Alvin C. Graves
Alvin Cushman Graves (né le – mort le ) est un physicien nucléaire américain ayant travaillé au Metallurgical Laboratory du projet Manhattan ainsi qu'au Laboratoire national de Los Alamos lors de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, il est nommé à la tête de la division J à Los Alamos. Il a été le directeur ou l'assistant directeur de nombreux essais nucléaires au cours des années 1940 et 1950.
Naissance |
Washington (D.C.) |
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Décès |
(Ă 55 ans) Del Norte (Colorado) |
Nationalité | américain |
Domaines | physicien |
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Institutions |
Université de Chicago Université du Texas Metallurgical Laboratory Laboratoire national de Los Alamos Université de Virginie |
Renommé pour | essais nucléaires |
Compléments
conjointe : Elizabeth Riddle Graves
Graves a été blessé sérieusement en 1946 lors du second accident du Demon core, mais il s'est remis de ses blessures.
Jeunesse
Alvin Cushman Graves nait le à Washington (DC)[1]. Il est le plus jeune des six enfants de Herbert C. Graves, un ingénieur travaillant pour le Coast and Geodetic Survey et, après la Première Guerre mondiale, membre de l'American Commission to Negotiate Peace (en).
Graves fréquente la Eastern High School (en), puis l'université de Virginie, où, premier de sa classe, il obtient son diplôme en génie électrique en 1931. Il fréquente le Massachusetts Institute of Technology pendant un an, puis reçoit une bourse pour faire des études supérieures à l'université de Chicago, où il obtient un Ph.D. (doctorat en génie physique) avec sa thèse Packing Fraction Differences Among Heavy Elements[2] - [3].
C'est à cette époque qu'il rencontre Elizabeth « Diz » Riddle, étudiante diplômée en physique, avec qui il se mariera[2] - [4]. Riddle obtiendra également un Ph.D., sa thèse s'intitulant Energy Release from Beryllium-9 (Alpha, Alpha) Lithium-7 and the Production of Lithium-7. Le couple aura deux enfants : une fille et un garçon[2].
Graves est chercheur et assistant professeur à l'université de Chicago jusqu'en 1939. Il déménage alors à l'université du Texas[2]. En raison de règles anti-népotisme, Elizabeth ne peut pas y trouver un emploi stable[4].
Projet Manhattan
En 1942, Alvin Graves est invité à retourner à l'université de Chicago par Arthur H. Compton. Ayant déjà reçu une offre de travailler dans le domaine radar par le MIT Radiation Laboratory (en), Graves a demandé s'il pouvait contribuer plus au projet de Compton[2].
Graves intègre le Metallurgical Laboratory du projet Manhattan et aide à la construction du premier réacteur nucléaire, le Chicago Pile-1[5] - [6]. Il a formé, avec Harold V. Lichtenberger (en) et Warren Nyer (en), le « suicide squad » (aussi connu sous le nom de « liquid-control squad ») d'Enrico Fermi's qui devait, en cas de pépins, briser à l'aide de marteaux des bouteilles de 5 USgal de sulfate de cadmium sur le réacteur[7] - [8]. Le cadmium étant un bon absorbeur de neutrons, Fermi espérait que cela pourrait arrêter une réaction en chaîne hors de contrôle au cas où les barres de contrôle s'avèreraient insuffisantes[9] - [10].
En 1943, Alvin Graves et sa femme déménagent au Nouveau-Mexique travailler au Laboratoire national de Los Alamos[5]. L'une des conditions pour l'acceptation du travail par Graves était que l'on trouve également un emploi pour sa femme, bien que cela semble avoir été superflu car cette dernière avait développé une expertise concernant le générateur Cockcroft-Walton, ce qui aurait probablement fait en sorte que le laboratoire l'aurait de toute façon engagée assez rapidement[4].
Incident du Demon core
Alvin Graves est gravement blessé lors du second accident du Demon core, qui a notamment causé la mort de Louis Slotin[5] - [11].
Slotin entraînait Graves pour que ce dernier le remplace comme assembleur en chef de l'assemblage des bombes à Los Alamos. Au moment de l'accident, Slotin était en train de faire la démonstration à Graves et d'autres scientifiques d'un test dangereux connu sous le nom de tickling the dragon's tail. Étant celui qui était le plus proche de Slotin, Graves a reçu une dose radiative estimée à 390 röntgens[12]. On a estimé ses chances de survie à 50 %. Ayant souffert de perte de cheveux et de fertilité, Graves a été hospitalisé deux semaines et sa convalescence s'est poursuivie sur plusieurs autres semaines. Cependant, il semble recouvrir totalement de ses blessures et revient au travail après quelques mois, ne gardant comme trace de l'incident qu'une calvitie partielle[5] - [11].
