Session irlandaise
Une session irlandaise ou session de musique traditionnelle irlandaise est une réunion de musiciens, plus ou moins informelle, pour converser et jouer de la musique traditionnelle irlandaise.
Introduction
La session a souvent lieu dans un pub, ou chez quelqu'un, dehors... Les musiciens ne se connaissent pas forcément entre eux. Ils partagent un répertoire commun de mélodies traditionnelles irlandaises, connues par cœur. Chacun peut tour à tour lancer une mélodie ou une suite de mélodies. Ce n'est pas un concert, ce n'est pas une répétition, ce n'est pas une jam ou un bœuf. Il n'y a pas du tout d'improvisation au sens de la jam ou du bœuf.
En général, les mélodies sont jouées par série de trois : un set. Le musicien qui lance le premier morceau du set propose également les morceaux suivants. Les autres participants jouent avec lui s'ils connaissent les airs ou en profitent pour accroitre leur répertoire : en effet, chaque morceau est en général constitué de deux parties qui seront répétées trois fois. Ainsi, l'apprentissage et la transmission se fait d'oreille. L'improvisation réside dans le choix des airs enchaînés. Il existe aussi de nombreux sets, dits classiques, qui sont presque toujours joués dans un ordre précis.
La session se caractérise également souvent par le fait que les musiciens ne sont pas nécessairement installés sur une scène. La plupart du temps, ils sont assis à une table comme les autres consommateurs et discutent entre eux entre les morceaux. En général, sauf dans les pubs vraiment généreux, ils doivent payer eux-mêmes leurs consommations. Si vous appréciez la musique qui vous est offerte, ils apprécieront tout autant la bière que vous pourriez avoir envie de leur offrir.
D'après le musicologue Breandan Breathnach, cette forme de mise en commun n'est pas nécessairement "traditionnelle", au sens où la musique irlandaise a longtemps reposé sur l'intervention exclusive d'instruments solistes non accompagnés[1].
Niveaux
On peut qualifier les sessions en 3 niveaux pour aider la compréhension. Cependant toutes les combinaisons sont possibles.
Slow session
C'est une réunion de débutant, parfois avec un meneur qui connait plus et renforce le jeu pas encore affirmé. On apprend et on joue d'oreille, mais on peut y voir quelques partitions. Les allures sont délibérément très lentes. Le but est l'apprentissage. La prise de parole peut être un peu formalisée : chacun son tour, ou pas. Le lieu est souvent moins public qu'un pub : maison privée ou salle moins fréquentée.
Intermédiaire
Des amis réguliers se retrouvent. Ils jouent depuis plusieurs années ensemble. Un fond commun et habituel de mélodies existe. Les allures sont variées, de lentes à modérées. Les transitions sont correctes. Un débutant pourra se joindre sur les airs qu'il connait. La plupart des participants connaissent l’existence de l'étiquette.
Experte
Répertoire immense. Airs rares et/ou compliqués. Cadences absolument respectées. Maîtrise excellente des mélodies. Transitions entre airs parfaites. Comportement parfait. Connaissance très avancée de l'étiquette. Allures soutenues ou très soutenues.
Ouverture
En sus du niveau qu'il faut savoir percevoir et respecter, on peut ou pas se joindre à une session. Les qualifications suivantes permettent la compréhension, mais sont en fait rarement utilisées.
Open
La session est annoncée open. Tout musicien quel qu'il soit, connu ou non, s'il souhaite jouer de la musique traditionnelle irlandaise au format session et en respectant l'étiquette, peut se joindre. En général il demande poliment s'il peut le faire. Par politesse et humilité il s'installe plutôt dans le deuxième cercle.
Semi open
Un noyau de musiciens est engagé formellement, parfois payé, pour assurer la musique. Ce noyau décide si l'événement est open ou sur invitation seulement c'est-à -dire semi open.
Gig
Pour information, un gig est une performance. Par abus on pourrait être tenté de la qualifier de session, mais ce n'est plus le cas. Seules les personnes engagées jouent.
Étiquette
Une session de musique traditionnelle irlandaise est un lieu fragile. L'apparence de gentille anarchie est trompeuse. Elle peut entrainer des impressions d'élitisme ou d'exclusivité chez le non-initié. Il suffit en fait d'être un peu éclairé sur certaines règles de comportement. Il est possible d'en mentionner de nombreuses. Cela reste délicat, car chaque sensibilité mettra pas ou peu ou plus d'importance sur tel ou tel point. C'est un sujet inépuisable d'amusement et de discorde. La clé est probablement de commencer par observer, calmement, beaucoup, comment ça se passe. Venez sans instruments et observez. Sur plusieurs mois.
