AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Triangle dramatique

modĂšle

Le triangle dramatique ou triangle de Karpman est à la base des « jeux psychologiques » de manipulation de la communication[1]. C'est une figure d'analyse transactionnelle proposée par Stephen Karpman (d) en 1968 (dans son article Fairy Tales and Script Drama Analysis[2]) qui met en évidence un scénario relationnel typique entre victime, persécuteur et sauveur[3]. Le triangle dramatique est à la base des jeux psychologiques qui se jouent entre deux personnes capables de jouer alternativement les trois rÎles[4].

Illustration graphique du triangle de Karpman. on y retrouve les rÎles de persécuteur, victime et sauveur.

La communication est perturbĂ©e lorsque les protagonistes adoptent ces rĂŽles plutĂŽt que d’exprimer leurs Ă©motions et leurs idĂ©es.

Ces relations peuvent se former dans un groupe, elles sont alors contre-productives ; leur identification permettra de repartir sur des bases saines[5].

RĂŽles

C'est une schĂ©matisation qui formalise les diffĂ©rents rĂŽles possibles et leurs interaction dans une interaction dĂ©sĂ©quilibrĂ©e. Ainsi, si une personne endosse l'un de ces rĂŽles (par exemple la victime), elle entraĂźne l'autre Ă  jouer un rĂŽle complĂ©mentaire (le sauveur ou le persĂ©cuteur). L'expression de ce scĂ©nario permet de mettre en Ɠuvre une mĂ©communication qu'il est possible d'utiliser pour comprendre les mĂ©canismes ayant gĂ©nĂ©rĂ© un conflit. La communication est perturbĂ©e lorsque les protagonistes adoptent ces rĂŽles plutĂŽt que d'exprimer leurs Ă©motions et leurs idĂ©es.

Ces relations peuvent se former dans un groupe, elles sont alors contre-productives ; leur identification permettra de repartir sur des bases saines[1].

Victime

La victime attire le sauveur qui veut lui venir en aide[1]. C'est donc un rĂŽle de choix pour attirer l'attention sur soi quand on sait bien en jouer. C'est un rĂŽle qui appelle quelqu'un Ă  ĂȘtre persĂ©cuteur, une attente qui sera remplie ou non par l'entourage. Le plus souvent, la victime a un problĂšme de dĂ©pendance[6].

La position de la victime est « Pauvre de moi ! » La victime se sent victimisĂ©e, opprimĂ©e, impuissante, sans espoir, honteuse et semble incapable de prendre des dĂ©cisions, de rĂ©soudre des problĂšmes, de prendre plaisir Ă  la vie ou d’obtenir des idĂ©es. La victime, si elle n’est pas persĂ©cutĂ©e, cherchera un persĂ©cuteur et Ă©galement un sauveur qui sauvera la situation, mais perpĂ©tuera Ă©galement les sentiments nĂ©gatifs de la victime[6].

Sauveur

C'est un rÎle trÚs gratifiant d'un point de vue narcissique mais qui place la victime en incapacité de résoudre ses problÚmes. Il attend un persécuteur pour justifier son existence et une victime à sauver. L'entourage pourra suivre ou ne pas suivre dans cette piÚce de théùtre.

La rĂ©plique du sauveur est « Laissez-moi vous aider ». Un Ă©lĂ©ment facilitateur classique consiste en le sentiment de culpabilitĂ© que peut Ă©prouver le sauveur s’il ne va pas Ă  la rescousse de la victime. Cependant, son sauvetage a des effets nĂ©gatifs : il garde la victime dĂ©pendante et lui donne la permission d’échouer. Les avantages dĂ©coulant de ce rĂŽle de sauvetage sont que l’attention du sauveur Ă  lui-mĂȘme est supprimĂ©e. Quand il concentre son Ă©nergie sur quelqu’un d’autre, cela lui permet d’ignorer sa propre anxiĂ©tĂ© et ses problĂšmes. Ce rĂŽle de sauvetage est Ă©galement trĂšs important, car leur intĂ©rĂȘt principal rĂ©side dans l’évitement de leurs propres problĂšmes dĂ©guisĂ©s en prĂ©occupation pour les besoins de la victime[6].

Persécuteur (« méchant »)

Le persécuteur agit sur la victime[1]. S'il tente de nouer cette relation avec une victime potentielle, celle-ci pourra réagir différemment : adopter la position de victime ou, au contraire, ne pas se laisser faire.

Le persĂ©cuteur n'est pas obligatoirement une personne : il peut ĂȘtre, par exemple, une maladie, une addiction comme l'alcool... ou tout Ă©lĂ©ment perturbateur qui contribuera Ă  placer la victime dans cette position.

Le persécuteur insiste : « Tout est de votre faute. ». Il contrÎle, blùme, critique, oppresse ; est en colÚre, autoritaire, rigide et supérieur[1].

Manipulation

Ce modĂšle peut Ă©galement ĂȘtre appliquĂ© Ă  des situations de manipulation (donc subies et vĂ©cues comme dĂ©sagrĂ©ables) : par exemple, si nous appelons le sujet persĂ©cuteur S1 et son souffre-douleur S2, alors S1 peut se poser en sauveur, affirmant Ă  S2 qu'il est le bourreau d'une victime (personnage en gĂ©nĂ©ral invitĂ© dans la conversation, pour les besoins de la manipulation).

Des manipulations peuvent ĂȘtre analysĂ©es selon ce modĂšle du triangle dramatique, en considĂ©rant chacun des trois sommets du triangle, selon les cas rencontrĂ©s ; c'est-Ă -dire que S1 pourrait se positionner en victime et parle alors de S2 comme de son bourreau, etc.

Exemple

S1 affirme Ă  S2 : « Tu n'as pas honte de refuser de manger ces bons haricots verts ? Quand je pense aux efforts que PĂ©pĂ© a faits pour les semer, les dĂ©sherber, et les ramasser alors qu'il a mal au dos ! » Dans cet exemple, oĂč le grand-pĂšre (dĂ©crit en victime) est bien sĂ»r absent, S1 qui gronde S2 aurait tout aussi bien pu Ă©voquer la personne qui a fait l'effort de cuisiner, ou n'importe qui d'autre, comme victime du bourreau


Le manipulateur S1 se fait passer ici pour un sauveur, alors qu'il fait pression de maniĂšre indue (il serait possible de parler de l'utilitĂ© qu'il y a Ă  goĂ»ter de chaque plat, ou d'avertir S2 que s'il refuse totalement les haricots il n'aura pas Ă  rĂ©clamer une seconde part de dessert, etc. ce qui serait une maniĂšre moins dĂ©tournĂ©e de gĂ©rer le refus de S2 de manger ce qui est proposé ).

Une premiùre explication par l’analyse transactionnelle

Au dĂ©part, un triangle dramatique apparaĂźt lorsqu’une personne joue le rĂŽle d’une victime ou d’un persĂ©cuteur. Cette personne ressent alors le besoin d’enrĂŽler d’autres acteurs dans le conflit. Comme c’est souvent le cas, un sauveur est encouragĂ© Ă  entrer dans la situation.

Ces joueurs enrÎlés assument des rÎles qui ne sont pas statiques, et donc divers scénarios peuvent se produire. Par exemple, la victime peut mettre le sauveur en marche, le sauveur passe ensuite à la persécution.

Les motivations de chaque participant et la raison pour laquelle la situation perdure sont que chacun « rĂ©pond Ă  ses dĂ©sirs/besoins psychologiques non exprimĂ©s (et souvent inconscients) d’une maniĂšre qu’il juge justifiĂ©e, sans avoir Ă  reconnaĂźtre le dysfonctionnement gĂ©nĂ©ral » ou le tort causĂ© dans la situation dans son ensemble. Ainsi, chaque participant agit selon ses propres besoins Ă©goĂŻstes, plutĂŽt que d’agir d’une maniĂšre vĂ©ritablement responsable ou altruiste [citation nĂ©cessaire] ainsi, n’importe quel personnage des trois dans ce triangle pourrait « normalement se comporter comme une victime plaintive » ; il est maintenant clair que l’on peut passer au rĂŽle de persĂ©cuteur si c’est « accidentel » et si on prĂ©sente des excuses pour cela.

Les motivations du sauveur sont les moins Ă©videntes. Dans les termes du triangle dramatique, le sauveur est quelqu’un qui a un motif mixte ou cachĂ© et qui, d’une certaine façon, profite Ă©goĂŻstement d’ĂȘtre « celui qui sauve ». Le sauveur a un motif superficiel de rĂ©soudre le problĂšme et semble faire de grands efforts pour le rĂ©soudre, mais il a aussi un motif cachĂ© pour ne pas rĂ©ussir, ou pour rĂ©ussir d’une maniĂšre qui lui profite. Il peut par exemple obtenir un regain d’estime de soi ou un statut de sauveur respectĂ©. Il peut simplement Ă©prouver du plaisir en ayant quelqu’un qui dĂ©pend de lui et lui fait confiance. Il peut ĂȘtre amenĂ© Ă  feindre l'aide, de maniĂšre inconsciente, afin de continuer Ă  obtenir un gain.

Dans certains cas, la relation entre la victime et le sauveur peut ĂȘtre une relation de codĂ©pendance. Le sauveur garde la victime dĂ©pendante d’elle en l’encourageant Ă  devenir une victime. Les besoins de la victime sont comblĂ©s par le secouriste qui s’occupe d’eux.

En gĂ©nĂ©ral, les participants ont tendance Ă  avoir un rĂŽle principal ou habituel (victime, sauveur, persĂ©cuteur) lorsqu’ils entrent dans des triangles dramatiques. Les participants apprennent d’abord leur rĂŽle habituel dans leur famille d’origine. MĂȘme si les participants ont chacun un rĂŽle auquel ils s’identifient le plus, une fois sur le triangle, les participants tournent dans toutes les positions, en faisant le tour complet du triangle[7].

Chaque triangle a un gain pour ceux qui le jouent. L’antithĂšse d’un triangle dramatique est de dĂ©couvrir comment priver les acteurs de leurs gains.

RĂŽle ValiditĂ© Croyances NĂ©glige État de l'ego[8]
Victime Sait qu’il souffre Je ne peux pas penser et sentir en mĂȘme temps. N’a pas les ressources. AC (Adapted Child / Enfant AdaptĂ©)
Sauveur ConcernĂ© pour les autres. Responsable. Doit faire plus que demandĂ© Pense Ă  la place de l’autre. NĂ©glige ses besoins personnels NP (Nurturing Parent / Parent Nourricier)
PersĂ©cuteur Agit dans son intĂ©rĂȘt propre A du pouvoir sur les autres Les sentiments des autres CP (Critical Parent / Parent Critique)

(tableau selon[9])

Sortir du triangle

Le triangle des gagnants - Acey Choy en 1990

The Winner’s Triangle a Ă©tĂ© publiĂ© par Acey Choy en 1990 comme modĂšle thĂ©rapeutique pour montrer aux patients comment modifier les transactions sociales lorsqu’elles entrent dans un triangle Ă  un des trois points d’entrĂ©e. Choy recommande Ă  toute personne se sentant victime d’un acte de violence de penser davantage en termes de vulnĂ©rabilitĂ©, Ă  toute personne qui se fait passer pour un persĂ©cuteur d’adopter une posture affirmĂ©e et Ă  toute personne recrutĂ©e comme sauveur de rĂ©agir en faisant preuve de bienveillance.

