Abou Ali al-Anbari
Abd al-Rahman Mustafa al-Qadouli[1] (en arabe : عبد الرحمن مصطفى القادولي), connu par ses noms de guerre Abou Ali al-Anbari (en arabe : أبو علي الأنباري), Abou Alaa al-Afari (en arabe : أبو علاء العفري), ou encore Abou Souja[2], né en 1959 à Mossoul[3] et mort le près d'Al-Chaddadeh, est un chef djihadiste d'Al-Qaïda en Irak, puis de l'État islamique.
Abou Ali al-Anbari Abou Alaa al-Afari | |
Nom de naissance | Abd al-Rahman Moustafa al-Qadouli |
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Naissance | Mossoul (Irak) |
Décès | (à 56 ans) Près d'Al-Chaddadeh (Syrie) Mort au combat |
Origine | Irakien |
Allégeance | République d'Irak (1982-1988) Ansar al-Islam (2002-2004) Al-Qaïda en Irak (2004-2006) État islamique d'Irak (2012-2013) État islamique en Irak et au Levant(2013-2014) État islamique (2014-2016) |
Grade | Émir (État islamique) |
Conflits | Guerre Iran-Irak Guerre d'Irak Première guerre civile irakienne Seconde guerre civile irakienne Guerre civile syrienne |
Biographie
Sources sur Abou Ali al-Anbari
Le parcours d'Abou Ali al-Anbari n'est pas connu avec exactitude, d'autant qu'Abou Ali al-Anbari et Abou Alaa al-Afari sont initialement considérés comme deux personnages différents[4] - [5]. Au cours de sa carrière au sein des groupes djihadistes, il utilise une douzaine de noms de guerre différents[6]. En 2018, le journaliste Hassan Hassan obtient une biographie de 93 pages rédigée par le fils d'Abou Ali al-Anbari, Abdoullah, pour un usage interne de l'État islamique et dont certains extraits sont publiés par Al-Naba, le magazine de l'organisation[6].
Jeunesse : soldat de Saddam Hussein et imam
Abou Ali al-Anbari naît en 1959[6] à Mossoul[7], au sein d'une famille turkifiée d'origine arabe et arménienne[6]. Sa famille est pieuse et conservatrice[6]. Après ses études primaires, al-Anbari étudie la charia dans un institut de la ville de Tall Afar[6]. En 1982, il obtient un diplôme en études islamiques à l'Université de Bagdad[6].
Selon certaines sources, il intègre l'armée irakienne et se hisse jusqu'au grade de major-général[7] - [8]. Cependant pour le chercheur Romain Caillet, Abou Alaa al-Afari n'a aucun passé militaire[9]. Selon Hassan Hassan, peu de temps après avoir obtenu son diplôme, al-Anbari s'engage dans l'armée irakienne pendant la guerre Iran-Irak et sert comme simple soldat[6].
Après avoir effectué son service militaire, Abou Ali al-Anbari devient de plus en plus radical[6]. Il enseigne d'abord la charia dans la petite ville de Mujama Barzan[6]. Il s'oppose un jour à l'organisation d'une fête au cours de laquelle un riche citoyen de la ville invite des Ghajars — un groupe ethnique proche des Roms — qui pratiquent la musique et la danse[6]. Il envisage alors d'attaquer les Ghajars, de brûler leur tente et de les tuer[6]. Il se limite cependant un simple sermon et la fête est finalement annulée à cause des pressions[6]. Au milieu des années 1990, al-Anbari retourne à Tall Afar, où il enseigne dans une école et devient l'imam d'une mosquée[6]. Tall Afar est une ville partagée entre chiites et sunnites[6]. En tant qu'imam, al-Anbari s'en prend violemment aux chiites, ainsi qu'aux soufis[6]. Il commence également à s'associer aux djihadistes kurdes actifs dans les montagnes du nord de l'Irak[6].
