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Zodiaque et travaux des mois de VĂ©zelay

Le zodiaque et les travaux des mois de Vézelay est une série de trente médaillons sculptés dans le calcaire, qui ornent la premiÚre voussure encadrant le tympan de la porte centrale de la basilique de Vézelay, dans le narthex.

VĂ©zelay, tympan central du narthex.

Ce tympan a été réalisé vers aux alentours de 1120-1130[1]. Les sculptures calcaires ont été protégées des intempéries par le narthex de la basilique, mais ont souffert en revanche du vandalisme de la Révolution française[2], pendant laquelle l'ensemble conventuel avait été transformé en carriÚre de pierres.

L'association du zodiaque et des occupations des mois est un thĂšme frĂ©quent des XIe siĂšcle et XIIe siĂšcle[1]. Il superpose des images du vĂ©cu populaire aux signes zodiacaux savants hĂ©ritĂ©s de l’AntiquitĂ©, montrant ainsi l'articulation dans le dĂ©roulement du temps de la vie quotidienne terrestre par rapport Ă  l’éternitĂ© immuable de l'ordre cosmique.

Les médaillons se lisent dans le sens des aiguilles d'une montre, qui correspond aussi au mouvement apparent du soleil au cours de la journée.

Correspondance mois - signes

L'alternance des signes du zodiaque et des mois Ă©tait plus rĂ©guliĂšre avant la rĂ©forme du calendrier grĂ©gorien, qui a recalĂ© l'Ă©quinoxe de printemps aux alentours du , et le solstice d'hiver vers le . Au Moyen Âge, le passage d'un signe Ă  l'autre Ă©tait dĂ©calĂ© d'une dizaine de jours, ce dont tĂ©moigne encore le proverbe « Ă  la Sainte-Luce, les jours croissent du saut d'une puce Â», qui plaçait le solstice d'hiver au 13 dĂ©cembre.

Au XIe siĂšcle, chaque mois se trouvait donc Ă  cheval entre deux signes, et chaque signe se trouvait rĂ©partit sur deux mois. Cette alternance est la mĂȘme que celle retenue pour le portail de la cathĂ©drale Saint-Lazare d'Autun, plus logique que l'appariement d'un signe et d'un mois que l'on trouve par exemple sur le vitrail du zodiaque Ă  Chartres, ou dans le zodiaque de la cathĂ©drale d'Amiens.

La correspondance entre signes et mois n'est cependant pas trĂšs claire, du fait de mĂ©daillons intercalaires qui viennent perturber l'alternance naturelle entre signes et mois. Ce rythme est en effet interrompu trois fois. Deux scĂšnes « terrestres Â» figurent entre taureau et gĂ©meaux d'une part, et entre vierge et balance d'autre part. Enfin, au sommet du tympan, l'intervalle entre cancer et lion est occupĂ© par trois mĂ©daillons et demi.

Le pain et le vin

Le zodiaque prend appui sur un banquet, le partage du pain et du vin[3].

Dans le premier médaillon, un paysan coupe une miche de pain. La miche a une ornementation triangulaire, signe distinctif qui permet à son possesseur de reconnaßtre sa miche parmi d'autres dans un four communal. Découper le pain est une illustration de janvier, que l'on retrouve sur le tympan de la cathédrale d'Autun.

Dans le dernier mĂ©daillon, un homme richement vĂȘtu prĂ©sente une coupe de vin. L'inscription qui l'entoure se lit OM(N)IBUS IN MEMBRIS DESIGNAT IMAGO DECE(M)BRIS[4], c'est-Ă -dire « l'image de dĂ©cembre dĂ©signe par tous ces membres... Â» mais le texte paraĂźt alors inachevĂ©[5]. On peut lire alternativement « dĂ©cembre est reprĂ©sentĂ© par ces deux mĂ©daillons Â», ce qui est l'interprĂ©tation suivie ici.

Par rapport à l'alternance des signes du zodiaque, ces deux personnages représentent le mois de janvier, à cheval entre capricorne et verseau. Janvier est traditionnellement représenté par Janus, le dieu à deux visages regardant à la fois le passé et l'avenir.

