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Évacuation de la population civile de Gibraltar pendant la Seconde Guerre mondiale

L'évacuation de la population civile de Gibraltar pendant la Seconde Guerre mondiale fut un événement qui changea radicalement la vie des habitants de Gibraltar[1]. La décision du gouvernement britannique d'évacuer massivement la colonie de la Couronne de Gibraltar fut prise afin d'augmenter la résistance du Rocher en disposant de personnel militaire. Cela impliquait que la plupart des habitants de Gibraltar (certains pour une période qui allait durer jusqu'à dix ans) n’eurent plus de « chez eux »[1]. Seuls les civils ayant des fonctions essentielles furent autorisés à rester, mais cela donna à toute la communauté le sentiment d'être « britannique » en partageant l'effort de guerre[1].

Monument en mémoire des Gibraltariens évacués pendant la Seconde Guerre mondiale sur rond-point à N Mole Road à Gibraltar.

Casablanca

Au dĂ©but de , environ 13 500 personnes furent Ă©vacuĂ©es sur Casablanca au Maroc français. Cependant, après la capitulation des Français face aux armĂ©es allemandes Ă  la fin , le nouveau gouvernement de Vichy français pro-allemand estima embarrassante la prĂ©sence de personnes Ă©vacuĂ©es de Gibraltar Ă  Casablanca et chercha des opportunitĂ©s pour s’en dĂ©barrasser[1]. L'occasion surgit bientĂ´t lorsque 15 cargos britanniques arrivèrent sous le commandement du commodore Crichton, rapatriant 15 000 soldats français qui avaient Ă©tĂ© sauvĂ©s lors de l'Ă©vacuation de Dunkerque[1]. Une fois les militaires dĂ©barquĂ©s, les navires furent internĂ©s jusqu'Ă  ce qu'ils acceptent d’embarquer toutes les personnes Ă©vacuĂ©es[1]. Bien que Crichton ne put obtenir l’autorisation de nettoyer et reconstituer les stocks de ses navires (et contrairement aux ordres de l'AmirautĂ© britannique qui interdisaient l’embarquement sur des Ă©vacuĂ©s), quand il vit la masse de civils sur les quais, il ouvrit ses passerelles d'embarquement[1]. Tout rĂ©cemment, la flotte britannique avait dĂ©truit un certain nombre de navires de guerre français Ă  Mers el-KĂ©bir, afin de les empĂŞcher de se retrouver aux mains des Allemands. L'attaque avait coutĂ© la vie Ă  1 297 marins français et conduit Ă  de fortes tensions, qui furent Ă©videntes lorsque les familles furent contraintes Ă  la baĂŻonnette par les troupes françaises Ă  embarquer en ne prenant que ce qu'ils pouvaient porter, laissant de nombreux biens derrière eux.

Retour Ă  Gibraltar

Lorsque les évacués arrivèrent à Gibraltar, le gouverneur, Sir Clive Liddell, ne leur permit pas de débarquer, craignant qu'une fois que les personnes évacuées seraient de retour sur le Rocher, il serait pratiquement impossible de les évacuer une deuxième fois[2]. Des groupes se sont réunirent dans le square John Mackintosh au centre de Gibraltar lorsque la nouvelle fut connue, des allocutions furent prononcées et deux conseillers municipaux accompagnés par le président par intérim de la Bibliothèque de la bourse et du commerce allèrent voir le gouverneur (Sir Clive Liddell) pour lui demander que les personnes évacuées puissent être autorisées à mettre pied à terre[3]. Après avoir reçu des instructions de Londres, un débarquement provisoire fut autorisé tant que les évacués réembarqueraient lorsque d'autres navires arriveraient pour les évacuer du Rocher, et le la ré-évacuation vers Gibraltar fut achevée[3].

Départ pour Londres et Madère

Mémorial commémorant les évacués Gibraltariens à Madeira

Le politicien conservateur britannique Oliver Stanley dĂ©cida d'accepter les personnes Ă©vacuĂ©es au Royaume-Uni, mais il discuta avec Gibraltar sur le nombre de personnes impliquĂ©es[3]. Le gouverneur avait, selon lui, Ă©valuĂ© le nombre de personnes Ă©vacuĂ©es Ă  d'abord 13 000, puis 14 000 et enfin 16 000[4]. Il demanda que la situation soit clarifiĂ©e, en soulignant la pĂ©nurie de logements en Grande-Bretagne et en insistant que seuls 13 000 personnes pourraient ĂŞtre acceptĂ©s, dont 2 000 devait ĂŞtre envoyĂ© sur l'Ă®le portugaise de Madère dans l’Atlantique[3]. La situation, rĂ©pondit gĂ©nĂ©ral Liddell le , « est qu'il s'agi[sai]t d'une forteresse de nature Ă  lutter et Ă  faire face Ă  une attaque immĂ©diate et il ne devrait pas y avoir de civils alors qu'il y a[vait] 22 000[3]. 13000 [Ă©tait] le nombre envoyĂ© au Maroc, et plus aurait Ă©tĂ© envoyĂ©s si la situation lĂ -bas ne s’était pas modifiĂ© »[3]. Ă€ Londres, les personnes Ă©vacuĂ©es furent placĂ©s dans les mains du ministère de la SantĂ©, et beaucoup furent logĂ©s dans le quartier de Kensington[3]. Le souci pour ceux restĂ© Ă  Gibraltar Ă©tait que les raids aĂ©riens contre Londres s’intensifiaient, couplĂ© avec l'arrivĂ©e des lettres dĂ©chirantes, dĂ©crivant les circonstances dans lesquelles les personnes Ă©vacuĂ©es vivaient[5].

La JamaĂŻque

Construction des bâtiments en Jamaïque
Un groupe de Gibraltariens au camp des évacués de Gibraltar en Jamaïque lors de l'évacuation de la Seconde Guerre mondiale.

En septembre, des rumeurs circulaient dĂ©jĂ  parmi les Ă©vacuĂ©s, et Ă  Gibraltar, que la possibilitĂ© de rĂ©-Ă©vacuer les habitants de Gibraltar une fois de plus Ă©tait Ă©voquĂ©e, cette fois, la destination Ă©tant la JamaĂŻque, dans les CaraĂŻbes[6]. Après bien des tergiversations, il fut dĂ©cidĂ© d'envoyer une partie directement Ă  partir de Gibraltar vers l'Ă®le, et 1 093 personnes Ă©vacuĂ©es embarquèrent directement pour la JamaĂŻque, le , d’autres suivant plus tard[6]. Cependant des pĂ©titions suivies et les demandes furent satisfaites, en partie pour des raisons stratĂ©giques et par manque de navires[6]. La situation Ă  la fin de 1940, Ă©tait donc qu'environ 2 000 personnes Ă©vacuĂ©es Ă©taient en JamaĂŻque et un nombre moindre Ă  Madère, et le restant de l'ordre de 10 000 personnes dans la rĂ©gion de Londres[7]. Le camp oĂą ils se trouvaient avait Ă©tĂ© conçu uniquement pour accueillir 7 000, mais la population de Malte avait refusĂ© d'ĂŞtre dĂ©placĂ©e Ă  la JamaĂŻque et les autoritĂ©s voulaient utiliser la capacitĂ© inutilisĂ©e comme un camp de prisonniers de guerre ou de caserne pour la milice locale[8]. La discipline dans le camp Ă©tait très stricte avec les rĂ©sidents seulement ĂŞtre autorisĂ©s Ă  sortir avec les trams locaux de 8 heures Ă  22 heures et les JamaĂŻcains pouvaient recevoir une amende s'ils entraient dans le camp. Cependant, le camp connut des Ă©vĂ©nements sociaux et du jardinage, mais il y avait discussion animĂ©e avec les habitants de Gibraltar qui ne voulait pas prendre leur repas en commun[8].

Rapatriement

La capitulation de l'Italie en leva toutes les objections au retour des personnes Ă©vacuĂ©es sur la Rocher[3]. En consĂ©quence, un conseil de rĂ©installation fut crĂ©Ă©e en novembre, et lors d'une rĂ©union du conseil le , les prioritĂ©s de rapatriement furent finalement Ă©tablies[9]. Le , le premier groupe de 1 367 rapatriĂ©s arriva Ă  Gibraltar directement depuis le Royaume-Uni et le , un premier rapatriement quitta Madère, et Ă  la fin 1944 seulement 520 personnes Ă©vacuĂ©es non prioritaires Ă©tait encore sur l'Ă®le[3].

Ă€ Londres, les accueillants dĂ©posaient des rĂ©clamations Ă  propos de l'hĂ©bergement en temps de guerre des personnes Ă©vacuĂ©es et 500 habitants de Gibraltar furent rĂ©-Ă©vacuĂ©s vers l'Écosse et 3 000 dans des camps en Irlande du Nord[10]. Bien que le gouverneur, le lieutenant gĂ©nĂ©ral Sir Nöel Mac Farlane, se soit vaillamment battu au nom des personnes Ă©vacuĂ©es et n’accepta pas le manque de logement comme une raison suffisante pour les retards[10], en 1947, il y avait encore 2 000 personnes dans les camps d'Irlande du Nord[10]. Le dernier rapatriĂ© ne retourna pas sur le Rocher qu’en 1951[10].

HĂ©ritage

Les Gibraltariens aujourd'hui se souviennent de l’évacuation avec une statue de Jill Sanders Cowie située sur l'un des principaux ronds-points. En 2009, les députés de Gibraltar se rendirent à l'église de Notre-Dame des Douleurs à Fulham pour remercier l'église pour le soutien qu'elle avait apporté aux personnes évacuées à Londres[11]. Plus de 100 bébés sont nés en Jamaïque et le camp qu'ils occupaient a été transformé en une partie de l'Université des Indes occidentales après la guerre[8].

Voir aussi

Références

  1. Bond, pp. 97.
  2. Bond, pp. 98.
  3. Garcia pages 15 et 20.
  4. Garcia, pp. 15.
  5. GGA, Evacuation 1940: General Mechanics of
  6. Garcia, pp. 16.
  7. Garcia, pp. 16–17.
  8. (en) Suzanne Francis Brown, Mona Past and Present : The History and Heritage of the Mona Campus, University of the West Indies, University of the West Indies Press, , 10–11 p. (ISBN 978-976-640-159-7, lire en ligne)
  9. Garcia, pp. 20.
  10. Bond, pp. 100.
  11. Gibraltar Day 2009 - special Mass - Church of our Lady of Dolours, accessed September 2012.

Bibliographie

  • (en) T.J. Finlayson, The Fortress Came First. The story of the civilian population of Gibraltar during the Second World War, United Kingdom, Gibraltar Books Ltd, (ISBN 0-948466-12-X)
  • (en) Peter Bond, 300 Years of British Gibraltar, 1704-2004, Gibraltar, Peter-Tan Publishing Co., , « The Third Century 1904-2004 »
  • (en) Joseph J Garcia, Gibraltar : The making of a people; The modern political history of Gibraltar and its people, Gibraltar, Mediterranean SUN Publishing Co. Ltd.,,

Pour en savoir plus

  • (en) Thomas James Finlayson, The Fortress Came First : Story of the Civilian Population of Gibraltar During the Second World War, Grendon (GB), Gibraltar Books, , 245 p. (ISBN 0-948466-12-X)


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