie et se retira du monde[4] - [35] ».

En 542-543, BĂ©lisaire tomba ensuite en disgrĂące mais pour des causes extĂ©rieures. Constantinople subissait alors une Ă©pidĂ©mie de peste et Justinien lui-mĂȘme Ă©tait gravement malade. Des rumeurs couraient au palais sur sa succession. BĂ©lisaire et BouzĂšs, alors en campagne, auraient Ă©tĂ© surpris par des agents de ThĂ©odora en train de discuter sur la succession, se jurant de s’opposer Ă  un empereur qui aurait Ă©tĂ© choisi sans leur consentement. ThĂ©odora s'en offusqua et les fit rappeler Ă  Constantinople pour les faire juger. BouzĂšs fut arrĂȘtĂ© et passa plus de deux ans dans une chambre souterraine situĂ©e sous le quartier rĂ©servĂ© aux femmes du palais. Bien qu’il fĂ»t ensuite libĂ©rĂ©, Procope indique que BouzĂšs continua ensuite de souffrir d’une mauvaise vue et d’une mauvaise santĂ© tout au long de sa vie Ă  la suite de cette dĂ©tention[37].

« Telle fut l’expĂ©rience de BouzĂšs. Quant Ă  BĂ©lisaire, bien qu'il n'ait Ă©tĂ© reconnu coupable d'aucun chef d'accusation, l'empereur, sous l'insistance de l'impĂ©ratrice, le releva du commandement qu'il exerçait et le remplaça par Martinus en tant que gĂ©nĂ©ral de l'Orient. [
] Beaucoup de ses amis et de ceux qui avaient servi auprĂšs de lui auparavant d’une maniĂšre ou d’une autre, avaient interdiction de lui rendre visite. BĂ©lisaire n’était plus qu’un citoyen anonyme de Byzance, vagabondant dans les rues, triste, pratiquement seul, toujours pensif et sombre, redoutant qu’on vienne soudainement le tuer. » D’aprĂšs Procope, BĂ©lisaire aurait ensuite bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’intervention d’Antonina pour retrouver la grĂące de l’empereur[4].

DerniÚres années

La Mort d’Antonina par François Joseph Kinson (v. 1817).

Lorsque BĂ©lisaire fut rĂ©tabli dans ses fonctions, il aurait tentĂ© de rĂ©cupĂ©rer son poste de magister militum sur le front de l’Est, mais Antonina aurait empĂȘchĂ© sa nomination, car cela lui aurait rappelĂ© des souvenirs douloureux. Procope Ă©crit : « BĂ©lisaire demanda Ă  ce qu'il puisse reprendre son poste et qu’il soit dĂ©signĂ© gĂ©nĂ©ral des armĂ©es de l'Est afin de pouvoir conduire l'armĂ©e romaine contre ChosroĂšs et les MĂšdes, mais Antonina n'en voulait rien ; elle affirmait qu’il l’avait insultĂ© lorsqu’il officiait dans ces rĂ©gions, et qu’il ne devrait pas y aller [
] Ignorant ce qui s’était passĂ© et oubliant les serments faits Ă  Photius et aux autres membres de sa famille, il suivit docilement sa femme et se laissa sĂ©duire par elle bien qu’elle fĂ»t dĂ©jĂ  ĂągĂ©e de soixante ans ». D’aprĂšs l’ñge indiquĂ© par Procope, on peut donc estimer qu’elle serait nĂ©e vers 484[4] - [36].

BĂ©lisaire fut alors renvoyĂ© combattre les Goths en Italie. Antonina le suivit dans ses campagnes. Dans ses Ă©crits, Procope laisse entrevoir le trajet de ses dĂ©placements. En 546, elle se trouvait Ă  Portus, puis Ă  Croton Ă  la fin de l’annĂ©e 547 et enfin Ă  Hydruntum en 548. Elle fut envoyĂ©e comme messagĂšre Ă  Constantinople. Sa mission Ă©tait de convaincre l’empereur Justinien d’envoyer des renforts pour combattre les Goths. Lorsqu’elle arriva, l’impĂ©ratrice ThĂ©odora Ă©tait dĂ©jĂ  morte. Antonina prĂ©fĂ©ra insister auprĂšs de Justinien afin qu’il rappelle BĂ©lisaire Ă  Constantinople[4].