Dans un contexte chrétien, le symbolisme du pain et du vin représente évidemment l'eucharistie dans ses deux espÚces.

Signes et travaux d'hiver et de printemps

Le Verseau prend place entre janvier et fĂ©vrier. La sculpture en est trĂšs abĂźmĂ©e. Une figure fĂ©minine verse de l'eau sur ce qui semble ĂȘtre une forteresse.

FĂ©vrier, entre Verseau et Poissons, est le mois le plus froid de l'annĂ©e. On voit ici deux paysans Ă  la maison. Celui de gauche se rĂ©chauffe au feu que l'on devine sur la bordure, ce qui est la reprĂ©sentation traditionnelle pour fĂ©vrier ; celui de droite est en train de se dĂ©shabiller, probablement pour mettre ses vĂȘtements Ă  sĂ©cher.

Les Poissons sont entre fĂ©vrier et mars. ReprĂ©sentation traditionnelle de deux poissons tĂȘte-bĂȘche, reliĂ©s par une corde. Dans la symbolique chrĂ©tienne, les deux poissons reprĂ©sentent l'ancien et le nouveau testament.

Le mois de mars est entre les Poissons et le BĂ©lier. Un paysan taille la vigne, ce qui est l'illustration classique pour ce mois. Il s'agit de la taille d'hiver, la plus importante.

Le BĂ©lier commence en mars et finit en avril. Lui et le Taureau sont reprĂ©sentĂ©s de maniĂšre inhabituelle : seule la partie avant de la bĂȘte est reprĂ©sentĂ©e, l'arriĂšre Ă©tant figurĂ© par une queue de poisson. Une ceinture frangĂ©e sĂ©pare les deux parties du corps. C'est la reprĂ©sentation habituelle du Sagittaire et du Capricorne, dont on a ici un Ă©cho formel[1].

Avril est le mois de la floraison. Ici, un paysan chevrier mĂšne deux chĂšvres aux champs, thĂšme que l'on retrouve Ă©galement Ă  Autun. D'autres thĂšmes peuvent se rencontrer : cueillette de fleurs (Chartres), chasse au faucon (Amiens).

Le Taureau se situe entre avril et mai. De mĂȘme que le bĂ©lier, il est reprĂ©sentĂ© ici avec une queue de poisson.

Mai est le début de la saison guerriÚre. Ici, un jeune homme barbu tient un bouclier.

Danse végétale

Entre le mois de mai et les gĂ©meaux se trouve un mĂ©daillon supplĂ©mentaire, reprĂ©sentant un personnage dansant. Il est couronnĂ© de feuillages, et tient un rameau dans chaque main. Le sens de ce mĂ©daillon est obscur, il peut s'agir d'une fĂȘte cĂ©lĂ©brĂ©e en cette pĂ©riode.

Le mĂ©daillon est plus probablement Ă  rapprocher de son symĂ©trique du cĂŽtĂ© droit, qui reprĂ©sente un homme en train d'engranger la rĂ©colte. L'ensemble peut alors ĂȘtre compris comme une figure allĂ©gorique rappelant « si le grain de blĂ© qui est tombĂ© en terre ne meurt, il reste seul; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit Â» (Jn 12:24).

Début de l'été

Les gémeaux, entre les mois de mai et juin, sont traditionnellement représentés par un couple enlacé, figurant Adam et Ève[1].

Le mois de juin, entre gĂ©meaux et cancer, est traditionnellement associĂ© Ă  la fenaison. C'est le cas ici, oĂč un paysan fauche l'herbe de son prĂ©. On devine sur sa cuisse la pierre Ă  aiguiser prĂȘte Ă  servir pour raviver le fil de sa faux. À Autun, la fenaison est retardĂ©e en juillet, et juin est illustrĂ© par la cueillette de fruits.

Le cancer, entre juin et juillet, est représenté par une sorte d'écrevisse.

Sommet du tympan

Entre le cancer et le lion, occupant donc la position du mois de juillet, le sommet du tympan est occupĂ© par une sĂ©rie de quatre mĂ©daillons —ou peut-ĂȘtre faut-il parler de « trois mĂ©daillons et demi Â»â€” dont l'interprĂ©tation est trĂšs incertaine.