L'étiquette n'est quasiment jamais expliquée ouvertement. Le faire est peut-être ressenti comme hautain. Ou comme inutile car elle est supposée avoir été acquise culturellement grâce à de nombreuses expositions à la session. Cette discrétion complique cependant passablement les choses pour les nouveaux venus dans cette culture. Risquons certaines propositions pour orienter l'approche.
- Si vous n'avez pas envie de lire ce qui suit, remplacez cette lecture par trois mois en Irlande avec présence sans instruments à 2 sessions par semaine.
- Si vous ne connaissez pas du tout le principe de la session, commencez par venir plusieurs fois sans instrument. C'est essentiel.
- Si de passage dans une session, il faut avoir la sensibilité de comprendre où on met les pieds : Est-ce trop fort pour moi, est-ce une session modeste ? Peut-être dois-je laisser ces très confirmés rouler, ou bien laisser ces débutants aller tranquillement. On écoute, on observe, on est sensible à ce qui se passe, on s'adapte.
- On ne joue pas sur partition mais de mémoire. N'amenez pas de partition en session.
- Il n'y a pas vraiment de leader.
- Entre les suites, il y a un moment de calme pour la discussion, pour laisser la session respirer, pour donner une opportunité à quelqu'un d'autre de lancer un air. Il n'y a pas de course. Le calme c'est : pas de guitare qui "grattouille" sans fin, pas de bodhran qui tape sans fin, pas forcément chercher tout de suite l'air suivant sur son instrument. Du calme. Zéro instrument qui joue, pour un moment. C'est essentiel.
- Si vous connaissez peu ou pas, observez beaucoup et ne soyez pas intimidé de poser des questions dans les moments de calme.
- Chacun peut lancer une suite.
- On apprend les airs Ă la maison. Pas en session.
- On essaie toujours de mettre plusieurs airs Ă la suite.
- Si un musicien ne sait pas quoi mettre après un air, il peut simplement poser la question à un autre musicien : "aurais tu une idée pour mettre après ?"
- Un débutant pourra peut-être jouer au rythme qui lui convient, sans non plus imposer à une session clairement pas à sa portée un rythme inopportun.
- Un confirmé pourrait proposer de jouer au rythme qui lui convient, mais certainement pas dans une session modeste.
- Il est de bon ton de proposer la parole à une personne timide, ou un débutant, ou de passage, sans pour autant insister lourdement si l'offre est déclinée. Ne jamais oublier que c'est ainsi que tous ont commencé à jouer.
- Après avoir lancé une suite, un musicien offrira aux autres l'espace, pour que la parole tourne. Pas de monopolisation. Il n'enchaîne pas invariablement sur un autre de ses tubes.
- Personne - débutant ou confirmé - ne peut imposer de jouer tout son répertoire.
- Si vous êtes totalement nouveau dans cette culture, avec un grandiose niveau de musicien classique, ce dernier vous permet bien sûr de comprendre que vous ne comprenez rien. Donc : Discrétion, sensibilité, patience.
- Prendre le temps d'arriver en session. Éviter de s'asseoir et de "balancer". Sentir d'abord comment ça se passe.
- Arrivé tardivement, accordez vous un petit peu plus loin, pour ne pas briser le mouvement général. En tout cas discrétion et brièveté sont de bon ton. Autrement : Arrivez à l'heure.
- Pour lancer un air - ce qui peut être intimidant - soyez très confortable avec celui-ci. vous devez pouvoir le tourner de nombreuses fois correctement. Sachez aussi que vous êtes supposé proposer les suivants du set de 3 airs. Si vous n'avez pas cette assurance, demandez discrètement "Connaitriez-vous cet air ?" et puis peut-être "Je ne sais pas trop quoi mettre après. Une idée ?".
- L'accordage se fait parcimonieusement. Si vraiment vous avez besoin de le faire longuement, agissez à l'écart. Un accordage long au milieu du cercle est irritant : Cela empêche les discussions, empêche potentiellement une proposition de set…
- Si un musicien commence à une vitesse donnée, les autres musiciens suivent ce rythme : Pas d'accélération, pas de ralentissement.
- Une idée directrice est de chercher à jouer ensemble. Trop rare, trop vite, trop lent, tonalité non standard, version alambiquée… diminuent le partage.
- Il y a en général un meneur pour le set en cours. Il a commencé, a choisi une vitesse et il est supposé proposer les airs suivants. Donc on l'écoute et on s'adapte.
- Après avoir proposé un air rare, suivre avec une(des) mélodie(s) populaire(s) montre aux convives combien on a envie de jouer ensemble. C'est une douce et sympathique attention.
- On cherche à finir un air commencé, quitte à se tromper - un peu - mais toujours en rythme.
- Une session est un lieu de transmission. Cela guide les choix pour l'augmenter un peu.
