Yavanajataka
Le YavanajÄtaka (du sanskrit yavana : grec et jÄtaka : horoscopie = horoscopie des grecs) de Sphujidhvaja est un texte dâastrologie antique indienne.
YavanÄjataka | |
Dernier feuillet d'un manuscrit du YavanajÄtaka, conservĂ© dans le National Archive of Nepal Ă Katmandou. | |
Auteur | Sphujidhvaja |
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Pays | Inde |
Genre | Traité d'astrologie |
Version originale | |
Langue | Sanskrit |
Titre | YavanÄjataka |
Version française | |
Date de parution | 269/270 ap. J.-C. |
Pour Francis Zimmermann[1]« l'histoire de l'astronomie indienne se divise en trois périodes » :
- LâĂ©poque vĂ©dique du Xe au IVe siĂšcles av. J.-C. : une science du calendrier se dĂ©veloppe, dont tĂ©moigne le JyotisavedĂąnga (« Appendice astronomique du Veda »).
- Une seconde pĂ©riode, du IVe siĂšcle av. J.-C. au Ve siĂšcle ap. J.-C, est caractĂ©risĂ©e par l'influence des astronomies mĂ©sopotamienne, puis grecque. Deux textes tĂ©moignent de cette Ă©poque : le YavanajÄtaka de Sphujidhvaja et le Pancasiddhantika de Varahamihira, texte plus tardif mais qui rĂ©sume plusieurs traitĂ©s dâastronomie grĂ©co-romaine.
- Une troisiĂšme pĂ©riode sâĂ©tend enfin du Ve au VIe siĂšcles « avec le dĂ©veloppement d'une astronomie savante, caractĂ©risĂ©e par la mise en Ćuvre de la fonction trigonomĂ©trique sur des modĂšles planĂ©taires grecs (rĂ©volutions Ă double Ă©picycle, etc.) ».
Le YavanajÄtaka sâinscrit donc dans cette seconde pĂ©riode et traduit lâassimilation par les savants indiens des travaux scientifiques transmis dâabord de Babylone Ă la GrĂšce puis de la GrĂšce vers lâInde. Ces travaux indiens influenceront Ă leur tour lâastrologie sassanide, arabe, byzantine et dâEurope de lâOuest.
Datation et origine du texte
Aux Ier et IIe siĂšcles apr. J.-C., les Ă©changes commerciaux entre lâInde et le monde mĂ©diterranĂ©en sont intenses. Durant cette pĂ©riode, une importante communautĂ© grecque, les Yavanas, sâinstalle dans lâouest indien autour de la ville portuaire de Bharuch[2]. Plusieurs textes sont alors traduits du grec vers le sanskrit. Le YavanajÄtaka est une de ces traductions, dont lâoriginal grec a Ă©tĂ© perdu.
On estime, dâaprĂšs Pingree, quâune premiĂšre traduction du texte est rĂ©alisĂ©e en 149-150 ap. J.-C. par Yavaneshvara. La versification de ce texte par Sphujidhvaja est situĂ©e autour de 269-270 ap. J.-C.
Plusieurs chercheurs (voir bibliographie) reviennent cependant sur ces conclusions. DiffĂ©rents Ă©lĂ©ments dans le texte ou des erreurs de traduction mettent en doute la datation du YavanajÄtaka par Pingree. Pour Bill M. Mak : « Dâun point de vue philologique, le YavanajÄtaka pourrait ĂȘtre datĂ© entre 22 av. J.-C. et les dĂ©buts du VIIe siĂšcle, avec une prĂ©fĂ©rence pour une date entre le IVe et le VIe siĂšcle, comme le suggĂšre diverses preuves »[3]. Ăgalement, les auteurs Yavaneshvara et Sphujidhvaja pourraient ĂȘtre une seule et mĂȘme personne. Enfin, le YavanajÄtaka ne serait pas une traduction mais un ouvrage indien original rĂ©unissant diverses traditions et connaissances de lâĂ©poque. Ă cette heure, ces questions sont toujours discutĂ©es.
Subdivisions et contenu
Plusieurs références explicites sont faites quant aux origines grecques de certaines notions. Par exemple :
- « Trente-six sont les tiers des signes du zodiaque qui sont nommĂ©s dĂ©cans (dekanos) dâaprĂšs les Grecs »[4]
- « Ceci est connu pour ĂȘtre la mĂ©thode de dĂ©termination de la force ou de la faiblesse des signes et planĂštes selon lâenseignement des Grecs (âŠ) »[5]
- « Le sage dit que la trajectoire observĂ©e des planĂštes est lâĆil suprĂȘme de tout le corps des rĂšgles de lâhoroscopie. Je vais lâexpliquer concisĂ©ment selon les instructions des Grecs »[6]
Ăgalement, les couleurs associĂ©es Ă chaque planĂšte dans le Yavanajataka sont les mĂȘmes que lâon retrouve rĂ©guliĂšrement dans les reprĂ©sentations grecques[7]. Ainsi, pour David Pingree la tradition grecque qui sous-tend lâouvrage est indĂ©niable.
