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Amendement constitutionnel arménien de 2020

Un amendement constitutionnel a lieu en 2020 en Arménie afin de permettre le renvoi de trois des neuf juges de la Cour constitutionnelle en supprimant la clause d'antériorité qui leur permettait de se maintenir au delà du terme de douze ans prévu par la constitution en vigueur.

Amendement constitutionnel arménien de 2020
Présentation
Titre Amendement constitutionnel arménien de 2020
Pays Drapeau de l'Arménie Arménie
Type Loi constitutionnelle
Branche Droit constitutionnel
Adoption et entrée en vigueur

L'amendement voté le intervient dans le contexte d'une épuration politique des soutiens de l'ancien régime autoritaire de Serge Sarkissian, renversé lors de la révolution arménienne de 2018.

Une mise à référendum d'une version plus sévÚre de l'amendement de la constitution prévoyant le renvoi de sept des neuf juges est initialement prévue pour le . Le scrutin est cependant repoussé à une date indéterminée puis annulé en raison de la propagation de la pandémie de coronavirus dans le pays, le parlement arménien décidant finalement d'opter pour une adoption purement parlementaire d'une version moindre.

Contexte

Manifestations lors de la Révolution arménienne de 2018.

La rĂ©volution armĂ©nienne menĂ©e du au conduit au renversement de Serge Sarkissian, alors Ă  la tĂȘte du pays depuis plus de dix ans. EmpĂȘchĂ© de se maintenir Ă  la prĂ©sidence par la constitution qui limite Ă  deux le nombre de mandat prĂ©sidentiel, Sarkissian avait fait adopter par rĂ©fĂ©rendum en 2015 un passage du pays d'un rĂ©gime semi-prĂ©sidentiel Ă  un rĂ©gime parlementaire devant lui permettre de se maintenir au pouvoir en transfĂ©rant l'essentiel du pouvoir exĂ©cutif au poste de Premier Ministre avant de s'y faire nommer par une assemblĂ©e oĂč domine le Parti rĂ©publicain d'ArmĂ©nie acquis Ă  sa cause[1] - [2].

La nomination de Sarkissian entraine cependant un large mouvement de contestation qui prend de l'ampleur Ă  partir d'avril 2018 sous la forme d'importantes manifestations, de blocus et d'une grĂšve gĂ©nĂ©rale multisectorielle. MenĂ©e par le dĂ©putĂ© d'opposition Nikol Pachinian qui finit par ĂȘtre arrĂȘtĂ©, les manifestants s'opposent sous le slogan « Refuse Serge ! » Ă  une reconduite dĂ©guisĂ©e du chef de l'Ă©tat[3], a qui ils reprochent notamment de ne pas avoir fait reculer la corruption jugĂ©e « endĂ©mique » ainsi que la pauvretĂ©[4] - [5]. Devant la recrudescence des manifestations, Sarkissian prĂ©sente finalement sa dĂ©mission le [6], dĂ©clarant notamment : « Nikol Pachinian avait raison. Et moi, je me suis trompĂ© »[7] tandis que Nikol Pashinian est libĂ©rĂ© dans la foulĂ©e[7]

Nikol Pashinian en 2018.

Devenu Premier ministre grùce au ralliement de l'ensemble de l'opposition et d'une partie des députés du Parti républicain, Pashinian organise et remporte largement les élections législatives anticipées de décembre. La victoire de sa formation, l'Alliance « Mon pas », est écrasante, celle-ci réunissant à elle seule plus de 70 % des suffrages exprimés pour un total de 88 siÚges sur 132. Le , Pachinian est reconduit au poste de Premier ministre[8].

Lancé dans un vaste programme de lutte contre la corruption, passant par la mise en accusation des principaux soutiens du gouvernement de Serge Sarkissian, Pachinian se heurte néanmoins à l'opposition de la Cour constitutionnelle en . Cette derniÚre, composée de neuf membres, en majorité nommés sous les gouvernements précédents, juge en effet inconstitutionnels les motifs d'accusations portés à l'encontre de l'ancien président Robert Kotcharian. Cette décision amÚne le Premier ministre à déclarer que « La Cour constitutionnelle représente le régime corrompu de Serge Sarkissian, plutÎt que le peuple, et elle doit disparaßtre », avant de cibler directement son président : « le seul espoir de l'ancien régime corrompu repose sur la Cour constitutionnelle et son président Hrayr Tovmasyan »[9]. Le Premier ministre s'insurge ainsi devant la perspective d'un maintien à leurs postes de sept des neuf juges pendant plusieurs décennies, du fait d'une clause d'antériorité de la réforme votée par référendum en 2015[10] - [11].

