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Xuyun

Xuyun, Xu Yun, HsĂŒ Yun, ou Tsu Yun (chinois : 虚äș‘ ; pinyin : XĆ«yĂșn) fut un moine bouddhiste chinois et un maĂźtre chĂĄn renommĂ© et influent, ayant contribuĂ© Ă  la rĂ©forme du bouddhisme en Chine au XXe siĂšcle[1] - [2]. Le rĂ©cit de sa vie mĂȘle autobiographie et hagiographie[3]. Il parcourut dans sa vie des milliers de kilomĂštres Ă  pied lors de pĂšlerinages[4], vivant aussi en ermite dans des grottes, en pratiquant ascĂšse et austĂ©ritĂ©s.

Sa date de naissance est sujette à débat, 1840 étant traditionnellement retenue, mais remise en question, par exemple par l'historienne et sinologue Daniela Campo qui avance 1864[5]. Il meurt en 1959.

Sa vie : entre hagiographie et réalité historique

Il naĂźt dans la province de Fujian sous le nom de Xiao Guyan[1] ou Ă  Xiangxiang dans la province de Hunan[2]. AprĂšs ĂȘtre devenu moine, il mĂšne une vie ascĂ©tique, passe de longue pĂ©riodes en tant qu'ermite, et rĂ©alise de longs pĂšlerinages. Il participe Ă  la restauration et reconstruction de plusieurs monastĂšres. Sa popularitĂ© sera importante, et le professeur Mario Poceski considĂšre qu'il est sans doute le plus connu et influent maĂźtre chĂĄn du XXe siĂšcle. Il a menĂ© des retraites mĂ©ditatives suivies aussi bien par des moines que des laĂŻcs[1].

Il est aussi connu sous le nom de Deqing[2] - [3]. C'est lui qui choisira le nom de Xuyun (« Nuage Vide[2] » en chinois) aux alentours de 1900, alors que la nouvelle se répand qu'il s'est établi dans une état d'éveil (samadhi)[3].

L'historienne et sinologue Daniela Campo a publiĂ© en 2013, Ă  partir de sa thĂšse, l'ouvrage La construction de la saintetĂ© dans la Chine moderne : La vie du maĂźtre bouddhiste Xuyun. Elle y distingue par une Ă©tude approfondie les aspects hagiographiques de la vie de Xuyun (tels que des pouvoirs surnaturels, ou sa supposĂ©e longĂ©vitĂ©) et mĂšne une reconstruction biographique historique[5]. Deux Ă©missions de Sagesses bouddhistes lui sont consacrĂ©es[6]. Elle mentionne que c'est Xuyun lui-mĂȘme qui aurait engendrĂ© le « mythe » de sa longĂ©vitĂ©, lors d'une interview donnĂ©e en 1952, et elle pense que c’était dans le but de mieux incarner un modĂšle de saintetĂ©[7].

Du fait de l'aspect hagiographique inhérent à sa biographie chronologique (nianpu) officielle, qui est en fait une autobiographie dictée en partie par Xuyun à ses disciples et rédigée principalement à la premiÚre personne, il est souvent difficile, selon Daniela Campo, de séparer la réalité historique des légendes, bien que par son travail elle relÚve des incohérences, inexactitudes, voire des omissions faites dans le but d'idéaliser l'image de Xuyun[3].

ÉlĂ©ments biographiques

Se basant sur l’autobiographie de Xuyun, Érik SablĂ© a publiĂ© un ouvrage en 2004 qui rĂ©sume sa vie supposĂ©e.

Sa vocation religieuse dĂ©bute lorsqu'il a 13 ans. Son pĂšre a peur qu'il devienne moine et lui propose la voie taoĂŻste, plus engagĂ©e dans le monde. À 17 ans, il fait une fugue mais est rattrapĂ© et contraint de se marier. À 19 ans, il s'enfuit de nouveau et se rend au monastĂšre du mont Gu dans lequel il est ordonnĂ© moine par le maĂźtre Miao Lian[8]. Pour ne pas ĂȘtre retrouvĂ© par son pĂšre, il doit se cacher un certain temps dans une grotte en montagne, tout en rĂ©alisant diffĂ©rentes pratiques spirituelles ; c'est cette pĂ©riode qui marque le dĂ©but de sa vie d'ascĂšse[9] et d'austĂ©ritĂ©s (toutuo[3]). Puis il retourne au monastĂšre et exerce diverses fonctions, depuis porteur d'eau jusqu'Ă  prĂȘtre[8].

