Transparentalité
La transparentalité est un type familial dans lequel au moins un des parents est transgenre.
DĂ©finition
Elisabetta Ruspini définit la transparentalité comme une « situation familiale où l’un ou l’autre des parents a réalisé ou est en train de réaliser la transition d’un sexe vers un autre »[1] - [2]. Laurence Hérault la définit à partir des « familles où l’un des parents au moins est une personne transgenre »[3].
C’est un terme encore marginal donc très peu de recherche sont faites sur ce sujet. Pour beaucoup de personne trans, la parentalité est un gros enjeu, selon une étude 49% des participants trans sont parent avant la transition et 14% souhaite le devenir après[2].
Enjeux
Les enjeux portent sur l'éducation, la procréation et la structure hétéronormative de la famille[4].
L’étude réalisée par Petra de Sutter en 2014 auprès de personnes trans démontre que la situation de transparentalité n’influence pas négativement le développement d’un enfant. Il n’y a aucune constatation de trouble au niveau du développement sexuel ou de l’identité de genre des enfants issues de ces familles[2]. Les enfants ont la capacité de comprendre la transition vécue par leur parent et de s’ajuster à ce changement puisqu’ils sont curieux et ouverts d’esprit. Dans plusieurs cas, les parents sont réticents à partager leur nouvelle identité à leurs enfants par peur de les perturber mais il arrive que les jeunes provoquent des situations où le parent peut s’affirmer librement et où une discussion peut se produire avec l’enfant comme dans le cas de la fille de Maryse une participante à l’enquête de Alain Giami, qui avait demandé à Maryse de lui montrer son apparence féminine alors qu’elle prenait une présentation physique masculine devant sa fille suite à un accord avec son ex-femme[3]. Le gouvernement du Canada reconnait officiellement la transparentalité sur son site officiel[5]. Ce faisant, on reconnait cette réalité ce qui aide les membres de la communauté trans qui souhaitent devenir parent ou qui le sont déjà en leur offrant une plateforme pour parler de leur réalité. Ce mot sert aussi à faire reconnaitre les droits des personnes trans et combat la discrimination envers les parents trans basée sur le préjugé que la transparentalité affecte le développement de l’enfant[6].
L’histoire de Stéphanie et Pauline est un cas dans une étude de Laurence Hérault qui montre la réalité de plusieurs personnes transparentales qui doivent passer au travers de plusieurs étapes comme la fondation de la famille, la réaction de la famille, des amis, du conjoint/e en même temps d’apprendre à assumer cette nouvelle identité. Les enfants peuvent aider le parent à s’accepter comme dans le cas de la fille d’Adrien, un homme trans de l’étude de Alain Giami, qui l’appelle encore maman mais qui l’appelle Adrien devant des inconnus ce qui lui évite d’être mégenré et d’affirmer son identité sociale masculine tout restant la mère de sa fille[3].
Transgendérisme VS Transsexualisme
Les phénomènes de transgendérisme et de transsexualisme ne sont pas synonymes lorsque l’on parle de transparentalité. Le transsexualisme se définit par le changement de sexe par une réattribution de genre qui implique des interventions médicales alors que le transgendérisme se veut être plus inclusif pour les différentes transidentités et les transitions sans chirurgie de réattribution comme les personnes non-binaire. Ces personnes ne rejettent pas entièrement leur corps sexué. Les personnes n’ayant pas eu des transformation complète peuvent se voir refuser l’accès à l’adoption, et donc à la parentalité, en France[2]. Le phénomène de transgendérisme est considéré comme un standard plus éthique auprès de la communauté médicale à l’international alors que le transsexualisme est un terme médical qui porte une connotation négative et qui met de l’avant la binarité des genres, ce qui invalide l’expérience de plusieurs personnes transidentitaires[7].
Procréation médicalement assistée et auto-conservation des gamètes
En Belgique
Pour respecter le principe selon lequel « la mère est celle qui accouche », les hommes trans qui mettent au monde un enfant sont considérés comme des mères à l’état civil[4].
L'Hôpital Universitaire de Gand (en) n'a mis en place aucune démarche spécifique concernant les personnes trans. Paul De Sutter explique: « N’oublions pas qu’il y a environ 30 ans, les mêmes discussions ont eu lieu en ce qui concerne les couples gays ou lesbiens, dont on disait qu’ils ne pourraient pas être de bons parents, et la société leur était très hostile. De nombreuses études ont montré qu’il n’en est rien. Ne faisons pas la même erreur deux fois. Si la société est injustement hostile à certains individus, il est notre devoir d’aider à changer ces mentalités, en ne refusant pas à ces personnes les enfants qu’elles veulent avoir »[8].
