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Poème de l'amour et de la mer

Le Poème de l'amour et de la mer op. 19 est une composition pour une voix et orchestre d'Ernest Chausson, écrite entre 1882 et 1892. Dédié à Henri Duparc, il constitue, avec la Chanson perpétuelle, l'œuvre pour voix et orchestre majeure du musicien.

Les textes sont tirés des Poèmes de l'amour et de la mer, recueil publié en 1876 par Maurice Bouchor, un ami du compositeur[1]. La gestation du Poème de l'amour et de la mer, particulièrement longue (près de dix ans), s'achève le .

L'œuvre comprend deux parties séparées par un court interlude orchestral. Par la suite, Chausson a publié à part, sous le titre Le Temps des lilas, les quatre dernières strophes de la seconde partie․

La première audition a eu lieu le à Bruxelles par le ténor Désiré Demest, avec le compositeur au piano. La version avec orchestre a été donnée à Paris le de la même année par l'orchestre de la Société nationale de musique sous la direction de Gabriel Marie, avec en soliste Éléonore Blanc, soprano.

L'exécution de l'œuvre dure un peu moins de trente minutes.

Enregistrement célèbre

Le Poème de l'amour et de la mer a fait l'objet les 9 et d'une gravure réalisée par Decca au Kingsway Hall de Londres avec Irma Kolassi et l'Orchestre philharmonique de Londres placé sous la direction de Louis de Froment (OCLC 4803993)[2].

Les poèmes

La Fleur des eaux

L'air est plein d'une odeur exquise de lilas,
Qui, fleurissant du haut des murs jusques en bas,
Embaument les cheveux des femmes.
La mer au grand soleil va toute s'embraser,
Et sur le sable fin qu'elles viennent baiser
Roulent d'Ă©blouissantes lames.

Ă” ciel qui de ses yeux dois porter la couleur,
Brise qui vas chanter dans les lilas en fleur
Pour en sortir tout embaumée,
Ruisseaux qui mouillerez sa robe,
Ă” verts sentiers,
Vous qui tressaillerez sous ses chers petits pieds,
Faites-moi voir ma bien-aimée !

Et mon cœur s'est levé par ce matin d'été ;
Car une belle enfant Ă©tait sur le rivage,
Laissant errer sur moi des yeux pleins de clarté,
Et qui me souriait d'un air tendre et sauvage.

Toi que transfiguraient la Jeunesse et l'Amour,
Tu m'apparus alors comme l'âme des choses ;
Mon cœur vola vers toi, tu le pris sans retour,
Et du ciel entr'ouvert pleuvaient sur nous des roses.

Quel son lamentable et sauvage
Va sonner l'heure de l'adieu !
La mer roule sur le rivage,
Moqueuse, et se souciant peu
Que ce soit l'heure de l'adieu.

Des oiseaux passent, l'aile ouverte,
Sur l'abîme presque joyeux ;
Au grand soleil la mer est verte,
Et je saigne, silencieux,
En regardant briller les cieux.

Je saigne en regardant ma vie
Qui va s'Ă©loigner sur les flots ;
Mon âme unique m'est ravie
Et la sombre clameur des flots
Couvre le bruit de mes sanglots.

Qui sait si cette mer cruelle
La ramènera vers mon cœur ?
Mes regards sont fixés sur elle ;
La mer chante, et le vent moqueur
Raille l'angoisse de mon cœur.

La Mort de l'amour

Bientôt l'île bleue et joyeuse
Parmi les rocs m'apparaîtra ;
L'île sur l'eau silencieuse
Comme un nénuphar flottera.

À travers la mer d'améthyste
Doucement glisse le bateau,
Et je serai joyeux et triste
De tant me souvenir bientĂ´t !

Le vent roulait les feuilles mortes ;
Mes pensées
Roulaient comme des feuilles mortes,
Dans la nuit.

Jamais si doucement au ciel noir n'avaient lui
Les mille roses d'or d'où tombent les rosées !
Une danse effrayante, et les feuilles froissées,
Et qui rendaient un son métallique, valsaient,
Semblaient gémir sous les étoiles, et disaient
L'inexprimable horreur des amours trépassés.

Les grands hĂŞtres d'argent que la lune baisait
Étaient des spectres : moi, tout mon sang se glaçait
En voyant mon aimée étrangement sourire.

Comme des fronts de morts nos fronts avaient pâli,
Et, muet, me penchant vers elle, je pus lire
Ce mot fatal Ă©crit dans ses grands yeux : l'oubli.

Le temps des lilas et le temps des roses
Ne reviendra plus Ă  ce printemps-ci ;
Le temps des lilas et le temps des roses
Est passé, le temps des œillets aussi.

Le vent a changé, les cieux sont moroses,
Et nous n'irons plus courir, et cueillir
Les lilas en fleur et les belles roses ;
Le printemps est triste et ne peut fleurir.

Oh ! joyeux et doux printemps de l'année,
Qui vins, l'an passé, nous ensoleiller,
Notre fleur d'amour est si bien fanée,
Las ! que ton baiser ne peut l'Ă©veiller !

Et toi, que fais-tu ? pas de fleurs Ă©closes,
Point de gai soleil ni d'ombrages frais ;
Le temps des lilas et le temps des roses
Avec notre amour est mort Ă  jamais.

Bibliographie

  • Jean Gallois, Ernest Chausson, Fayard, , 605 p. (ISBN 978-2-213-03199-6).
  • Isabelle Bretaudeau, Les mĂ©lodies de Chausson : Un parcours de l'intime, Actes Sud, , 394 p. (ISBN 978-2-7427-2142-9).
  • Jean Gallois et Isabelle Bretaudeau, Ernest Chausson : Ă©crits inĂ©dits : journaux intimes, roman de jeunesse, correspondance, Éditions du Rocher, , 505 p. (ISBN 978-2-268-03087-6).
  • (en) Ralph Scott Grover, Ernest Chausson, the man and his music [« Ernest Chausson, l'homme et sa musique »], The Athlone Press, , 245 p. (ISBN 0-485-11217-5), p. 194-201.

Références

  1. Celui-ci a mis en musique près d'une quinzaine de ses poésies.
  2. Irma Kolassi est morte, article de Max Dembo le 2 avril 2012 sur Qobuz, consulté le 5 mai 2013․

Liens externes

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