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Shang Yang

Gongsun Yang ou Kong-souen Yang (ć…Źć­«éž…, GƍngsĆ«n Yǎng) (v. 390-338 av. J.-C.), seigneur de Shang (敆搛, Shāng JĆ«n), plus communĂ©ment connu sous le nom de Shang Yang (敆鞅, Shāng Yǎng), est un rĂ©formateur chinois de la pĂ©riode des Royaumes combattants, rattachĂ© au lĂ©gisme. En 361 av. J.-C., sous le rĂšgne du duc Xiao, il fut fait Chancelier de l’État de Qin et, Ă  partir de 359 av. J.-C., entreprit vingt ans de rĂ©formes qui permirent aux Qin de s’enrichir et de renforcer son armĂ©e, jetant ainsi les bases de la rĂ©unification de l’empire sous l'Ă©gide de cet État. On lui attribue traditionnellement la rĂ©daction du Livre du seigneur Shang (ć•†ć›æ›ž, Shāng JĆ«n ShĆ«).

Shang Yang
Image illustrative de l’article Shang Yang

Naissance 390 av. J.-C.
CitĂ©-État de Wei
DĂ©cĂšs 338 av. J.-C. (Ă  52 ans)
État de Qin
Nom de famille Gongsun
Prénom Yang
Dates 1er rùgne Chancelier de l’État de Qin (361 av. J.-C. — 338 av. J.-C. )

Biographie

Conseiller de l'État de Wei

Selon la biographie que donne de lui le Shiji[1], Shang Yang est un enfant naturel issu de la famille rĂ©gnante de la citĂ©-État de Wei (èĄ›)[2]. Il sert pendant un temps Gongshu Zuo (慬揔ćș§), le Premier ministre de l’État de Wei (魏). Lorsque celui-ci tombe malade, le roi Hui (惠王) vient lui rendre visite et lui demande s’il a rĂ©flĂ©chi Ă  un successeur. Gongshu Zuo recommande Shang Yang, et, voyant que le roi ne le prend pas au sĂ©rieux, ajoute : « Si Votre MajestĂ© n’a pas l’intention de faire usage de Yang, qu’elle le fasse assassiner. Il ne faut pas qu’il quitte le pays ! » Plus tard, Gongshu Zuo rĂ©vĂšle Ă  Shang Yang son entrevue avec le roi et lui recommande de fuir, mais Shang Yang rĂ©pond : « Si Sa MajestĂ© a dĂ©cidĂ© de ne pas suivre votre conseil de me faire Premier ministre, pourquoi donc suivrait-elle celui de me faire assassiner ? » Effectivement, Hui estime que Gongshu Zuo Ă©tait en train de dĂ©lirer et ne suit aucun de ses conseils.

Chancelier de l'État de Qin

Vers 361 av. J.-C., Shang Yang entend parler de l'appel lancĂ© par le duc Xiao de Qin, Ă  ce que des hommes de talent viennent servir son Ă©tat. Shang Yang rĂ©pond Ă  l'appel, quitte le Wei et se rend au Qin, oĂč il est hĂ©bergĂ© par Jing Jian (æ™Żç›Ł), mignon du duc, qui l'introduit auprĂšs de ce dernier. Cependant leur premier entretien se passe trĂšs mal : Xiao s’endort Ă  plusieurs reprises et n’écoute pas la conversation. L’entrevue terminĂ©e, il rĂ©primande Jing Jian : « Ton invitĂ© est un imposteur ! Comment puis-je donc me servir d’un homme pareil ? » Jing Jian rĂ©primande Ă  son tour Shang Yang, qui rĂ©pond : « J’ai parlĂ© au duc de ce qu’était la voie de l’empereur, mais je crains que cela n’ait Ă©tĂ© au-delĂ  de sa comprĂ©hension. » Il demande un nouvel entretien, mais lĂ  encore ne parvient pas Ă  intĂ©resser le duc. Shang Yang dit : « J’ai parlĂ© au duc de ce qu’était la voie du roi, mais cela ne semble pas l’avoir intĂ©ressĂ©. » Au troisiĂšme entretien, le duc ne voit toujours pas comment il pourrait l'employer, cependant il dit Ă  Jing Jian : « Ton invitĂ© est quelqu’un de bien ! J’ai plaisir Ă  l’entendre discourir. » Shang Yang dit : « J’ai parlĂ© au duc de ce qu’était la voie de l’hĂ©gĂ©mon et il semble qu’il ait envie de s’y prĂȘter. S’il accepte de me recevoir encore une fois, je saurai exactement quoi dire. » Le quatriĂšme entretien passionne tellement le duc qu’il dure plusieurs jours au cours desquels il se retrouve assis Ă  l'extrĂȘme bout de son siĂšge, comme pour boire les paroles de Shang Yang.

ImpressionnĂ©, le duc Xiao engage Shang Yang. Lorsque celui-ci dĂ©sire entreprendre des rĂ©formes, le duc se montre d'abord rĂ©ticent, par peur des critiques que cela pourrait attirer. Il doit Ă©galement faire face aux rĂ©ticences des conseillers Gan Long (甘韍) et Du Zhi (æœæ‘Ż), qui ne jurent que par les anciens rites et les anciennes lois. NĂ©anmoins Shang Yang parvient Ă  convaincre le duc Xiao, qui le nomme chĂ©ngxiĂ ng (侞盾) et l’autorise Ă  entreprendre ses rĂ©formes.

Selon le Shiji, aprĂšs avoir Ă©laborĂ© ses lois, Shang Yang se retient de les promulguer, de crainte que le peuple ne les prenne pas au sĂ©rieux. Il fait planter un poteau Ă  la porte sud de la place du marchĂ© de la capitale et annoncer que quiconque dĂ©placera le poteau Ă  la porte nord recevra dix piĂšces d’or. Personne dans la foule n’osant approcher, Shang Yang porte la rĂ©compense promise Ă  cinquante piĂšces d’or. Une personne ose dĂ©placer le poteau et reçoit sur le champ sa rĂ©compense, dĂ©montrant que les dĂ©crets de Shang Yang ne sont pas mensongers. Celui-ci fait alors promulguer ses lois.

Au bout d’un an, Shang Yang constate la persistance de vives rĂ©ticences de la part du peuple. Il estime que si ses lois sont si mal perçues, c’est parce que les nobles ne les suivent pas. Le prince hĂ©ritier lui-mĂȘme violant la loi, Shang Yang, ne pouvant le chĂątier directement, fait punir son tuteur Gongzi Qian (ć…Źć­è™”) et tatouer son prĂ©cepteur Gongsun Jia (ć…Źć­«èłˆ), afin de prouver que mĂȘme les nobles ne sont pas Ă  l’abri de la nouvelle lĂ©gislation. Quelques annĂ©es plus tard, Gongzi Qian ayant Ă  nouveau violĂ© la loi, il lui fait couper le nez. AprĂšs une dizaine d’annĂ©es, les dolĂ©ances du peuple se changent en compliments. Ne supportant pas les beaux parleurs, Shang Yang fait dĂ©porter aux frontiĂšres ceux qui viennent le fĂ©liciter de ses rĂ©formes.

Shang Yang entreprend la construction de palais et de jardins à Xianyang et y fait déplacer la capitale pour centraliser le pouvoir.

Victoire sur l'État de Wei

En 342 av. J.-C., l’État de Qi inflige une sĂ©vĂšre dĂ©faite Ă  l’État de Wei lors de la bataille de Maling. Shang Yang parvient Ă  convaincre le duc Xiao que c’est une occasion idĂ©ale pour attaquer Ă  son tour le Wei. En 341 av. J.-C., le duc Xiao envoie Shang Yang combattre le Wei tandis que de son cĂŽtĂ©, le Wei dĂ©pĂȘche le gĂ©nĂ©ral Gongzi Ang (慬歐捬), que Shang Yang avait connu Ă  l'Ă©poque oĂč il vivait au Wei. Shang Yang invite Gongzi Ang Ă  venir boire un peu de vin avec lui en souvenir du passĂ©. Ne soupçonnant pas de traĂźtrise, Gongzi Ang accepte, mais son armĂ©e est attaquĂ©e par surprise et lui-mĂȘme fait prisonnier. AprĂšs cette dĂ©faite, le roi Hui de Wei est obligĂ© d’accepter de dures concessions, notamment de cĂ©der au Qin les territoires Ă  l’ouest du Fleuve Jaune[3] et les points de passage sur ce cours d'eau, mettant ainsi le Wei dans un Ă©tat de faiblesse dont il ne se relĂšvera jamais. Il aurait proclamĂ© alors : « Que n’ai-je Ă©coutĂ© les paroles de Gongshu Zuo ! »

AprÚs ses victoires sur le Wei, Shang Yang reçoit le fief de Shang, qui comprend quinze villes.

DisgrĂące et mort

Au cours de sa carriĂšre, Shang Yang s'est fait de trĂšs nombreux ennemis, notamment parmi la famille rĂ©gnante et ses familles alliĂ©es. Vers 338 av. J.-C., il accorde une entrevue Ă  un certain Zhao Liang (è¶™è‰Ż). ImpressionnĂ©, Shang Yang l’invite Ă  travailler pour lui, mais Zhao Liang refuse puis, au cours d’une longue discussion, expose les failles de ses rĂ©formes qui ont accumulĂ© les rancƓurs, et lui donne le conseil de prendre sa retraite. Shang Yang ne suit pas ce conseil. Cinq mois plus tard, le duc Xiao meurt, le laissant sans protecteur.

Selon l'historiographie traditionnelle, il est alors victime du systĂšme qu'il a lui-mĂȘme mis en place : accusĂ© de complot contre le souverain et condamnĂ© selon la loi qu'il lui-mĂȘme promulguĂ©e, il fuit. Au cours de sa fuite, il cherche Ă  se dissimuler dans une auberge, mais faute d'avoir sur lui les papiers d’identitĂ© requis en vertu d'une autre de ses lois, il se voit refuser l'hĂ©bergement par l'aubergiste effrayĂ© des sanctions encourues.