À 28 ans, il retourne vivre dans une grotte plusieurs annĂ©es, ne se nourrissant que d'herbe sauvage, tel MilarĂ©pa. Sa pratique de prĂ©dilection, provenant de l'Ă©cole de la Terre Pure, est alors la rĂ©pĂ©tition du nom du Bouddha Amidha (nianfo). Ayant entendu parler du maĂźtre Yang Djing de l'Ă©cole Tien TaĂŻ qui vit sur le Mont Hua Ding, il s'y rend. Il est acceptĂ© comme disciple et Ă©tudie pendant quatre ans des soutras, tout en s'exerçant Ă  la pratique du gƍng'Ă n (kƍan en japonais). Son maĂźtre lui dit d'aller visiter d'autres maĂźtres, monastĂšres et lieux saints, ce qu’il fera[10].

Il rĂ©alise des pratiques d'automutilations, et se brĂ»le notamment un doigt en offrande au Bouddha, pour exprimer sa gratitude Ă  sa mĂšre morte alors qu’elle lui avait donnĂ© naissance[9]. Il conçoit un projet de pĂšlerinage de trois annĂ©es vers le mont Wutai qu'il aurait fait Ă  pied, en se prosternant tous les trois pas[9] en rĂ©citant le nom du bodhisattva Manjushri. À 46 ans, aprĂšs son pĂšlerinage Ă©prouvant, il passe quelque temps avec des moines chĂĄn dans une cabane du pic Wutai. Il repart Ă  pied pour parcourir le Tibet, le Bhoutan, l’Inde, sans que la traversĂ©e de la chaĂźne himalayenne ne semble lui avoir posĂ© de problĂšme. Il a 50 ans lorsqu’il s’embarque pour le Sri Lanka, puis, aprĂšs avoir visitĂ© des lieux saints, il rejoint la Birmanie pour finalement revenir en Chine dans sa rĂ©gion natale[11].

Il connaĂźt un samādhi lors d’une pĂ©riode de mĂ©ditation de quinze jours dans une grotte durant laquelle il perd toute notion du temps ; il est ramenĂ© Ă  la rĂ©alitĂ© par des moines prĂ©occupĂ©s par son Ă©tat. En 1904, il commence Ă  enseigner en commentant des sutras et conduisant des mĂ©ditations dans diffĂ©rents monastĂšres. Puis il trouvera des fonds nĂ©cessaires pour restaurer le monastĂšre Po Yu qui accueillera quelque 700 moines[12].

TrĂšs impliquĂ© par la diffusion du Dharma, il enseigne Ă  travers l’Asie, en Birmanie, Malaisie, ThaĂŻlande. Il rencontre un ancien consul anglais qui lui fait une donation pour qu’il se charge de transfĂ©rer le Tripitaka de Penang en Birmanie jusqu’au Yunnan en Chine, ce qu’il fait en 1909 lors d’une expĂ©dition composĂ©e d’une centaine d’hommes et de trois cents chevaux pour traverser les montagnes[13].

En 1935, il reçoit une invitation des autoritĂ©s de Guangdong pour conduire la restauration du temple de Huineng, sixiĂšme patriarche du chĂĄn. Il accepte. Puis, alors que la guerre sino-japonaise fait rage, il restaure, avec l’aide de villageois qui travaillent gratuitement pour lui, le temple de l’école Yunmen[14]. Il repart, Ă  la fin de la guerre, pour enseigner et accomplir des cĂ©rĂ©monies dans diffĂ©rentes villes de Chine oĂč il est invitĂ©.

Alors qu’il se trouve dans le monastĂšre Yunmen restaurĂ©, des communistes chinois font intrusion et battent les moines pour qu’ils rĂ©vĂšlent une soi-disant cachette d’armes et d’or. Il est battu Ă  mort mais survivra miraculeusement. AprĂšs cette expĂ©rience, il dicte ses mĂ©moires Ă  la demande de ses disciples[15].

Il meurt quelques annĂ©es plus tard, en Ă©tat de mĂ©ditation[15]. Il laisse de nombreux disciples, dont plusieurs s'engageront pour la reconstruction du bouddhisme en Chine aprĂšs la pĂ©riode de rĂ©volution culturelle, en assumant des charges au sein de l'association bouddhiste de Chine, ou en formant et ordonnant de nouvelles gĂ©nĂ©rations de moines. Xuyun est l'un des maĂźtres les plus vĂ©nĂ©rĂ©s dans la Chine moderne, et un culte lui est rendu dans ses monastĂšres ou les lieux qu'il a parcourus telles que les grottes oĂč il a mĂ©ditĂ©[7].

Enseignements

Il recommande l'usage convergent du questionnement (kanhua chan) et de la récitation du nom du bouddha (nianfo), à travers l'exercice méditatif hua tou[2].

Xuyun explique par exemple, quelques annĂ©es avant la fin de sa vie au Temple du Bouddha de jade : « Dans notre Ă©cole, l’enseignement consiste en la vision directe de notre essence propre, que les mots et les phrases ne peuvent exprimer. [...] Cependant, Ă  cause de notre nature infĂ©rieure, les anciens maĂźtres furent obliger d'user d'artifices pour instruire leurs disciples et leur donnĂšrent Ă  mĂ©diter des phrases particuliĂšres appelĂ©es hua tou. Et comme les adeptes de la Terre Pure qui rĂ©citaient le nom de bouddha Ă©tait nombreux, ils leur donnĂšrent Ă  mĂ©diter le hua tou suivant : « Qui rĂ©cite le nom du Bouddha ? Â» [...] Dans notre investigation du hua tou, le mot « qui Â» doit ĂȘtre soigneusement examinĂ©. [...] Vous devez vous efforcer de connaĂźtre d'oĂč vient ce « qui Â» et Ă  quoi il ressemble. Notre investigation doit ĂȘtre tournĂ©e vers l'intĂ©rieur et pour cela elle est aussi nommĂ©e l'Ă©coute intĂ©rieure de notre nature propre[16]. »

Bibliographie

Études sur Xuyun

  • Érik SablĂ©, Tsu Yun, le moine aux semelles de vent : vie et paroles du dernier maĂźtre bouddhiste chinois, Paris, Dervy, coll. « Chemins de sagesse », , 83 p. (ISBN 2-84454-281-6) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Daniela Campo, La construction de la saintetĂ© dans la Chine moderne : la vie du maĂźtre bouddhiste Xuyun, Les Belles Lettres, , 470 p. (ISBN 978-2-251-90010-0)
  • (en) Daniela Campo, « Chan master Xuyun: The embodiment of an ideal, the transmission of a model », dans Making Saints in Modern China, Oxford University Press, (ISBN 9780190494568, lire en ligne), p. 99-136

Paroles de Xuyun

  • Charles Luk et Richard Hunx, Empty Cloud. The Autobiography of the Chinese Zen Master Xu Yun, Elements Books, , 320 p.
  • Lu K'uan Yu (Charles Luk), Ch'an and Zen Teaching, vol. 1, Red Wheel/Weiser, , 256 p.

Références

  1. (en) Mario Poceski, « Contemporary chinese buddhist traditions », dans The Oxford Handbook of Contemporary Buddhism, Oxford University Press, (ISBN 9780199362387, lire en ligne), p. 86
  2. (en) Robert E. Buswell Jr et Donald S. Lopez Jr, The Princeton Dictionary of Buddhism, Princeton University Press, (ISBN 978-1-4008-4805-8, lire en ligne)
  3. Campo 2017
  4. Sablé 2004, p. 29
  5. (en) Gregory Adam Scott, « La construction de la saintetĂ© dans la Chine moderne: La vie du maĂźtre bouddhiste Xuyun par Daniela Campo (review) », Journal of Chinese Religions, vol. 43, no 2,‎ , p. 200–201 (ISSN 2050-8999, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Sabrina Pastorelli, « La vie du grand maĂźtre bouddhiste chinois Xu Yun, un saint de l’époque moderne », sur Religions et laĂŻcitĂ©s (consultĂ© le )
  7. La vie du grand maĂźtre bouddhiste chinois Xu Yun, deuxiĂšme partie. Daniela Campo, Sagesses bouddhistes, 2015
  8. Sablé 2004, p. 11-15
  9. La vie du grand maĂźtre bouddhiste chinois Xu Yun, premiĂšre partie. Daniela Campo, Sagesses bouddhistes, 2015
  10. Sablé 2004, p. 16-21
  11. Sablé 2004, p. 22-29
  12. Sablé 2004, p. 36-40
  13. Sablé 2004, p. 42-44
  14. Sablé 2004, p. 49-51
  15. Sablé 2004, p. 53-54
  16. Sablé 2004, p. 58-65

Voir aussi

Liens externes

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