Anabase (Saint-John Perse)
Anabase est un recueil de poèmes de Saint-John Perse publié en dans La Nouvelle Revue française[1]. Il constitue son premier long poème et surtout le premier que le diplomate Alexis Leger signera du pseudonyme qui le rendra célèbre : Saint-John Perse.
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Anabase |
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Pour Shlomo Elbaz :
« Anabase est une sorte de carrefour à l'intersection entre deux modes d'écriture : celle de l'art « classique » (ordre, harmonie plénitude) et celle de la « modernité » (désarticulation, déconstruction, voire chaos)[2]. »
Le poème est fréquemment rapproché et comparé à La Terre vaine (The Waste Land) du poète et dramaturge britannique, de naissance américaine, T. S. Eliot[note 1].
Étymologie du nom du recueil
Ce poème aurait été réalisé après qu'Alexis Leger eut réalisé physiquement sa propre anabase dans le désert de Gobi (1920-21)[3], anabase (de anaba, anabat, monter, qui monte sur[4]...), signifiant à la fois ascension, expédition à l'intérieur des terres, chevauchée[5] et, par extension, montée de l'esprit, montée à l'intérieur de soi-même, introspection. En outre, l'effet sonore du mot aurait séduit l'auteur du futur poème.
Structure du recueil
- Chanson
- « Il naissait un poulain... »
- Anabase
- I. « Sur trois grandes saisons... »
- II. « Aux pays fréquentés... »
- III. « À la moisson des orges... »
- IV. « C'est là le train du monde... »
- V. « Pou mon âme mêlée... »
- VI. « Tout-puissants... »
- VII. « Nous n'habiterons pas toujours... »
- VIII. « Lois sur la vente des juments... »
- IX. « Depuis un si long temps... »
- X. « Fais choix d'un grand chapeau... »
- Chanson
- « Mon cheval arrêté... »
Analyse de l'Ĺ“uvre
Le texte se compose de douze parties : une chanson liminaire, dix chants, numérotés de I à X, une chanson finale.
Devant la complexité du poème, certains auteurs s'accordent sur le fait que, pour en effectuer une lecture correcte, il faut « renoncer à y trouver une signification univoque[6]». De fait, il règne une grande controverse quant à l'analyse du poème. On y a vu la coexistence de deux désirs contradictoires : l'appel du désert, le mouvement, l'aventure (plan dynamique), l'installation, le séjour parmi les hommes (plan statique). Certains auteurs s'accordent pour y voir un texte s'analysant sur trois plans, mais n'en ont pas la même approche.
Monique Parent[7] croit distinguer trois niveaux de développement dans la langue de Saint-John Perse :
- Un sens littéral : l'expédition proprement dite (sens réel),
- Un premier sens symbolique : l'aventure spirituelle du poète (sens spirituel et poétique),
- Un second sens symbolique : l'aventure humaine en général (sens historique).
Le théoricien littéraire américain Bernard Weinberg (de) voit cette lecture « polyphonique » suivant trois plans parallèles et entrelacés :
- Plan narratif : invitation, départ, marche,
- Plan métaphorique : même thème mais par rapport à l'âme humaine,
- Plan émotif ou lyrique : joie intérieure qui accompagne l'épopée de l'âme.
Alain Bosquet, quant Ă lui, propose trois niveaux de lecture :
- Une grande aventure Ă©pique : l'action,
- Une chronique historique transposée en images poétiques : la poésie qui s’inspire de l'action,
- Une expérience mystique et mystérieuse : l'illumination mystique générée par l'action et la poésie.
Mais les exégètes, étudiant Anabase, peinent à y trouver une logique narrative cohérente, des références précises au temps, aux lieux géographiques et aux personnages. Shlomo Elbaz[8] exprime ainsi cet effort de compréhension demandé par ce texte :
« [...] on sait combien l'usage des temps (ainsi que des pronoms) est déroutant chez Perse. L'ordre chronologique, comme la désignation précise des lieux géographiques ou l'identification univoque des personnages, s'ils sont indispensables à la narration, sont scrupuleusement évités dans une poésie conçue hors du temps et de l'espace. [...]
Mais est-il nécessaire de réaffirmer qu'un poème (en tout cas Anabase) n'a pas de sens obvie (évident) ? Ou, quand on en repère des bribes (de sens), qu'il est négligeable dans l'effet complexe du poème, lequel tend précisément à détruire le sens univoque ? »
Le même auteur propose une schématisation du poème en termes de départ, marche, arrêt, déclinés suivant un ordre variable :
Chant liminaire | À l'arrêt. Départ suscité. |
Chant I | Séjour. Départ suggéré. |
Chant II | DĂ©part imminent. |
Chant III | Départ déclaré. Vague indice de marche. |
Chant IV | ArrĂŞt. Fondation d'une ville. |
Chant V | Marche dans la solitude. |
Chant VI | Séjour de bien être mais appel à un nouveau départ. |
Chant VII | Départ et véritable marche. |
Chant VIII | Poursuite de la marche vers l'ouest et au-delĂ . |
Chant IX | Halte. Promesse de plaisir (désir sensuel). |
Chant X | À l'arrêt mais " parcours " immobile des merveilles du monde et des actions des hommes. |
Chant final | À l'arrêt. Communion avec le monde. Poème écrit (désir satisfait ?). |
Notes et références
Notes
- Eliot a été le traducteur de l'édition anglaise d’Anabase.
Références
- Anabase sur le site de la Fondation Saint-John Perse. Consulté le 7 avril 2017.
- Shlomo Elbaz, Lecture d'Anabase de Saint-John Perse : Le désert, le désir, Paris, Éditions L'Âge d'Homme, , 294 p. (ISBN 978-2-8251-2924-1, lire en ligne), p. 10
- Holger Christian Holst, « Une correspondance perdue : Karen Bramson / Alexis Leger, 1916-1918 », Souffle de Perse (Fondation Saint-John Perse, Aix-en-Provence), no 9,‎ , p. 10 (lire en ligne). La métaphore des nuages de poussière jaune évoque la genèse de la terre et des planètes. Ainsi Alexis Leger se prépare déjà à l’expédition dans le désert de Gobi qu'il effectuera deux ans plus tard.
- André Cailleux et Jean Komorn, Dictionnaire des racines scientifiques : 3ème édition revue et augmentée de plus de 1200 entrée nouvelles, Paris, SEDES-CDU, , 264 p. (ISBN 2-7181-3708-8), p. 25
- Shlomo Elbaz, op. cit., p. 12
- Shlomo Elbaz, op. cit., p. 46
- Monique Parent est professeur honoraire à l'Université de Strasbourg. Elle a notamment travaillé sur Francis Jammes, Saint-John Perse et Paul Valéry. Voir : Travaux de littérature en hommage à Noémie Hepp, ADIREL, vol. III, Paris, 1990, p. 463.
- Shlomo Elbaz, op. cit., p. 98-99 (chant IX)