Dans les annĂ©es 540, la fille d’Antonina, Joannina, s'Ă©tait mariĂ©e avec Anastase, un petit-fils de l’impĂ©ratrice ThĂ©odora, malgrĂ© l'opposition d’Antonina. Au dĂ©but de l’annĂ©e 549, Antonina s’arrangea donc pour rompre ce mariage. Procope Ă©crit : « Lorsqu’Antonina revint Ă  Byzance, l’impĂ©ratrice Ă©tait morte. Elle oublia alors dĂ©libĂ©rĂ©ment tous les avantages que l’impĂ©ratrice lui avait apportĂ©s et ne prĂȘta aucune attention au fait que si sa fille devait Ă©pouser quelqu'un d'autre, ses antĂ©cĂ©dents feraient d’elle une prostituĂ©e. Elle rejeta l’union de sa fille avec le petit-fils de ThĂ©odora et força sa fille, contre son grĂ©, Ă  abandonner son bien-aimĂ©, ce qui lui valut d’acquĂ©rir une rĂ©putation d’ingratitude envers toute l'humanitĂ©. Cependant, lorsque son mari arriva, elle n’eut aucune difficultĂ© Ă  le convaincre de se rallier Ă  son avis, ce qui en dit long sur le caractĂšre de cet homme Ă  ce moment-lĂ  »[4] - [38].

D’aprĂšs le Patria de Constantinople, une source postĂ©rieure Ă  Procope, Antonina aurait vĂ©cu plus longtemps que son mari BĂ©lisaire, ce qui signifie qu’elle Ă©tait encore en vie Ă  la mort de celui-ci en 565. Elle serait allĂ©e vivre avec Vigilantia, la sƓur de Justinien. Elle aurait apparemment persuadĂ© Vigilantia de construire une Ă©glise dĂ©diĂ©e Ă  Procope de Scythopolis. La mĂȘme source indique qu’Antonina aurait obtenu le titre de patricienne zƍstē, une dignitĂ© de haut-rang rĂ©servĂ©e exclusivement Ă  celle qui fut la principale collaboratrice de l'impĂ©ratrice. Si cette information est exacte, Antonina serait alors la premiĂšre titulaire connue de ce titre. Un certain nombre d'historiens modernes ont acceptĂ© cette affirmation dans leurs travaux, nĂ©anmoins l’absence d’autres sources sur le sujet laissent planer le doute[4].

Interprétations des historiens

L’historienne Lynda Garland s’interroge sur la place d’Antonina dans les Ă©crits de Procope de CĂ©sarĂ©e. Elle note que ce dernier est la source principale sur la vie d’Antonina et ThĂ©odora. En tant que secrĂ©taire et conseiller juridique de BĂ©lisaire de 527 Ă  540, Procope avait la possibilitĂ© de connaĂźtre intimement Antonina. Sa position au plus proche du pouvoir lui permettrait Ă©galement de faire la chronique des activitĂ©s des deux femmes. En fait, il semble que Procope dĂ©testait Antonina. Son ouvrage Histoire SecrĂšte dĂ©marre avec Antonina comme cible principale. Procope lui consacre ainsi les deux premiers chapitres. Ce n’est que dans les chapitres suivants qu’il s’intĂ©resse aux cas de ThĂ©odora et Justinien[39].

Le rĂ©cit de Procope repose certainement sur des faits. Cependant les dĂ©tails les plus extravagants sur la rĂ©putation de dĂ©bauchĂ©e d’Antonina proviennent probablement d’une tradition des Ă©critures antiques envers les femmes considĂ©rĂ©es comme « nuisibles » Ă  cause de leur influence[40]. Antonina avait un talent certain pour les intrigues politiques, comme le dĂ©montre son rĂŽle dans la destitution du pape SilvĂšre et de Jean de Cappadoce. Elle rĂ©ussit Ă  faire apparaĂźtre SilvĂšre comme un traĂźtre Ă  la solde des Goths et parvient Ă  dĂ©montrer que Jean Ă©tait impliquĂ© dans « un complot en vue de conquĂ©rir le trĂŽne ». Procope dĂ©montre ici sa connaissance des Ă©vĂ©nements et des personnalitĂ©s proches du pouvoir[41]. Au travers de ses Ă©crits, on devine qu’Antonina et ThĂ©odora avaient les mĂȘmes origines et leur amitiĂ© datait d’avant leur accession au pouvoir[42].

