Redlining
Le redlining est une pratique discriminatoire consistant Ă refuser ou limiter les prĂȘts aux populations situĂ©es dans des zones gĂ©ographiques dĂ©terminĂ©es. Le terme Redlining fut inventĂ© par le sociologue John McKnight dans les annĂ©es 1960 en rĂ©fĂ©rence Ă la pratique de dĂ©limiter par une ligne rouge les zones dans lesquelles les banques devaient Ă©viter d'investir. Plus tard aux Ătats-Unis, ce sens se gĂ©nĂ©ralisa pour dĂ©signer toute pratique discriminatoire (habituellement raciste) qui n'est pas fondĂ©e sur la capacitĂ© rĂ©elle de payer, sans nĂ©cessairement faire rĂ©fĂ©rence Ă un quartier prĂ©cis.
Historique
La pratique du redlining dĂ©buta avec la National Housing Act en 1934 et la crĂ©ation de la Federal Housing Administration[2]. Ce programme propose des prĂȘts immobiliers abordables mais Ă©tablit une cartographie des quartiers[3]. En 1935, la Federal Home Loan Bank Board (en) demanda Ă la Home Owners' Loan Corporation d'Ă©tudier 239 villes et de crĂ©er des cartes rĂ©sidentielles de sĂ©curitĂ© afin d'indiquer le niveau de risque des investissements rĂ©sidentiels dans chacune de ces villes.
Un code couleur est alors mis en place : vert pour les quartiers riches des hommes d'affaires, bleu pour les quartiers des familles blanches favorisées, jaune pour les quartiers ouvriers et rouge pour les étrangers, les blancs défavorisés mais surtout les Afro-Américains[3].
L'ensemble de ces cartes Ă©tait fondĂ© sur des hypothĂšses par rapport Ă la population moyenne et non une Ă©valuation prĂ©cise de la situation ou de la capacitĂ© des mĂ©nages Ă rembourser et rendirent de nombreux quartiers pratiquement non admissibles au financement hypothĂ©caire. DĂšs lors, les populations noires ne furent plus les bienvenues dans les quartiers blancs, car mĂȘme la prĂ©sence d'une seule famille noire Ă©tait suffisante pour nuire Ă la cote d'un quartier au complet. Ă divers moments, cette pratique affecta Ă©galement divers groupes ethniques tels que les Juifs, les Latinos ou les Asiatiques.
Les populations qui n'avaient plus la capacitĂ© d'obtenir des prĂȘts hypothĂ©caires abordables dans ces zones, mais qui Ă©taient autrement solvables, ont alors dĂ©mĂ©nagĂ© laissant sur place les plus pauvres[4].
La mise en place du redlining entraĂźna une forte augmentation de la sĂ©grĂ©gation raciale et Ă une dĂ©surbanisation des zones frappĂ©es par le redlining. Des spĂ©cialistes de l'urbanisme estimĂšrent que ces cartes furent utilisĂ©es pendant des annĂ©es par les entreprises privĂ©es et publiques afin de refuser des prĂȘts aux mĂ©nages des communautĂ©s noires[2].
Sur ces cartes, les nouvelles zones considĂ©rĂ©es comme sĂ»res et propices aux prĂȘts sont entourĂ©es en bleu et dĂ©signĂ©es comme des zones de type A. Elles correspondent gĂ©nĂ©ralement aux banlieues aisĂ©es de la pĂ©riphĂ©rie des villes. Les quartiers considĂ©rĂ©s comme type B sont dĂ©signĂ©s comme des zones encore sĂ»res. Les quartiers de type C sont entourĂ©s en jaune et considĂ©rĂ©s comme Ă©tant sur le dĂ©clin. Enfin, les zones classĂ©es type D sont entourĂ©es en rouge et considĂ©rĂ©es comme des zones Ă risque. Ces quartiers sont souvent des quartiers au centre-ville ou des quartiers noirs[2].
Certaines cartes, comme celle de Philadelphie prĂ©parĂ©e par J. M. Brewer en 1934, Ă©taient produites directement par les entreprises privĂ©es. Les entreprises privĂ©es crĂ©aient ces cartes afin de se conformer aux critĂšres de la FHA, car les prĂ©teurs devaient tenir compte de ces critĂšres s'ils voulaient ĂȘtre admissibles aux conditions avantageuses d'assurance-prĂȘt que la FHA leur offrait.
En 1968, le redlining est déclaré illégal, mais ce n'est qu'à la fin des années 1970 qu'il décline vraiment[3].
C'est en 1976 avec la publication obligatoire des donnĂ©es de prĂȘts que les historiens prouvent que le gouvernement avait dĂ©libĂ©rĂ©ment classĂ© en rouge les quartiers habitĂ©s par les Noirs[5].
Selon une étude de 2022 du projet FiveThirtyEight, le redlining a encore des conséquences cinquante ans aprÚs son interdiction : les quartiers anciennement rouges voient toujours une surreprésentation des Noirs, les quartiers anciennement bleus ou verts une surreprésentation des Blancs[6]. En 2022, une étude constate que la pollution atmosphérique, c'est-à -dire les oxydes d'azote et les PM2.5, est plus importante dans les quartiers noirs ou latinos, correspondant aux anciens quartiers rouges[7].
Voir aussi
- sĂ©grĂ©gation rĂ©sidentielle aux Ătats-Unis
- Civil Rights Act de 1968 : interdit la discrimination raciale pour le logement.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Redlining » (voir la liste des auteurs).
- (en) The HOLC maps are part of the records of the FHLBB (RG195) at the National Archives II.
- (en) Kenneth T. Jackson, Crabgrass Frontier: The Suburbanization of the United States, New York, Oxford University Press, , 396 p. (ISBN 0-19-504983-7, lire en ligne).
- Harold BĂ©rubĂ©, « Le redlining, lâoutil discret de la sĂ©grĂ©gation raciale aux Ătats-Unis », sur radio-canada.ca, .
- (en) en:When Work Disappears: The World of the New Urban Poor (Quand le travail disparaĂźt : le monde du nouveau pauvre urbain) par William Julius Wilson. 1996. (ISBN 0-679-72417-6).
- (en) Candace Jackson, « What Is Redlining? », sur nytimes.com, .
- (en) Ryan Best et Elena MejĂa, « The Lasting Legacy Of Redlining », sur fivethirtyeight.com, .
- (en) Darryl Fears, « Redlining means 45 million Americans are breathing dirtier air, 50 years after it ended », sur washingtonpost.com, .