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Syllogisme judiciaire

Le syllogisme judiciaire est une utilisation par le juge, pour élaborer sa décision, de la figure de raisonnement logique appelée syllogisme.

un procĂšs
Une audience au tribunal (1882)

Dans les pays ayant recours à une procédure accusatoire et contradictoire, c'est aussi une méthode de rédaction des actes de procédure par les avocats[1].

Fonctionnement

La dĂ©marche du juge, saisi par une partie, consiste Ă  Ă©tablir les faits Ă  partir des donnĂ©es qui lui sont fournies, puis Ă  leur donner une qualification juridique. C'est alors qu'il est en mesure d'appliquer Ă  la personne jugĂ©e la peine prĂ©vue par le droit pĂ©nal en vigueur, ou, en matiĂšre civile, la dĂ©cision conforme au droit applicable.

La figure du syllogisme utilise deux prĂ©misses (dites « majeure Â» et « mineure Â») propositions donnĂ©es et supposĂ©es vraies, permettant de valider la vĂ©racitĂ© formelle de la conclusion.

La « majeure Â» est la rĂšgle de droit qui dĂ©finit abstraitement un acte et lui confĂšre des effets juridiques.

La « mineure Â» consiste dans les faits Ă©tablis qui rĂ©pondent aux conditions fixĂ©es par cette rĂšgle.

La « conclusion Â» permet d'appliquer aux faits les consĂ©quences juridiques prĂ©vues par la rĂšgle.

Adrien Duport décrit l'acte de juger comme « un syllogisme dont la majeure est le fait, la mineure la loi et le jugement la conséquence[2]. »

Selon le positivisme juridique

Si l'on rĂ©duit le raisonnement judiciaire Ă  une dĂ©marche syllogistique, la dĂ©cision judiciaire devient en quelque sorte mĂ©canique. Le juge ne dispose ni de la rĂšgle de droit, qui lui est fournie en majeure par le systĂšme juridique auquel il appartient, ni des faits, qui lui sont donnĂ©s en mineure par les parties (le ministĂšre public, les plaideurs) ni mĂȘme de la solution qui dĂ©coule des prĂ©misses. La logique formelle exclut l’arbitraire du juge et rapproche le droit d'une science, dont les rĂ©sultats deviennent certains et prĂ©visibles.

Ainsi Montesquieu peut-il dire : « les juges de la nation ne sont [...] que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des ĂȘtres inanimĂ©s, qui n’en peuvent modĂ©rer ni la force ni la rigueur »[3].

Cette thĂ©orie, qui dĂ©nie au juge toute latitude, a pris le nom de positivisme juridique. NĂ©e Ă  l’époque de la RĂ©volution française, elle s’est imposĂ©e pendant le XIXe siĂšcle, Ă  la faveur de la thĂ©orie de la souverainetĂ© de la loi.

La loi, expression de la volontĂ© nationale[4], est alors : le juge ne peut que l'appliquer sans chercher Ă  l’interprĂ©ter. Ses dĂ©cisions sont « aussi impersonnelles et aussi uniformes qu’un calcul ou qu’une pesĂ©e »[5]. Le positivisme juridique vise Ă  faire du droit une science, conformĂ©ment au projet de son temps.

En France, cette doctrine est reprĂ©sentĂ©e par l’école dite de l’exĂ©gĂšse (Jean Baptiste Victor Proudhon, Charles-Bonaventure Marie Toullier, Raymond ThĂ©odore Troplong, Charles Demolombe). Le principal reprĂ©sentant de ce courant est le juriste Hans Kelsen.

Limites

Le syllogisme judiciaire présuppose des prémisses incontestables. Or l'interprétation de la loi, l'établissement des faits et leur qualification sont des phases préalables qui sont discutées et font tout l'enjeu du procÚs. La décision du juge n'est donc pas mécanique. Des considérations d'équité, au sens plus large de la justice, peuvent interférer pour que le jugement soit juste ou raisonnable[5] et accepté par la collectivité.

Certains auteurs, comme Michel Troper, analysent l’interprĂ©tation du juge comme un acte de volontĂ©, et non de connaissance. C'est alors le juge qui transforme par son pouvoir juridictionnel un Ă©noncĂ© en norme, empiĂ©tant ainsi sur la place dĂ©volue au lĂ©gislateur[6].

Bibliographie

Ouvrages

  • Julien Bonnecaze, L’École de l'exĂ©gĂšse, sa doctrine, ses mĂ©thodes, Paris, De Broccard,
  • ChaĂŻm Perelman, Le champ de l’argumentation, Presses universitaires de Bruxelles, .
  • ChaĂŻm Perelman, Logique juridique, nouvelle rhĂ©torique, Paris, Dalloz, .
  • Buffon Bertrand, « Chapitre 18. RhĂ©torique juridique et judiciaire », in « La parole persuasive », Paris, Presses Universitaires de France, coll. « L'Interrogation philosophique », (lire en ligne), p. 451-460Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

Articles

  • Pauline RĂ©my, « Éloge de l'ExĂ©gĂšse », Droits, no 1,‎ , p. 115 et s.
  • Jean-Marc Le Masson, « La recherche de la vĂ©ritĂ© dans le procĂšs civil », Droit et sociĂ©tĂ©, vol. 38, no 1,‎ , p. 21-32 (lire en ligne)
  • MikhaĂŻl Xifaras, « L’́Ecole de l’ExĂ©gĂšse Ă©tait-elle historique ? Le cas de Raymond-ThĂ©odore Troplong (1796-1869), lecteur de Friedrich Carl von Savigny, Mohnhaupt Heinz, KervĂ©gan Jean-François. Influences et rĂ©ceptions mutuelles du droit et de la philosophie en France et en Allemagne », Klostermann,‎ , p. 177-209 (lire en ligne)

Notes et références

  1. Barreau du QuĂ©bec, Collection de droit 2019-2020, Collection des habiletĂ©s, RĂ©daction, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2020.
  2. Michel van de Kerchove et François Ost, Le SystÚme juridique entre ordre et désordre, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Les Voies du droit » (no 5), , 354 p. (ISBN 2-13-041939-9), p. 70.
  3. Montesquieu, Esprit des Lois, Liv. XI. Chap. VI., Garnier, (lire en ligne), p. 327
  4. Raymond Carré de Malberg, La Loi, expression de la volonté générale, Paris, Economica,
  5. Buffon Bertrand, Chapitre 18. Rhétorique juridique et judiciaire in "La parole persuasive", Paris, Presses Universitaires de France, (lire en ligne), p. 451-460 [9] [41]
  6. Michel Troper, Le problĂšme de l’interprĂ©tation et la thĂ©orie de la supra-lĂ©galitĂ© constitutionnelle in MĂ©langes Eisenmann, Paris, Cujas, , p. 143

Articles connexes

Liens externes

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