Procope affirme dans plusieurs chapitres qu'Antonina Ă©tait « habile en magie », une affirmation qui n’est pas prise au sĂ©rieux par les historiens modernes[43].

L’historien canadien Evans note que ce que nous savons d’Antonina reste incertain encore aujourd’hui[21]. Selon lui, la mĂšre d’Antonina n’était probablement pas une actrice, mais plutĂŽt une strip-teaseuse. Du reste, peu d’informations existent concernant les origines d’Antonina. Elle faisait sans doute partie du monde du thĂ©Ăątre de Constantinople. C’est probablement par ce biais qu’elle rencontre ThĂ©odora, on ne sait quand ni comment. ThĂ©odora la recruta peut-ĂȘtre initialement comme agent et informateur. Bien que les deux femmes aient eu des liens Ă©troits tout au long de leur vie, Evans note qu’il s’agissait d’une « relation inĂ©gale »[15].

Nous ne savons pas quand ni comment Antonina et BĂ©lisaire se sont rencontrĂ©s. ThĂ©odora pourrait avoir prĂ©sentĂ© son amie au jeune garde du corps de l’empereur Justin Ier. L’Augusta aurait Ă©galement pu aider BĂ©lisaire Ă  obtenir ensuite un poste de commandement, ce qui expliquerait la progression rapide de la carriĂšre de BĂ©lisaire. Antonina servit certainement ensuite d’intermĂ©diaire entre BĂ©lisaire et ThĂ©odora. Au moment de son mariage avec BĂ©lisaire, il semble qu’elle n’était plus toute jeune. Des rumeurs indiquent qu’elle avait dĂ©jĂ  plusieurs enfants mais rien ne permet de l’attester. Photius, qui rĂ©prima la rĂ©volte des Samaritains, est l’enfant d’Antonina au sujet duquel on a le plus de certitude[21].

BĂ©lisaire est dĂ©peint comme un mari dĂ©vouĂ©, au contraire d’Antonina qui est dĂ©crite comme une Ă©pouse infidĂšle. Procope note cependant qu’elle Ă©tait le plus « fidĂšle soutien et assistante » de BĂ©lisaire. Elle accompagne notamment son mari dans ses diffĂ©rentes campagnes et joua un rĂŽle important dans les opĂ©rations, tout en servant Ă©galement d’agent Ă  ThĂ©odora[21].

Le mariage entre Joannina et d'Anastase montre nĂ©anmoins que les relations entre les deux femmes n’étaient pas au beau fixe. ThĂ©odora avait en effet dĂ©cidĂ© de marier son petit-fils avec la fille d’Antonina. C’est elle qui arrangea son mariage avec Joannina, malgrĂ© l’opposition d’Antonina. Le mariage eut probablement lieu entre 542 et 544, alors que BĂ©lisaire Ă©tait tombĂ© en disgrĂące. À ce moment-lĂ , BĂ©lisaire et Antonina n'Ă©taient clairement pas en position de discuter. Lorsqu’Antonina tenta de reporter le mariage, ThĂ©odora leur força la main. Elle s’arrangea ensuite pour que le couple vive ensemble, alors qu’ils n’étaient pas encore mariĂ©s[21].

On est alors en 547. L’impĂ©ratrice ThĂ©odora ressent Ă  ce moment-lĂ  les premiers signes de la maladie (probablement un cancer) qui va l’emporter et sait que ses jours sont comptĂ©s. Elle craint qu’aprĂšs sa mort, Antonina ne soit plus « loyale envers sa famille », ce qui expliquerait son obstination Ă  organiser ce mariage entre leurs deux familles[44].

