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Pont de Broughton

Le pont de Broughton édifié en 1826 pour le franchissement de l’Irwell entre Broughton et Pendleton (aujourd'hui deux faubourgs de Salford, dans la banlieue du Grand Manchester), dans le Lancashire, était l'un des premiers ponts suspendus construits en Europe. Le , alors que la troupe marchait au pas cadencé sur cet ouvrage, il se produisit un phénomène de résonance mécanique qui provoqua la ruine du pont[1]. Un pivot de l'une des chaînes de suspension avait cédé, provoquant la chute du tablier vers l'une des extrémités, jetant 40 des soldats à la rivière. À la suite de cet accident, l’Armée britannique révisa ses ordres de manœuvre et ordonna que les passages de ponts se feraient désormais en ordre dispersé.

Le second pont suspendu de Broughton (reconstruit en 1883).

La construction de ce pont est attribuée à un officier de la Marine, Samuel Brown, mais ce point est très débattu en Angleterre[2], puisque certaines sources avancent plutôt le nom de Thomas Cheek Hewes, un charpentier de Manchester spécialisé dans la construction de moulins et de filatures[3].

Le pont, reconstruit et renforcé, fut doté de piles auxiliaires mises en place à chaque manifestation populaire. En 1924, on le remplaça par une passerelle de type Pratt, qui est toujours en service.

Histoire

Construction

En 1826, John Fitzgerald, riche propriĂ©taire de Castle Irwell House (qui accueillera plus tard les courses de plat de Manchester), fit construire Ă  ses frais ce pont suspendu d'une portĂ©e de 46 m au-dessus de l'Irwell entre les villages de Lower Broughton et de Pendleton. Selon l’Imperial Gazetteer of England and Wales (1870–72), tous les usagers devaient s'acquitter d’un droit de passage[4]. Le pont faisait la fiertĂ© des habitants, car le Menai Bridge venait seulement d'ĂŞtre inaugurĂ© et les ponts suspendus Ă©taient alors Ă  la pointe du progrès technique[5]

Accident de 1831

Ce [6], le 60e rĂ©giment de Fusiliers Ă©tait en manĹ“uvre d'entraĂ®nement dans les marais de Kersal Moor sous les ordres du lieutenant Percy Slingsby Fitzgerald[7], fils du dĂ©putĂ© John Fitzgerald et frère du poète Edward FitzGerald. Alors qu'un dĂ©tachement de 74 hommes rentrait Ă  la caserne de Salford par la passerelle[8], les soldats, qui marchaient en rangs de quatre, sentirent que le pont commençait Ă  vibrer au rythme de leur pas. Trouvant la sensation plaisante, certains d'entre eux se mirent mĂŞme Ă  siffloter un air de marche[8]. La tĂŞte de la colonne avait pratiquement atteint la berge cĂ´tĂ© Pendleton lorsque les soldats entendirent « des coups rappelant une fusillade dĂ©sordonnĂ©e[8] ». ImmĂ©diatement, l'une des colonnes en fonte supportant les chaĂ®nes de suspente cĂ´tĂ© Broughton s’abattit sur le tablier, dĂ©crochant dans le mĂŞme mouvement la pierre de la culĂ©e dans laquelle elle Ă©tait encastrĂ©e. Ce cĂ´tĂ© du tablier, privĂ© de support, tomba d'une hauteur de m dans la rivière, jetant Ă  l'eau ou projetant contre les chaĂ®nes 40 des soldats. Comme Ă  cet endroit la rivière est profonde de 60 cm, il n'y eut que des blessĂ©s (une vingtaine), dont six avec une ou plusieurs fractures aux membres[8].

EnquĂŞte

L'enquête montra qu'une cheville d'une des chaînes de suspente avait cédé au point où cette chaîne était fixée au massif d'ancrage en maçonnerie. Les commissaires mirent en cause le fait que l'ancrage de la chaîne à maçonnerie s'appuyait sur une seule cheville et non deux ; en outre, la cheville en cause présentait des défauts de forgeage[9]. Plusieurs autres chevilles étaient pliées, mais n'avaient pas cédé[10]. On s'aperçut aussi que, trois ans plus tôt, Eaton Hodgkinson, le célèbre expert de Manchester, avait émis des doutes sur la résistance relative des chaînes de hauban et des chaînes de suspente ; qu'en tout état de cause, il faudrait en éprouver la résistance par des épreuves d'essai[8]. On découvrit enfin que peu de temps avant l'accident, l'un des pivots de la chaîne s'était plié et fissuré, mais qu'il avait, pour cette raison même, probablement été remplacé. La conclusion fut donc que, si les vibrations dues au pas cadencé avaient précipité la ruine du pont, il aurait de toute façon fini par céder[5].

