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Alice Neel

Alice Neel, née à Merion Square, à Gladwyne (en) (Pennsylvanie) le et morte à New York le , est une peintre figurative américaine, féministe et libertaire.

Alice Neel
Alice Neel photographiée par Lynn Gilbert en 1976.
Biographie
Naissance

Merion Square, Ă  Gladwyne (en) (Pennsylvanie)
Décès
(Ă  84 ans)
New York
Nationalité
Formation
Activités
Conjoint
Carlos EnrĂ­quez GĂłmez (Ă  partir de )

Elle s'intéresse particulièrement aux personnes en marge de la société américaine en raison de leur genre, orientation sexuelle, origines ou classe sociale.

Biographie

Alice Neel est née le [1] à Merion Square, en Pennsylvanie, de George Washington Neel, un comptable travaillant pour le chemin de fer de Pennsylvanie, et d’Alice Concross Hartley Neel. Elle est la quatrième d’une fratrie de cinq enfants, avec trois frères et une sœur. Son frère aîné, Hartley, meurt de diphtérie peu après sa naissance. Il n'a que huit ans[2]. Sa mère lui aurait dit : « Je ne sais pas ce que tu comptes faire dans le monde, tu n’es qu'une fille »[3].

En 1918, après ses études secondaires, elle passe un examen de la fonction publique et obtient un poste de secrétaire[4]. Après trois années de travail, elle étudie l'art de 1921 à 1925 à la Philadelphia School of Design for Women (en)[5].

Dans ses œuvres étudiantes, elle rejette l'impressionnisme, le style populaire à l'époque, et s’intéresse à l'Ash Can School, au style réalisme. Il est possible d’y voir l’influence d'une des figures majeures de l'Ash Can School, Robert Henri, qui enseigne également à l'école de Philadelphie. En 1924, elle rencontre un peintre cubain nommé Carlos Enríquez Gómez.

Ils se marient et s’installent à La Havane. Ils vivent confortablement dans la demeure des parents de Carlos Enríquez Gómez[1]. Elle rencontre sur l'île l'avant-garde cubaine naissante, jeunes écrivains, artistes et musiciens. En mars 1927, elle expose avec Carlos Enríquez Gómez au 12e Salon des Bellas Artes[6]. Le , elle donne naissance à La Havane, à Santillana, qui meurt en bas âge.

En 1927, le couple s'installe à New York[1]. Le traumatisme causé par la mort de Santillana imprègne le contenu de ses peintures. Le , Alice Neel donne naissance à Isabella Lillian (appelée Isabetta) à New York. Au printemps 1930, son mari la quitte[5], retourne vivre à Cuba, emmenant leur fille Isabetta dont il confie l'éducation à ses sœurs[7].

Alice Neel sombre dans la dépression. Elle est hospitalisée et tente de se suicider[1]. En 1931, désargentée et dans une situation difficile elle retourne vivre chez ses parents, à Colwyn. Elle travaille au studio d'Ethel Ashton (1896-1975) et de Rhoda Meyers, deux amies rencontrées à la Philadelphia School of Design for Women. Elle fait le portrait de chacune d'entre elles. Ces portraits sont empreints d'expressionnisme. Elle questionne les stéréotypes des femmes. Les corps sont déformés, distordus. Ils ne sont pas faits pour plaire. Ils provoquent chez le spectateur anxiété, crainte et malaise[5]. Le portrait d'Ethel Ashton peint en 1930 est conservé au Tate Modern Museum, à Londres[5]. Alice Neel dit à ce propos : « Je peux vous assurer qu'il n'y avait personne au pays qui faisait des nus comme ça. Et aussi, c'est génial pour le mouvement de Libération des femmes. Elle s'excuse presque de vivre. »[8].

Alice Neel retourne s’installer à New York, à Greenwich Village. Elle peint des scènes urbaines pour la Work Projects Administration. Elle commence à se faire connaître comme artiste. C'est à cette époque qu'elle côtoie des sympathisants du Parti communiste[9].

En 1938, elle s'installe à Spanish Harlem. Elle fait le portrait de personnes portoricaines. Ses peintures reflètent ses engagements[10] et mettent en question le rôle traditionnel des femmes, qu’elle fait sortir des « sphères de la féminité », en rupture avec le regard habituel des artistes masculins[7].

Elle se lie avec le cinéaste, photographe et critique communiste Sam Brody (en). Son deuxième fils, Hartley, naît de cette union en 1941[11]. Pendant les années 1940, elle réalise des illustrations pour une publication communiste, Masses & Mainstream, tout en continuant à peindre. En 1943, la Work Projects Administration cesse de lui confier des travaux, ce qui la met dans une situation difficile. Elle en vient à voler à l’étalage[12].

Dans les années 1950, son amitié avec l’acteur Mike Gold et son admiration pour son travail lui valent un spectacle au New Playwrights Theatre d'inspiration communiste. En 1959, elle fait une apparition avec le jeune Allen Ginsberg dans un film beatnik, Pull My Daisy, de Robert Frank. L'année suivante, son travail est présenté dans le magazine ARTnews.

En 1962, elle s’installe dans l’Upper West Side. Elle réalise des portraits d’artistes, de galeristes et de commissaires d’exposition[9]. En 1970, le Time Magazine demande à Alice Neel de faire le portrait de Kate Millet, pour illustrer le mouvement féministe. Kate Millet qui vient de publier Sexual Politics, refuse de poser car pour elle, personne ne peut incarner le mouvement féministe naissant. Alice Neel réalise le portrait à partir d'une photo[13].