Il pourrait avoir rejoint al-Qaïda en Afghanistan en 1998, avant de regagner l'Irak en 2003[2] - [5]. Pour Hassan Hassan, après les attentats du 11 septembre 2001, al-Anbari commence à former avec ses étudiants un « noyau d'émirat » dans les collines entourant Tall Afar[6]. Abou Ali al-Anbari adhère alors à l'idéologie d'al-Qaïda et commence également à s'en prendre à cette période aux Frères musulmans, qu'il qualifie de « frères du diable »[6]. Il est alors influencé par des théoriciens comme Abou Mohammed al-Maqdisi et Abdoulkadir ben Abdoulaziz[6]. En 2002, il rencontre à Bagdad Abou Moussab Al-Zarqaoui, alors en provenance d'Afghanistan[6]. À cette période, al-Anbari et ses hommes se procurent des armes et fabriquent des bombes, leur objectif est alors de se préparer au « djihad »[6].
L'État islamique
Après l'invasion américaine de l'Irak en 2003, Al-Anbari rejoint les insurgés[6]. Il aurait combattu au sein d'Ansar al-Islam mais aurait été chassé de ce groupe après avoir été accusé de corruption[7]. Il s'attaque aussi dès le début aux chiites, aux Frères musulmans et à toute personne considérée comme « hérétique »[6]. En 2004, il rallie Al-Qaïda en Irak (AQI)[2]. Il aurait été l'émir de Mossoul[1]. En 2005, il représente AQI auprès d'Al-Qaïda central au Pakistan[6] - [1]. De retour en Irak, al-Anbari participe à la formation en du Conseil consultatif des moudjahidines en Irak, qui naît de la fusion d'al-Qaïda en Irak avec d'autres groupes djihadistes[6]. Il dirige alors ce conseil et prend un nouveau nom de guerre, Abdoullah Rashid al-Baghdadi[6]. Quelques mois plus tard, ce conseil devient l'État islamique d'Irak[6].
En 2005, Abou Ali al-Anbari est arrêté à Mossoul par les Américains, mais il détient alors de faux documents et n'est pas reconnu sous sa véritable identité[6]. Il est alors rapidement relâché[6]. Mais en 2006, il est à nouveau arrêté par les Américains à Bagdad[6]. Il est cette fois identifié comme un chef terroriste de Tall Afar, mais pas comme chef du Conseil consultatif des moudjahidines en Irak[6]. Il demeure en détention jusqu'en , jusqu'à ce que des responsables irakiens soient soudoyés par les djihadistes pour obtenir sa libération[6] - [5].
Libre, Abou Ali al-Anbari est alors convoqué à Bagdad par Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'État islamique d'Irak, qui lui donne pour mission de vérifier la fidélité du Front al-Nosra en Syrie, dirigé par Abou Mohammed al-Joulani[6]. En 2013, Abou Bakr al-Baghdadi annonce la fusion du Front al-Nosra et de l'État islamique d'Irak pour former l'État islamique en Irak et au Levant[6]. Certains membres d'al-Nosra rallient al-Baghdadi, mais al-Joulani refuse la fusion[6]. Al-Anbari négocie ensuite avec al-Qaïda, mais son chef, Ayman al-Zawahiri, tranche en faveur d'al-Joulani[6]. Abou Bakr al-Baghdadi passe outre et rompt avec al-Qaïda[6].
En 2013, Abou Ali al-Anbari rédige également une fatwa dans laquelle il qualifie les rebelles syriens d'« apostats »[6].
Abou Bakr al-Baghdadi nomme ensuite al-Anbari à la tête des finances du groupe[6]. Il se déplace alors entre l'Irak et la Syrie[6]. En 2014, il est un des trois membres du conseil de guerre de l'État islamique et est chargé des affaires des martyrs et des femmes[10]. Le , sa tête est mise a prix par le gouvernement américain pour 7 millions de dollars[1] - [3]. Fin 2014, il aurait été à l'origine de la décision de faire brûler vif le pilote jordanien Maaz al-Kassasbeh[6].
Abou Ali al-Anbari semble prendre de l'importance au sein de l'EI au début de l'année 2015[2]. Pendant la guerre civile syrienne, Abou Ali al-Anbari devient l'adjoint d'Abou Bakr al-Baghdadi pour la Syrie et le responsable des opérations dans ce pays[7] - [5]
Selon The New York Times, en Abou Ali al-Anbari se rend en Libye, par bateau depuis la Syrie, et arrive à Syrte alors tenue par les forces de l'État islamique en Libye[11] - [12]. Il regagne ensuite la Syrie et l'Irak[5].
