Untel c. Bennett
Untel c. Bennet [1] est un arrêt de principe de la Cour suprême du Canada rendu en 2004 concernant la responsabilité délictuelle en common law d'un diocèse pour des agressions sexuelles commises par un prêtre.
Les faits
Le prêtre Kevin Bennett du diocèse catholique romain de St. George’s à Terre-Neuve-et-Labrador a commis des agressions sexuelles sur des jeunes garçons. Deux évêques consécutifs n'ont rien fait pour empêcher les agressions. En 1979, une des victimes révèle l'agression à l'archevêque du diocèse voisin. L'archevêque décide de communiquer la plainte à l'évêque de St. George's, mais encore une fois rien n'est fait. Les 36 victimes poursuivent à la fois le diocèse et l'Église catholique.
En première instance, le juge conclut à la responsabilité du fait d'autrui du diocèse de St. George's, mais il rejette l'action à l'égard de l'Église catholique. La Cour d'appel rejette l'action à l'égard de l'Église catholique mais conclut que le diocèse est responsable directement et non seulement selon la responsabilité pour le fait d'autrui. Le diocèse fait appel de la décision en Cour suprême. La victime est également appelante au pourvoi incident, qui demande à la Cour de réexaminer la responsabilité de l'ensemble des défendeurs.
Jugement de la Cour suprĂŞme
Le pourvoi est rejeté et le pourvoi incident est aussi rejeté.
Motifs du jugement
La Cour a conclu que la responsabilité secondaire de la corporation ecclésiastique provient du pouvoir et de l'autorité sur les paroissiens que l'Église a donné à ses prêtres. Les faits satisfont aux facteurs pour statuer sur un lien suffisant en cas de délit civil intentionnel[2].
« L’occasion que l’entreprise a fournie à l’employé d’abuser de son pouvoir;
b) la mesure dans laquelle l’acte fautif peut avoir contribué à la réalisation des objectifs de l’employeur (et avoir donc été plus susceptible d’avoir été commis par l’employé);
c) la mesure dans laquelle l’acte fautif était lié à la situation de conflit, d’affrontement ou d’intimité propre à l’entreprise de l’employeur;
d) l’étendue du pouvoir conféré à l’employé relativement à la victime;
e) la vulnérabilité des victimes potentielles à l’exercice fautif du pouvoir de l’employé. »
« La preuve satisfait amplement au critère formulé dans les arrêts Bazley, Jacobi et K.L.B.. Le lien entre l’entreprise diocésaine et Bennett était suffisamment étroit. »[3]
Le jugement affirme que :
« Dans un diocèse, la relation entre l’évêque et les prêtres est non seulement d’ordre spirituel mais aussi d’ordre temporel. Les prêtres font vœu d’obéissance à l’évêque, lequel exerce sur eux une autorité considérable. Il a notamment le pouvoir de décider de leur lieu de travail, de les relever de leurs fonctions et de prendre des mesures disciplinaires à leur endroit. C’est une relation qui s’apparente à une relation employeur‑employé. [...] Le lien entre l’évêque et le prêtre est suffisamment étroit. En outre, l’application du critère pertinent aux faits de l’espèce établit clairement l’existence du lien requis entre le risque créé ou exacerbé par l’employeur et le tort reproché[4].
Premièrement, l’évêque a fourni au père Bennett l’occasion d’abuser de ses pouvoirs[5]. [...] Deuxièmement, les méfaits du père Bennett étaient étroitement liés à la situation d’intimité psychologique inhérente à son rôle de prêtre[6].Troisièmement, l’évêque a conféré au père Bennett des pouvoirs considérables à l’égard de ses victimes[7]. »
La Cour a jugé que la preuve était trop mince pour « examiner sérieusement la question difficile et importante de savoir si l’Église catholique romaine peut être tenue responsable dans une affaire comme celle qui nous préoccupe »[8].
Notes et références
- 2004 CSC 17
- par. 21 de la décison
- par. 32 de la décision
- par. 27
- par. 28
- par. 29
- par. 30
- par. 36