Accueil🇫🇷Chercher

Taux de mortalité maternelle

Le taux de mortalité maternelle est un indice statistique de la mort maternelle. Il exprime le rapport entre le nombre de femmes décédées à la suite de conséquences obstétricales directes ou indirectes — pendant leur grossesse ou lors des 42 jours après l'accouchement —, et le nombre de naissances vivantes[1]. Ce taux est calculé sur une année[1].

Ce taux est à distinguer du nombre de décès maternel rapporté au nombre de femmes en âge de procréer. Ce second rapport est égal au premier rapport multiplié par le taux de fécondité annuel. Pour éviter toute confusion, certains auteurs préconisent d'utiliser des termes différents pour ces deux valeurs : le nombre de décès maternel rapporté au nombre de naissances d'enfants vivants porterait le nom de rapport de mortalité maternel (RMM) tandis que le terme de taux de mortalité maternel (TMM) serait affecté au nombre de décès maternel rapporté au nombre de femmes en âge de procréer[2] - [3]. Par la suite, l'article utilisera néanmoins le terme le plus souvent rencontré dans les sources soit «taux de mortalité maternel» pour le nombre de décès rapporté au nombre de naissances d'enfants vivants.

ExprimĂ© souvent en nombre de dĂ©cès pour 100 000 naissances, il est extrĂŞmement variable tombant Ă  moins de 10 pour 100 000 naissances pour certains pays dĂ©veloppĂ©s pour dĂ©passer 1 000 dans certains pays de la rĂ©gion sub-saharienne. On note cependant une baisse rĂ©gulière et gĂ©nĂ©rale de ce taux depuis les annĂ©es 2000.

Le taux de mortalité maternel est aussi à distinguer du risque de décès maternel sur la durée de la vie – c’est-à-dire la probabilité qu’une jeune femme décède un jour d’une cause liée à la grossesse ou à l’accouchement[3]. Une évaluation de ce risque peut se faire en multipliant le taux de mortalité maternel par l'indice de fécondité, c'est-à-dire par le nombre d'enfants que la femme est susceptible de mettre au monde.

Évolution du taux de mortalitĂ© maternelle dans l'Europe de l'ouest et aux  Ă‰tats-Unis

Une étude un peu fine du taux de mortalité maternelle dans ces pays permettrait de déterminer les facteurs favorisant l'abaissement du taux de mortalité dans les pays en voie de développement. L'absence d'étude épidémiologique et de statistiques avant le milieu du XIXe siècle empêche d'avoir une vision claire de cette évolution sur une longue période. Il reste cependant quelques études qui peuvent servir de données indicatives.

Le mĂ©decin et statisticien Sigismund Peller (1890-1985) a recensĂ© les cas de mortalitĂ© maternelle, pour les femmes de familles rĂ©gnantes de l' Europe du XVIe au XIXe siècle[4] et signale un taux de mortalitĂ© voisin de 2% (i.e. 2000 dĂ©cès pour 100 000 naissances) entre le XVIe siècle et la première moitiĂ© du XIXe siècle, le taux Ă©tant voisin de 1,5 % dans la seconde moitiĂ© du XIXe siècle. Une Ă©tude menĂ©e sur la population de Genève du XVIIe siècle conduit Ă  Ă©valuer le taux de mortalitĂ© Ă  15 dĂ©cès pour 1 000 naissances (1500 dĂ©cès pour 100 000 naissances)[5].

Une Ă©tude menĂ©e par Hector Gutierrez et Jacques Houdaille[6], sur la France rurale du XVIIIe siècle, conduit Ă  un taux de mortalitĂ© variable selon les rĂ©gions de l'ordre de 29 ‰ (i.e. 2900 dĂ©cès pour 100 000 naissances) Ă  10,5 ‰[7], pour une moyenne variant de 12,9 ‰ Ă  10,5 ‰ entre 1700 et 1829[8]. Ce faible taux par rapport Ă  celui Ă©valuĂ© par Peller pourrait ĂŞtre du Ă  une sous-Ă©valuation des dĂ©cès car ne sont comptabilisĂ©s que les dĂ©cès après une naissance dĂ©clarĂ©e, n'incluant les ondoyĂ©s dĂ©cĂ©dĂ©s que par un facteur correctif.

