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Antoine Labeyrie

Antoine Labeyrie, nĂ© Ă  Paris le , est un astronome français, professeur Ă©mĂ©rite au CollĂšge de France[1], oĂč il fut titulaire de la chaire d'Astrophysique Observationnelle, et membre de l'AcadĂ©mie des sciences, section Sciences de l'Univers.

Antoine Labeyrie
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Il est le fils de Jacques Labeyrie (1920-2011), ingénieur, docteur en sciences et assistant de Frédéric Joliot-Curie[2]

Biographie

Ingénieur diplÎmé de SupOptique (ESO 65), sa spécialité est l'optique.

Antoine Labeyrie a apporté des contributions trÚs importantes à deux sujets majeurs en astronomie:

1/ la lutte contre les déformations provoquées par la turbulence atmosphérique sur les images recueillies par les télescopes terrestres, devenue indispensable avec l'augmentation de la taille des miroirs des télescopes.

Il a imaginĂ© et mis en pratique l’interfĂ©romĂ©trie des tavelures, et conceptualisĂ© la maniĂšre de crĂ©er une Ă©toile guide laser.

2/ le développement de l'interférométrie à plusieurs télescopes.

A partir de 1974, ses rĂ©alisations avec deux tĂ©lescopes et leurs rĂ©sultats ont relancĂ© l'intĂ©rĂȘt des observatoires pour l'interfĂ©romĂ©trie, et l’astronomie Ă  haute rĂ©solution.

GrĂące Ă  la tĂ©nacitĂ© de plusieurs astronomes qui Ă©taient convaincus de son grand intĂ©rĂȘt et se sont efforcĂ©s de rĂ©soudre les problĂšmes posĂ©s par l’utilisation de plus de deux tĂ©lescopes, elle est utilisĂ©e maintenant, avec succĂšs, par les sites abritant les plus grands instruments terrestres :

  • VLTI (Cerro Paranal, Chili, Observatoire europĂ©en austral)[3]
  • CHARA (Mont Wilson, Californie, Etats Unis) [4] - [5]
  • Keck (Mauna Kea, Hawai, Etats Unis)[6], l'utilisation des deux tĂ©lescopes en interfĂ©romĂ©trie a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e en 2012.

Il explore maintenant les possibilités offertes par un nouveau concept, l'hypertélescope, liant observation avec un télescope muni d'un grand miroir et interférométrie.

Travaux

Lutte contre la turbulence atmosphérique

En 1970, dans son mĂ©moire de doctorat, Antoine Labeyrie dĂ©veloppe le concept d'interfĂ©romĂ©trie des tavelures[7]. Sa premiĂšre mise en application, en 1971, au plus grand tĂ©lescope d’alors, le 200 pouces du Mont Palomar, permet de mesurer le diamĂštre de neuf Ă©toiles[8] - [9]. Bien adaptĂ©e Ă  la rĂ©solution des Ă©toiles doubles, cette technique a permis de rĂ©soudre pour la premiĂšre fois six d’entre elles en 1971-1972, dĂ©nommĂ©es depuis LAB (pour Labeyrie) dans les catalogues d'Ă©toiles[10] - [11].

En 1985, avec Renaud Foy, il Ă©met l’idĂ©e de crĂ©er une Ă©toile artificielle en excitant des atomes de la couche de sodium de la haute atmosphĂšre par un rayon laser[12]. Cette Ă©toile artificielle, pouvant ĂȘtre positionnĂ©e oĂč on le souhaite, permet d’étendre l’utilisation de l’optique adaptative Ă  l’observation d’objets ne possĂ©dant pas d’étoile brillante Ă  proximitĂ©[8]. Les militaires des Etats Unis avaient dĂ©jĂ  eu cette idĂ©e et avaient avancĂ© sur le sujet mais leurs travaux, gardĂ©s secrets, n’ont Ă©tĂ© connus et dĂ©classifiĂ©s qu’en 1991[13]. Ce dispositif, appelĂ© Ă©toile guide laser, a Ă©tĂ© mis en Ɠuvre sur les plus grands sites d’observation astronomique :

  • Keck (Mauna Kea, Hawai, Etats Unis)[14]
  • Lick (Diablo range, Californie, Etats Unis)[15]
  • William Herschel tĂ©lescope (Observatoire Roque de los muchachos, La Palma, iles Canaries, Espagne)[16]
  • VLT (Cerro Paranal, Chili, Observatoire EuropĂ©en Austral)[17]
  • Observatoire Gemini North (Mauna Kea, Hawai, Etats Unis)[18]
  • Large binocular telescope (Mont Graham, Arizona, Etats Unis)[19] - [20]
  • Gran telescopio Canarias (Observatoire Roque de los muchachos, La Palma, iles Canaries, Espagne)[21]
  • TMT (Thirty Meter Telescope)[22], en projet.