Le , le gouvernement irakien affirme qu'Abou Alaa al-Afari, présenté comme le numéro 2 de l'EI, a été visé par une frappe aérienne de la coalition, probablement à Tall Afar. Le CENTCOM affirme de son côté ne pas avoir « d'information permettant de corroborer » le fait qu'al-Afari aurait été tué[1].
Le , les États-Unis annoncent avoir tué Abou Ali al-Anbari lors d'un raid des forces spéciales en Syrie, qui auraient intercepté son véhicule[13] - [14]. Sa mort aurait eu lieu à l'est de Raqqa[5], près d'Al-Chaddadeh[6]. Selon l'État islamique, les soldats américains tentent de capturer al-Anbari lors du raid, mais ce dernier trouve la mort en actionnant sa ceinture explosive[6]. L'État islamique confirme officiellement la mort d'al-Anbari le en donnant le nom d'une opération en son hommage[4]. Une vidéo est ensuite publiée par l'organisation dans laquelle apparaît son visage[5].
Jugements
Le chercheur irakien Hicham al-Hachemi juge al-Afri « plus important, plus intelligent, et a de meilleures relations avec les gens » qu'Abou Bakr al-Baghdadi. « Il parle bien en public et a un charisme puissant [...] Tous les leaders de Daech trouvent qu'il a plus de sagesse djihadiste, une bonne capacité à mener les gens et à administrer l'organisation ». Selon al-Hachimi, al-Afri aurait probablement été l'héritier d'al-Baghdadi à la tête de l'EI si ce dernier avait été tué de son vivant[2].
Selon Hassan Hassan, Abou Ali al-Anbari a exercé une profonde influence sur Abou Moussab Al-Zarqaoui et il est celui qui a véritablement forgé l'idéologie de l'État islamique[6].
Bibliographie
- Michael Weiss et Hassan Hassan (trad. Anne Giudicelli), EI ; au cœur de l'armée de la terreur : État islamique, Hugo Doc, .
Notes et références
- Le numéro 2 de l’État islamique visé par un raid aérien en Irak, Le Monde avec AFP, 13 mai 2015.
- Pierre Lemerle, Qui est Abu Alaa Afri, possible successeur d'al-Baghdadi à la tête de l'Etat islamique?, Slate, 23 avril 2015.
- (en) Abd al-Rahman Mustafa al-Qaduli, Reward for Justice.
- Romain Caillet, L'EI confirme officiellement la mort d'Abu Ali al-Anbari (Abd ar-Rahman al-Qadouli), connu également sous le pseudonyme d'Abou Ala-l-Afri, twitter, 30 avril 2016.
- Mourir pour le califat 20/La charge des justes, contre les peshmergas apostats. Opération du sheikh Abou Ali al Anbari-Wilayat Ninive, Historicoblog, 1er juin 2016.
- Hassan Hassan, The True Origins of ISIS, The Atlantic, 30 novembre 2018.
- Michael Weiss et Hassan Hassan, EI ; au cœur de l'armée de la terreur, p. 180.
- Allan Kaval, Tal Afar, la « capitale » cachée de l’Etat islamique; Le Monde, 27 juin 2015.
- Romain Caillet Du Baas au Califat: les anciens officiers de Saddam et l’État islamique, terrorisme.net, 6 juillet 2015.
- (en) « Revealed: the Islamic State 'cabinet', from finance minister to suicide bomb deployer », telegraph.co.uk, 9 juillet 2014.
- Mathieu Galtier, La Libye, l’Etat d’urgence à venir, Libération, 1er décembre 2015.
- David D. Kirkpatrick, Ben Hubbard, Eric Schmitt, ISIS’ Grip on Libyan City Gives It a Fallback Option, The New York Times, 28 novembre 2015.
- Un des principaux dirigeants de l’EI tué lors d’un raid aérien américain, Le Monde avec AFP, 25 mars 2016.
- Un dirigeant de l’EI tué par les Etats-Unis, BBC, 25 mars 2016.