- S'il y a plusieurs bodhrans ou guitares, les musiciens vont chercher l'alternance : laisser de la place aux autres. De temps en temps, ne pas jouer du tout. Une certaine discrétion : pas de jeux trop forts. L'idée n'est pas d'être sur un ring en compétition.
- On Ă©vite de lancer trop d'airs lents en session.
- C'est une musique vivante, pas écrite. La mélodie qui fait foi est celle jouée par celui qui propose l'air. Si la version jouée est trop distante de celle qu'on connaît, on a la délicatesse de ne plus jouer. On écoute, on s'adapte.
- Il est délicat de tracer une ligne entre des versions d'air magnifiques mais rares, et leurs versions plus simples mais plus partageables et transmissibles.
- Jouer du bodhran s'apprend. Ça ne s'improvise pas.
- Une session n'est pas un concert ni une performance : pas de place pour le petit trio de passage - certainement très bon - et son répertoire - super - de concert, qui monopolise l'espace et le temps.
- Une participation régulière à une session permet d'apprendre de temps en temps les airs des autres. On ne fait pas qu'amener son propre matériel, mais on adopte aussi celui des autres.
- On s'accorde sur les instruments non accordables (accordéons, concertinas) et pas sur un accordeur électronique.
- Rien ne sert d'être en accord absolu si on est pas accordé sur les instruments non accordables.
- Le bodhran ne cherche pas Ă ĂŞtre au-dessus du groupe, mais avec.
- La guitare aussi.
- On cultive un répertoire irlandais. Partir sur d'autres répertoires - merveilleux - est bien mais exclut les personnes qui se déplacent pour faire de la musique irlandaise.
- Des tonalités rares sont belles mais excluent les concertinas, les whistles, les flûtes, les pipes, les accordéons…
- Un bodhran ne joue pas forcément sur chaque set.
- L'habitude est plutôt à l'unisson. Les voix scabreuses obscurcissent plutôt qu'embellissent. Elles entravent l'écoute attentive des mélodies et la transmission.
- On Ă©vite de discuter quand d'autres jouent. En effet les musiciens se concentrent sur leur jeu ou encore l'Ă©coute. Le fameux "calme" entre les sets permet justement de parler sereinement.
- Le passage à l'air suivant est coordonné par celui qui a lancé le set : un coup d'œil silencieux de sa part est l'indicateur. Sans indications, probablement on répète l'air.
- On Ă©vite de jouer deux fois le mĂŞme air lors d'une session.
- Les bodhrans ou les bones sont les instruments de percussion. Ne tapez pas sur le corps de votre guitare, ou votre cuisse, ou la caisse de votre harpe, ou sur la table, ou ailleurs : cela couvrirait la mélodie.
- Si vous ne connaissez pas un air, vous ne pourrez pas l'improviser et encore moins improviser dessus. N'essayez pas d'improviser svp [??]. Ce n'est pas un bœuf, ou un bœuf de jazz, ni une jam. Souvenez-vous que transmission se fait par l'écoute : Une improvisation n'apporte rien et ruine l'écoute.
- Prenez note ou enregistrez et apprenez à la maison. Les musiciens se feront probablement un plaisir de vous donner les références. Quoi que…
- On ne se souvient pas forcément du nom des airs.
- On cherche à faire vivre aussi les autres formes d'airs : polka, marche, slide, hornpipe, barndance, highland, fling, set danse… en sus des jig et reel.
- Arrivé tardivement, on demande aux autres si l'air que l'on a envie de proposer a déjà été joué. Si oui, on en trouve un autre. Si malgré tout on veut jouer tel air déjà joué, on arrive à l'heure.
- En session amenez un enregistreur.
- Prenez place dans la sessions seulement si vous allez jouer effectivement.
- Nouveau venu dans une session experte, ne prenez pas place dans le cercle intérieur. Il s'ouvrira souvent aux musiciens habituels ou respectés. Vous ne pouvez vous attendre à cela pour vous. C'est normal et non agressif.
- Dans une session modeste, Ă©taler ostensiblement sa science d'expert est une outrecuidance.
- Demandez la permission de toucher un instrument qui ne vous appartient pas.
- En général les airs sont joués 3 fois chacun. Mais c'est variable selon les régions et le moment. De 2 à 5 ou 6… Votre approche discrète, patiente, de la session, vous permet justement de voir quelle est l'habitude. Augmenter le nombre permet une meilleure transmission.
- ...
Notes et références
- (en) 2011 at 11:11 in General Discussions Posted by Tradconnect Reviews on October 27 et View Discussions, « Session Etiquette », sur tradconnect.com (consulté le )
- (en-US) « The Irish Trad Session Explained », sur blog.mcneelamusic.com, (consulté le )