Stuxnet
Stuxnet est un ver informatique dĂ©couvert en 2010 qui aurait Ă©tĂ© conçu[1] par la National Security Agency (NSA) en collaboration avec l'unitĂ© israĂ©lienne 8200 pour s'attaquer[2] aux centrifugeuses iraniennes dâenrichissement d'uranium. Le programme a commencĂ© sous la prĂ©sidence de George W. Bush et a continuĂ© sous la prĂ©sidence de Barack Obama[3]. Il fait partie de l'opĂ©ration Olympic Games, et ses caractĂ©ristiques le classent parmi les APT.
Type | Ver informatique |
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Point d'isolement | VirusBlokAda |
Auteur | National Security Agency |
SystÚme(s) d'exploitation affecté(s) | Windows |
Spécifique au systÚme Windows, il a été découvert en par VirusBlokAda, société de sécurité informatique basée en Biélorussie. La complexité du ver est trÚs inhabituelle pour un logiciel malveillant. Il a été décrit par différents experts comme cyber arme, conçue pour attaquer une cible industrielle déterminée[4]. Il s'agirait d'une premiÚre dans l'histoire[5].
C'est le premier ver découvert qui espionne et reprogramme des systÚmes industriels[6], ce qui comporte un risque élevé. Il cible spécifiquement les systÚmes SCADA utilisés pour le contrÎle commande de procédés industriels. Stuxnet a la capacité de reprogrammer des automates programmables industriels (API)[7] - [8] produits par Siemens et de camoufler ses modifications. Les automates programmables Siemens sont utilisés tant par quelques centrales hydro-électriques ou nucléaires que pour la distribution d'eau potable ou les oléoducs[9].
Le ver a affecté 45 000 systÚmes informatiques, dont 30 000 situés en Iran, y compris des PC appartenant à des employés de la centrale nucléaire de Bouchehr. Les 15 000 autres systÚmes informatiques sont des ordinateurs et des centrales situés en Allemagne, en France, en Inde et en Indonésie[9], utilisateurs de technologies Siemens.
Mode d'attaque
Il a Ă©tĂ© signalĂ© pour la premiĂšre fois par la sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© VirusBlokAda mi-, et des antĂ©cĂ©dents ont Ă©tĂ© retracĂ©s jusquâĂ .
Le virus sâattaque aux systĂšmes Windows Ă lâaide de quatre attaques « zero day » (y compris la vulnĂ©rabilitĂ© CPLINK (en) et la vulnĂ©rabilitĂ© exploitĂ©e par le ver Conficker) et vise les systĂšmes utilisant les logiciels SCADA WinCC/PCS 7 de Siemens.
Le virus est probablement inoculĂ© par la mise Ă jour d'un virus dĂ©jĂ installĂ© sur les ordinateurs cibles ; il contamine ensuite dâautres ordinateurs WinCC du rĂ©seau Ă lâaide dâautres dĂ©fauts natifs de structure des systĂšmes (exploits). Une fois dans le systĂšme, il utilise les mots de passe par dĂ©faut pour faire des requĂȘtes au logiciel[7]. Siemens dĂ©conseille cependant de changer les mots de passe par dĂ©faut car « cela pourrait affecter le bon fonctionnement de lâusine »[10].
La complexitĂ© du ver est inhabituelle pour un malware : lâattaque demande des connaissances en procĂ©dĂ©s industriels et en failles de Windows Ă un moment donnĂ©, et marque la volontĂ© de perturber des infrastructures industrielles[7] - [6]. Le nombre dâexploits Windows « zero day » utilisĂ©s est Ă©galement inhabituel : ces exploits non dĂ©couverts, rares et prĂ©cieux, ne sont en effet pas normalement gaspillĂ©s par les pirates au point d'en mobiliser quatre dans le mĂȘme ver[11]. Stuxnet a une taille dâun demi-mĂ©gaoctet et est Ă©crit dans diffĂ©rents langages de programmation (y compris C et C++) ce qui est Ă©galement peu courant pour un malware[7] - [6].
L'Iran, cible d'une cyber-attaque israélienne ?
Un porte-parole de Siemens a indiquĂ© que le ver avait Ă©tĂ© trouvĂ© sur 15 systĂšmes dont 5 sont situĂ©s en Allemagne dans des usines abritant des systĂšmes de contrĂŽle de processus industriels. Siemens indique quâaucune infection active nâa Ă©tĂ© dĂ©couverte et quâaucun dommage causĂ© par le ver nâa Ă©tĂ© signalĂ©[12]. Symantec indique que la plupart des systĂšmes infectĂ©s sont en Iran[13] (prĂšs de 30 000 sur 45 000 ordinateurs infectĂ©s[14]), ce qui a conduit Ă penser quâil avait pu viser dĂ©libĂ©rĂ©ment une « infrastructure de grande valeur » en Iran, vraisemblablement liĂ©e au programme de recherche nuclĂ©aire[11]. Ralph Langner, un chercheur en cyber sĂ©curitĂ© allemand, indique que la cible visĂ©e a probablement Ă©tĂ© atteinte[15].
L'Iran a accusĂ© un Ătat ou une organisation Ă©trangĂšre de l'avoir dĂ©libĂ©rĂ©ment visĂ©[9]. L'analyste Bruce Schneier a qualifiĂ© d'intĂ©ressante l'hypothĂšse selon laquelle la centrale nuclĂ©aire de Bouchehr aurait Ă©tĂ© visĂ©e, tout en considĂ©rant qu'il manquait de preuves[16]. L'Iran a indiquĂ© que dans la mesure oĂč les ordinateurs d'employĂ©s de la centrale avaient Ă©tĂ© touchĂ©s, la centrale l'avait aussi Ă©tĂ©[9]. DĂ©but , Ă l'occasion d'un article sur l'UnitĂ© 8200, section elle-mĂȘme de l'Aman, le service de renseignement militaire israĂ©lien, Le Figaro Ă©crivait :
« Des indices découverts dans les algorithmes du programme Stuxnet, ayant infecté, entre autres, les systÚmes informatiques iraniens, feraient référence à l'héroïne biblique Esther. Les liens éventuels entre cette offensive virtuelle et Israël ne seront sans doute jamais prouvés, mais la suspicion des milieux du renseignement est forte[17]. »
En , des chercheurs de Symantec et de Langner Communications ont affirmé que le ver visait les systÚmes de contrÎle des turbines à vapeur tels que ceux utilisés à la centrale nucléaire de Bouchehr et des éléments clés de centrifugeuses[18]. En effet, le virus aurait modifié à l'insu des opérateurs de la centrale les vitesses de rotation des centrifugeuses entraßnant une dégradation de celles-ci[19] et des explosions[20]. Des chercheurs de Symantec avaient également indiqué auparavant que Stuxnet avait une date « de destruction » fixée au [16].
Le gĂ©nĂ©ral israĂ©lien Gabi Ashkenazi a affirmĂ©, lors de son dĂ©part Ă la retraite, ĂȘtre le responsable de l'attaque par le ver Stuxnet[21].
La Russie a dĂ©noncĂ© une coopĂ©ration entre les Ătats-Unis et IsraĂ«l pour la crĂ©ation de ce ver et a dĂ©clarĂ© que ce projet aurait pu aboutir Ă une catastrophe plus grande que celle de Tchernobyl. Elle a demandĂ© Ă l'OTAN d'enquĂȘter sur cette affaire[22]. Une enquĂȘte approfondie du New York Times confirme d'ailleurs cette hypothĂšse de coopĂ©ration Ă fins malveillantes amĂ©ricano-israĂ©lienne[23].
Analyse de Stuxnet
En , Symantec publie une analyse complÚte de Stuxnet. Les spécialistes estiment qu'il a fallu six mois de développement et une équipe de cinq à dix personnes pour écrire le programme, dont au moins un ingénieur connaissant parfaitement les équipements industriels visés[24]. Microsoft, quant à lui, estime que le temps nécessaire pour créer Stuxnet a été de « 10 000 jours homme », sans compter l'équipe qui a volé les certificats Verisign de Realtek Semiconductor Corps et JMicron Technology Corp à Taïwan, ainsi qu'une équipe en Iran qui a vraisemblablement fourni les renseignements nécessaires à cette opération[24].
Le programme est trĂšs complexe et extrĂȘmement bien Ă©crit, ce qui montre une volontĂ© hors du commun pour parvenir au but recherchĂ©, et exclut que ce soit le travail d'un groupe privĂ©.
L'architecture du programme est trÚs complÚte pour un ver informatique, elle comporte différentes parties :
Protection
Le ver est capable de s'exĂ©cuter en trompant un processus du cĆur de Windows (Ntdll.dll[25]), et en leurrant les anti-virus les plus connus. Il possĂšde aussi des portions chiffrĂ©es qui interdisent toute lecture du virus non chargĂ© en mĂ©moire. Une particularitĂ© intĂ©ressante est qu'il ne s'attaque pas aux ordinateurs qui possĂšdent l'antivirus ETrust v5 et v6.
Propagation
L'ordinateur portable a rĂ©cupĂ©rĂ© l'infection en se connectant Ă un ordinateur infectĂ© de l'usine avant de propager lui-mĂȘme cette infection Ă tout le pays et Ă l'Ă©tranger en se connectant Ă internet (dans un cadre externe Ă l'usine qui fonctionne, pour sa part, en rĂ©seau fermĂ©).