Le développement de l'interférométrie à plusieurs télescopes

L’intĂ©rĂȘt de l’interfĂ©romĂ©trie en astronomie est d’obtenir une rĂ©solution Ă©quivalente Ă  celle d’un instrument d’un diamĂštre supĂ©rieur Ă  celui utilisĂ©. Augmenter la taille du miroir d’un tĂ©lescope permet d'amĂ©liorer la rĂ©solution des objets observĂ©s et d'accĂ©der Ă  des objets plus petits et/ou plus lointains.

L'interfĂ©romĂ©trie a Ă©tĂ© utilisĂ©e en astronomie depuis la fin du XIXĂšme siĂšcle, d'abord en mettant un masque pourvu de deux fentes sur le miroir primaire (ou secondaire) du tĂ©lescope (dimension limitĂ©e par le diamĂštre dudit miroir), ensuite en montant une poutre de Michelson en amont du tĂ©lescope, au dĂ©but du 20Ăšme siĂšcle (la rĂ©solution obtenue Ă©tait alors Ă©quivalente Ă  celle d’un instrument d’un diamĂštre Ă©gal Ă  la distance sĂ©parant les miroirs de la poutre de Michelson). Cette technique avait fini par ĂȘtre abandonnĂ©e Ă  cause de la difficultĂ© de rigidifier suffisamment la poutre et de maitriser son encombrement, et son mouvement, lors de l’observation, quand on en augmentait la longueur pour accroitre la rĂ©solution. Par ailleurs, les appareils photographiques ou video de l’époque ne permettaient pas d’enregistrer correctement les phĂ©nomĂšnes observĂ©s et leur Ă©volution rapide.

Antoine Labeyrie a eu l'idĂ©e d'utiliser deux tĂ©lescopes simultanĂ©ment et de combiner les lumiĂšres reçues au foyer de chacun, aprĂšs les avoir cophasĂ©es en utilisant des lignes Ă  retard. Ceci faisait suite Ă  l’utilisation de cette mĂ©thode en radioastronomie, dont les longueurs d’onde radio facilitaient la rĂ©alisation des instruments par un moindre besoin de prĂ©cision et de sensibilitĂ© (les lignes Ă  retard doivent assurer une Ă©galisation des distances, Ă  une fraction de la longueur d’onde prĂšs [du domaine mĂ©trique en radio], parcourues par les lumiĂšres issues de l’objet observĂ©), et une quasi insensibilitĂ© aux turbulences atmosphĂ©riques[8].

Il a mis cette idĂ©e en pratique en 1974 avec l'interfĂ©romĂštre Ă  deux tĂ©lescopes (I2T) rĂ©alisĂ© au mont Gros (Nice, Observatoire de la Cote d’Azur)[13], en faisant les premiers dĂ©veloppements de gestion des lignes Ă  retard dans le domaine visible et grĂące Ă  l’utilisation d’une camĂ©ra de tĂ©lĂ©vision Ă  comptage de photons[10]. Ces deux tĂ©lescopes, Ă©loignĂ©s d‘une distance de 13 mĂštres, ont permis d’obtenir des franges d’interfĂ©rence, notamment sur l’étoile Vega[23]. Une fois l’instrument dĂ©mĂ©nagĂ© Ă  Calern (Observatoire de la Cote d’Azur) en 1976, la distance entre les deux tĂ©lescopes, montĂ©s sur rails, est devenue variable entre 4 et 67 mĂštres[10]. Celui-ci a permis de mesurer les diamĂštres des deux composantes de l’étoile double Capella[24].

L’interfĂ©romĂštre Ă  deux tĂ©lescopes (I2T), composĂ© de deux tĂ©lescopes de 25cm de diamĂštre, a eu un successeur Ă  Calern, le grand interfĂ©romĂštre Ă  deux tĂ©lescopes (GI2T), rĂ©unissant deux tĂ©lescopes de 1.50m, mobiles, avec un espacement maximal de 65 mĂštres[25]. Cet interfĂ©romĂštre a produit les premiĂšres franges multi tavelures en 1985[26] et a permis de mesurer le diamĂštre de l’étoile delta CephĂ©e[27]. Il a mis Ă©galement en Ă©vidence les avantages et inconvĂ©nients d’utiliser des petits tĂ©lescopes (I2T, 25cm de diamĂštre) ou des plus grands (GI2T, 1.50m de diamĂštre).