Il tente de se rĂ©fugier au Wei, mais les dirigeants, emplis de rancƓur et scandalisĂ©s de la façon dont il a vaincu Gongzi Ang peu de temps auparavant, et peu soucieux de mĂ©contenter le Qin, l'y font reconduire. Il rentre dans son fief de Shang, y lĂšve une armĂ©e pour attaquer Zheng, mais il est tuĂ© au cours de la bataille. Son corps est Ă©cartelĂ© entre deux chariots en guise d’avertissement et sa famille exterminĂ©e en application de la punition prĂ©vue.

Le nouveau duc, Huiwen de Qin, conserve cependant son systĂšme.

RĂ©formes

RĂ©formes judiciaires et administratives

Shang Yang Ă©tend la solidaritĂ© du clan (impĂŽt payĂ© en commun, entraide entre les familles en cas de problĂšmes, etc.) au domaine criminel, imposant la dĂ©lation et la responsabilitĂ© collective devant la justice. Si une faute est commise, tous les chefs de famille du clan sont punis. Le chef fait rĂ©gner l'ordre dans son clan. Ce systĂšme de « police intĂ©rieure » ou de « justice interne » permet Ă  l'État de faire des Ă©conomies.

Par ailleurs, un nouveau dĂ©coupage territorial du pays de Qin est mis en place, qui met fin aux fiefs et crĂ©e 30 Ă  40 xian, districts ayant chacun un fonctionnaire Ă  sa tĂȘte. Les unitĂ©s de poids et mesures sont normalisĂ©es.

RĂ©forme fiscale

Shang Yang impose l'enregistrement du domicile de chaque habitant[4]. Deux hommes adultes (qu'il s'agisse d'un pĂšre et d'un fils ou de deux frĂšres[4]) ne peuvent plus vivre sous le mĂȘme toit qu'au prix d'un doublement de l'imposition du foyer[5]. Ces mesures qui font Ă©clater le systĂšme des grandes familles[5] peuvent s'analyser comme l'expression d'une politique d'affaiblissement du lignage patrilinĂ©aire, dont la force faisait obstacle Ă  l'emprise directe de l'État sur les individus et Ă  ses capacitĂ©s de mobilisation militaire et Ă©conomique[4].

Terre comme richesse de l'État

À partir des rĂ©formes de Shang Yang, on peut acheter ou vendre des terres. L'accĂšs Ă  la propriĂ©tĂ© est possible si l'on cultive une terre libre pendant cinq ans. Quand la rĂ©colte est suffisante, le paysan est exemptĂ© de corvĂ©e. En revanche, toute personne « oisive » (c’est-Ă -dire qui vit de ses rentes) est condamnĂ©e Ă  l'esclavage.

Shang Yang veut accroĂźtre les revenus de l'État en stimulant les progrĂšs techniques qui Ă©voluent, en mĂȘme temps que les connaissances scientifiques, au fil des dĂ©couvertes. On note de grands progrĂšs dans l'agriculture, oĂč les instruments en os et en bois sont remplacĂ©s par des charrues en fer. L'État renforce la production de fer et de charbon de bois afin de produire plus d'acier et d'en gĂ©nĂ©raliser l'emploi.

La mise au point des canaux permet la prévention des inondations, l'expansion de la navigation intérieure et le développement de l'irrigation.

Historiographie

Bien que les réformes agraires et fiscales de Shang Yang aient porté leurs fruits, la radicalité de ses mesures et la sévérité des peines appliquées à ceux qui violaient ses lois en firent une figure particuliÚrement controversée et souvent blùmée pour sa cruauté, notamment par les confucianistes des générations ultérieures. Le portrait qu'en dresse le Shiji est relativement négatif, le légisme étant déjà en déclin à l'époque de sa rédaction.

Culture moderne

La sĂ©rie chinoise The Qin Empire (en) de 2009 est largement une hagiographie de Shang Yang et de son Ɠuvre.

Notes et références

  1. Sima Qian, Shiji, chap. 68, traduction française disponible sur Wikisource.
  2. Le Wei (èĄ›) dont est originaire Shang Yang est distinct du Wei (魏) qu'il servit dans sa jeunesse. Les positions gĂ©ographiques et les sinogrammes sont diffĂ©rents.
  3. Dans cette région il coule selon un axe approximativement nord-sud
  4. Michel Aglietta et Guo Bai (trad. de l'anglais par Christophe Jaquet), La Voie chinoise : Capitalisme et Empire, Paris, Odile Jacob, coll. « Économie », , 431 p. (ISBN 978-2-7381-2846-1, lire en ligne), « Le rĂŽle de l'histoire et de la culture dans la rĂ©silience du cadre institutionnel chinois », p. 24.
  5. Mayfair Mei-hui Yang et Jean-François SĂ©nĂ©, « Une histoire du prĂ©sent. Gouvernement rituel et gouvernement d'État dans la Chine ancienne », Annales, vol. 46, no 5,‎ , p. 1041-1069 (DOI 10.3406/ahess.1991.278996, lire en ligne).
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