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Stœchiophonie

La stœchiophonie ou langue simplifiée est une langue universelle proposée par Henri Joseph François Parrat dans un ouvrage paru pour la première fois en 1858 et suivi de deux autres éditions, dont une en allemand (traduit par Jakob Joseph Matthys), en 1861. Il s'agit d'une pasigraphie alphabétique.

Cette langue ne semble pas avoir eu beaucoup d'adeptes[1], sauf au sein de la Société jurassienne d'émulation dont Parrat était membre et où sa langue simplifiée a remporté un certain succès lors de sa parution[2]. Bien qu'elle appartienne à ces multiples projets de langue parfaite recherchée par les fous du langage décrits par Marina Yaguello[3], Umberto Eco[4] et André Blavier[5], aucun de ces trois auteurs ne le mentionnent. Le Dictionnaires des langues imaginaires[6] ne fait que l'évoquer, citant rapidement Ernest K. Drezen[7]. Le site de la Bibliothèque de l'Institut de France et celui de l'Université de Paderborn ne sont pas plus diserts[8]. Il en est de même dans une chronique de Bertrand Galimard Flavigny sur Canal Académie[9].

Extraits

Dans son « Avant propos Ă  l'Ă©dition de 1858 Â», qui prend la forme d'un dialogue entre un philologue et l’auteur, Parrat prĂ©sente ainsi son projet de langue simplifiĂ©e :

« Le philologue. - Vous avez donc le courage après vingt autres qui ont Ă©chouĂ©, de proposer une langue universelle, une nouvelle pasigraphie; vous ne craignez pas de faire rire une fois de plus les philologues Ă  vos dĂ©pens?

« L'auteur. - Je n'empĂŞche pas les philologues de rire; mais ce que j'aimerais mieux encore, ce serait de les engager Ă  examiner ma Langue simplifiĂ©e; ils y trouveraient peut-ĂŞtre quelque chose de sĂ©rieux; dans tous les cas, cette lecture ne manquerait pas, Ă  mon avis, d'offrir Ă  leur rĂ©flexion des observations très-curieuses[10].

« Le philologue. - Connaissez–vous la PasitĂ©lĂ©graphie par le comte Firmas-PĂ©riĂ©s (Stuttgart, G. Hasselbrink, 1811) ?

« L'auteur. - Sans doute, je n'ai pas commencĂ© mon essai sans voir au moins en partie ce que l'on pouvait avoir tentĂ© jusqu'ici. J'ai trouvĂ© dans l'Introduction tous les auteurs qui ont traitĂ© cette matière jusqu'en 1811; mais je ne suis pas plus satisfait de sa mĂ©thode, qu'il ne paraĂ®t l'avoir Ă©tĂ© lui-mĂŞme de celles de ses devanciers, Ă  l'exception de celle de M. Maimieux, qu'il prĂ©conise.

« Le philologue. - Que reprochez-vous donc Ă  sa mĂ©thode ?

« L'auteur. - Il serait trop long d'entrer dans les dĂ©tails; mais on peut surtout lui reprocher le vague, l'arbitraire et la multiplicitĂ© de ses signes, ou caractères, qui, comme l'auteur le dit page 29, n'ont ni la forme, ni la destination, ni la valeur convenue, d'aucune lettre d'aucun alphabet.

« Le philologue. - Le reproche paraĂ®t assez fondĂ©; mais vous-mĂŞme, vous devrez aussi vous servir de signes dans votre travail.

« L'auteur. - Naturellement; mais les miens sont connus de tout le monde, ce sont les lettres latines.

« Le philologue. - Des lettres ! C'est alors la Pasilalie d'Abel BĂĽrja (Berlin, Duncker et Humblot, 1809) ?

« L'auteur. - C'est tout autre chose. Une ou deux de mes lettres dĂ©terminent une idĂ©e parfaitement claire; c’est dans ma mĂ©thode une règle gĂ©nĂ©rale, qui n’admet rien de vague ni d’arbitraire, dĂ©fauts qui sont encore le vice capital de la mĂ©thode de BĂĽrja. Mes Ă©lĂ©ments sont de la plus grande simplicitĂ© et très-facile Ă  retenir. Mais avant d’en parler plus en dĂ©tail, je trouve Ă  propos de rappeler un passage de Leibnitz qui se trouve dans l’Introduction de l’ouvrage du comte de Firmas-PĂ©riès, page 12 : « Si j’avais Ă©tĂ© moins distrait (c’est Leibnitz qui parle), ou si j’étais plus jeune, ou assistĂ© de jeunes gens bien disposĂ©s, j’espĂ©rerais de donner une manière de spĂ©cieuse gĂ©nĂ©rale, oĂą toutes les vĂ©ritĂ©s de raison seraient rĂ©duites Ă  une façon de calcul, ce pourrait ĂŞtre, en mĂŞme temps, une manière de langue ou d’écriture universelle, mais infiniment diffĂ©rente de toutes celles qu’on a projetĂ©es jusqu’ici; car les caractères et les paroles mĂŞme y dirigeraient la raison; et les erreurs, exceptĂ© celles de fait, ne seraient que des erreurs de calcul. Il serait très-difficile de former ou d’inventer cette langue ou caractĂ©ristique Â». Lettre Ă  M. RĂ©mond de Montmort.

« Le philologue. - Vous voyez donc que Leibnitz considère la chose comme très-difficile Ă  rĂ©aliser.