  • VulnĂ©rable : une victime devrait ĂȘtre encouragĂ©e Ă  accepter sa vulnĂ©rabilitĂ©, Ă  rĂ©soudre ses problĂšmes et Ă  ĂȘtre plus consciente d’elle-mĂȘme.
  • Affirmatif : un persĂ©cuteur devrait ĂȘtre encouragĂ© Ă  demander ce qu’il veut, Ă  s’affirmer, mais pas Ă  punir.
  • Bienveillance : un sauveur devrait ĂȘtre encouragĂ© Ă  montrer de l’intĂ©rĂȘt et Ă  faire preuve de bienveillance, mais il ne devrait pas trop s’occuper d’autrui et rĂ©soudre des problĂšmes pour les autres.
RĂŽle RĂ©alitĂ© Croyances Atout État de l'ego
Voix A un problĂšme. Peut le rĂ©soudre avec de l’aide. Peut demander de l’aide. Vous pouvez penser, tester vos propres idĂ©es ; d'accord pour demander de l’aide, ne pas ĂȘtre parfait, Ă©chouer parfois, refuser de l’aide que vous ne voulez pas. FC (rĂ©solution de problĂšmes)
Responsable PrĂ©occupation vĂ©ritable. ConnaĂźtre les limites. Respectez les autres. Être prĂȘt Ă  aider et Ă  dire quand ne peut pas. Vos besoins sont importants, vous ĂȘtes prĂ©cieux ; d'accord pour offrir de l’aide, pour dire non, pour Ă©valuer. NP + (Ă©coute)
Proactive Vos besoins personnels sont importants. Peut changer les choses. Prendre l’initiative est OK. Vous pouvez ĂȘtre puissant, et inviter les autres Ă  ĂȘtre puissants ; d'accord pour dire ce que vous voulez, pour apporter des modifications, pour nĂ©gocier. A (affirmation de soi) CP + (structuration)

(tableau selon[9])

The Power of TED* (*The Empowerment Dynamic)

The Power of TED, publiĂ© pour la premiĂšre fois en 2009, recommande que la victime adopte le rĂŽle alternatif de crĂ©ateur, considĂšre le persĂ©cuteur comme un challenger et fasse appel Ă  un coach plutĂŽt qu’à un sauveur[10].

  • CrĂ©ateur : les victimes sont encouragĂ©es Ă  ĂȘtre axĂ©es sur les rĂ©sultats plutĂŽt que sur les problĂšmes et Ă  assumer la responsabilitĂ© de choisir leur rĂ©ponse aux dĂ©fis de la vie. Ils devraient se concentrer sur la rĂ©solution de la tension dynamique (la diffĂ©rence entre la rĂ©alitĂ© actuelle et l’objectif ou le rĂ©sultat envisagĂ©) en prenant des mesures progressives vers les rĂ©sultats qu’ils essaient d’atteindre.
  • Challenger : une victime est encouragĂ©e Ă  voir un persĂ©cuteur comme une personne (ou une situation) qui force le crĂ©ateur Ă  clarifier ses besoins et Ă  se concentrer sur son apprentissage et sa croissance.
  • Coach : un coach devrait ĂȘtre encouragĂ© Ă  poser des questions qui visent Ă  aider la personne Ă  faire des choix Ă©clairĂ©s. La principale diffĂ©rence entre un sauveur et un coach est que le coach considĂšre que le crĂ©ateur est capable de faire des choix et de rĂ©soudre ses propres problĂšmes. Un coach pose des questions qui permettent au crĂ©ateur de voir les possibilitĂ©s d’action positive et de se concentrer sur ce qu’il ou elle veut au lieu de ce qu’il ou elle ne veut pas.

Autres approches

La CNV (communication non violente)

La CNV vise l’autonomisation de l’individu, en l’amenant Ă  la conscience de ses besoins, et de la capacitĂ© Ă  formuler ses demandes.

La CNV cherche à redonner aux personnes dans la relation les moyens et la capacité pour coopérer.

En termes de besoin, on peut donc dire que :

  • la victime est incapable de contacter / formuler ses besoins, et ne pouvant faire une demande, prend la stratĂ©gie de transfĂ©rer le problĂšme Ă  quelqu’un d’autre (Le sauveur) ;
  • le sauveur s’occupe des besoins des autres, afin de ne pas avoir Ă  s’occuper des siens, de ne pas avoir Ă  ressentir l’inconfort de ses besoins non nourris ;
  • le persĂ©cuteur Ă©coute ses besoins et pas ceux des autres.