Dans les mois qui suivent, le gouvernement cherche sans succÚs à pousser les juges à la démission en échange d'une retraite anticipée pendant laquelle ils continueraient à percevoir pleinement leurs salaires. Aucun juge n'acceptant l'offre, le gouvernement se tourne vers une solution d'ordre constitutionnelle[11].

Objet

Il s'agit d'un amendement de l'article 213 de la constitution arménienne afin d'en retirer une clause d'antériorité à visée transitoire permettant aux juges de la Cour constitutionnelle nommés avant l'entrée en viveur de la réforme de 2015 de rester en place en passant outre les nouvelles rÚgles concernant la fin de leurs fonctions.

Les juges nommés aprÚs 2015 le sont en effet pour une durée fixe de douze ans, tandis que ceux en place sous les précédentes rÚgles l'étaient jusqu'à leurs 65 ou 70 ans, respectivement selon celles de 1995 et de 2005. Sept des neuf juges, en poste depuis plus de douze ans, peuvent de ce fait prétendre à rester en poste grùce à cette clause, dont le président de la cour Hrayr Tovmasyan, jusqu'en 2035. La premiÚre version de l'amendement, en retirant cette clause d'antériorité, vise à la mise à la retraite d'office des sept juges concernés. Les mandats des deux autres juges, nommés aprÚs 2015, ne bénéficiaient pas de l'article 213 et ne sont donc pas concernés par sa modification[12].

Premier projet avorté de mise à référendum

Un référendum n'est obligatoirement requis pour modifier la constitution que pour une liste précise d'articles dont ne fait pas partie le 213 et pour lequel une majorité qualifiée des deux tiers au parlement est donc suffisant, un référendum n'intervenant qu'en cas de vote à la seule majorité absolue. Bien que disposant d'une telle majorité des deux tiers, le gouvernement de l'Alliance « Mon pas » vote le projet par 88 voix pour, quinze contre et 26 abstentions le , avant de s'abstenir dans la foulée lors du vote devant permettre de passer outre au référendum, qui échoue donc avec aucune voix pour, 36 contre et 88 abstentions, entrainant la mise au vote populaire. Le président Armen Sarkissian appose sa signature au projet trois jours plus tard, et le scrutin est fixé au suivant[9]. Le vote d'un amendement suivit de l'échec d'un passage par une majorité qualifié était le seul moyen constitutionnel permettant à la majorité gouvernementale de provoquer l'organisation du référendum voulu[13].

En accord avec l'article 207 de la constitution, un rĂ©fĂ©rendum constitutionnel n'est valide qu'Ă  condition d'ĂȘtre approuvĂ© par une majoritĂ© absolue de l'ensemble des votants — y compris ceux ayant votĂ©s blancs ou nuls —, et Ă  condition que ce total de vote favorable soit supĂ©rieur Ă  un quorum de 25 % du total des inscrits sur les listes Ă©lectorales[14].

Initialement prĂ©vus pour le , le scrutin est repoussĂ© Ă  une date indĂ©terminĂ©e en raison de la propagation de la pandĂ©mie de coronavirus dans le pays, qui pousse le gouvernement Ă  dĂ©crĂ©ter le l'Ă©tat d'urgence, sous lequel aucun scrutin ne peut ĂȘtre organisĂ© en ArmĂ©nie[15]. Le gouvernement finit alors par juger que les conditions d'organisation d'un rĂ©fĂ©rendum ne sont plus rĂ©unies en raison du risque sanitaire. La majoritĂ© gouvernementale, qui avait organisĂ©e son propre Ă©chec Ă  voter l'amendement sans passer par un rĂ©fĂ©rendum, vote par consĂ©quent le 22 juin l'annulation du projet par 81 voix pour sur 132, aprĂšs avoir modifiĂ©e le 3 juin la loi rĂ©fĂ©rendaire qui ne prĂ©voyait pas cette possibilitĂ©[16].