Après la guerre
Au cours des années 1950, Alvin Graves est directeur des essais nucléaire au Nevada Test Site. Il devient critique envers ceux qui soulignent les risques liés à ces derniers, affirmant que ces derniers sont de « faibles tire-au-flanc[trad 1] - [13] ». Porte-parole du site, il fait le tour des environs pour rassurer la population sur les activités qui s'y tiennent et sur l'absence de dangers[14].
À la tête de la division J du Laboratoire national de Los Alamos[5], Graves gère la plupart des essais nucléaires de la fin des années 1940 et des années 1950, incluant les exercices Desert Rock et Castle Bravo[2] - [5]. Lorsqu'on lui demande de témoigner devant le Joint Committee on Atomic Energy à propos des risques de développement du cancer engendrés par l'exposition aux radiations, Graves a répondu :
« Le danger n'est pas que ça va vous arriver. Le danger est qu'il est plus probable que ça vous arrive. Peut-être que la probabilité n'est pas si grande, mais elle est là quand même[trad 2]. »
— Alvin Graves, cité par Philip L. Fradkin, Fallout : An American Nuclear Tragedy[5]
En dehors de ses activités professionnelles, Graves est un membre influent de la communauté de Los Alamos. Il est un membre actif de la Protestant Community Church. Encouragé par sa femme, qui joue du violon, il se met à jouer du violoncelle[2] - [4] et joue dans l'orchestre local, accompagnant notamment les performances sur place de Gilbert and Sullivan et du Messie de Handel[2]. Il est président du conseil d'administration de la banque ainsi que de celui de l'école[5].
Tout comme son père avant lui, Alvin Graves meurt d'une crise cardiaque le à l'âge de 54 ans alors qu'il skie à Del Norte (Colorado)[note 1] - [15] - [11] - [12]. Ses restes se trouvent au Guaje Pines Cemetery à Los Alamos[1].
Notes et références
- (en) « concocted in the minds of weak malingerers. »
- (en) « The danger is not that this will happen to you. The danger is that it is more likely to happen to you. Maybe the more likely is not very much more likely, but it is still more likely. »
- Une étude des victimes de l'accident du Demon core publiée en 1978 souligne que des dommages latents chez ces dernières auraient pu contribuer à des faiblesses cardiaques[11].
- (en) « Alvin Cushman Graves », sur Find a Grave
- (en) Bill Becker, « The Man Who Sets Off Atomic Bombs », The Saturday Evening Post,‎ , p. 32–33, 185–188
- Alvin C. Graves, « Packing Fraction Differences Among Heavy Elements », Physical Review, American Physical Society, vol. 55, no 9,‎ , p. 863–867 (DOI 10.1103/PhysRev.55.863)
- Howes et Herzenberg 1999, p. 48–50
- Fradkin 1989, p. 89–91
- (en) « The Chicago Pile 1 Pioneers », Argonne National Laboratory (consulté le )
- (en) Edwin Blackburn, « “Scram!” - Reactor veteran recalls account of the birth of a key word in the nuclear vernacular », ORNL Reporter, Oak Ridge National Laboratory, vol. 19,‎ (lire en ligne, consulté le )
- (en) Corbin Allardice et Edward R. Trapnell, The First Reactor, vol. DOE/NE-0046, US Department of Energy, (lire en ligne), « The first Pile », p. 14
- (en) Samuel K. Allison, « Ten Years of the Atomic Age », Bulletin of the Atomic Scientists, vol. 9, no 1,‎ , p. 8-10 (lire en ligne, consulté le )
- (en) Angelo Joseph A., Nuclear Technology, Greenwood Publishing Group, , 638 p. (ISBN 978-1-57356-336-9, lire en ligne), p. 34
- (en) Louis Henry Hempelman, Clarence C. Lushbaugh et George L. Voelz « What Has Happened to the Survivors of the Early Los Alamos Nuclear Accidents? » () (lire en ligne, consulté le )
—Conference for Radiation Accident Preparedness
— « (ibid.) », Los Alamos Scientific Laboratory, Oak Ridge,‎ Dr. Graves is identified in this paper as "Case 4". - Fradkin 1989, p. 264
- Welsome 1999, p. 186.
- Welsome 1999, p. 185-186.
- (en) « Milestones », Time Magazine,‎ (lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Philip L. Fradkin, Fallout : An American Nuclear Tragedy, Tucson, University of Arizona Press, , 300 p. (ISBN 978-0-8165-1086-3).
- (en) Ruth H. Howes et Caroline L. Herzenberg, Their Day in the Sun : Women of the Manhattan Project, Temple University, (ISBN 978-0-585-38881-6, OCLC 49569088).
- (en) Eileen Welsome, The Plutonium Files, New York, Delacorte Press, , 580 p. (ISBN 0-385-31402-7)