En termes d’autonomie, le triangle devient :

  • la victime n’est pas autonome (ne sait pas prendre soin de ses besoins ni faire de demandes) ;
  • le persĂ©cuteur nie l’autonomie de l’autre, mais Ă  besoin de la victime pour se croire autonome ;
  • le sauveur aussi, en aidant la victime sans demande explicite, ce qui lui Ă©vite de s’occuper de lui-mĂȘme.

En termes de relations

  • la victime est incapable de contacter / formuler ses besoins, et ne peut faire une demande. Elle cherche une stratĂ©gie pour retrouver l’accĂšs Ă  ses besoins ;
  • le sauveur va lui permettre de crĂ©er une relation, et Ă  travers la relation, elle va chercher le miroir de ses propres besoins ;
  • la relation avec le persĂ©cuteur va l’obliger Ă  revenir Ă  la conscience de ses besoins.

La relation avec le persĂ©cuteur lui montre sa responsabilitĂ©, et la relation avec le sauveur lui montre les possibles et sa puissance, afin qu'ultimement, elle arrive Ă  l’autonomie.

Stratégie de sortie

Dans le triangle, si un des trois acquiert la conscience des besoins profonds, ça l’amĂšne Ă  quitter son rĂŽle. Et s'il touche les besoins mutuels alors vraisemblablement il influencera inconsciemment les deux autres Ă  quitter leurs rĂŽles. Voire Ă  le faire explicitement, s'il a la clartĂ© du schĂ©ma du triangle et propose la prise en compte des besoins des trois.

On pourrait donc distinguer :

  • plusieurs niveaux de conscience des besoins :
    • superficiels,
    • profonds,
    • mutuels ;
  • et trois champs d’action :
    • ne nourrir que ses besoins individuels,
    • influence inconsciente Ă  prendre en compte les besoins mutuels,
    • influence consciente, explicite, Ă  prendre en compte les besoins mutuels.

Exemple :

Le persécuteur touche ses besoins individuels, de maniÚre superficielle, comme :

  • exister ;
  • reconnaissance.

S’il va toucher de maniĂšre plus profonde, il pourrait accĂ©der Ă  ses besoins :

  • d’intensité ;
  • d’harmonie ;
  • de communion.

Ces besoins profonds l’amĂšneront Ă  sortir de son rĂŽle de persĂ©cuteur.

Le besoin de communion l’amùnerait aussi à contacter la reconnaissance, en miroir chez la victime (besoins mutuels).

Chez la victime, derriÚre le besoin (superficiel) de reconnaissance, il pourrait y avoir les besoins (plus profonds) :

  • d’identité ;
  • d’appartenance ;
  • d’autonomie.

Chez le sauveur, derriÚre le besoin (superficiel) de reconnaissance, il pourrait y avoir les besoins (plus profonds) :

  • de soutien ;
  • de contribution ;
  • de responsabilitĂ©.

Contacter l’autonomie transformerait l’attente de la victime sur le sauveur, qui passerait en « coach » pour aider (soutenir et contribuer), et dans la conscience de ses limites (responsabilitĂ©) et dans un but d’autonomisation de la victime (et non plus de « prise en charge »).

Le triangle relationnel de J.-P. Faure

J.-P. Faure propose en 2006[11] un modĂšle dans lequel il voit les individus comme des ĂȘtres perpĂ©tuellement divisĂ©s en des parts intĂ©rieures, elles-mĂȘmes souvent en train de s’opposer.

