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Verdadera destreza

La Destreza ou Verdadera Destreza est un modèle d’escrime créé en Espagne au XVIe siècle, qui va rapidement s’opposer à l’escrime commune, ou escrime vulgaire, par son approche plus intellectualisée.

Le terme de Destreza signifie adresse.

Histoire

La Destreza est nĂ©e en 1569 sous la plume de Jeronimo Sanchez de Carranza qui en pose les premières bases dans La philosophia de las armas. C’est sans doute dans les travaux de Camillo Agrippa que se trouve une partie de son inspiration mais, contrairement aux maĂ®tres et escrimeurs qui le prĂ©cèdent, cet humaniste, qui s’appuie sur la raison et la connaissance, souhaite sortir de l’empirisme et faire de l’escrime une discipline fondĂ©e sur la gĂ©omĂ©trie et la dĂ©monstration mathĂ©matique. Cet objectif est repris par tous les maĂ®tres qui lui succĂ©deront, d’oĂą la qualification de la Destreza d’escrime euclidienne. Cette logique se traduit dans la manière dont elle est enseignĂ©e et conçue. La Destreza est une escrime raisonnĂ©e et rĂ©flĂ©chie. Dans le combat, la raison doit l’emporter sur la passion, et la dĂ©fense sur l’attaque. Art d’autodĂ©fense, la Destreza permet Ă  celui qui la pratique de rester en vie. La mort de l’adversaire n’est pas une fin en soi, elle peut ĂŞtre nĂ©cessaire mais n’est, ni souhaitĂ©e Ă  priori, ni recherchĂ©e. La contre-attaque est dite mesurĂ©e et proportionnĂ©e Ă  l’agression ; c’est pour cela que la Destreza trouve son accomplissement dans le mouvement de conclusion : un dĂ©sarmement qui permet de neutraliser son adversaire sans le tuer. Ainsi le Diestro, nom donnĂ© Ă  l'escrimeur qui pratique la Destreza, prouve sa supĂ©rioritĂ© physique Ă  l’escrime, mais aussi sa supĂ©rioritĂ© morale en laissant la vie Ă  son agresseur.

C’est au cours des XVIIe et XVIIIe siècles que la Destreza se diffuse dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique et l’empire espagnol sous l’impulsion de Juan Pacheco de Narvaez, le disciple de Carranza. Elle reste nĂ©anmoins relativement confidentielle et rĂ©servĂ©e Ă  une certaine Ă©lite pour au moins deux raisons. Elle s’appuie d’abord sur les mathĂ©matiques, et nĂ©cessite la maĂ®trise de notions gĂ©omĂ©triques, la connaissance d’Euclide, des thĂ©orèmes de Pythagore et de Thalès, tout un savoir inaccessible au commun des mortels Ă  l’époque. Ensuite, les principaux maĂ®tres et auteurs de Destreza sont, soit des amateurs qui ne vivent pas de l’escrime, soit des maĂ®tres installĂ©s ne cherchant pas de clientèle. Carranza est gouverneur du Honduras de 1589 Ă  1594 ; Francisco Lorenz de Rada est marquis d’Espagne, vice-roi de Nouvelle-Espagne et gouverneur Ă  vie de Mexico ; Pacheco de Narváez est le maĂ®tre d’armes attitrĂ© du roi Philippe IV, et Ettenhard est capitaine de la garde allemande Philippe IV. C’est pourquoi la Destreza se trouve rĂ©servĂ©e Ă  une caste d’hidalgos.

Principes

Les maîtres, dans leur volonté de faire de l’escrime une science, ont calculé des distances et des angles, et positionné des points, grâce à la démonstration mathématique. L’intérêt de cette approche mathématique et géométrique est qu’elle permet, à celui qui l’étudie ou l’enseigne, de savoir exactement où positionner les différentes parties de son corps. Ainsi, pour le positionnement de l'épée, Rada a défini des plans perpendiculaires à l’horizon et des plans parallèles à l’horizon[1].

