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Vision aveugle

La vision aveugle (blindsight, en anglais) est un phénomÚne paradoxal qui désigne la perception visuelle résiduelle (inconsciente) de patients dont les aires corticales visuelles ont été endommagées.

Trouble neuro-visuel complexe

Ce phĂ©nomĂšne de vision aveugle peut se prĂ©senter notamment chez des patients porteurs d’une hĂ©mianopsie latĂ©rale homonyme (HLH): un trouble neuro-visuel complexe ayant pour consĂ©quence de ne voir plus qu’une moitiĂ© du champ visuel.

Schéma du systÚme visuel : de la rétine au cortex visuel primaire V1

Dans un systĂšme visuel sain, l’intĂ©gration d’une scĂšne visuelle se fait en plusieurs Ă©tapes. PremiĂšrement, les diffĂ©rentes informations (contraste, lumiĂšre, couleurs, ...) vont ĂȘtre perçues et encodĂ©es par les cellules de nos rĂ©tines. Ces informations seront ensuite transmises par le nerf optique aux diffĂ©rentes zones du cerveau spĂ©cialisĂ©es dans la vision.

Plusieurs voies visuelles sont possibles : les axones du nerf optique issus de la rĂ©tine projettent sur le corps gĂ©niculĂ© latĂ©ral (simplifiĂ© par "Aire visuelle du Thalamus" sur le schĂ©ma ci-joint), de lĂ , une majeure partie continue vers le cortex visuel primaire V1 (la voie la plus directe), mais environ 30 % est dĂ©viĂ© en direction d'autres zones du cerveau comme le colliculus supĂ©rieur oĂč se dĂ©roulent un certain nombre de processus rĂ©flexes (comme la modulation du diamĂštre pupillaire ou le nystagmus).

C’est au niveau de V1 que les premiers traitements de l’information visuelle permettent de reconstituer la scĂšne visuelle perçue (la partie de V1 de l’hĂ©misphĂšre droit intĂšgre la moitiĂ© du champ visuel gauche et la partie de V1 de l’hĂ©misphĂšre gauche intĂšgre la moitiĂ© du champ visuel droit). À la suite de cette « reconstitution » les traitements de plus haut niveau sont faits par les aires corticales visuelles secondaires (V2, V3, V4 et V5 (aussi appelĂ©e MT)) pour pouvoir reconnaĂźtre des visages, des objets, percevoir le mouvement, etc.

Dans le cas des patients HLH, leur trouble fait le plus souvent suite Ă  un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral (AVC) ayant touchĂ© un des deux hĂ©misphĂšres de V1[1]. Le traitement et la reconstitution de la moitiĂ© de la scĂšne visuelle ne peuvent plus se faire correctement : bien que les yeux des patients soient intacts, leur vision peut ĂȘtre amputĂ©e de moitiĂ©. Cette partie du champ visuel est appelĂ© champ aveugle : c’est dans ce champ que peut ĂȘtre observĂ© le phĂ©nomĂšne de Blindsight, ou vision aveugle.

DĂ©couverte et DĂ©finition

Plusieurs revues de littĂ©rature permettent de retracer l’historique du Blindsight [2] - [3]. La premiĂšre apparition du mot Blindsight et de sa dĂ©finition s’est faite par l’équipe de Weiskrantz en 1974 [4].

L’une des expĂ©riences ayant permis de dĂ©montrer scientifiquement le phĂ©nomĂšne consistait Ă  faire deviner Ă  un patient (le patient D.B.) l’orientation de barres lumineuses prĂ©sentĂ©es dans le champ visuel amputĂ©. D.B. n'avait que deux boutons rĂ©ponses possibles : horizontales ou verticales. Ce type de mĂ©thode est appelĂ©e expĂ©rience en choix-forcĂ©. Les rĂ©sultats de l'expĂ©rience ont mis en Ă©vidence le fait que le patient D.B ne pouvait pas dĂ©tecter la prĂ©sence des barres lumineuses, mais pouvait pourtant discriminer l'orientation de ces-derniĂšres (Horizontales vs. Verticales) en choix forcĂ©, de façon supĂ©rieure Ă  la chance.

Le terme de Blindsight est alors employĂ© pour la premiĂšre fois pour dĂ©signer : ces capacitĂ©s visuelles rĂ©siduelles dans le champ visuel dĂ©clarĂ© aveugle Ă  l’examen clinique.

Nature et bases neuronales des processus impliqués dans la Vision Aveugle

Est-ce que ces capacitĂ©s visuelles rĂ©siduelles sont le rĂ©sultat de signaux traitĂ©s « inconsciemment » ? Il existe, encore aujourd’hui un dĂ©bat sur la question.


En effet, deux positions s’opposent :

  • L’idĂ©e que le Blindsight serait un processus non-conscient [2] : Cette hypothĂšse pourrait ĂȘtre soutenue par le fait que l’information visuelle « court-circuiterait » le cortex visuel V1, et utiliserait d’autre circuits neuronaux pour dĂ©livrer l’information aux aires corticales secondaires. En effet, en 1997, Arash SahraĂŻe et Larry Weiskrantz ont montrĂ©, grĂące Ă  l'IRM fonctionnelle, que pour leur patient appelĂ© G. Y. la perception inconsciente du mouvement Ă  travers son scotome hĂ©mi-anopsique passait par le colliculus supĂ©rieur : il pouvait dĂ©tecter le sens de dĂ©placement d'une cible visuelle avec un taux de rĂ©ussite supĂ©rieur Ă  80 % [5].
  • L’idĂ©e que la Vision Aveugle pourrait ĂȘtre le rĂ©sultat d’une vision « dĂ©gradĂ©e » : Cette hypothĂšse pourrait ĂȘtre soutenue par le fait qu’une lĂ©sion est rarement totale, mais laisse derriĂšre elle des « Ăźlots fonctionnels ». En effet, dans une expĂ©rience d’IRM fonctionnelle, l'Ă©quipe de Campion et. al a dĂ©montrĂ© que certains patients prĂ©sentaient des zones de V1 encore actives lors de la prĂ©sentation de stimuli dans le champ aveugle[6].


Références

  1. X. Zhang, S. Kedar, M. J. Lynn, N. J. Newman, and V. Biousse, “Natural history of homonymous hemianopia,” Neurology, vol. 66, no. 6, pp. 901–905, 2006.
  2. A. Cowey, “The blindsight saga,” Exp. Brain Res., vol. 200, no. 1, pp. 3–24, 2010.
  3. P. Stoerig and A. Cowey, “Blindsight in man and monkey,” Brain, vol. 120, no. 3, pp. 535–559, 1997
  4. M. D. Sanders, E. Warrington, J. Marshall, and L. Weiskrantz, “‘BLINDSIGHT’: VISION IN A FIELD DEFECT,” Lancet, vol. 303, no. 7860, pp. 707–708, Apr. 1974.
  5. L. Weiskrantz, J. L. Barbur, and A. Sahraie, “Parameters affecting conscious versus unconscious visual discrimination with damage to the visual cortex (V1).,” Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A., vol. 92, no. 13, pp. 6122–6, 1995.
  6. J. Campion, R. Latto, and Y. M. Smith, “Is blindsight an effect of scattered light, spared cortex, and near-threshold vision?,” Behav. Brain Sci., vol. 6, no. 03, p. 423, 1983.


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