Accueil🇫🇷Chercher

École du circuit

Circuit économique L’école du circuit (ou « circuit monétaire ») est une école de pensée économique. A mi-chemin entre le marxisme économique et le post-keynésianisme, l'école du circuit fait de la monnaie son sujet d'étude centrale.

Circuit Économique

L'école se base sa théorie à partir de deux ouvrages clefs de Keynes, la Théorie Générale (1936) et surtout le Traité sur la monnaie (1930). Elle reprend et augmente la notion de demande effective et d'anticipations. Elle souligne l'importance du temps en économie, qui justifie l'appellation de « circuit dynamique ». Il s'agit d'une des rares écoles de pensée européennes, dont les représentants sont Frédéric Poulon, Alain Parguez, Bernard Vallageas et Bernard Schmitt (en), et, en Italie Augusto Graziani.

Contrairement à l'école néoclassique qui voit la monnaie comme un élément n'ayant aucun effet sur la production (comme un simple intermédiaire des échanges ou un « voile »)[1], la théorie du circuit établit son analyse sur la thèse de la monnaie endogène. La monnaie tient une place centrale pour au moins quatre raisons: elle est la base de la production et de son niveau, elle modifie les structures économiques et les comportements des agents, elle donne un nouveau sens au concept d'équilibre et de répartition des revenus, et elle est enfin le cœur des crises économiques capitalistes (héritage marxiste).

Fondement de la théorie du Circuit

La théorie du circuit retrace la création et la circulation de la monnaie, elle est le cœur d'une économie monétaire: le pôle Banque prête aux pôles Ménage et Entreprise, et ces derniers consomment ou produisent. On peut étendre cette vision en économie ouverte avec le Reste du Monde, et avec la présence étatique via le pôle Administration.

Une économie hiérarchisée

Ici, l'état n'est pas l'agent économique principal des économies capitalistes. Le courant du circuit met en lumière trois pôles principaux, qui se hiérarchisent via leurs flux et leurs fonctions. La construction de ce circuit se base, pour chaque pôle, sur l'égalité comptable emplois=ressources.

Les pĂ´les

La monnaie circule entre trois et cinq pôles (ou fonctions). Il y en a trois principaux : le pôle Financier (fonction de financement), le pôle Entreprise (fonction de production), le pôle Ménage (fonction de dépense). Les deux autres, Administration et Reste du Monde, sont utilisés pour analyser soit les conséquences des politiques budgétaires, soit pour analyser les relations avec l'extérieur. Dans la représentation du circuit, les pôles représentent non pas des institutions physiques, mais bien des fonctions. Ainsi, l'État, à la fois producteur, consommateur et acteur sur le marché financier, est-il présent de manière implicite dans l'ensemble du circuit.

  • La fonction financière, notĂ©e B (comme banque), regroupe l'ensemble des agents ayant pour fonction de proposer des financements aux agents souhaitant investir. Ce pĂ´le permet aussi de collecter l'Ă©pargne des agents Ă  capacitĂ© de financement. Ce pĂ´le propose des financements directs et indirects.
  • La fonction de production, notĂ©e E (comme entreprise), se dĂ©finit par l'achat de moyens de production, en vue de produire un bien (ou un service), pour le vendre. Cette fonction est donc remplie pleinement par les entreprises.
  • La fonction de dĂ©pense, notĂ©e M (comme mĂ©nage), consiste Ă  dĂ©penser une partie du revenu (contrepartie de la participation Ă  la fonction de production). Les mĂ©nages sont donc la partie la plus importante de cette fonction.
  • Le pĂ´le Administration, notĂ© A, schĂ©matise la fonction de l'État dans l'Ă©conomie. Il emprunte, il investit, distribue des revenus et lève des impĂ´ts. Cette fonction spĂ©cifique ne peut pas ĂŞtre reprĂ©sentĂ©e dans un circuit Ă  trois pĂ´les.
  • Le pĂ´le Reste du Monde, notĂ© RdM, reprĂ©sente la fonction d'Ă©change avec l'international. Il est utilisĂ© pour mettre en valeur entre autres les effets de la concurrence extĂ©rieure sur l'Ă©conomie nationale, et de façon plus gĂ©nĂ©rale, comment l'Ă©conomie nationale rĂ©agit avec l'extĂ©rieur.

Les flux

Chaque fonction possède des flux qui leur est propre. Le circuit étant fermé[2], il a un point de départ et une fin.