Il existe trois principaux plans parallèles Ă  l’horizon : le plan infĂ©rieur, au niveau du sol, le plan mĂ©dian Ă  la hauteur du nombril et le plan supĂ©rieur Ă  la hauteur des Ă©paules. De la mĂŞme manière, il existe cinq plans perpendiculaires Ă  l’horizon : le plan vertical droit qui est tangent Ă  l’épaule droite, le plan latĂ©ral droit qui passe par l’articulation de l’épaule droite, le plan diamĂ©tral de la poitrine passant par le nez et le nombril, le plan latĂ©ral gauche qui passe par l’articulation de l’épaule gauche et le plan vertical gauche tangent Ă  l’épaule gauche. Ce système orthonormĂ© permettant de localiser des points au croisement d’un plan parallèle et d’un plan perpendiculaire Ă  l’horizon. Celui qui enseigne la Destreza, peut alors donner des instructions prĂ©cises Ă  ses Ă©lèves en utilisant ces notions. Cela facilite aussi la localisation des techniques de tranchant car on peut situer chaque ligne unissant deux points du système.

Ce système définit un espace en deux dimensions, permettant de positionner la pointe de l’épée et, dans une certaine mesure, la lame. Cependant, il faut une troisième dimension pour décrire précisément tous les mouvements d’escrime, étant donné qu'entre le corps de l'escrimeur et la pointe de l'épée se trouvent trois articulations (épaule, coude, poignet). Pour y parvenir, Rada a défini les mouvements pyramidaux (représentés sur l’estampe). Si la pointe de l’épée se déplace en traçant un cercle, la lame, elle, trace un cône que les auteurs de l’époque nomment pyramide conique ou simplement pyramide.

Enfin, pour parfaire le système, les pyramides se suivent et s’imbriquent les unes dans les autres. Il existe une pyramide pour le bras, entre l’épaule et le coude, une seconde pour l’avant-bras entre le coude et le poignet, une troisième pour la lame entre le poignet et la pointe de l’épée. Enfin, la main peut tourner sur elle-même.

Une fois ces principes assimilés, le système permet d'expliquer les positions du corps, de la lame, et les mouvements à exécuter pour chaque technique.

Caractéristiques

Les traitĂ©s de Destreza partent du principe que les escrimeurs sont de taille semblable, de force semblable, utilisent la mĂŞme arme, se positionnent Ă  l’angle droit au dĂ©part des techniques. Comme ces Ă©lĂ©ments ne se produisent jamais dans le combat rĂ©el, c’est un système thĂ©orique. Ă€ l’aide de la dĂ©monstration mathĂ©matique, les maĂ®tres ont dĂ©fini des règles, des techniques, des mouvements, des medios (Un medio se traduit en Destreza par une distance et un angle), des angles, des lignes, des plans, des positions, des distances que le Diestro s’efforce de respecter dans le combat. Ainsi, en les utilisant, il assure sa dĂ©fense tout en attaquant son adversaire. Par certains aspects, la Destreza se rapproche des Ă©checs, dont on peut en comprendre rapidement les principaux concepts, mais oĂą une vie est nĂ©cessaire pour maĂ®triser ce système d’une incroyable complexitĂ©.

Avoir conscience du caractère thĂ©orique de la Destreza est essentiel afin d’en comprendre toutes les implications et d’éviter certaines erreurs.

Un système d’escrime peut ĂŞtre modĂ©lisĂ© Ă  partir de la ligne ou Ă  partir du cercle. Les Italiens et les Français ont choisi la première et les Espagnols le second. La Destreza a une logique circulaire: le cercle signifie qu’au cours du combat, le Diestro sort de la ligne par un pas circulaire pour en ouvrir une nouvelle, oĂą il aura une opportunitĂ© d’attaque.

La Destreza ne s’applique pas Ă  une arme en particulier, elle peut s’adapter Ă  toutes les armes (ou en tout cas, un très grand nombre d’entre elles). Juan Pachecco de Narvaez utilise une arme proche de la sidesword dans ses traitĂ©s, Francisco de Rada la rapière, Diogo Gomes de Figeiroa l’estramaçon et maĂ®tre Alberto Bomprezzi[2] l’utilise pour enseigner l’épĂ©e longue. En effet, certaines des règles dĂ©finies sont universelles. La nĂ©cessitĂ© de contrĂ´ler le premier plan vertical, la ligne de combat, s’applique quelle que soit l’arme employĂ©e.

La Destreza ne dit pas comment combattre, elle explique comment faire pour bien combattre ; c’est pourquoi les traitĂ©s ne proposent aucune position de garde. Si le Diestro maĂ®trise les atajos virtuels, il choisira lui-mĂŞme la position qui lui semble la plus adĂ©quate (Un atajo est un empĂŞchement que le Diestro pose sur la lame adverse avec ou sans contact avec elle. L’atajo est rĂ©el s’il y a un contact, et virtuel dans le cas contraire. Une position de garde est donc un atajo virtuel.)[3].

Il n’est pas possible de reconnaĂ®tre d’un coup d’œil, Ă  son style, un escrimeur pratiquant la Destreza, il y autant de manière de tirer qu'il existe de combattants.

La Destreza ne permet pas de dĂ©couvrir comment Carranza, Pacheco de Narvaez ou Rada combattaient puisque cette pratique est morte avec eux. En revanche, elle explique les Ă©lĂ©ments sur lesquels s’appuyait leur pratique et offre aux escrimeurs modernes la possibilitĂ© d’analyser et d’amĂ©liorer la leur pour mieux combattre.

Contrairement Ă  d’autres systèmes, qui proposent des techniques "clĂ©s en main", la Destreza ne donne que des règles ; c’est un système complexe dans lequel le Diestro doit gĂ©rer un grand nombre de variables en mĂŞme temps: cercles, angles, lignes et points, en plus des dĂ©placements Ă  apprĂ©hender. Cependant, chacun des Ă©lĂ©ments pris sĂ©parĂ©ment est simple Ă  comprendre. Le but Ă©tant Ă  terme d'Ă©tablir forteresse inexpugnable et assurer sa protection tout en gardant la capacitĂ© de neutraliser son adversaire[4].

Notes et références

  1. (es) RADA, Francisco Lorenz, Nobleza de la espada, Espagne, (lire en ligne)
  2. « Maestro de Armas Alberto Bomprezzi », sur esgrimaantigua.com.
  3. SĂ©bastien Romagnan, Manuel d'escrime, Annemasse, France, SR, , 190 p. (lire en ligne)
  4. Sébastien Romagnan, Manuel d'escrime, France, SR, , 190 p., "En Destreza, la défense s'appuie sur une forteresse imaginaire que le Diestro construit autour de lui au cours du combat"

Bibliographie

  • Francisco Lorenz rada, Nobleza de la espada, 3 vol., 1712.
  • SĂ©bastien Romagnan, Manuel d'escrime, 2013.
  • SĂ©bastien Romagnan, Historical Fencing, 2015.
  • Sanchez de Carranza, La filosophia de las armas, 1582.
  • Francisco Ettenhard y Tenardde, Compendio de los fundamentos de la verdadera destreza y filosofĂ­a de las armas, 1675.
  • Diogo Gomes de Figueiredo, Oplosophia, 1628.
  • Alvaro Guerra de la Vega, Comprension de la destreza, 1681.
  • Luis Pacheco de Narvaez, Grandezas de la espada, 1600.
  • Luis Pacheco de Narvaez, Modo para examinarse los maestros, 1625.
  • Luis Pacheco de Narvaez, Nueva ciencia y filosofia de la destreza de las armas, 1672.
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