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Élie et la Veuve de Sarepta

Élie et la Veuve de Sarepta est un tableau de l'artiste italien Giovanni Lanfranco réalisé de 1624 à 1625]. Il est conservé au Musée Sainte-Croix à Poitiers.

Elie et la veuve de Sarepta
Artiste
Date
Type
Peinture
Technique
Dimensions (H Ă— L)
233 Ă— 211 cm
Mouvement
No d’inventaire
877.1.1
Localisation
Musée Sainte-Croix, Poitiers (France)

Historique

Cette œuvre fait partie d'un cycle de huit grandes toiles qui furent commandées en 1620 par le prieur Paolo Scotti, frère d'Orazio Scotti, protecteur de Giovanni Lanfranco. La toile est destinée à la chapelle du Saint-Sacrement de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs de Rome. Dans les années 1660, la toile est ôtée de la chapelle à la suite de l'apparition de moisissures et est déplacée dans la sacristie[1]. C'est en 1763 que Élie et la Veuve de Sarepta, ainsi que les autres toiles du cycle, sont l'objet d'un transfert au couvent bénédictin de San Callisto. Or, l'armée française occupe le couvent lors de l'année 1798, année de transition entre les deux campagnes d'Italie menées par Napoléon Bonaparte. Marie Dinelli-Graziani émet l'hypothèse que les toiles auraient été saisies par l'armée française à cette époque et qu'elles seraient arrivées par la suite dans la collection du cardinal Fesch[2]. Ce dernier décède en 1839 ; en 1845, sa collection est mise en vente à Rome. Les huit toiles sont dispersées dans différents musées, mais on ignore qui fut l'acquéreur du tableau Élie et la Veuve de Sarepta. C'est le baron de Marçay qui lègue la toile au Musée Sainte-Croix en 1877.

Description

Le sujet de cette œuvre provient du premier Livre des Rois (17, 8 – 24). On y distingue trois personnages : Élie, une veuve et son fils. La toile représente le moment où Élie arrive dans la ville.

Élie est un prophète envoyé par Dieu à Sarepta. La ville est en pleine sécheresse et les denrées sont rares. Une veuve ramasse du bois, à côté de son fils. Elle se tourne vers l’homme et celui-ci lui demande de quoi se nourrir. Malgré le fait qu’elle possède tout juste assez de nourriture pour elle et son fils, elle accepte de partager ses maigres réserves avec Élie. Elle reçoit alors une récompense divine : Dieu lui accorde de quoi subsister jusqu’à la fin de la sécheresse[3].

Analyse

La toile est traitée dans des tonalités sombres et la lumière provient de l'angle supérieur droit. Comme dans toutes les compositions de Lanfranco, un grand soin est accordé à la facture de l’œuvre, avec une volupté d'exécution des formes visible notamment dans le drapé d’Élie, qui reflète une certaine liberté baroque. Les raccourcis et la perspective sont réalisés avec habilité[4]. La simplicité de lecture des œuvres de Lanfranco l’inscrit dans l’art de la Contre-Réforme, un art où la clarté du discours religieux prévaut. La disposition des personnages montre le prophète Élie comme la figure forte de la composition (il surplombe les deux autres personnages). La couleur des habits de la veuve rappelle le deuil auquel elle fait face.

Le fait d’avoir une composition claire, facilement lisible, place l’œuvre dans une certaine veine classique. Cette dernière se voit également par l’utilisation d’un éclairage partiel et d'une majorité de couleurs froides qui viennent sculpter les personnages dans des tonalités de bleu, brun et gris. Les personnages de Lanfranco exécutent des mouvements amplifiés, exagérés. Les contours de ces personnages sont nets et bien délimités dans l’espace. Ce tableau présente une liberté dans la composition qu’on ne voyait pas auparavant : la forte diagonale donne une impression de mouvement. L’artiste emprunte à Caravage les forts contrastes d’ombre et lumière.

Avec cette toile, l’artiste incite au recueil et à la dévotion. Cette volonté du peintre d'instruire et d'émouvoir le spectateur dans une narration simple s’explique par une volonté de rompre avec l’art maniériste qui domine toute une partie du XVIe siècle. De nombreux artistes du XVIIe siècle vont chercher à retrouver un art moins extravagant.

Comparaison

The J. Paul Getty Museum - Los Angeles

Élie recevant le pain de la veuve de Sarepta est la suite de l'épisode conservé à Poitiers. La toile représente le moment où la veuve donne ses vivres. Si le tableau est semblable à celui du musée Sainte-Croix, certaines différences sont notables, comme la position des personnages : ceux-ci ont une position inversée par rapport à l'œuvre de Poitiers. C'est maintenant le prophète qui est agenouillé et qui se tourne vers la veuve, à sa gauche. Ce changement de position crée un écho entre les deux toiles.

La lumière est plus diffuse et les couleurs sont plus vives, le paysage plus clair. Lanfranco semble avoir délaissé le gris pour une couleur plus orangée qui vient sculpter les personnages. On retrouve également la veine classique déjà présente sur le tableau de Poitiers, avec une composition pyramidale ; la volupté des drapés est réduite.

Le tableau dans la carrière de Lanfranco

Lanfranco se forme auprès des frères Carrache. C’est à Parme, sa ville de naissance, qu'il rencontre Agostino et suit son enseignement. À la mort de celui-ci, en 1602, son jeune élève, alors âgé d'à peine vingt ans, part intégrer l’atelier d’Annibale à Rome, ville où les deux artistes termineront leurs jours. On constate dans les œuvres de Lanfranco une grande influence de ses maîtres, avec une grande maîtrise de la perspective, mais il se distingue de ses aînés par ses compositions sombres aux couleurs froides, qui contrastent avec la palette des Carrache plus proche de la peinture vénitienne.

Lanfranco a un peu moins de quarante ans lorsqu’il reçoit la commande pour le cycle de la chapelle du Saint Sacrement à Saint-Paul-hors-les-Murs. Cette commande lance sa carrière et les projets se succèdent ensuite : entre 1624 et 1627, Lanfranco va notamment peindre à fresque la coupole de la prestigieuse église Sant'Andrea della Valle à Rome (La Gloire du Paradis).

Cependant, Lanfranco n’était pas destiné à obtenir cette commande : c’est parce que Guido Reni et Le Dominiquin ne sont plus à Rome que le peintre est chargé de la réalisation de ce cycle. C’est avec cette production qu’il commence à s’affirmer dans la sphère artistique, faisant de cette production une des œuvres phares de sa carrière[5].

MoĂŻse et les Messagers de Canaan, J.Paul Getty Museum, Los Angeles.

Les autres peintures du cycle (1620-1625)

Les peintures de ce cycle renvoient au thème de l’Eucharistie, dont le dogme a été réactivé lors du Concile de Trente. Les huit tableaux représentent des épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les scènes de l’Ancien Testament sont plus nombreuses dans ce cycle et concernent six toiles sur huit. Quatre toiles mettant en scène le prophète Élie (Livre des Rois). Deux toiles représentent des événements du Nouveau Testament : La Cène et La Multiplication des pains.

Le Miracle des Cailles Photo (©) RMN-Grand Palais / Gérard Blot

Emplacement du cycle dans la chapelle

La basilique a partiellement brûlé en 1623 ce qui a entraîné un remaniement de l’architecture. Les toiles ayant quitté la chapelle au XVIIIe siècle, il est impossible de connaître avec certitude leur emplacement d’origine. Cependant, Erich Schleier a proposé en 1965 une reconstitution de la disposition des œuvres dans la chapelle. Selon lui, les toiles de Marseille et Poitiers étaient disposées de part et d’autre de la porte d’entrée. La Cène, Moïse et les messagers de Canaan ainsi que Élie recevant le pain de la veuve de Sarepta se trouvaient sur un pan des murs latéraux de la chapelle. Les trois autres œuvres se trouvaient quant à elles sur le mur d’en face[6].

Les toiles étaient accrochées en hauteur, entre la plinthe et la corniche de la chapelle. Toutes ont été restaurées à la fin du XVIIe siècle[5].

Notes et références

  1. « Elie et la veuve de Sarepta », sur Agorha, (consulté le ).
  2. Marie Dinelli-Graziani, Le cardinal Fesch (1763-1839), un grand collectionneur : sa collection de peintures., (lire en ligne)
  3. « Elie et la veuve de Sarepta », sur Alienor.org (consulté le )
  4. Yves Bottineau, L'art baroque, Paris, Paris, Citadelles & Mazenod, , 635 p. (ISBN 2-85088-021-3)
  5. Galeries nationales du Grand Palais, Seicento, le siècle de Caravage dans les collections françaises, Paris, RMN, (ISBN 2-7118-2213-3)
  6. Eric Schleier, Castel Sant'Elmo, Palazzo Venezia et Parma, Electa, , 427 p. (ISBN 88-435-7899-5)

Bibliographie

  • Germain Bazin, Baroque et Rococo. Londres, Thames & Hudson, 1964. 288 p. (ISBN 9782878110739).
  • Seicento : le siècle de Caravage dans les collections françaises, Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 11 oct. 1988- 2 janv. 1989 ; Milan, Palazzo Reale, mars-avril 1989, notice n° 90, p. 253-255.
  • Élie et la Veuve de Sarepta sur Alienor.org - 877.1.1 MusĂ©e de la Ville de Poitiers et de la SociĂ©tĂ© des antiquaires de l'Ouest, 1994 (consultĂ© le 12 novembre 2022).
  • Erich Schleier, Giovanni Lanfranco, Un Pittore Barocco Tra Parma,Roma e Napoli. Electa, 2001. p. 234-249 (ISBN 88-435-7899-5).
  • INHA, Giovanni Lanfranco «Élie et la veuve de Sarepta», peinture (1622 - 1625), AGORHA, 2007 (consultĂ© le 12 novembre 2022).
  • Philippe Bata, Catherine Buret, Anne PĂ©an, Maryse Redien, Dominique Simon-Hiernard, Les MusĂ©es de Poitiers, Paris, RMN, 2005, 128 p. (ISBN 2-7118-5047-1)
  • Marie Dinelli-Graziani, Le cardinal Fesch (1763-1839), un grand collectionneur: sa collection de peinture Thèse soutenue: Histoire de l'art, Paris I, 2005.
  • Dossier d’œuvre Inv. 877.1.1 Lanfranco, Giovanni : Élie et la veuve de Sarepta, conservĂ© au Centre de documentation du MusĂ©e Sainte-Croix de Poitiers.
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