En France
En 2021, les personnes trans n'ont accès à la PMA avec donneur en France que dans deux situations.
La première est celle où les parents sont un couple hétérosexuel, c'est-à -dire quand le couple est composé d’une femme cisgenre et d’un homme trans ayant déjà effectué un changement d’état civil. Ce type de situation a été considéré favorablement, par exemple à l'hôpital Cochin, depuis le milieu des années 1990[4]. Un protocole de soin particulier, confié à la SoFECT, a cependant été utilisé dans cet hôpital pour diagnostiquer et trier les couples et les futurs “bons pères” qui pouvaient avoir accès à cette procédure[9] - [10]. Laurence Hérault analyse que les réticences des équipes qui ont mis en place et mettent en œuvre ce protocole renvoient « à la conception pathologisante des personnes trans » et « à la mise en doute de leur capacité à s’inscrire de manière adéquate dans la filiation et la parentalité »[11].
La deuxième situation est celle des couples formés d'une femme cis et d’une femme trans, elle est permise depuis la révision en 2021 de la loi bioéthique qui a ouvert la PMA aux couples de femmes. Un amendement à la loi permettant l’accès des hommes trans à la PMA a été écarté[4].
En ce qui concerne la conservation des gamètes des personnes trans, les standards de soins de l'Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres recommandent d’assurer la possibilité de l’auto-conservation des gamètes avant toute transformation, et la loi française prévoit que « toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité (...) peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux ». Des CECOS refusent cependant la conservation des gamètes des personnes trans, prétextant l’impossibilité d’utiliser ces gamètes à l’avenir[12] - [13]. Saisi, le défenseur des droits a demandé plusieurs avis avant de rendre le sien: la loi implique que ne soient prises en compte que la situation certaine de l’intéressé et sa préoccupation au moment où il formule sa demande, « sans pouvoir donner lieu à une spéculation sur des intentions futures ou sur une situation personnelle à venir, qui ne peuvent en aucun cas être présumées » et que « L’intérêt de l’enfant, [devra être] pris en compte (...) au cas par cas », il conclut que « L’article L.2141-11 du Code de la santé publique doit pouvoir être interprété comme permettant aux personnes qui s’engagent dans un parcours de transition de l’homme vers la femme, de se prévaloir de ses dispositions »[14]. D'après Mediapart en 2019, cet avis n'a rien changé au fonctionnement des CECOS[15].
En 2022, un an après que la nouvelle loi de bioéthique a autorisé la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, l’exclusion des hommes trans de la PMA est jugée conforme par le Conseil constitutionnel[16]. Les amendements déposés pour élargir l’accès à la PMA à toutes les personnes ayant un utérus avaient tous été rejetés.
Bibliographie
- Laurence Hérault (dir.), La parenté transgenre, Aix-Marseille, Presses universitaires de Provence, col. « Penser le genre », 2014, 146 p., (ISBN 978-2-85399-932-8).
- Hérault, Laurence. « Transparentalités contemporaines », Mouvements, vol. 82, no. 2, 2015, p. 106-115.
- Fortier Corinne, « Transparentalité : vécus sensibles de parents et d’enfants (France, Québec) », Enfances Familles Générations, no 23,‎ (lire en ligne)
- Martine Gross et Marie-France Bureau, « L’homoparentalité et la transparentalité au prisme des sciences sociales : révolution ou pluralisation des formes de parenté ? », Enfances, Familles, Générations, no 23,‎ , i–xxxvii (lire en ligne)
- Jean-Baptiste Marchand, « La transparentalité, une nouvelle façon d’être parent », Dialogue, vol. 216, no 2,‎ , p. 105-117
- Elisabetta Ruspini (dir.), Monoparentalité, homoparentalité, transparentalité en France et en Italie, Paris, L'Harmattan, , 222 p. (ISBN 978-2-296-13627-4)
- Patricia, Porchat, « Transidentité, non-binarité et parentalité. De quoi parle-t-on ? », Recherches en psychanalyse, 2020/2 (No 30), p. 122-130.[lire en ligne]
Liens externes
- « PMA : Procréation Médicalement Assistée pour les personnes trans », sur Wiki Trans, (consulté le )
Notes et références
- Martine Gross et Marie-France Bureau, « L’homoparentalité et la transparentalité au prisme des sciences sociales : révolution ou pluralisation des formes de parenté ? », Enfances, Familles, Générations, no 23,‎ , i–xxxvii (ISSN 1708-6310, DOI 10.7202/1034196ar, lire en ligne, consulté le )
- Jean-Baptiste Marchand, « La transparentalité, une nouvelle façon d’être parent: », Dialogue, vol. n° 216, no 2,‎ , p. 105–117 (ISSN 0242-8962, DOI 10.3917/dia.216.0105, lire en ligne, consulté le )
- Laurence Hérault, « Transparentalités contemporaines », Mouvements, vol. 82, no 2,‎ , p. 106 (ISSN 1291-6412 et 1776-2995, DOI 10.3917/mouv.082.0106, lire en ligne, consulté le )
- Florian Bardou, «En France, on a complètement mis de côté la filiation des personnes trans», sur Libération (consulté le )
- Services publics et Approvisionnement Canada Gouvernement du Canada, « Lexique sur la diversité sexuelle et de genre - Lexiques et vocabulaires - TERMIUM Plus® - Ressources du Portail linguistique du Canada - Langues - Identité canadienne et société - Culture, histoire et sport - Canada.ca », sur www.btb.termiumplus.gc.ca, (consulté le )
- Yazid Ben Hounet, « La parentalité des uns... et celle des autres », L'Homme, no 209,‎ , p. 121–141 (ISSN 0439-4216 et 1953-8103, DOI 10.4000/lhomme.23502, lire en ligne, consulté le )
- Arnaud Alessandrin, Sociologie des transidentités, Le Cavalier Bleu, (ISBN 979-10-318-0263-3, DOI 10.3917/lcb.aless.2018.01, lire en ligne)
- (en) Paul De Sutter, « Donor inseminations in partners of female-to-male transsexuals: should the question be asked? », Reproductive BioMedicine Online, vol. 6, no 3,‎ , p. 382 (ISSN 1472-6483 et 1472-6491, DOI 10.1016/S1472-6483(10)61861-5, lire en ligne, consulté le )
- Florian Bardou, «En France, on a complètement mis de côté la filiation des personnes trans», Libération, (consulté le ) : « En plus de divers entretiens habituels, il y avait, avant de démarrer la procédure, un entretien avec un psychiatre spécialiste des questions de «transsexualisme». Le Cecos de Cochin a également mis en place un suivi périodique, tous les deux ans, des enfants nés de ces couples. Ce protocole expérimental a duré plus d’une dizaine d’années mais a ensuite été critiqué en interne car des voix le jugeaient discriminant et il a été abandonné récemment. »
- Louise Fessard, « PMA: le projet de loi oublie les personnes transgenres », sur Mediapart, : « La psychiatre Colette Chiland, très contestée pour son approche psychiatrisante du genre et des transidentités, avait mis en place un protocole particulier, imposant à ces couples un entretien supplémentaire avec « un psychiatre ayant l’expérience du transsexualisme ». Un suivi des enfants ainsi conçus fut également proposé. Selon l’Académie de médecine, les premiers résultats « ont montré que les hommes affirmaient une identité de père et se comportaient comme tels » et que « le développement psychomoteur des enfants ne montrait pas de perturbation majeure ni de trouble de l’identité de genre ». Ouf ! pas de trouble dans le genre… »
- Laurence Hérault, « La gestion médicale de la parenté trans en France », Enfances Familles Générations. Revue interdisciplinaire sur la famille contemporaine, no 23,‎ (ISSN 1708-6310, lire en ligne, consulté le )
- Eloïse Bartoli et Eléonore Hughes, « Préservation de la fertilité : les personnes transgenres exclues », sur Libération (consulté le )
- Agnès Condat, Nicolas Mendes, Véronique Drouineaud et Nouria Gründler, « Biotechnologies that empower transgender persons to self-actualize as individuals, partners, spouses, and parents are defining new ways to conceive a child: psychological considerations and ethical issues », Philosophy, Ethics, and Humanities in Medicine, vol. 13, no 1,‎ , p. 1 (ISSN 1747-5341, PMID 29343272, PMCID PMC5772725, DOI 10.1186/s13010-018-0054-3, lire en ligne, consulté le )
- Défenseur des droits, « Avis du Défenseur des droits MSP-2015-009 » [PDF],
- Louise Fessard, « PMA: le projet de loi oublie les personnes transgenres », sur Mediapart (consulté le )
- « L’exclusion des hommes transgenres de la PMA jugée conforme par le Conseil constitutionnel », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )