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Tocophobie

La tocophobie[1] (du grec tokos « accouchement », et phobos, « peur ») est une phobie spĂ©cifique qui dĂ©signe la peur pathologique de la grossesse et de l'accouchement. Bien que la plupart des femmes ressentent une crainte normale face Ă  ces Ă©vĂ©nements, la tocophobie se distingue par une peur extrĂȘme, irrationnelle et persistante accompagnĂ©e de conduites d'Ă©vitement touchant la grossesse et l'accouchement. Les personnes affectĂ©es par cette peur pathologique peuvent expĂ©rimenter des attaques de panique, de l'insomnie et des cauchemars[2] - [3].

C'est au XVIIIe siĂšcle que la tocophobie a Ă©tĂ© documentĂ©e pour la premiĂšre fois. Le Dr Osiander en Allemagne a publiĂ© en 1797 au sujet de femmes devenues suicidaires Ă  cause de cette peur intense. Ses observations ont trouvĂ© Ă©cho en 1858 dans les Ă©crits du Dr Louis Victor MarcĂ© dont les travaux sont communĂ©ment citĂ©s de nos jours dans les recherches sur la tocophobie. Il y a 150 ans, les taux de mortalitĂ© maternelle et infantile Ă©taient Ă©levĂ©s et on peut comprendre que la peur de la grossesse et de l'accouchement Ă©tait fondĂ©e sur la rĂ©alitĂ©. De nos jours, les soins prodiguĂ©s aux femmes enceintes sont plus sĂ»rs que jamais auparavant et de ce fait, la peur extrĂȘme est considĂ©rĂ©e comme irrationnelle.

Les pays scandinaves ont été les pionniers en recherche sur la tocophobie depuis le milieu des années 1980. En 2000, les chercheurs britanniques Kristina Hofberg et Ian Brockington ont utilisé pour la premiÚre fois le mot tokophobia dans un article scientifique faisant ainsi entrer le terme dans la littérature médicale[4].

Il n'y a pas de consensus général sur la définition exacte de la tocophobie et de ce fait, les estimations de prévalence dans la population varient beaucoup. Depuis 1997, la tocophobie était incluse dans la Classification internationale des maladies (CIM-10) sous le code O99.80 Grossesse, accouchement et puerpéralité. Actuellement, elle est classée sous le code F40.9 Trouble anxieux phobique, sans précision.

Tocophobie primaire et secondaire

La tocophobie peut ĂȘtre primaire ou secondaire. La tocophobie primaire affecte les femmes nullipares. Ces femmes ont une peur profonde de l'accouchement et ce, mĂȘme si certaines souhaitent ardemment devenir mĂšres. La tocophobie primaire se dĂ©veloppe souvent dans l'enfance ou l'adolescence Ă  la suite d'une expĂ©rience nĂ©gative telle qu'un abus sexuel ou le fait d'entendre des membres de la famille raconter des expĂ©riences nĂ©gatives liĂ©es Ă  l'accouchement. Certaines jeunes filles dĂ©veloppent la phobie Ă  la suite du visionnement d'un film sur l'accouchement alors qu'elles n'ont pas reçu le soutien Ă©ducatif adĂ©quat. La tocophobie secondaire touche les femmes multipares. Elle est souvent le rĂ©sultat d'un traumatisme vĂ©cu lors d'un accouchement, par exemple donner naissance Ă  un enfant mort-nĂ© ou affligĂ© d'une malformation.

Des cliniques multidisciplinaires existent dans la plupart des pays scandinaves et elles offrent des soins spécialisés aux femmes tocophobes. Une étude finlandaise datant de 2014 estime que la prévalence de la tocophobie se situe à un niveau un peu plus bas que les études antérieures avaient démontré, soit 2,5 % à 4,5 % comparé aux estimations précédentes qui situaient la prévalence entre 6 et 10 %. Cette étude a mis en évidence la morbidité associée à la tocophobie telle que la dépression post-natale, un plus grand nombre d'admissions des bébés à l'unité de soins intensifs de néonatalogie, des bébés de plus petit poids et une diminution du lien d'attachement mÚre-enfant. L'étude a également démontré une augmentation significative de cas de tocophobie, passant de 1,5 % en 1997 à 7,8 % chez les multipares en 2010, puis de 1,1 % en 1997 à 3,6 % en 2010 chez les primipares. Il est possible que cette augmentation résulte d'une meilleure connaissance de la tocophobie par le public et le milieu médical.

Étiologie de la tocophobie

Traits de personnalité

Certains traits de personnalité prédisposent les femmes à développer la tocophobie. Il a été démontré que les femmes ayant une peur aiguë de l'accouchement, se trouvent en plus grand nombre parmi les personnes souffrant d'anxiété généralisée et de dépression. La tocophobie a été fortement reliée à la dépression et l'anxiété pré- et post-natales, ce qui augmente aussi le risque suicidaire de ces femmes enceintes. La tocophobie est plus répandue chez les femmes ayant une personnalité obsessive-compulsive démontrant un comportement obsessif face à la propreté et la contamination et qui recherchent « l'idéal » dans l'expérience de la maternité et de l'accouchement.

Causes physiques

La tocophobie peut aussi résulter d'un abus sexuel. Les examens vaginaux peuvent alors déclencher des flashbacks. Une expérience d'accouchement traumatisante ou compliquée peut engendrer l'apparition de tocophobie.

Causes sociales

Il y a des preuves significatives dĂ©montrant que des facteurs d'ordre social peuvent contribuer au dĂ©veloppement de la tocophobie. Les femmes sont influencĂ©es par l'expĂ©rience et les tĂ©moignages de leurs amies et membres de la famille lorsqu'elles sont enceintes. Les rĂ©cits les plus communs concernant le travail et l'accouchement peuvent ĂȘtre sources de peur chez les femmes. Elles peuvent craindre de ne pas ĂȘtre soulagĂ©es de la douleur ou d'ĂȘtre laissĂ©es seules pendant le travail. Les histoires racontĂ©es par l'entourage peuvent miner le sentiment de confiance dans la capacitĂ© Ă  accoucher.

Causes culturelles

L'influence nĂ©gative qui est vĂ©hiculĂ©e par les mĂ©dias donne lieu Ă  beaucoup de spĂ©culations. La majoritĂ© des couples utilise Internet comme source d'information pendant la grossesse. La qualitĂ© de l'information qui s'y trouve peut ĂȘtre dĂ©ficiente ou incorrecte. Les Ă©missions de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© sont devenues trĂšs populaires. Certaines de ces Ă©missions montrent des images lĂ©gĂšrement dramatisĂ©es de l'accouchement de telle sorte que des adolescentes qui y sont exposĂ©es sans un soutien adĂ©quat peuvent dĂ©velopper une peur pathologique.

Conséquences de la tocophobie

  • Risques pour la mĂšre
    • Insomnie/manque de sommeil
    • DĂ©pression prĂ©-natale
    • Demande pour avoir une cĂ©sarienne
    • Travail plus long (reliĂ© Ă  l'augmentation de l'usage d'analgĂ©sie Ă©pidurale)
    • Risque accru de dĂ©pression post-natale
    • Risque accru d'accouchement assistĂ© (recours Ă  des instruments)
    • Trouble de stress post-traumatique
    • Faible lien d'attachement avec le nourrisson
  • Risques pour le bĂ©bĂ©
    • Faible lien d'attachement avec la mĂšre
    • Augmentation des admissions Ă  l'unitĂ© de soins intensifs de nĂ©onatalogie (8 % plus Ă©levĂ©e)
    • Nourrisson de plus petit poids Ă  la naissance
    • Effets Ă©motionnels Ă  long terme sur le nourrisson

Prise en charge de la tocophobie

Les femmes tocophobes requiĂšrent d'ĂȘtre prises en charge par une Ă©quipe professionnelle multidisciplinaire travaillant en Ă©troite liaison. DĂ©pendant de l'intensitĂ© de la peur, l'Ă©quipe de soutien sera composĂ©e d'un nombre plus ou moins grand de personnes. Parmi les mesures qui doivent ĂȘtre mises en Ɠuvre on mentionne la prĂ©paration d'un plan de naissance dĂ©taillĂ©, s'entourer d'un rĂ©seau social aidant, apprendre Ă  utiliser des techniques de relaxation, respiration, visualisation et imagerie mentale. Dans les cas oĂč la tocophobie est trĂšs intense, il ne faut ne pas hĂ©siter Ă  demander de l'aide mĂ©dicale et psychologique[5] - [6].

Notes et références

  1. « tocophobie », Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française.
  2. (en) Maeve O'Connell; Patricia Leahy-Warren; Ali S Khashan; Louise C Kenny, « Tocophobia - the new hysteria? », Obstet Gynaecol Reprod Med, no 25 (6),‎ , p. 175-177 (ISSN 0957-5847, lire en ligne).
  3. « Briser le tabou sur la peur ou le dégoût de l'accouchement », sur passeportsante.net (consulté le ).
  4. (en) Kristina Hofberg et Ian Brockington, « Tokophobia: an unreasoning dread of childbirth », British Journal of Psychiatry, no 176,‎ , p. 83-85 (lire en ligne).
  5. (en) Roshni R. Patel et Kathryn Hollins, « Clinical report: the joint obstetric and psychiatric management of phobic anxiety disorders in pregnancy », J Psychosom Obstet Gynaecol (en), no 36(1),‎ , p. 10-14 (ISSN 1743-8942, lire en ligne).
  6. (en) Jill Nesbitt, « Do you have an extreme fear of childbirth? It could be tocophobia », Irish Times,‎ (lire en ligne).
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