Le projet en cours, l'hypertĂ©lescope, constitue un nouveau dĂ©veloppement de l'interfĂ©romĂ©trie. Il repousse Ă  la fois deux limitations, celle de la taille des miroirs des tĂ©lescopes, et celle du nombre des tĂ©lescopes utilisĂ©s en interfĂ©romĂ©trie sur un mĂȘme site. Cette derniĂšre est induite par la complexitĂ© de la rĂ©alisation et de l'exploitation des lignes Ă  retard, et les calculs lourds de synthĂšse d'ouverture (technique permettant de reconstituer une image Ă  partir des interfĂ©rences observĂ©es par tous les couples de tĂ©lescopes d’un mĂȘme site).

En effet l'hypertĂ©lescope forme une image directe au point focal[28]. Il ne nĂ©cessite donc pas de lignes Ă  retard et s’affranchit des calculs de la synthĂšse d’ouverture. Quant Ă  la taille du miroir de l’hypertĂ©lescope, elle est Ă©volutive et peut atteindre de grandes dimensions. Le nombre et la rĂ©partition des sous ouvertures sont des variables qui peuvent ĂȘtre gĂ©rĂ©es et modifiĂ©es assez facilement.

Cet interféromÚtre ressemble beaucoup à un télescope habituel, mais le miroir primaire est fixe et le collecteur de lumiÚre est mobile au-dessus. Le miroir primaire est constitué de petits miroirs, aussi nombreux que souhaités pour obtenir la dimension et le format adéquats, disposés sur une sphÚre virtuelle. Ils renvoient la lumiÚre reçue de l'objet observé vers une nacelle suspendue au point focal, qui se déplace sur une sphÚre virtuelle (de rayon moitié de celle du miroir primaire) pour accompagner le déplacement du à la rotation terrestre.

Cette architecture soulĂšve un certain nombre de questions, pour lesquelles des solutions sont en cours d’expĂ©rimentation.

Un premier prototype a Ă©tĂ© construit Ă  l’observatoire de haute Provence, associant deux puis trois miroirs composant le miroir primaire. Un ballon Ă  hydrogĂšne dans un premier temps, une grue tĂ©lescopique ensuite, permettait de positionner au centre de la sphĂšre un dispositif d’illumination des miroirs, et supportait le banc optique du point focal. Cet instrument a produit des franges d’interfĂ©rence sur les Ă©toiles Vega en 2004[29] et Deneb en 2013[30].

Un autre hypertĂ©lescope, de plus grande dimension, est en cours de tests dans les Alpes de haute Provence, dans une vallĂ©e orientĂ©e est ouest, Ă  2100 mĂštres d’altitude. Deux miroirs sont implantĂ©s au sol, une nacelle accueillant le banc optique est maintenue au point focal, 101 mĂštres au-dessus, suspendue Ă  un cĂąble traversant la vallĂ©e et mue par trois jeux de cablettes la reliant au sol[31] - [32] - [33].

Distinctions

Il a reçu le prix Beatrice M. Tinsley en 1990, ainsi que le prix Fizeau[34] en 2010.

Il a reçu la médaille Benjamin Franklin en 2000 pour ses découvertes scientifiques.

Il a été promu au grade d'officier de la Légion d'honneur le .

L'astéroïde (8788) Labeyrie porte son nom.