Procope met Ă©galement en avant dans ses Ă©crits la romance qu’aurait eu Antonina avec un jeune Thrace du nom de ThĂ©odose. Au moment de la guerre des Vandales, celui-ci est traitĂ© comme un fils adoptif de BĂ©lisaire, bien qu'il n'ait apparemment pas Ă©tĂ© lĂ©galement adoptĂ©. Si cela avait Ă©tĂ© le cas, il aurait alors pris la place de Joannina, en tant qu’hĂ©ritier de BĂ©lisaire. La liaison entre Antonina et ThĂ©odose se serait poursuivie durant la guerre des Vandales et ensuite pendant la guerre des Goths, sans que BĂ©lisaire ne s'en rende compte. Photius, un fils d’Antonina nĂ© d’un prĂ©cĂ©dent mariage, aurait eu vent de l’affaire. Se sentant « rejetĂ© » et dĂ©goĂ»tĂ© par sa mĂšre, il aurait alors fait arrĂȘter ThĂ©odose, mais ce n’est pas certain. L'historien Evans note que ThĂ©odose aurait peut-ĂȘtre tout simplement eu peur de son amante et qu'il se serait Ă©chappĂ© pour devenir moine. Dans tous les cas, Antonina persuada BĂ©lisaire et Justinien de rappeler ThĂ©odose. L’impĂ©ratrice ThĂ©odora fit alors rechercher ThĂ©odose et le ramena Ă  Antonina. Pour Evans, les intentions de ThĂ©odora n’étaient alors pas dĂ©nuĂ©es d’intĂ©rĂȘt. Elle utilisa ensuite cette affaire afin de demander divers services Ă  Antonina, qui pouvait difficilement refuser[21].

Descendance

Procope indique qu’Antonina avait un fils, Photius et que celui-ci provenait d’un prĂ©cĂ©dent mariage.

« Le gĂ©nĂ©ral et commandant en chef BĂ©lisaire Ă©tait accompagnĂ© d'hommes remarquables parmi ses lanceurs et ses gardes. Il Ă©tait Ă©galement accompagnĂ© de Photius, le fils qu’Antonina avait eu d’un prĂ©cĂ©dent mariage. C’était un jeune homme qui portait encore sa premiĂšre barbe mais il possĂ©dait une grande force de caractĂšre[45] - [4]. »

« Il y avait Ă©galement Valentinus, le garçon d’écurie de Photius, le fils d’Antonina, qui avait montrĂ© sa valeur de façon remarquable. Photius Ă©tait quelqu’un qui pouvait se vexer facilement si quelqu’un avait plus d’influence que lui sur une autre personne, et dans le cas de ThĂ©odose et de ses accolytes, il avait raison de se sentir lĂ©sĂ© dans le sens oĂč lui n’était parti de rien, alors que ThĂ©odose disposait d’un grand pouvoir et avait acquis une grande richesse[46] - [4]. »

Photius est Ă©galement mentionnĂ© dans les Ă©crits de Liberatus de Carthage et de Jean d'ÉphĂšse[4].

Bélisaire et Antonina eurent un seul enfant ensemble, une fille nommée Ioannina (ou Joannina). Procope écrit : « Théodora s'est rendu compte que cette fille serait l'unique héritiÚre puisque Bélisaire n'avait pas d'autre progéniture ».

Antonina aurait également eu une fille avec un autre homme, nommé Ildiger. Celui-ci est mentionné comme étant le propre gendre d'Antonina (mais jamais officiellement comme le beau-fils de Bélisaire). Procope écrit

« L'empereur envoya une autre armĂ©e aussi Ă  Salomon avec ThĂ©odoras le Cappadocien et Ildiger qui Ă©tait le gendre d'Antonina, la femme de BĂ©lisaire. [
] Les Ă©missaires des barbares sont arrivĂ©s Ă  Byzance escortĂ©s par des Romains et Ildiger, le beau-fils d'Antonina, est parti Ă  Rome depuis la Libye avec de nombreux cavaliers[47] - [48]. »

Antonina a, semble-t-il, une petite fille dans les annĂ©es 540 mais on ignore de quel enfant d’Antonina elle est issue. Elle est apparemment courtisĂ©e par Serge, le prĂ©cepteur prĂ©torien d'Afrique. Procope Ă©crit :

« Sergius Ă©tait doux, peu guerrier et trĂšs immature. Il Ă©tait dominĂ© par la jalousie et l'esprit de fanfaronnade envers tous les hommes. Il Ă©tait effĂ©minĂ© dans sa façon de vivre, et avait les joues gonflĂ©es de fiertĂ©. Mais comme il Ă©tait devenu le soupirant de la fille d'Antonina, l’épouse de BĂ©lisaire, l'impĂ©ratrice n’était pas disposĂ©e Ă  lui infliger un chĂątiment ou Ă  le dĂ©mettre de ses fonctions[49]. »