Seconde version adoptée par voie parlementaire

Le mĂȘme jour, le parlement vote une nouvelle version, allĂ©gĂ©e, de l'amendement, cette fois-ci en votant en faveur avec une majoritĂ© des deux tiers lors du second vote, Ă©vitant la mise Ă  rĂ©fĂ©rendum. Le prĂ©sident Armen Sarkissian, aprĂšs avoir demandĂ© l'avis positif de la Commission de Venise qui le donne le 19 juin, finit par signer la loi juste avant la limite du dĂ©lai de 21 jours requis pour sa signature[16] - [17]. Bien qu'ayant jugĂ© lĂ©gitime la suppression de la clause d'anciennetĂ©, la Commission recommande nĂ©anmoins de conserver en poste les juges ayant dĂ©passĂ© le mandat de douze ans pour une pĂ©riode transitoire Ă  dĂ©finir par l'assemblĂ©e, afin de ne pas procĂ©der Ă  un remplacement massif de la Cour par le parlement ayant lui mĂȘme votĂ© la fin du mandat de la majoritĂ© de ses membres. La Commission annonce par la suite regretter que le parlement armĂ©nien ait dĂ©cidĂ© d'ignorer cette recommandation[18] - [19].

L'amendement finalement voté ne conduit finalement à la mise à la retraite anticipée que de trois juges sur neuf au lieu de sept. Hrayr Tovmasyan est quant à lui forcé de renoncer à la présidence de la Cour, mais est autorisé à en rester membre pour une période de dix ans[20] - [21].

Notes et références

  1. (de) « Armenien, 6. Dezember 2015 : Verfassungsreform ».
  2. AFP, « Des milliers de manifestants en ArmĂ©nie contre le nouveau premier ministre », lemonde.fr,‎ (lire en ligne).
  3. Christian Makarian, « Le pari armĂ©nien », lexpress.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  4. AFP, « ArmĂ©nie: 30.000 manifestants Ă  Erevan, plus de 200 interpellations », la-croix.com,‎ (lire en ligne).
  5. Isabelle Mandraud, « La dĂ©mission du premier ministre ne met pas fin Ă  la crise politique en ArmĂ©nie », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  6. « ArmĂ©nie: le Premier ministre Serge Sarkissian dĂ©missionne (agence de presse officielle) », rfi.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  7. AFP, Reuters et AP, « En ArmĂ©nie, les manifestants cĂ©lĂšbrent la dĂ©mission du premier ministre », lemonde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  8. Belga, « Arménie: Pachinian nommé Premier ministre aprÚs sa victoire électorale », sur RTBF Info (consulté le ).
  9. (en) « Armenia to Hold Referendum on Constitutional Court in April »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), sur The New York Times, (consultĂ© le ).
  10. « Le Parlement arménien appelle à un référendum sur la Cour constitutionnelle », sur Nouvelles dŽArménie Magazine.
  11. « Dans une nouvelle attaque contre la Cour Constitutionnelle, Nikol Pashinyan appelle Ă  un rĂ©fĂ©rendum »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), sur Nouvelles dÂŽArmĂ©nie Magazine.
  12. (en) « Armenia Referendum on Constitutional Court scheduled for 5 April - OC Media », sur OC Media, (consulté le ).
  13. (en) « Referendum Called », sur www.evnreport.com (consulté le ).
  14. (en) « Constitution of the Republic of Armenia - Library - The President of the Republic of Armenia », sur www.president.am (consulté le ).
  15. « La tenue du referendum sur la rĂ©forme judiciaire suspendue Ă  la victoire sur l’épidĂ©mie ».
  16. (en) The Armenian Mirror-Spectator, « Pashinyan Calls for New Constitution », sur The Armenian Mirror-Spectator, (consulté le ).
  17. (en) « Newspaper: Venice Commission “saves” Armenia President », sur news.am (consultĂ© le ).
  18. (en) « Secretary General: “The constitutional crisis in Armenia can be solved with the Venice Commission’s guidance” », sur www.coe.int (consultĂ© le ).
  19. (en) http://asbarez.com/author/asbarez-staff/, « EU Body Chair Urges Armenia to ‘Respect Constitution’ », sur Asbarez.com, http:asbarez.com, (consultĂ© le ).
  20. (en) « Armenia’s overlapping constitutional reforms: Wither the Constitutional Court? », sur ConstitutionNet (consultĂ© le ).
  21. (en) « Armenia’s Constitutional Journey Continues », sur ConstitutionNet (consultĂ© le ).
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