La multitude des conflits[12] internes se déroule entre trois grandes parts :

  • la part « animatrice » ou « exploratrice ». Cette tendance nous tire vers l’avant. C’est celle qui pousse l’individu Ă  prendre des risques, relever des dĂ©fis, quitter son travail sans avoir d’assurance d’en trouver un autre, qui incite l’enfant Ă  se lever et faire ses premiers pas, etc. Le besoin qu’elle incarne est l’autonomie.
  • la part « protectrice ». Cette tendance nous hale vers l’arriĂšre. Sa fonction est d’assurer la sĂ©curitĂ© de toutes les parties qui composent un ĂȘtre humain. Quoi que nous fassions, elle souhaite toujours ĂȘtre rassurĂ©e. Ce qui ne nous empĂȘche pas de faire de la chute libre ou de l’escalade : elle va simplement demander Ă  ĂȘtre convaincue que nous pouvons le vivre avec une forme de sĂ©curitĂ©, car c’est le besoin qu’elle incarne avant tout.
  • la part « éducatrice ». Cette tendance nous entraĂźne vers le haut. Elle reprĂ©sente l’inclination Ă  tirer parti de tout ce qui nous arrive sous la forme de prises de conscience. Il ne nous est pas possible de commettre une action si nous n’y trouvons pas un certain sens, et c’est le besoin qu’elle reprĂ©sente.

La part animatrice, la part protectrice et la part Ă©ducatrice sont trois parts en Ă©quilibre dynamique. La personnalitĂ© d’un ĂȘtre humain se situe Ă  l’intĂ©rieur des trois cĂŽtĂ©s de ce triangle, tendant plus dans telle direction ou telle autre, en fonction de la part Ă©coutĂ©e dans l’instant. Cependant, il serait illusoire de croire qu’il est possible d’ignorer une de ces parties sur le long terme. Si l’une d’elles n’est pas entendue, elle va accumuler de la frustration et peu Ă  peu se mettre Ă  crier plus fort, jusqu’au moment oĂč elle nous forcera Ă  la prendre en compte.

Il existe une quatriĂšme part : la part empathique : part sereine. Elle fait alors office de mĂ©diatrice intĂ©rieure, leur permet de communiquer, de s’entendre et de vivre en un Ă©quilibre harmonieux

Lorsque l’une d’elles focalise l’attention, cela crĂ©e des tensions intĂ©rieures et il est nĂ©cessaire de rechercher un nouvel Ă©quilibre grĂące Ă  la 4e part.

Le triangle va ainsi apparaĂźtre par manque d’empathie, de conscience dans un individu, oĂč une part va prĂ©dominer (prendre le pouvoir), et va stimuler (faire rĂ©sonner) les parts d’un ou deux autres individus.

RĂŽle Croyance Part Correspondance consciente Choy - TED
Victime J’y arriverais pas (je suis pas autonome) Protectrice CrĂ©ateur – voix
Sauveur Il faut intervenir (v est pas autonome) (je sais ce qu’il faut) Éducatrice Coach – responsable
PersĂ©cuteur Il faut agir (urgence. Mon besoin d’abord) Animatrice Challenger – proactive

Les guna

Selon la psychologie indienne[13], les guna[14] sont les trois parts essentielles de notre psychĂ©. De cette trinitĂ©, nous crĂ©ons d’innombrables nouvelles sĂ©parations[15].

Les guna reprĂ©sentent des constituants profonds de notre ĂȘtre[15], Ă  partir desquels se constitue la gĂ©omĂ©trie particuliĂšre de notre corps et de nos diffĂ©rents espaces intĂ©rieurs. Bien que l’ĂȘtre humain chemine, au long de sa vie, du « tamasique » (part protectrice) au « rajasique » (part animatrice), puis au « sattvique » (part porteuse du sens), la rĂ©elle Ă©volution n’est pas la suppression du tamasique ou du rajasique, mais l’équilibre des parts internes. Cette unitĂ© amĂšne l’émergence de la quatriĂšme part, la conscience[16] (ou la part empathique)[17].1

Voici les attributs de tamas, rajas et sattvas[18]:

Guna RÎle Attributs négatifs et (implications) Attributs positifs
Tamas Terre, eau Inertie, abattement, obnubilation (l’ignorance, la lassitude, la paresse, la torpeur, la nĂ©gligence, la stupiditĂ©) Protection, enveloppement
Sattva Air, Ă©ther, (sa)voir Isolement, certitude (l’attrait du plaisir et par l’attrait de la connaissance) Sagesse, conscience
Raja Feu, volontĂ© Emportement (la concupiscence, la colĂšre, la cupiditĂ©, l’arrogance, la haine, l’égoĂŻsme, l’envie, la jalousie, l’inquiĂ©tude, le dĂ©sir) Action, crĂ©ation