Conséquences

Le pont aujourd'hui.
Avertissement placardé à l'entrée d’Albert Bridge à Londres.

Quoiqu'elle ne fût pas mortelle, cette catastrophe suscita la méfiance envers les ponts suspendus :

« Compte tenu de ce qui vient de se passer, on serait enclin à douter fortement de la stabilité du grand Menai Bridge (aussi admirable que puisse être sa construction), si un millier d'hommes devaient le franchir au pas en colonnes compactes. Étant donné sa longueur, les vibrations deviendraient énormes avant que la tête de la colonne n’atteigne l’autre bord, et une catastrophe terrible est à redouter[8]. »

Cela ne mit toutefois pas un terme à la construction de ponts suspendus, et la principale conséquence de l’accident fut que l’Armée britannique révisa ses ordres de manœuvre et ordonna que les passages de ponts se feraient désormais en ordre dispersé[5] - [11]. L’armée française se mit à son tour à donner l’ordre de rompre les rangs au passage des ponts (néanmoins, la marche au pas cadencé a été citée comme l’une des causes de la ruine du pont suspendu d'Angers en 1850, qui tua plus de 200 hommes[12] - [13]).

Le pont fut reconstruit et renforcĂ©, mais selon l’Imperial Gazetteer of England and Wales (1870–72), on l’équipa de piles auxiliaires mises en place Ă  chaque manifestation populaire[14]. En 1924, on le remplaça par une passerelle de type Pratt, qui est toujours en service. Conçue par l’ingĂ©nieur municipal, elle coĂ»ta 2 300 ÂŁ. La superstructure pèse environ 90 tonnes[15].

Notes et références

  1. R.E.D. Bishop, Vibration, Londres, Cambridge University Press, (réimpr. 2)
  2. Dictionary of Scottish Architects (lire en ligne), « Broughton Suspension Bridge »
  3. A. W. Skempton et M. Chrimes, A biographical dictionary of civil engineers in Great Britain and Ireland, Thomas Telford, , Illustré (ISBN 0-7277-2939-X)
  4. (en) John Marius Wilson, « Descriptive Gazetteer Entry for MANCHESTER », sur A vision of Britain through time, University of Portsmouth et al. (consulté le )
  5. Alan Smith, « Broughton Bridge is falling down! », Manchester Evening News, Manchester Evening News, no 12 avril,‎
  6. Extrait du Philosophical Magazin, Chute du pont suspendu de Broughton, près de Manchester, dans Annales des ponts et chaussées. Mémoires et documents relatifs à l'art des constructions et au service de l'ingénieur, 1832, 1er semestre, p. 408-411 et planche XXVI (lire en ligne)
  7. D'après « War Office », London Gazette, no 18750,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  8. Anon, « Fall of the Broughton suspension bridge, near Manchester », The Manchester Guardian,‎
  9. Richard Taylor et Richard Phillips, The Philosophical Magazine : Or Annals of Chemistry, Mathematics, Astronomy, Natural History and General Scien, vol. IX, Richard Taylor, , p. 387, 388, 389
  10. Anon, Penny cyclopaedia of the Society for the Diffusion of Useful Knowledge, vol. XXII, Charles Knight, (lire en ligne), p. 559
  11. (en) Martin Braun, Differential Equations and Their Applications : An Introduction to Applied Mathematics, New York, Springer-Verlag, (réimpr. 4), 578 p. (ISBN 0-387-97894-1, lire en ligne), p. 175
  12. Angers.fr
  13. Art-et-Histoire.com
  14. John Marius Wilson, « Lancashire Genealogy : Manchester », Imperial Gazetteer of England and Wales,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. « New Irwell Bridge », The Manchester Guardian, no 3 avril,‎ , p. 11

Annexes

Bibliographie

Liens externes

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