Ces études révèlent cependant qu'une lente baisse commence à s'amorcer dans le courant du XIXe siècle. Cette baisse est également signalée par Irvine Loudon, auteur de Death in childbirth: an international study of maternal care and maternal mortality 1800–1950 [9]. Selon cet auteur, cette baisse serait due à une meilleure qualité, en nombre et en formation, des sages-femmes, plus qu'à une amélioration des conditions économiques[9]. La découverte par Semmelweis de la responsabilité des chirurgiens dans la transmission des infections des cadavres autopsiés aux parturientes, n'a pas été, selon Loudon, un facteur déterminant dans cette baisse et il pointe plutôt les mesures d'antisepsie développées par Joseph Lister dans les années 1880[10].

Ă€ la fin du XIXe siècle, et au dĂ©but de XXe siècle le taux de mortalitĂ© est relativement Ă©levĂ© avec de fortes disparitĂ©s, selon les pays et selon les rĂ©gions dans chaque pays, les taux variant de 300 pour 100 000 naissances en Suède jusqu'Ă  700 pour 100 000 naissances aux États-Unis , mais ce dernier taux est Ă  relativiser car la mĂ©thode de recensement inclus plus de cas de mortalitĂ© dans ce pays[11]. Le faible taux remarquĂ© en Suède pourrait ĂŞtre dĂ» Ă  une meilleure formation des sages-femmes concernant l'asepsie[10].

Loudon signale deux fait troublants. Le premier est un palier observé durant les premières décennies du XXe siècle alors que les taux de mortalité tant pour la mortalité infantile que pour celle due aux maladies infectieuses ne cessent de baisser durant cette période[11]. Il l'analyse comme un indice du faible intérêt du corps médical pour le métier d'accoucheur, les praticiens préférant des spécialités plus nobles comme chirurgie ou gynécologie, et donc d'une faible formation dans ce domaine[12].

Le second point est la forte disparité entre le taux de mortalité à l'hôpital et à domicile, le taux de mortalité à l'hôpital pouvant être 10 fois plus élevé que celui à domicile. Loudon l'impute , certes à un problème d'asepsie, mais aussi à l'arrogance et l'ignorance de certains praticiens, leur impatience et leur recours inutile aux instruments[13].

Vers le milieu des annĂ©es 1930 s'amorce une baisse significative du taux de mortalitĂ© maternelle qui, en 20 ans, va tomber Ă  moins de 100 dĂ©cès pour 100 000 naissances[14]. Les causes en sont une meilleure prise en compte des problèmes d'infection avec l'introduction des sulfamides, puis des antibiotiques, dès progrès mĂ©dicaux concernant l'anesthĂ©sie et la transfusion sanguine, une meilleure formation et organisation des services, et aussi Ă  un usage plus modĂ©rĂ© de l'instrumentalisation[14].

Le taux de mortalitĂ© continue Ă  baisser dans le seconde moitiĂ© du XXe siècle. Il est, par exemple, de 20 pour 100 000 naissances en France en 1975[15] et tombe sous les 10 pour 100 000 naissances en 2000 en Europe de l'Ouest[16]. Cette baisse spectaculaire est plus importante pour le taux de mortalitĂ© maternelle que pour celui de la mortalitĂ© infantile: par exemple, dans la France rurale, le premier est divisĂ© par près de 70 en 2 siècles alors que le second n'est divisĂ© que d'un facteur 20[8].

Taux de mortalité maternelle dans le monde

Concernant le recensement mondial, on peut noter une forte disparitĂ© dans les taux entre les pays dĂ©veloppĂ©s oĂą le taux moyen est de 16 pour 100 000 naissances en 2015[17] et les pays en voie de dĂ©veloppement. L'Afrique subsaharienne est la plus fortement touchĂ©e[17] avec des taux dĂ©passant 1 000 dĂ©cès pour 100 000 naissances[17]. En 2017, le taux le plus faible Ă©tait recensĂ© en Australie avec 7 dĂ©cès pour 100 000 naissances, tandis que 3 pays dĂ©passaient 1 000 dĂ©cès pour 100 000 naissances : la Sierra Leone, le Sud Soudan et Tchad[18]. Ă€ l'intĂ©rieur d'un mĂŞme pays, le taux de mortalitĂ© peut varier selon les rĂ©gions et la population Ă©tudiĂ©e. Ainsi aux États-Unis oĂą le taux en 2010 Ă©tait de 15 pour 100 000 naissances[19], on note des pointes atteignant 34,9 pour 100 000 Ă  New York et 83,6 pour 100 000 chez les femmes noires[20].

Les facteurs en cause pouvant expliquer un fort taux de mortalité sont des facteurs de santé comme l'extrême jeunesse, des maladies concomitantes (paludisme ou Sida), l'anémie ou la malnutrition, les mutilations génitales[21] et des facteurs économiques et sociaux comme la pauvreté, le faible accès aux soins, le faible pouvoir de décision des femmes[1]. Entre également en jeu l'existence ou non de conflits dans les pays concernés[22].

Depuis les années 1990, le nombre de décès maternels par an a baissé de près de 42%[23]. Dans la plupart des pays le taux de mortalité baisse régulièrement depuis 2000, en moyenne de 2,9% par an avec des baisses très importantes en Asie du sud avec 59% de baisse en 17 ans, les autres régions ayant divisé par 2 le taux entre 2000 et 2017. Même l'Afrique sud-saharienne dont les taux restent élevés a baissé de 38%. Certains pays voient leur taux de mortalité augmenter durant cette période comme l'Amérique du Nord mais cette hausse est à relativiser : le taux y est très faible et il pourrait s'agir seulement d'une meilleure collation des données ou d'un changement dans les strates de la population[24].

Références

  1. « Rapports – 10-11 Mortalité maternelle et mortalité périnatale des enfants nés à terme en France », Bulletin de l'Académie nationale de médecine, 2010, t. 194, no 8, p. 1581-1599, séance du , sur academie-medecine.fr.
  2. Kenneth Hill, Cynthia Stanton et Neeru Gupta, « Mesurer la mortalité maternelle à partir du recensement: Guide pour les utilisateurs potentiels », sur measure Evaluation, , p. 3
  3. « Mortalité maternelle en 2005 : Estimation de l'OMS, l'UNICEF, l'UNFPA et la Banque Mondiale », sur OMS, p. 12
  4. Sigismond Peller, Births and Deaths among Europe's ruling families since 1500, Population in History, Essays in Historical Demography, Volume I: General and Great Britain, D.E.C. Eversley, 1965
  5. Bertrand-Yves Mafart, « Approche de la mortalité maternelle au Moyen Âge en Provence », Dossiers de documentation archéologique, CNRS, no 1,‎ , p. 207-219 (lire en ligne), p. 209
  6. Gutierrez et Houdaille 1983.
  7. Gutierrez et Houdaille 1983, p. 980.
  8. Gutierrez et Houdaille 1983, p. 978.
  9. (en) Gretchen A. Condran, « Irvine Loudon. Death in Childbirth: An International Study of Maternal Care and Maternal Mortality 1800–1950. », The American Historical Review, vol. 99, no 5,‎ , p. 1653-1654 (présentation en ligne)
  10. Loudon 2000, p. Puerperal fever and antisepsis.
  11. Loudon 2000, p. Historical trend in maternal mortalityt rates.
  12. (en) Gerry Kearns, « Reviewed Work: Death in Childbirth: An International Study of Maternal Care and Maternal Mortality, 1800-1950 by Irvine Loudon », Isis, vol. 85, no 85,‎ , p. 525-526 (présentation en ligne).
  13. (en) Stephen Lock, « Review : Irvine Loudon, Death in childbirth: an international study of maternal care and maternal mortality 1800–1950 », Medical History, vol. 38, no 3,‎ (lire en ligne)
  14. Loudon 2000, p. Causes of decline in maternal mortality after the mid-1930s.
  15. Gutierrez et Houdaille 1983, p. 976.
  16. (en) « Maternal mortality - UNICEF DATA », sur Unicef.org, (consulté le )
  17. Institut national d'études démographiques, « Mortalité maternelle dans le monde (fichier pédagogique) », sur ined.fr,
  18. (en) WHO, UNICEF, UNFPA, World Bank group and the United Nations population division, « Trends in maternal mortality; 2000 to 2017 », sur UNFPA, p. 2
  19. Trends 2017, p. 11.
  20. Gilles Crépin et Gérard Bréart, « 10-11 Mortalité maternelle et mortalité périnatale des enfants nés à termes en France », sur Académie nationale de médecine,
  21. Alexandra Di Orio et Andrea Crivelli-Kovach, « The Global and Local Factors Influencing Maternal Mortality Ratios », Journal of Social Science for Policy Implications, vol. 2, no 3,‎ , p. 33-60 (lire en ligne), p. 36
  22. Orio et Crivelli-Kovach 2014.
  23. (en) Max Roser et Hannath Richtie, « Maternal Mortality », sur ourworldindate.org,
  24. Trends 2017.

Annexes

Bibliographie

  • (en) Irvine Loudon, « Maternal mortality in the past and its relevance to developing countries today », The American Journal of Clinical Nutrition, vol. 72, no 1,‎ , p. 241S-246S (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Hector Gutierrez et Jacques Houdaille, « La mortalitĂ© maternelle en France au XVIIIe siècle », Population, nos 38-6,‎ , p. 975-994 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.