Un déséquilibre des guna peut amener à la création de croyances, qui vont faire apparaßtre, le concept, le rÎle de victime, persécuteur, sauveur. S'il y a conscience des besoins, cette conscience va faire disparaßtre les croyances, et les rÎles tombent, et à terme, ramener l'équilibre (dynamique) des guna.

SynthĂšse

Voici une correspondance TA – guna – Faure – Choy – TED :

RĂŽle Croyance NĂ©glige Guna Attributs Part Attributs positifs Choy – TED
Victime J’y arriverais pas (je suis pas autonome) N’a pas les ressources Tamas Inertie, abattement, obnubilation Protectrice Protection, enveloppement CrĂ©ateur – voix
Sauveur Il faut intervenir (V est pas autonome) (je sais ce qu’il faut) Pense Ă  la place de l’autre. NĂ©gliges ses besoins personnels Sattva Isolement, certitude Éducatrice Sagesse, conscience Coach – responsable
PersĂ©cuteur Il faut agir (urgence. Mon besoin d’abord) Les sentiments des autres Raja Emportement Animatrice Action, crĂ©ation Challenger – proactive

On notera la confusion possible entre Le Créateur (Choy) en tamas, et La création en raja. Choy parle ici de la prise de responsabilité de la victime (de dire ses besoins en Cnv) , quand les guna parlent de la mise en action (la demande en CNV).

L’explication plus gĂ©nĂ©rale des jeux psychologiques

Trudi Newton et Rosemary Napper expliquent ainsi la motivation des jeux psychologiques[9] : les jeux se traduiront par des sentiments. Vos propres sentiments et ceux que vous imaginez que les autres personnes impliquĂ©es ont sont connus sous le nom de sentiments « parasites ». Cela signifie que ce sont des sentiments que nous avons appris Ă  ressentir au lieu de nos sentiments authentiques de joie, de peur, de tristesse ou de colĂšre. Parfois, nous ressentons ces sentiments sans ĂȘtre impliquĂ©s dans un jeu. Il se peut que nous ayons des rĂŽles prĂ©fĂ©rĂ©s que nous avons tendance Ă  adopter et des thĂšmes particuliers pour les jeux dans lesquels nous nous impliquons. Nous participons Ă  des jeux pour diverses raisons, ce qui explique en partie pourquoi nous rĂ©pĂ©tons ces comportements.

Voici les gains :

  • les jeux gĂ©nĂšrent de nombreux « stroke » intenses ; ils nous stimulent, ils peuvent ĂȘtre nĂ©gatifs, mais c’est mieux que d’ĂȘtre ignorĂ©s ;
  • les rĂ©sultats des jeux renforcent nos croyances sur nous-mĂȘmes, les autres et le monde, c’est-Ă -dire notre position de vie ;
  • il y aura quelque chose dans la situation actuelle que nous Ă©viterons en jouant le jeu. Un jeu nous donne l’occasion de rĂ©pĂ©ter une sĂ©quence du passĂ© que nous avons dĂ©veloppĂ©e pour nous protĂ©ger de quelque chose. Ainsi, nous n’avons pas Ă  faire face Ă  cette douleur psychologique dans le prĂ©sent, et nous pouvons continuer Ă  penser et Ă  ressentir comme d’habitude ;
  • nous passons du temps Ă  raconter ce qui s’est passĂ© Ă  nos amis et Ă  nos connaissances, souvent dans les moindres dĂ©tails, avec beaucoup de rĂ©pĂ©titions, et cela semble trĂšs excitant. De quoi d’autre pourrions-nous parler ?
  • nous rejouons le jeu dans notre tĂȘte, avec nos yeux, nos oreilles, revivons les sensations et peut-ĂȘtre nous gardons nous Ă©veillĂ©s la nuit ! Que ferions-nous d’autre avec le temps dont nous disposons pour nous-mĂȘmes ?