Circuit Ă  trois pĂ´les
  • Le premier flux du circuit est le flux de financement, notĂ© F. Il Ă©mane du pĂ´le financier (B), et se dirige vers le pĂ´le entreprise. Ce flux est constituĂ© de l'ensemble des crĂ©dits, mais aussi des flux de financements directs (obligations, actions). Ce flux est un financement net des remboursements.
  • Les entreprises (E) vont rĂ©partir ce financement en dĂ©penses d'investissement (flux I), de consommation de capital fixe, de consommation intermĂ©diaire (flux U, matĂ©rialisant ce que Keynes appelait le coĂ»t d'usage de la production[3]), et en paiement des revenus accordĂ©s aux mĂ©nages (le flux de salaire W et le flux de dividendes P, agrĂ©gĂ©s dans le flux de revenu Y). Le flux I et le flux U ne sortent pas du pĂ´le entreprise. Le flux Y (Y=W+P) se dirige vers le pĂ´le mĂ©nage (M).
  • Les mĂ©nages (M) perçoivent donc un salaire en Ă©change de leur participation Ă  la production (salaire et dividende). Ce flux, Y, Ă©mane des entreprises. Ils utilisent leur revenu en deux flux, la consommation (C) et l'Ă©pargne (S pour saving). La consommation C est un flux se dirigeant vers le pĂ´le E, alors que l'Ă©pargne S, rĂ©siduelle au sens de Keynes, se dirige vers le pĂ´le B. L'Ă©pargne clĂ´t donc ce circuit.
Circuit Ă  cinq pĂ´les

En rajoutant le pôle Administration (A) et Reste du Monde (RdM), de nouveaux flux viennent se rajouter aux flux précédents.

  • Le pĂ´le Administration emprunte de l'argent (D), investit (J), prĂ©lève des impĂ´ts et taxes (T), et payent des salaires (Z). Le flux D part du pĂ´le B vers le pĂ´le A. Il peut reprĂ©senter par exemple l'Ă©mission de bons du TrĂ©sor. Ensuite, comme pour le pĂ´le E, l'État investit ce financement. Du pĂ´le A Ă©mane donc un flux J, allant vers le pĂ´le E. Les impĂ´ts, par simplification, Ă©manent tous des mĂ©nages, et sont rĂ©cupĂ©rĂ©s par A. Ensuite, A verse des salaires (Z) aux mĂ©nages. Ce pĂ´le ne modifie pas l'agencement du circuit. Il permet de mettre en Ă©vidence les consĂ©quences des politiques Ă©conomiques (investissements publics, modification du taux d'imposition).
  • Le pĂ´le Reste du Monde Ă©change avec l'Ă©conomie nationale, via les exportations (X) et les importations (H). Les exportations, reprĂ©sentant des flux monĂ©taires entrants, sont dirigĂ©s vers le pĂ´le E, alors que les importations Ă©manent de E et vont vers le RdM. Le solde commercial X-H, reprĂ©sente une crĂ©ance ou une dette vis-Ă -vis de l'extĂ©rieur. On note L le flux X-H. S'il est positif (plus d'exportations que d'importations), ce flux est donc une crĂ©ance, il Ă©mane du pĂ´le B, alors que s'il est nĂ©gatif (une dette pour l'Ă©conomie nationale), il Ă©mane de RdM, et se dirige vers le pĂ´le B. Cette double fonction (consommation/production et financement du pĂ´le financier) a Ă©tĂ© reprise pour expliquer les dĂ©ficits jumeaux aux États-Unis.

Les égalités comptables

Chaque pôle du circuit peut-être représenté par un tableau emplois-ressources. Chaque pôle doit alors être équilibré. On a donc ces égalités comptables :

  • PĂ´le B :
  1. Circuit Ă  trois pĂ´les : S=F
  2. Circuit à cinq pôle : S=F+D+L ou S+L=D+F (selon que le solde commercial soit excédentaire ou déficitaire)
  • PĂ´le E :
  1. Circuit Ă  trois pĂ´les : U+I+Y=U+I+C+F
  2. Circuit Ă  cinq pĂ´le : U+I+Y+H=U+I+J+C+X+F
  • PĂ´le M :
  1. Circuit Ă  trois pĂ´les : C+S=Y
  2. Circuit Ă  cinq pĂ´le : C+S+T=Y+Z
  • PĂ´le A : Z+J=T+D
  • PĂ´le RdM : X=H+L ou X+L=H (selon que le solde commercial soit excĂ©dentaire ou dĂ©ficitaire)