Par la suite, Alice Neel puise son inspiration dans le cercle familial ou en observant les femmes et les enfants[9]. Elle peint des femmes enceintes, des femmes victimes de violences conjugales sans sentimentalisme et toujours dans une approche intersectionnelle. Alice Neel est une icône du féminisme militant[14].

En 1972, elle est incluse dans Some Living American Women Artists, un collage féministe de Mary Beth Edelson[15]. En 1974, le Whitney Museum of American Art lui consacre une rétrospective.

En 1978, dans un entretien avec l'historien de l'art américain Robert Storr, elle se définit comme « une humaniste anarchiste »[16] - [17].

Elle meurt le dans son appartement de New York, d’un cancer du colon[11].

En 2005, Jenny Holzer découvre que le FBI surveillait Alice Neel, information qu'elle va utiliser dans une de ses œuvres[18].

En octobre 2022, le centre Pompidou présente une rétrospective mettant en avant ses toiles militantes en lien avec la lutte des classes, le féminisme et la question des genres[19] - [20].

Ĺ’uvre

Les peintures d'Alice Neel sont remarquables pour leur utilisation expressionniste de la ligne et de la couleur, la perspicacité psychologique et l'intensité émotionnelle. Elle a été appelée « une des plus grandes portraitistes du XXe siècle » par Barry Walker, conservatrice d'art moderne et contemporain au musée des beaux-arts de Houston, organisatrice d'une rétrospective de l'artiste en 2010.

Les portraits d'Alice Neel portent une dimension psychologique importante. Alice Neel croise la cause des femmes, la question des origines et de la classe sociale.

RĂ©trospectives en France

  • Alice Neel. Un regard engagĂ©, Centre Pompidou, Paris, initialement prĂ©vue en 2020 reportĂ©e en 2022[22]

Filmographie

Références

  1. (en) Suzie Mackenzie, « Heroes and wretches », The Guardian,‎ (lire en ligne)
  2. (en) « Alice Neel: American Painter », sur The Art Story (consulté le )
  3. (en) M. Therese Southgate, The Art of JAMA : Covers and Essays from The Journal of the American Medical Association, Oxford University Press, , 223 p. (ISBN 978-0-19-975383-3, lire en ligne), p. 96
  4. (en) Eleanor Munor, Originals : American women artists, Boulder, Colo., Da Capo Press, , 608 p. (ISBN 0-306-80955-9), p. 123
  5. (en) Giorgia Bottinelli, « Alice Neel. Ethel Ashton, 1930 », Tate Modern,‎ (lire en ligne)
  6. (en) Jeremy Lewison, Alice Neel : Painted Truths, , p. 259
  7. Judicaêl Lavrador, « Alice Neel, portraits torturés », Libération,‎ (lire en ligne)
  8. (en) Mira Schor, A decade of negative thinking : Essays on art, politics and daily life, Duke University Press, , p. 104
  9. « « Alice Neel : Peintre de la vie moderne » | Fondation Vincent van Gogh Arles », sur www.fondation-vincentvangogh-arles.org, (consulté le )
  10. Magali Lesauvage, « Supports de l’angoisse », Libération,‎ (lire en ligne)
  11. Bernard Marcadé, « Neel, Alice [Merion Square 1900 – New York 1984] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Le dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, (lire en ligne), p. 3141-3142
  12. (en) Deborah Solomon, « The Nonconformist », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  13. (en) « Kate Millett », sur npg.si.edu (consulté le )
  14. Angela Lampe, « Alice Neel, un regard engagé », sur Centre Pompidou (consulté le )
  15. (en) « Notice de l'œuvre Some Living American Women Artists », sur Center for the Study of Political Graphics (consulté le ).
  16. Rédaction, « Mon existence fut très dure. J’en ai payé le prix. Mais j’ai fait ce que je voulais. » Alice Neel : artiste humaniste et anarchiste, Connaissance des arts, 22 novembre 2022, lire en ligne
  17. Judith Benhamou, Au Centre Pompidou, à la découverte de la peintre américaine Alice Neel, Les Échos, 14 octobre 2022, lire en ligne
  18. « Jenny Holzer : « Je suis captivée par l’affection qu'Alice Neel porte à ses modèles. » », sur Centre Pompidou (consulté le )
  19. « Exposition Alice Neel au Centre Pompidou : icône féministe en lutte contre toutes les injustices », sur Connaissance des Arts, (consulté le )
  20. Philippe Dagen, « Alice Neel au Centre Pompidou : une peintre réaliste trop longtemps occultée », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  21. « Alice Neel : Peintre de la vie moderne », sur fondation-vincentvangogh-arles.org (consulté le )
  22. « Alice Neel. Un regard engagé », sur editions.centrepompidou.fr (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Jeremy Lewison (dir.), Alice Neel : peintre de la vie moderne (exposition, itinĂ©rante, 2016-2018), Fonds Mercator, (ISBN 978-94-6230-137-5)
  • Angela Lampe (dir.), Alice Neel : un regard engagĂ© (exposition du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou), Ă©ditions du Centre Pompidou, (ISBN 978-2-84426-877-8)

Entretien

Liens externes

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