« L'auteur. - Difficile, oui; mais pas impossible. La base de mon système une fois trouvĂ©e, le reste n’a plus Ă©tĂ© qu’un jeu, oĂą les erreurs ne sont pas des erreurs de calculs ; mais des erreurs de dĂ©finition, et dans ma langue simplifiĂ©e, les caractères et les paroles mĂŞme y dirigent la raison, comme le veut Leibnitz.

« Le philologue. - Si la chose est telle, le système ne paraĂ®t pas mal imaginĂ©. Vous aurez sans doute fait des classes, des familles, des tribus, des genres, des espèces et des variĂ©tĂ©s de mots, comme il est de mode aujourd’hui d’en faire en philologie.

« L'auteur. - J’ai toujours considĂ©rĂ© cette mĂ©thode comme une philologie très-pittoresque, mais très-peu naturelle, et je suis d’avis que l’on ne parviendra jamais Ă  rien de solide de cette manière. Ma mĂ©thode est fondĂ©e sur 250 Ă©lĂ©ments, qui reprĂ©sentent autant d’idĂ©es simples et c’est la combinaison de ces 250 Ă©lĂ©ments, deux Ă  deux, etc., qui donne les idĂ©es complexes.

« Le philologue. - Je comprends ; vous avez trouvĂ© ces Ă©lĂ©ments dans les diffĂ©rentes langues modernes, qui vous ont donnĂ© pour chaque idĂ©e le mot simple.

« L'auteur. - J’aurais pu, peut-ĂŞtre, opĂ©rer ainsi ; mais j’ai prĂ©fĂ©rĂ© les tirer de la langue sanscrite (Ă  l’exception de quelques-uns dont l’origine est sĂ©mitique), la mère de toutes les langues, sans m’attacher cependant Ă  donner Ă  chacun de mes Ă©lĂ©ments la modulation propre Ă  la langue de l’Inde, oĂą toutes les euphonies de ses articulations, qui, comme l’on sait, sont loin de la simplifier (Voir mes Principes d’étymologie, p. 7)[11]. Chaque langue europĂ©enne ne comprend qu’un certain nombre d’élĂ©ments indiens, et ils ne sont pas les mĂŞmes dans toutes les langues ; on trouve dans une de ces langues des racines sanscrites, qui n’existent pas dans une autre, et leur nombre relatif dans chaque langue est très-variable. Il n’y aurait donc rien d’étonnant si on rencontrait dans ma Langue simplifiĂ©e plus ou moins de mots analogues aux mots grecs, latins, allemands, français, etc. Je ferai seulement remarquer qu’ils ne s’y trouvent qu’accidentellement. Les mots reprĂ©sentants les idĂ©es simples sont, comme je l’ai dit, tirĂ©s du sanscrit, et ceux reprĂ©sentant des idĂ©es complexes ne sont autre chose que des dĂ©finitions exprimĂ©es au moyen des 250 Ă©lĂ©ments.

« Le philologue. - Deux cent cinquante Ă©lĂ©ments, c’est beaucoup ; n’auriez vous pas pu en rĂ©duire encore le nombre ? Â»

[à compléter]

Notes

  1. Si une rapide recherche sur Internet montre que la Stœchiophonie figure parmi les ouvrages reçus en 1861 par les Académies des sciences de Bavière, de Prusse et d'Autriche, ainsi que par l'Académie des Inscriptions et Belles lettres, aucune de ces sociétés savantes ne semble avoir pris la peine d'en faire faire un compte rendu.
  2. Actes de la Société jurassienne d’émulation de 1858, Porrentruy, 1859.
  3. Les Fous du langage : des langues imaginaires et de leurs inventeurs, Paris, Seuil, 1984
  4. La recherche de la langue parfaite, Paris, Seuil, 1994,
  5. Les Fous littĂ©raires, Éditions des Cendres, 2000, chapitre « Myth(Ă©tym)ologie Â», p. 155-169
  6. Paolo Albani et Berlinghiero Buonarroti, Dictionnaires des langues imaginaires, Paris, Les Belles Lettres, 2001. L'ouvrage comporte une entrĂ©e Parrat, H.J.F. [XIXe siècle] sans plus de renseignements si ce n’est un renvoi Ă  l’article sur la Langue simplifiĂ©e ainsi rĂ©digĂ©e : « SimplifiĂ©e, langue Projet de langue internationale […] Ă©laborĂ© par H.J.F. Parrat dans le livre Langue simplifiĂ©e, imprimĂ© Ă  Porrentruy (Suisse) en 1858 (Drezen , 1991, p. 150) Â».
  7. Historio de la Mondlingvo, nouv. Ă©d. 1991, p. 50
  8. Que ce soit sur la page concernant les langues artificielles et universelles à la bibliothèque de l’Institut de France ou sur le site de l’université de Paderborn dans un cours en espéranto de Vera Barndovska-Frank, Parrat est simplement mentionné, sans plus de commentaire, parmi les nombreux inventeurs de méthodes de langues universelles du XIXe siècle.
  9. Bertrand Galimard Flavigny, La quĂŞte des hommes pour une langue commune
  10. L’orthographe et la ponctuation sont celle de la 2e édition. Les notes ont été ajoutées.
  11. Principes d’étymologie naturelle basés sur les origines des langues sémito-sanscrites, Paris, Vve Dondey-Dupré, 1851

Sources

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