Le circuit monétaire et le motif de finance

La représentation consiste à décrire le flux monétaire partant des banques et se dirigeant vers les entreprises, puis de ces dernières vers les ménages et son reflux vers les banques. Le motif de finance prend, dans la théorie du circuit, une importance capitale. L'investissement, qui crée le revenu, donc l'épargne, ne peut se réaliser que si un montant suffisant de monnaie est mis à la disposition des producteurs de biens capitaux par le système bancaire. Il en est donc de même par la suite pour les producteurs de biens de consommation. La séquence des flux dans une économie monétaire est donc:
Finance (crédits) → Investissement → Revenu → Consommation (épargne)

La conséquence de cet enchaînement est que l'école conclut à l'endogénéité de la monnaie : la monnaie provient du crédit, qui est sollicité par les entreprises pour répondre à leurs besoins de liquidités ; ainsi, la monnaie est le résultat d'un flux de revenus de dépenses provenant de la production anticipée par les entrepreneurs. L'école soutient par conséquent le principe du reflux, selon lequel la monnaie en excédent dans le système économique est détruit par le remboursement des dettes contractées auprès des banques.

La crise des Ă©conomies capitalistes

Là où les post-keynésiens parlent "d'instabilité des économies capitalistes", les circuitistes emploient le terme de crise. Il y a une condition d'apparition de la crise. Lorsque cette condition est remplie, la crise se manifeste principalement par la récession et le chômage ainsi que l'inflation.

La condition de crise

La condition d'équilibre dégagée antérieurement (positivité du profit ou I - F > 0) signifiait que les entreprises pouvaient rembourser leurs crédits F à l'aide de l'épargne existante. Mais si I - F < 0, c'est-à-dire lorsqu'il y a thésaurisation par les ménages, les firmes ne peuvent plus rembourser qu'une partie de leurs dettes; pour éviter que ces dernières ne s'accumulent nombre d'entreprises, en commençant par les petites, vont réduire leur investissement puis connaître des difficultés et être acculés à la cessation d'activité ; ce phénomène peut se propager des PME sous-traitantes aux grandes entreprises donneuses d'ordre et "contaminer" ces dernières. La condition de crises est donc l'inégalité I - F < 0.

Renouvellement de crédit

Les entreprises peuvent se voir refuser le renouvellement de leurs crédits par les banques. Elles ne réaliseront donc pas leurs anticipations de production, la demande effective sera donc moindre, le déséquilibre se fera ressentir sur le marché des biens et services puis sur le marché du travail: le chômage involontaire Keynésien se développe. D'autre part, les entreprises en état de faillite seront des proies faciles pour les repreneurs (agents ayant fortement thésaurisé). Ce qui conduit à une restructuration et à un mouvement de concentration, entrainant des licenciements qui accentuent la tendance du chômage involontaire.

L'inflation

L'inflation peut représenter une porte de sortie de la crise pour les entreprises. En effet, l'inflation diminue les coûts salariaux, ainsi que la valeur des crédits sur le long terme. Néanmoins, il y a une limite négative: on peut tomber dans une spirale inflationniste, à la hausse des profits suscitée par la baisse des coûts salariaux et à la concentration des entreprises (économies d'échelle), les salariés obtiennent à la période suivante une hausse des salaires équivalente à celle des prix, ce qui va accroitre les coûts, et donc provoquer une hausse des prix, et ainsi de suite.

Bibliographie

  • Jean-Gabriel Bliek et Alain Parguez, Le plein emploi ou le chaos, ed. Ă©conomica.
  • Augusto Graziani, The Monetary Theory of Production, Cambridge University Press.
  • FrĂ©dĂ©ric Poulon. Chapitres 2, 3, 4 et 10 dans "Économie GĂ©nĂ©rale". Paris : Dunod, 7èd.
  • FrĂ©dĂ©ric Poulon. "La pensĂ©e Ă©conomique de Keynes". Paris : Dunod, 3èd.

Notes et références

  1. L'idée est ancienne et commune à l'école classique et à l'école néoclassique, avec en particulier les travaux de Jean-Baptiste Say
  2. Il faut entendre par circuit fermé le fait que la monnaie a un point de départ et un d'arrivée. À ne pas confondre avec l'économie fermée. En effet, l'école du circuit proposant l'inclusion d'un pôle "Reste du Monde", l'économie n'est pas nécessairement fermée.
  3. Frédéric Poulon, Economie Générale, p.70. Paris : Dunod, 6e édition.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.