Mauvaise compréhension du triangle

Certains furent tentés d'ironiser en proposant des contre-exemples : une personne est en train de se noyer, elle est alors en situation de victime. Une autre intervient, celle-ci sera alors dans le rÎle de sauveur. Qui est le persécuteur ? L'eau ?

C'est oublier le champ d'application du modĂšle qui ne s'applique pas aux situations d'urgences (comme ici) ou aux situations oĂč les personnes ne peuvent prĂ©tendre Ă  s’occuper d'elles-mĂȘmes (accident, coma
) : la confusion est sĂ©mantique entre la position de sauveur qui est un choix inadaptĂ© dans une situation et la position du sauveteur qui est une rĂ©action adaptĂ©e Ă  la survie d'une personne en rĂ©elle difficultĂ©.

De nombreux systÚmes proposent des paradigmes de communications inter-relationnels sortant du triangle (dans lesquels ces rÎles ne sont pas présents) comme la communication non violente (CNV).

Notes et références

  • Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l'article intitulĂ© « ).
  1. Gelin et Truong 2010, p. 69.
  2. (en) Stephen Karpman M.D., « Drama Triangle » [PDF], sur www.karpmandramatriangle.com, (consulté le ).
  3. On parle aussi parfois de « sauveteur », c'est le cas par exemple chez Acey Choy.
  4. Moreau 2008, p. 134.
  5. Page Wikipédia en anglais :Karpman Drama Triangle.
  6. Moreau 2008, p. 135.
  7. Moreau 2008.
  8. Voir aussi États du Moi.
  9. Napper, Rosemary., Tactics : transactional analysis concepts for all trainers, teachers and tutors, plus insight into collaborative learning strategies, TA Resources, (ISBN 0-9537956-0-8 et 9780953795604, OCLC , lire en ligne) .
  10. David Emerald, The power of TED : the empowerment dynamic, , 176 p. (ISBN 978-0-9968718-0-8 et 0-9968718-0-2, OCLC , lire en ligne) .
  11. « Le Triangle Relationnel. », sur http://www.voie-de-l-ecoute.com/, .
  12. Aussi appelées tensions, ou pesntions paradoxales.
  13. En Occident, on retrouve ceci dans les 3 Parques dans la mythologie latine, ou les 3 Moires chez les Grecs.
  14. Page Wikipédia en anglais sur Guna.
  15. « Les guna et nos conditionnements psychologiques », sur http://www.voie-de-l-ecoute.com, .
  16. Ici on distingue la conscience (individuelle) de LA conscience. C’est Sattva versus Turya. « Avoir conscience de quelque chose » versus « Être conscience », la conscience sans objets.
  17. Faure, Guna et nos conditionnements psychologiques.
  18. ƚaáč…karācārya Madhavananda (trad. du sanskrit), Le plus beau fleuron de la discrimination : viveka-cĆ«dā-maáč‡i, Paris, J. Maisonneuve, , 176 p. (ISBN 2-7200-0985-7 et 9782720009853, OCLC , lire en ligne) .

Bibliographie

  • Sandrine Gelin et KhuĂȘ-Linh Truong, Conduire une rĂ©union avec efficacitĂ©, Paris, Eyrolles, , 188 p. (ISBN 978-2-212-54543-2, lire en ligne) . Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • AndrĂ© Moreau, PsychothĂ©rapie : MĂ©thodes et Techniques : Psychanalyse, gestalt, analyse transactionnelle, rogers, hypnose-PNL, Beauvechain/Paris, Nauwelaerts, , 192 p. (ISBN 978-2-8038-0076-6 et 2803800764, OCLC , lire en ligne) . Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Pierre Agnese, JĂ©rĂŽme Lefeuvre, prĂ©face de Stephen Karpman, « DĂ©jouer les piĂšges de la manipulation et de la mauvaise foi », InterÉditions, 2e édition, 2014.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes