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André Baudry

André Baudry (né le à Rethondes et mort le à Naples[1]) est le créateur de la revue homophile Arcadie (1954-1982). Son activité associative ainsi que sa réflexion sur la normalisation de la vie des homosexuels constituent, en amont des mouvements plus radicaux des années 1970, un jalon majeur de la lutte contre la persécution des homosexuels en France.

André Baudry
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Biographie
Naissance
Décès
(Ă  95 ans)
Naples
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Biographie

Ancien séminariste, puis professeur de philosophie dans l'enseignement privé (dont au lycée Saint-Louis-de-Gonzague)[2], il s'intéresse au débat sur la sexualité après la publication du rapport Kinsey en 1948, du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, en 1952 et la même année, de la thèse de théologie intitulée Vie Chrétienne et problèmes de la sexualité de l’abbé Marc Oraison. Cette thèse qui prend clairement position pour une attitude plus compréhensive de l'Église vis-à-vis de l'homosexualité est mise à l'Index en .

La revue Arcadie a Ă©tĂ© lancĂ©e en par AndrĂ© Baudry, Jacques de Ricaumont, Roger Peyrefitte et l'auteur et ex-sĂ©minariste AndrĂ© du Dognon[3]. Jean Cocteau offre un dessin inĂ©dit (marquĂ© du mot « libertĂ© Â» Ă©crit Ă  l'envers) Ă  sa signature pour le premier numĂ©ro (tirĂ© Ă  1 500 exemplaires seulement). Elle fut aussitĂ´t interdite Ă  l'affichage et Ă  la vente aux mineurs selon la loi Lecourt/Moch du 16 juillet 1949 (seuls les abonnĂ©s pouvaient donc se la procurer, le bouche-Ă -oreille Ă©tait donc crucial pour que la revue soit lue). AndrĂ© Baudry fut poursuivi en 1955 pour outrage aux bonnes mĹ“urs et condamnĂ© Ă  400 000 francs d'amende. Afin de ne pas effrayer les membres d'Arcadie, il affirmera longtemps ne pas avoir Ă©tĂ© condamnĂ©[4]. L'interdiction ne sera levĂ©e qu'en 1975[3], mais la revue n'a jamais cessĂ© de paraitre (11 numĂ©ros par an, de Ă  , soit 314 exemplaires en tout, dont un numĂ©ro double chaque Ă©tĂ©). « Arcadie », Ă  son apogĂ©e, tirera Ă  40 000 exemplaires destinĂ©s Ă  toute la France (et au-delĂ ). Elle avait des liens forts et des Ă©changes avec les revues homosexuelles Der Kreis (Le Cercle, de Suisse) et One (États-Unis).

Dès , Arcadie prend de l'ampleur se double d'un lieu d'accueil pudiquement baptisĂ© Club littĂ©raire et scientifique des pays latins (Clespala)[3], au 61 rue du Château-d'Eau (Paris 10e), un ancien théâtre, qui fut de fait longtemps le seul lieu de Paris et mĂŞme de toute la France oĂą deux personnes de mĂŞme sexe pouvaient danser ensemble sans souci. Des banquets, des dĂ©bats, des confĂ©rences et des après-midi dansantes (une fois par mois) se dĂ©veloppent, accueillant chaque mois jusqu'Ă  10 000 personnes[3]. En , lors de l'adoption de l’amendement Paul Mirguet rangeant l'homosexualitĂ© parmi les « flĂ©aux sociaux », il supprima les petites annonces et les photographies de la revue, de crainte qu'elle ne soit frappĂ©e Ă  nouveau d'une interdiction.

En 1972, la tendance catholique de ARCADIE prend son autonomie en créant l'association David et Jonathan, qui existe encore aujourd'hui (et qui demeure donc une des plus anciennes associations LGBT en France et en Europe).

Au début des années 1970, alors que la dictature franquiste sévit encore, il aide son camarade catalan Armand de Fluvià à éditer en Espagne ses bulletins du Movimiento Español de Liberación Homosexual en faveur des droits[5].

Le philosophe Michel Foucault qui a frĂ©quentĂ© Arcadie quelque temps et a participĂ© Ă  l'une de ses confĂ©rences en 1979 a Ă©crit : « Arcadie a Ă©tĂ© le seul [mouvement] Ă  employer le mot peuple. C'Ă©tait lĂ  la folie prophĂ©tique de Baudry (...). On peut ĂŞtre frappĂ© par la perpĂ©tuelle imprĂ©cation du leader des arcadiens contre leurs mauvaises mĹ“urs. En fait, il faut bien que le “peuple” soit pĂ©cheur, pour avoir besoin d'un prophète[3]. Â»

En 1975, André Baudry est invité à témoigner à la télévision dans les Dossiers de l'écran. Il renomme Arcadie « Mouvement homophile de France ». En 1979, il invite à un grand congrès de nombreux intellectuels sympathisants comme Michel Foucault (qui a fréquenté lui-même Arcadie un moment)[3], Philippe Ariès, Robert Merle, ou Paul Veyne.

À la fin des années 1970, Arcadie connaît encore le succès et la revue a au moins 30 000 abonnés. Des délégations en province se sont multipliées. Pourtant, face aux critiques et à la naissance d'associations gays plus radicales (le FHAR dès 1971, les GLH puis, au début des années 1980, le CUARH), et surtout avec la "dépénalisation de l'homosexualité" et la destruction des fichiers d'homosexuels tenus par la Préfecture de Police, avancées réalisées sur la promesse du nouveau président François Mitterrand via ses ministres Robert Badinter et Gaston Defferre, André Baudry décide la dissolution de sa société (SARL) le [3]. Il s'exile à Naples où il a vécu, par la suite, de longues années avec Giuseppe, l'homme de sa vie[3].

André Baudry a fait don en 2015 de sa collection d'environ 800 romans et essais portant sur le thème de l'homosexualité à la Bibliothèque historique de la ville de Paris (fonds André Baudry). Il est mort le à Naples[1].

Bibliographie

  • FrĂ©dĂ©ric Martel, Le Rose et le Noir, Les homosexuels en France depuis 1968, Le Seuil, 1996 (voir le chapitre III entièrement consacrĂ© Ă  Arcadie ; Martel a longuement interviewĂ© AndrĂ© Baudry Ă  deux reprises en 1995).
  • Julian Jackson, "Arcadie, La vie homosexuelle en France, de l'après-guerre Ă  la dĂ©pĂ©nalisation", Autrement, collection Sexes en tous genres no 256, Éditions Autrement, Paris, 2009.
  • Christopher Miles, « Arcadie, ou l'impossible Ă©den », La Revue h, nos 1, 1996.
  • Georges SidĂ©ris, « Des folles de Saint-Germain-des-prĂ©s au flĂ©au social », in E. Benbassa et J.-C. Attias, La Haine de soi, Bruxelles, Complexe, 2000.
  • Olivier Jablonski, « Arcadie », Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, 2003.
  • Julian Jackson, « Arcadie : sens et enjeux de « l'homophilie » en France, 1954-1982 », Revue d'histoire moderne et contemporaine, no 53-4, 2006.
  • Julian T. Jackson, « Sur l’homosexualitĂ© en France au XXe siècle (entretien avec AndrĂ© Baudry) », La Ligne d'ombre, no 2, 2007.

Notes et références

  1. Anne Chemin, « André Baudry, fondateur de la revue Arcadie », Le Monde,‎
  2. « Arcadie 1954-1982 - Mémoire des sexualités », sur Mémoire des sexualités, (consulté le ).
  3. Frédéric Martel, Le Rose et le Noir, Paris, Le Seuil, , 793 p., « Chapitre III », p. 100-117
  4. Julian Jackson, Arcadie, Autrement, p. 101.
  5. Geoffroy Huard, « Arcadie et le mouvement homophile espagnol », Regards, Centre de Recherches ibériques et ibéro-américaines, Université de Paris Ouest Nanterre la Défense, no 17,‎ , p. 171-183 (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

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