Notes et références

  1. « Biographie et publications | Antoine Labeyrie - Astrophysique observationnelle | CollÚge de France », sur CollÚge de France (consulté le )
  2. Hommage à Jacques Labeyrie, sur le site Café du Commerce.
  3. (en) « The Very Large Telescope Interferometer », sur European Southern Observatory (consulté le )
  4. « CHARA. Observatoire de la Cote d'Azur », sur Observatoire de la Cote d'Azur (consulté le )
  5. (en) « The CHARA array », sur Center for High Angular Resolution Astronomy (consulté le )
  6. (en) « Keck Interferometer », sur NASA Jet Propulsion Laboratory (consulté le )
  7. (en) Antoine Labeyrie, « Attainment of Diffraction Limited Resolution in Large Telescopes by Fourier Analysing Speckle Patterns in Star Images », Astronomy and Astrophysics,‎ , p. 6. 85-87 (lire en ligne [PDF])
  8. Pierre LĂ©na, Une histoire de flou, Paris, Le Pommier, , 390 p. (ISBN 978-2-7465-1805-6), (a) 51, 53-54, (b) 328-329, (c) 103-106
  9. (en) Daniel Gezari, Antoine Labeyrie et R.V.Stachnik, « Speckle Interferometry: Diffraction-Limited Measurements of Nine Stars with the 200-INCH Telescope », The Astrophysical Journal,‎ , p. 173 L1-L5 (lire en ligne [PDF])
  10. Daniel Bonneau, Mieux voir les Ă©toiles, Les Ulis, edp sciences, , 199 p. (ISBN 978-2-7598-2362-8), (a) 133-134, (b) 154, (c) 158
  11. (en) Antoine Labeyrie, Daniel Bonneau, R.V.Stachnik et Daniel Gezari, « Speckle Interferometry III High Resolution Measurements of Twelve Close Binary Systems », The Astrophysical Journal,‎ , p. 194 L147-L151 (lire en ligne [PDF])
  12. (en) Roger Foy et Antoine Labeyrie, « Feasibility of adaptative telescope with laser probe », Astronomy and Astrophysics,‎ , p. 152 L29-L31 (lire en ligne [PDF])
  13. (en) Claus Madsen, The Jewel on the Mountaintop, Augsburg, Allemagne, Wiley-VCH, , 560 p. (ISBN 978-3-527-41203-7), (a) 239, (b) 244
  14. (en) « Laser Guide Star Adaptive Optics », sur W.M. Keck Observatory (consulté le )
  15. (en) « Shane Adaptive Optics », sur Lick Observatory (consulté le )
  16. (en) « The CANARY laser guide star », sur Isaac Newton group of telescopes (consulté le )
  17. (en) « 4 Laser Guide Star Facility », sur ESO (consulté le )
  18. (en) « Altair GEMINI NORTH // AO SYSTEM », sur International Gemini Observatory (consulté le )
  19. (en) « ARGOS », sur LBT o News (consulté le )
  20. (en) « ARGOS », sur Max Planck Institute (consulté le )
  21. (en) « Extension to LGS », sur Gran Telescopio Canarias AO (consulté le )
  22. (en) « Facility Adaptive Optics (NFIRAOS) », sur TMT International Observatory (consulté le )
  23. (en) Antoine Labeyrie, « Interference fringes obtained on Vega with two optical telescopes », The Astrophysical Journal,‎ , p. 196 L71-L75 (lire en ligne [PDF])
  24. (en) Alain Blazit et Daniel Bonneau, « The angular diameters of Capella A and B from two-telescope interferometry », The Astrophysical Journal,‎ , p. 217 L55-L57 (lire en ligne [PDF])
  25. (en) Denis Mourard, Isabelle Tallon-Bosc et Alain Blazit, « The GI2T interferometer on Plateau de Calern », Astronomy and Astrophysics,‎ , p. 283 705-713 (lire en ligne [PDF])
  26. (en) Antoine Labeyrie et GĂ©rard Schumacher, « Fringes obtained with the large "boules" interferometer at CERGA », Astronomy and Astrophysics,‎ , p. 162 359-364 (lire en ligne [PDF])
  27. (en) Denis Mourard, Daniel Bonneau et Laurent Koechlin, « The mean angular diameter of delta Cephei measured by optical long-baseline interferometry », Astronomy and Astrophysics,‎ , p. 317 789-792 (lire en ligne [PDF])
  28. (en) Ettore Pedretti, Antoine Labeyrie et Luc Arnold, « First images on the sky from a hyper telescope », Astronomy and Astrophysics, Supplement series,‎ , p. 147 285-290 (lire en ligne [PDF])
  29. (en) HervĂ© Le Coroller et Julien Dejonghe, « Tests with a Carlina-type hypertelescope prototype I. Demonstration of star tracking and fringe acquisition with a balloon-suspended focal camera », Astronomy and Astrophysics,‎ , p. 426 721-728 (lire en ligne [PDF])
  30. (en) HervĂ© Le Coroller et Julien Dejonghe, « The Carlina-type diluted telescope: Stellar fringes on Deneb », Astronomy and Astrophysics,‎ , p. 573 A117 (lire en ligne [PDF])
  31. Antoine Labeyrie, Annuaire du CollÚge de France 2010-2011 Construction entamée d'un hypertélescope à ouverture de 57-200m, OpenEdition Journals, (lire en ligne), p. 10-15
  32. (en) Antoine Labeyrie, Denis Mourard, Erick Bondoux, Wassila Dali-Ali, Paul D. Nunez, Arun Surya et Rijuparna Chakraborthy, « Optical design options for hypertelescopes and prototype testing », SPIE astronomical telescopes + instrumentation Proceedings volume 9907,‎ (lire en ligne [psf])
  33. Raymond Sadin, « L'HypertĂ©lescope un instrument futuriste », L'Astronomie,‎ , p. 54 Ă  59 (lire en ligne [PDF])
  34. L'Astronomie, octobre 2010, no 32, p. 12

Voir aussi

Articles connexes

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