Simaitha
Simaitha, aussi appelée Cimétha, Simétha ou encore Simaetha, est un personnage qui apparaît dans l'idylle II de Théocrite.
Le personnage chez Théocrite
Simaitha tente de reconquérir son amant à l'aide de pratiques de sorcellerie ou de magie. Elle est aidée par sa servante, Thestylis, après avoir a pris conseil auprès d'un étranger assyrien [1]. Elle fait référence à d'autres magiciennes antiques, divines ou humaines: Circé, Médée, Périmède.
Le nom de Simaitha
Il ne faut pas confondre la magicienne Simaitha, qui serait une habitante de Cos[2], et la Simaitha d'Aristophane qui vit à Mégare: la courtisane Simætha ayant été enlevée par des jeunes gens ivres, venus à Mégara, les Mégariens, outrés de
douleur, enlèvent, à leur tour, deux courtisanes d’Aspasie[3].
Son nom est un composé du verbe αἴθω, « Je brûle » et « simos », « nez camus », « creux » et pourrait signifier « nez bronzé » (peut- être le sobriquet d'une courtisane qui attend ses clients dehors, comme la Simaitha d'Aristophane), ou bien « qui brûle en son sein », comme l'amoureuse passionnée de Théocrite.
Portrait social
Elle habiterait Cos, selon plusieurs indices[2]: Elle fait mention d'un Philinos, vainqueur de la course aux jeux Olympiques en -264 et -260. Son amant est de Myndos, ville d'Asie Mineure en face de l'île de Cos. Elle emploie l'exclamation des femmes de Cos, Par les Moires, telles qu'on les voit chez Hérondas[2].Simaitha est délaissée par Delphis[4].
DĂ©roulement des actes magiques
Simaitha prépare des philtres destinés à lier[5] son amant et qui seront pétris sur le seuil de la porte de celui-ci[6]. Elle utilise un vase ancien, le kélébé[7], qu'elle enveloppe de laine[8]. Elle fait brûler de l'orge, habituellement utilisé dans les sacrifices, des feuilles de laurier, du son. Puis elle fait fondre de la cire, peut-être une figurine de cire[2], et elle fait tourner le rhombe, une sorte de toupie magique. Ensuite elle accomplit des libations au nombre de trois, chiffre rituel. Elle prépare enfin un breuvage composé de différents ingrédients dont des plantes aphrodisiaques. Toutes ces pratiques sont habituelles dans la magie amoureuse[5]. Simaitha recourt à la magie dite sympathique[9].
Refrains rituels
Certaines formules et phrases se répètent plusieurs fois :
"Bergeronnette[10] magique" revient dix fois. "Apprends d’où me vint mon amour, vénérable Séléna!"[11] revient treize fois.
Postérité du personnage
- Virgile imite l'idylle de Théocrite dans ses Bucoliques et le personnage de Simaitha inspire celui du berger Alphésibée, épris du jeune Daphnis[12]. Une enluminure d'un manuscrit médiéval de la bibliothèque municipale de Dijon montre Alphésibée en vieille femme tenant une figurine, et sa servante qui tient des herbes[13].
- Voltaire a lui aussi Ă©crit une imitation:
« Reine des nuits, dis quel fut mon amour,
Comme en mon sein les frissons et la flamme
Se succédaient, me perdaient tour à tour ;
Quels doux transports égarèrent mon âme ;
Comment mes yeux cherchaient en vain le jour.
Comme j'aimais, et sans songer Ă plaire,
Je ne pouvais ni parler ni me taire.
Reine des nuits, dis quel fut mon amour.
Mon amant vint, ô moments délectables !
Il prit mes mains, tu le sais, tu le vis,
Tu fus témoin de ses serments coupables,
De ses baisers, de ceux que je rendis;
Des voluptés dont je fus enivrée.
Moments charmants, passez-vous sans recours
Daphnis trahit l'amour qu'il m'a jurée!
Reine des nuits, dis quel fut mon amour[14]. »
- Simaitha devient au XIXe siècle une héroïne romantique, parfois débarrassée de ses pratiques magiques, qui apparaît dans l'œuvre de la poétesse allemande Amalie von Helvig (en) , Die Schwestern von Lesbos (Les sœurs de Lesbos), publiée par Friedrich Schiller en 1800[15], ainsi que dans une élégie d'Alfred de Vigny, Simétha[16], du recueil Poèmes antiques et modernes, où les rôles sont inversés puisque c'est le locuteur qui souffre du désintérêt de Simaitha, et enfin dans une villanelle[17] d'Oscar Wilde où le poète s'adresse à Théocrite en tant que chanteur de Perséphone.
- L'artiste grec Démétrios Galanis (1879 - 1966) représente Simaitha avec son amant[18].
Annexes
Articles connexes
Notes et références
- Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft, article Astrologie, 1896.
- D'après Philippe-Ernest Legrand, Bucoliques Grecs, tome I, Théocrite, Les Belles Lettres, 1946, p. 94 et 100.
- Les Acharniens, d'Aristophane, traduction française d’Eugène Talbot, 1897.
- Théocrite, Idylle II: Depuis douze jours ce perfide est loin de moi, et il ne s'informe point si je vis ou si je meurs.
- Les Magiciennes de Théocrite et les papyrus magiques, Actes du 9ème colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer, par Béatrice Meyer, 1999, p. 71 et sq.
- Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft, article Aberglaube, 1893.
- Voir la page consacrée à la typologie de la céramique grecque.
- Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Charles Daremberg et Edmond Saglio, hachette, 1877-1919, article Katalogos.
- Théocrite, Idylle 2, les pharmaciennes
- il s'agit en fait de Jynx, nom grec du torcol, que sa caractéristique physique prédisposait à être invoqué dans la magie amoureuse quand il s'agit de faire revenir un amant infidèle.
- Théocrite, Idylles, II.
- Eglogue VIII, Damon et Alphésibée.
- voir l'enluminure et sa description sur le site www2.culture.gouv.
- Théocrite, par Voltaire, in Œuvres complètes, librairie Furne, tome II, 1835, p. 686.
- voir le poème en allemand tel qu'il a été publié dans la revue Musen-Almanach für das Jahr 1800 (de), S. 1-182.
- Lire le poème sur Wikisource.
- lire le poème intitulé Théocrite sur le site Gallica, poème 21, traduit par Albert Savine, Stock, 1907.
- Voir la gravure sur le site de la National Gallery, en Grèce.
- Voir la fiche du court métrage sur le site imbd.