Le demi mĂ©daillon figure un oiseau, peut-ĂȘtre une grue.

Faisant suite Ă  l'oiseau, un chien qui se mord la queue.

AprÚs le chien se mordant la queue, deux médaillons représentent un acrobate se tenant les jambes, et une sirÚne se tenant la queue.

Ces trois médaillons représentent chacun à sa maniÚre un mouvement circulaire, et une forme d'illusion : le chien courant aprÚs sa queue ne peut jamais l'attraper ; l'acrobate réalise des mouvements qui paraissent impossibles, et la sirÚne est une créature imaginaire.

La position de ces mĂ©daillons, occupant l'emplacement de juillet, est peut-ĂȘtre Ă  rapprocher de la fĂȘte de Marie Madeleine, cĂ©lĂ©brĂ©e le , Ă  qui est dĂ©dicacĂ©e la basilique de VĂ©zelay.

Le rythme en point de suspension de ces trois mĂ©daillons Ă©voque la locution « un temps, des temps, et la moitiĂ© d'un temps Â», que l'on trouve Ă  quelques reprises dans la Bible (Dan 9 ; Apoc 12:14)[2].

Signes et travaux de fin d'été

Le lion se situe entre juillet et août. Il est représenté ici en train de terrasser un bovidé à figure terrifiée et étrangement humaine.

Le mois d'août, entre lion et vierge, est traditionnellement illustré par la moisson. Ici, un paysan moustachu moissonne à la faucille une gerbe de blé. Dans d'autres zodiaques la récolte du blé illustre parfois le mois de juillet, et le battage se fait alors en août.

La vierge se situe entre aoĂ»t et septembre. Elle est reprĂ©sentĂ©e ici nue, la tĂȘte couverte d'un chĂąle.

Pour septembre, entre vierge et balance, le tympan de Vézelay retient le battage du blé. Le fléau dépasse sur le médaillon précédent de la vierge. Un autre choix fréquent pour septembre est le thÚme des vendanges, retenu ici pour illustrer octobre.

Le grain engrangé

Entre le mois de septembre et la balance se trouve un second médaillon surnuméraire. Le travail représenté ici, un paysan en train de verser du grain dans un coffre, suit logiquement le battage du blé représenté dans le médaillon précédent.

Le rapprochement avec l'autre médaillon surnuméraire, celui de la danse végétale, est assez suggestif de l'opposition entre une danse insouciante et la prévoyance que représente la mise de cÎté de la récolte, opposition illustrée par la célÚbre fable de La Cigale et la Fourmi.

Signes et travaux de fin d'année

La balance, entre septembre et octobre, est tenue par une figure masculine couronnĂ©e de flammes ; il s'agit peut-ĂȘtre d'une reprĂ©sentation de l'archange Saint Michel[1], dont le rĂŽle traditionnel Ă©tait de peser les Ăąmes des dĂ©funts.

Octobre, à cheval entre balance et scorpion, est représenté par les vendanges, ce qui est plutÎt tardif. Un choix alternatif, quand les vendanges sont retenues pour septembre, est d'illustrer ici le travail de vinification.

Le scorpion, entre octobre et novembre, ressemble ici Ă  une sorte de dromadaire, avec ses deux pattes postĂ©rieures terminĂ©es de sabots, les six pattes antĂ©rieures Ă©tant au contraire griffues et comme hĂ©rissĂ©es d’écailles[1].

En novembre, entre scorpion et sagittaire, on se prépare à l'hiver. Le cochon est tué pour mettre sa viande à conserver au saloir, ce qui permet de ne pas avoir à le nourrir sur des provisions pendant l'hiver.

Le sagittaire, entre novembre et décembre, est représenté sous les traits d'un centaure, un arc et des flÚches à la main.

En décembre, entre le sagittaire et le capricorne, un homme porte sur ses épaules une vieille femme, représentant l'année qui s'achÚve et qui cÚde la place à la génération suivante.

Le Capricorne, entre décembre et janvier, est représenté avec un corps de chÚvre et une queue de poisson. Au début de ce signe, le passage au solstice d'hiver marque le début d'une nouvelle année astronomique.

Voir aussi

Références

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