DâaprĂšs EugĂšne Kaspersky, le ver a Ă©galement infectĂ© le systĂšme dâune usine nuclĂ©aire en Russie. LâĂ©tanchĂ©itĂ© du rĂ©seau de lâusine a toutefois permis dâĂ©pargner lâinfection du rĂ©seau public russe[26].
Installation
Le ver, une fois exécuté avec succÚs sur un ordinateur encore sain, va s'installer. Pour ce faire, il utilise deux autres failles, encore inconnues par Microsoft au moment de la création de Stuxnet, pour obtenir les droits administrateur.
- La premiÚre a été référencée et corrigée par Microsoft sous le no MS10-073. Cette faille fonctionne à l'aide d'un layout de clavier incorrect spécialement codé.
- La seconde est une faille dans l'ordonnanceur de tĂąche, et ne possĂšde pas encore de patch au moment de l'analyse de Symantec en .
Ces deux failles permettent d'exécuter du code arbitraire avec les droits administrateur. Une fois les droits obtenus, le ver installe les composants suivants :
- Deux rootkits qui lui permettent de s'exécuter au démarrage, de leurrer les protections anti-virus et de se copier sans se faire détecter sur les disques amovibles comme les clés USB (grùce au vol des certificats Verisign).
- Une procédure de réinstallation, si une de ses ressources est effacée.
- Sa charge utile pour attaquer les Ă©quipements Siemens visĂ©s : cette partie spĂ©cifique, extrĂȘmement complexe, comporte deux sous-parties : une procĂ©dure de leurre des outils de monitoring, et une procĂ©dure de contrĂŽle du logiciel Siemens.
- Un serveur pour envoyer et recevoir des informations et des données : sa premiÚre action est de communiquer avec deux serveurs de contrÎle :
www.mypremierfutbol.com
etwww.todaysfutbol.com
- Un mécanisme complexe de mise à jour pour exécuter le nouveau code reçu via ces serveurs si besoin.
- Un mécanisme de désinstallation.
- Un mécanisme P2P de mise à jour si une nouvelle version est disponible sur un autre ordinateur infecté.
Outil de suppression
Le , Siemens met à disposition de ses clients un outil capable de détecter et de supprimer le ver[27].
Le , Microsoft annonce le Bulletin de sécurité MS10-046[28].
Le , un outil de suppression est mis Ă disposition par FSB Security Labs en France[29].
Le , un outil de suppression est mis Ă disposition par BitDefender.
Bibliographie
Notes et références
- (en) David E. Sanger, « Obama Ordered Wave of Cyberattacks Against Iran », The New York Times,â (lire en ligne).
- (en) James Bamford, « NSA Snooping Was Only the Beginning. Meet the Spy Chief Leading Us Into Cyberwar », Wired,â (lire en ligne).
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- (en)« This is the first direct example of weaponized software, highly customized and designed to find a particular target. », Stuxnet malware is 'weapon' out to destroy⊠Iran's Bushehr nuclear plant?
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- Adrien Jaulmes, « Cyberattaques en Iran : une unité israélienne suspectée », Le Figaro, (consulté le )
- (en) Glenn Kesler, Computer worm may have targeted Iran's nuclear program, The Washington Post,
- « Nos émissions », sur Public Senat (consulté le ).
- Yves Eudes, « Flame, un virus espion d'Etat », Le Monde,â (lire en ligne).
- Olivier Robillart, « Un gĂ©nĂ©ral israĂ©lien affirme ĂȘtre le « pĂšre » de Stuxnet », sur www.clubic.com, (consultĂ© le ).
- http://nanojv.wordpress.com/2011/01/28/stuxnet-rosatom-bushehr-123/.
- (en) David E. Sanger, « Obama Order Sped Up Wave of Cyberattacks Against Iran », The New York Times, (consulté le ).
- Analyse complÚte de Stuxnet publié par Symantec (en) [PDF]
- What is the ntdll.dll file ? ComputerHope.com
- (en) David Shamah, « Stuxnet, gone rogue, hit Russian nuke plant, space station », The Times of Israel,â (lire en ligne)
Voir aussi
Source originale partielle
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Stuxnet » (voir la liste des auteurs).
Articles connexes
- Flame, qui pourrait ĂȘtre liĂ© Ă Stuxnet
- Duqu
- Regin (logiciel malveillant)
Liens externes
- (fr) Analyse de la situation Stuxnet
- (en) Stuxnet: anatomy of a computer virus sur Vimeo
- (en) Lâoutil de suppression du ver Stuxnet
- (en) Siemens Support about Stuxnet
- (en) Microsoft Protection Center about Win32/Stuxnet
- (en) Security analysis of Stuxnet
- (en) Exploring Stuxnetâs PLC Infection Process, Symantec