Les premiers chapitres dĂ©crivent les diffĂ©rents signes du zodiaque et traitent dâastrologie prĂ©dictive en introduisant les notions grecques dâascendant (Hora) et de dĂ©cans (dekanos). Les influences de chaque signe sur les individus dâaprĂšs leur naissance sont ensuite prĂ©sentĂ©es. Le dernier chapitre est celui qui traite mathĂ©matiquement de l'astrologie et concentre la plupart des dĂ©bats.
Pour Pingree, le YavanajÄtaka constitue la plus ancienne utilisation connue du zĂ©ro positionnel. Bill Mak, sans remettre en cause lâinvention de la numĂ©ration dĂ©cimale par lâInde, ne trouve pas dans ce texte une telle rĂ©fĂ©rence. Si Mak admet lâorigine grecque de certaines notions, il insiste Ă©galement sur lâoriginalitĂ© indienne des concepts de karma ou dâAyurveda (mĂ©decine indienne traditionnelle). Ăgalement, un yuga (cycle temporel dâorigine babylonienne) dâune durĂ©e de 165 annĂ©es nâest prĂ©sent dans aucun texte grec.
Traductions et diffusion
Le manuscrit le plus ancien dont nous disposons à ce jour est conservée aux Archives Nationales du Népal. Il est rédigé en sanskrit sur feuilles de palmier et date du XIIe siÚcle. Son état de conservation est mauvais et quelques feuillets sont perdus.
En 1897, lâindologue français Sylvain LĂ©vi, lors d'une mission en Inde, fait la copie dâun autre manuscrit du YavanajÄtaka[8].
Enfin la copie dâun troisiĂšme manuscrit est retrouvĂ©e en 2011 dans les archives du NGMPP (Nepal-German Manuscript Preservation Project). Une traduction du sanskrit vers lâanglais est publiĂ©e par Pingree en 1978[9].
Notes et références
- Francis Zimmermann, Encyclopaedia Universalis, article « Inde Arts et culture - Les sciences »
- David Pingree, Astronomy and Astrology in India and Iran, juin 1963, Isis 54 no 2, p. 229-246
- Bill M. Mak, The Oldest Indo-Greek Text in Sanskrit Revisited: Additional Readings from the Newly Discovered Manuscript of the YavanajÄtaka, Journal of Indian and Buddhist Studies 62, mars 2014, no 3, p. 1104
- Yavanajataka, traduction en français dâaprĂšs lâanglais de Pingree (1978), Chap. 3 â 1.
- Yavanajataka, traduction en français dâaprĂšs lâanglais de Pingree (1978), Chap 1 â 92.
- Yavanajataka, traduction en français dâaprĂšs lâanglais de Pingree (1978), Chap. 79 â 1.
- David Pingree, Indian Planetary Images and the Tradition of Astral Magic, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 52, 1989, p. 3
- Sylvain LĂ©vi, « Rapport sur sa mission dans lâInde et le Japon », Comptes rendus des sĂ©ances de l'AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, Volume 43, no 1, 1899, p. 83-84 (Lire sur PersĂ©e
- David Pingree, « The YavanajÄtaka of Sphujidhvaja », Harvard Oriental Series, Vol. 48, Cambridge : Harvard University Press, 1978
Voir aussi
Bibliographie
- David Pingree, A Greek Linear Planetary Text in India, Journal of the American Oriental Society 79, décembre 1959, no 4, p. 282-284
- David Pingree, Astronomy and Astrology in India and Iran, juin 1963, Isis 54 no 2, p. 229-246
- David Pingree, « The YavanajÄtaka of Sphujidhvaja », Harvard Oriental Series, Vol. 48, Cambridge : Harvard University Press, 1978
- David Pingree, Indian Planetary Images and the Tradition of Astral Magic, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 52, 1989, p. 1-13
- K. S. Shukla, The Yuga of the YavanajÄtaka - David Pingreeâs Text and Translation Reviewed, Indian Journal of History of Science 24, 1989, no 4, p. 211-223
- Harry Falk, The Yuga of Sphujiddhvaja and the Era of the KusĂąnas, Silk Road Art and Archaeology no 7, 2001, p. 121-136
- B. M. Mak, The Oldest Indo-Greek Text in Sanskrit Revisited: Additional Readings from the Newly Discovered Manuscript of the YavanajÄtaka, Journal of Indian and Buddhist Studies 62, Mars 2014, no 3, p. 1101-1105
- B. M. Mak, The Date and Nature of Sphujidhvajaâs YavanajÄtaka reconsidered in the light of some newly discovered materials, History of Science in South Asia 1, 2013, p. 1-20
- Francis Zimmermann, « Les aspects mĂ©dicaux du YavanajÄtaka », Sudhoffs Archiv fĂŒr Geschichte der Medizin, 1981, vol. 65, no 3, p. 299-305