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Scopélisme

Le scopĂ©lisme (du grec σÎșÎżÏ€Î”Î»oς, skopelos, « endroit d'oĂč l'on peut Ă©pier ») est un rite consistant Ă  poser de grosses pierres dans les champs cultivables pour gĂȘner ou empĂȘcher le labourage, accompagnĂ© d'une menace de mort. Avant d'ĂȘtre un crime agraire prohibĂ©, le scopĂ©lisme est un rite extrajudiciaire, parfois considĂ©rĂ© comme lĂ©gal parfois non, permettant Ă  quelqu’un de s'opposer Ă  la mise en culture d'une terre dĂ©terminĂ©e. Il correspond peut-ĂȘtre historiquement Ă  une pratique des pasteurs envers leurs concurrents dans l’usage de la terre, les agriculteurs[1].

À l'inverse de l'Ă©pierrage, le scopĂ©lisme a pour but d'empĂȘcher la labourage.

Sens du terme

Les documents notariĂ©s de l’administration des biens ecclĂ©siastiques de LiĂšge rapportent Ă  plusieurs reprises au XVIIIĂšme siĂšcle, le crime de scopĂ©lisme[2]. Le terme renvoie Ă  un malĂ©fice opĂ©rĂ© sur ces terres, par opĂ©ration magique. Dans le dictionnaire des superstitions rĂ©digĂ© par De Chesnel de 1856[3], on peut lire que le terme dĂ©signe un malĂ©fice, consistant Ă  rassembler une pile de cailloux au milieu d’un champ, en le disposant d’une certaine maniĂšre et en prononçant certaines paroles. Ce rite avait pour but de paralyser le sol et la semence qui s’y trouvait, et d’exposer le propriĂ©taire du champ qui voudrait s’opposer Ă  ce malĂ©fice Ă  une mort violente.

Le scopĂ©lisme dĂ©signe donc d’une part la pratique du rite malĂ©fique et d’autre part le crime consistant Ă  pratiquer ce malĂ©fice. Chauvin note toutefois qu’avant d’ĂȘtre prohibĂ©, le rite a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme lĂ©gal[1].

Tant le charme que le dĂ©lit apparaissent remonter Ă  l’Arabie antique, puis Ă  l’Egypte, et seraient arrivĂ©s en occident par l’intermĂ©diaire des Grecs et des Romains.

Analyses

Omar Saghi, revenant sur le rite de lapidation des stĂšles de Satan rĂ©alisĂ© Ă  Mina, le rapproche du scopĂ©lisme en indiquant que pour les anthropologues, ce rite fonctionnaliste a pour vocation « de laisser un terrain sacrĂ© en friche et d’empĂȘcher sa mise en culture en y jetant rĂ©guliĂšrement des cailloux »[4].

Louis de Jaucourt, rĂ©dacteur de l'EncyclopĂ©die, le reliait Ă©galement Ă  l'Arabie mais le raccrochait au domaine de la superstition magique : « espece de charme qui se pratiquoit principalement en Arabie ; on croyoit qu’en jettant des pierres enchantĂ©es par sortilege dans un champ, on l’empĂȘchoit de rapporter »[5].

L'historien Paul Huvelin indique en 1925 que le scopélisme, ou jet de pierre, jactus lapilli en latin, est certes mal documenté, mais attesté par Ulpien comme un rite pratiqué chez les Arabes, et il le rapproche du droit romain et de la prohibitio, ou « forme d'opposition légale aux travaux qu'un occupant voulait faire sur un terrain donné ». Il conclut ainsi : « au moins dans les parties orientales de l'Empire, le jet de pierre était un rite légal servant à rendre un terrain inutilisable pour son occupant », disponible tant pour un particulier que pour la puissance publique, notamment le fisc[6].

DuliĂšre considĂšre toutefois qu’au temps des romains, le perpĂ©trateur pouvait ĂȘtre poursuivi et condamnĂ©, non en raison d’une efficacitĂ© supposĂ©e du rite, mais en vertu de la menace de mort vĂ©hiculĂ©e par le rite[2]. Le mĂȘme auteur note qu’il n’est pas Ă©tonnant qu’un rite attribuant un pouvoir Ă  des pierres ait Ă©tĂ© imaginĂ© par le Arabes, puisque ce sont les mĂȘmes qui a l’époque de Mohammed ont rĂ©cupĂ©rĂ© le rite de la pierre noire.

L'historien Romain Grancher fait un parallĂšle entre le scopĂ©lisme et la pratique des pĂȘcheurs de la baie d'Étretat, qui pour s'opposer Ă  l'usage du chalut des pĂȘcheurs de Honfleur et de Dieppe, et prĂ©server une ressource commune, avaient jetĂ© en 1821 des blocs de rochers sur les fonds marins[7].

Scopélisme dans la Bible ?

Le livre de Job mentionne (Job 5:3) « Mais tu feras alliance avec les pierres des champs, et les bĂȘtes des champs seront en paix avec toi. ». DuliĂšre note que certains spĂ©cialistes y voient une allusion au scopĂ©lisme et une rĂ©miniscence d’une croyance animiste arabe, avec une proposition pour s’en protĂ©ger, ce qui pour lui justifie que ce passage ait Ă©tĂ© retirĂ© dans certaines versions du livre[2].

Notes et références

  1. Victor Chauvin. OCLC Number: 187105240. Notes: Ur: . Sér. 3: T.23., Le scopélisme, t. 23, 29-57 p..
  2. Duliere, W. L. (1954). Le scopélisme, crime oublié: Survivance d'un terme de magie au pays de LiÚge. Le flambeau, 1954(4), 426-436.
  3. de Chesnel, A. (1856). Dictionnaire des superstitions erreurs préjugés et traditions populaires. Migne.
  4. Omar Saghi, Paris – La Mecque. Sociologie du pùlerinage, Paris, PUF, , 296 p. (ISBN 978-2-13-058281-6, lire en ligne), p. 61
  5. Luciana Alocco, « Le domaine obscur et inconfortable de la « magie » », Recherches sur Diderot et sur l'EncyclopĂ©die, nos 40-41,‎ , p. 233–250 (ISSN 0769-0886, DOI 10.4000/rde.333, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Paul Huvelin, « ΛΙΘΟΙ ÎˆÎ“Î€Î™ÎšÎĄÎ•ÎœÎ‘ÎÎ€Î‘Î™ », Revue des Études Anciennes, vol. 27, no 2,‎ , p. 94–96 (DOI 10.3406/rea.1925.5226, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. Romain Grancher, « Écrire au pouvoir pour participer au gouvernement des ressources. L’usage des mĂ©moires dans la controverse sur le chalut (Normandie, premier XIXe siĂšcle) », sur HAL, L’Atelier du Centre de recherches historiques, CRH, CNRS-EHESS, (consultĂ© le )

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • P. Delancre, De l'inconstance des mauvais anges et dĂ©mons, Paris, Nicolas Buon, 1612, in-4°, 900 pages.
  • Victor Chauvin, Le scopĂ©lisme, F. Hayez, .
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