Références

  1. Cesaretti 2003, IX, p. 167.
  2. John LempriĂšre, Bibliotheca classica: or, A classical dictionary, Volume 1, 188, p. 275
  3. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 1, p. 11
  4. Martindale, Jones & Morris (1992), p. 91–93.
  5. Garland (1999), p. 12.
  6. Cesaretti 2003, X, p192-193
  7. Houssaye 1889, VII, p. 37.
  8. Cesaretti 2003, XIII, p257-262
  9. Cesaretti 2003, X, p. 193.
  10. Ibid, 1,13
  11. Procope, Histoire SecrĂšte, Chapitre 5, p. 33
  12. Procope, Histoire Secrùte, Livre 3, Chapitre 12, 1–2.
  13. Lightman and Lightman (2007), p. 29.
  14. Procope, Guerres, Livre 3, Chapitre 13, 24
  15. Evans 2003, , p. 51-56.
  16. Procope, Guerres, Livre 3, Chapitre 19, 11
  17. Procope, Guerres, Livre 3, Chapitre 20, 1
  18. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , p. 7
  19. Girod 2018, VII, p206
  20. Cesaretti 2003, XIII, p274-277
  21. Evans 2003, , p51-56
  22. Martindale, Jones & Morris 1992, , p91-93
  23. Procope de Césarée, Histoire de la guerre contre les Goths, Paris, Paleo, , p. 18-43
  24. Lightman & Lightman 2007, , p29
  25. Procope de Césarée, Histoire de la guerre contre les Goths, Paris, Paleo, , p. 6-7
  26. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , p. 28-29.
  27. Procope de Césarée, Histoire de la guerre contre les Goths, Paris, Paleo, , p. 6-8
  28. Procope de Césarée, Histoire de la guerre contre les Goths, Paris, Paleo, , p. 25-11
  29. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , p. 1-35
  30. Bury 1923, , p. 57-58
  31. Martindale, Jones & Morris 1992, , p. 633,815,915
  32. Jean-François Solnon, Les Couples royaux dans l'histoire : le pouvoir à quatre mains, Paris, Perrin, , 448 p. (ISBN 978-2-262-06614-7, BNF 45048001)
  33. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 2, p. 16-17
  34. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 3, p. 6-7
  35. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 2
  36. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 4
  37. Martindale, Jones & Morris 1992, , p254-257
  38. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 5, p. 23-24
  39. Garland 1999, , p. 13.
  40. Garland 1999, , p13
  41. Garland 1999, , p34-36
  42. Garland 1999, , p12
  43. Garland 1999, , p246
  44. Cesaretti 2003, 17, p357
  45. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 5, p. 5
  46. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 1, p. 32
  47. Procope, Histoire de la guerre contre les Goths, livre 6, chap. 7.15.
  48. Procope, Histoire de la guerre contre les Goths, livre 4, chap. 8.24.
  49. Procope de Césarée, Histoire secrÚte, Paris, Les Belles Lettres, , chap. 5, p. 33

Sources

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Antonina (wife of Belisarius) » (voir la liste des auteurs).
  • (en) John Bagnell Bury, History of the Later Roman Empire from the Death of Theodosius I to the Death of Justinian, Macmillan, , « Volume 2 ».
  • (en) James Allan Evans, The Empress Theodora : Partner of Justinian, University of Texas Press, , 172 p. (ISBN 978-0-292-70270-7).
  • (en) John R Martindale, A.H.M Jones et John Morris, The Prosopography of the Later Roman Empire, Volume III : AD 527–641, Cambridge (GB), Cambridge University Press, , 1626 p. (ISBN 978-0-521-20160-5, BNF 35689139).
  • (en) Marjorie Lightman et Benjamin Lightman, A to Z of ancient Greek and Roman women, revised edition, Infobase Publishing, , 398 p. (ISBN 978-0-8160-6710-7).
  • (en) Lynda Garland, Byzantine empresses : women and power in Byzantium, AD 527–1204, Routledge, , 343 p. (ISBN 978-0-415-14688-3).
  • Virginie Girod, ThĂ©odora, prostituĂ©e et impĂ©ratrice de Byzance, Paris, Tallandier, , 300 p. (ISBN 979-10-210-1822-8, BNF 45459000).
  • Paolo Cesaretti, ThĂ©odora, impĂ©ratrice de Byzance, Payot, (ISBN 978-2-228-89757-0).
  • Henry Houssaye, L’ImpĂ©ratrice ThĂ©odora, BrochĂ©, , 40 p. (ISBN 978-1-5454-5794-8)

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