Pré carré
Le pré carré est une métaphore utilisée par Vauban pour résumer la politique qu’il conseillait à Louis XIV et à ses ministres pour mieux défendre le territoire français, consistant à rationaliser le système défensif en abandonnant les places-fortes isolées et en en acquérant d'autres ayant un intérêt stratégique[1].
Dans l'historiographie militaire le nom est parfois attribué à la double ligne de villes fortifiées qui protège les nouvelles frontières du Royaume de France contre les Pays-Bas espagnols, conçue par Vauban dans la seconde moitié du XVIIe siècle après la conquête du nord de la France actuelle.
Origine du signifiant
L'expression « faire son pré carré » signifie « augmenter la surface de ses terres, de son domaine »[2].
Vauban l'utilise dans une lettre à Louvois, en janvier 1673[1] :
- « Sérieusement, Monseigneur, le roi devrait un peu songer à faire son pré carré. Cette confusion de places amies et ennemies ne me plaît point. Vous êtes obligé d'en entretenir trois pour une. Vos peuples en sont tourmentés, vos dépenses de beaucoup augmentées et vos forces de beaucoup diminuées, et j'ajoute qu'il est presque impossible que vous les puissiez toutes mettre en état et les munir. Je dis de plus que si, dans les démêlés que nous avons si souvent avec nos voisins, nous venions à jouer un peu de malheur, ou (ce que Dieu ne veuille) à tomber dans une minorité, la plupart s'en iraient comme elles sont venues. C'est pourquoi, soit par traité ou par une bonne guerre, Monseigneur, prêchez toujours la quadrature, non pas du cercle, mais du pré. C'est une belle et bonne chose que de pouvoir tenir son fait des deux mains »[3].
Organisation
Le pré carré est constitué de deux lignes de villes fortifiées :
- Places de première ligne : Dunkerque, Bergues, Furnes, Ypres, Menin, Lille : enceinte et citadelle, Tournai : enceinte et citadelle, Condé-sur-l'Escaut, Valenciennes : enceinte et citadelle, Le Quesnoy, Maubeuge, Philippeville, citadelle de Dinant, enceinte de Givet et fort de Charlemont.
- Places de seconde ligne : Gravelines, Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys, Saint-Venant, Béthune, Arras (enceinte et citadelle), Douai et fort de Scarpe, Bouchain, Cambrai (enceinte et citadelle), Landrecies, Avesnes-sur-Helpe, Mariembourg, Rocroi, Charleville et Mézières, Sedan, Stenay[4].
Sens moderne
Aujourd'hui, l'expression « pré carré » désigne une zone d'influence exclusive d'un État, d'une entreprise[5] ou même d'une personne.
Notes et références
- Lucien Bély, s.v. Pré carré in Dictionnaire Louis XIV, 2015.
- Trésor de la langue française informatisé, s.v. pré en ligne
- Bernard Pujo, Vauban, p. 63.
- Le pré Carré de Vauban, Fortifs.org.
- Lufthansa s'attaque au pré carré africain d'Air France, sur lefigaro.fr.
Voir aussi
- « Ceinture de fer », surnom donné au réseau de fortifications construites par Vauban aux frontières de la France de 1665 à 1707.
Bibliographie
- David Bitterling, L'invention du pré carré. Construction de l'espace français sous l'Ancien Régime, Paris, Albin Michel,
- Lucien Bély (dir.), Dictionnaire Louis XIV, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1405 p. (ISBN 978-2-221-12482-6)