Pierre-Jean Martin de Bussy
Pierre-Jean Martin de Bussy, souvent cité sous son seul nom de famille Martin de Bussy, né à Paris en 1724 et mort en 1805, est un avocat, doyen des substituts[2] au Grand Conseil et poète français du siècle des Lumières.
Biographie
Il est le fils de Pierre Martin de Bussy, bourgeois de Paris, marchand de draps, et de Jeanne Madeleine Regnault.
Il avait épousé le à Paris, Marie Jeanne Narrays (1741-1768) d'une vieille famille parisienne.
Ils sont les parents de Charles Pierre Martin, vicomte de Mentque (1759-1833), conseiller du roi en son Grand Conseil, de Antoine Jean Martin de Boulancy (1766-1842), sous-préfet de Lisieux puis de Pontoise, dit le chevalier de Boulancy et de Antoine Jean Romain Martin de Saint Romain, (1767-1827) avocat, puis inspecteur des Equipages Militaires, enfin magistrat, Président de la Cour Royale de St Denis de la Réunion.
Carrière judiciaire
Avocat, conseiller du Roy en 1747, on le voit substitut du procureur général du premier parlement Maupeou en 1771, puis Doyen des substituts au Grand Conseil en 1774.
Il demeurait en 1762 cul-de-sac Pecquet, paroisse Saint-Jean en Grève et à partir de 1767 rue du Chaume.
Avocat de l’union des créanciers de Saint-Simon, il défend celui-ci dans son litige avec l’évêque de Metz, légataire des manuscrits du duc[3].
Cité dans le " Catalogue des gentilhommes de l'Isle de France, Soissonnais, Valois, Vermandois qui ont pris part ou envoyé leur procuration aux assemblées de la noblesse pour l'élection des députés aux Etats Généraux de 1789"
Il est arrêté et enfermé avec deux de ses fils (Charles Pierre Martin de Mentque, conseiller au Grand Conseil, et Romain Martin de Saint Romain, inspecteur des équipages militaires) le , (30 ventôse an II) comme suspect ayant un fils émigré (son fils Antoine Jean Martin de Boulancy, officier au Régiment Royal Italien, parti rejoindre l'Armée de Condé) . Il est détenu à la prison de Port Libre (ex Abbaye de Port Royal).
Œuvre littéraire
Magistrat cultivé et homme des lumières, Martin de Bussy avait mis en vers, à la manière d'un moderne Lucrèce[4], la pensée philosophique de Volney, du baron d'Holbach et de l'évhémériste stellaire Dupuis.
Cette épopée didactique, intitulée L'Éther, datant de 1794 et décrite comme philosophique et morale, honore en cinq chants et en alexandrins l'Éther identifié comme étant l'Être suprême élémentaire. Ce poème a été édité en 1796 par le grand astronome et présumé athée Lalande[5].
Le culte sincère de Celui-ci doit, selon cet auteur, remplacer l'hypocrisie d'une religion mal comprise et instrumentalisée par l'ordre social :
- Osons donc publier que la religion
- Naquit du fanatisme et de l’ambition ;
- Que son unique objet, Dieu, n’est qu’une chimère,
- Un fantôme impuissant, une ombre mensongère,
- Qu’on ne prêche aux humains que pour les opprimer…
- J'aime mieux imputer à la nécessité
- Mon être et mes destins, qu'à la divinité. (Chant Ier)
- Le vrai culte n'est dû qu'aux hommes vertueux;
- Ils sont Dieux sur la terre, atômes dans les cieux. (Ibidem)
- Nous, pratiquons le bien, aimons-le pour nous-mêmes;
- Voilà des bons esprits la science suprême;
- Fît-on jamais pour Dieu ce que l'on fait pour soi! (Chant V).
Dans son ode, la Nature, on peut lire ces vers décrivant sa pensée métaphysique :
- Et puisqu'il n'est qu'une substance,
- Disons que tout doit l'existence
- À la matière, au mouvement. (Strophe IX).
- Dieu, c'est le tact élémentaire.
- Eh! qu'un esprit eût-il pu faire?
- Il ne saurait même exister. (Strophe VIII)
Voulant concilier la science de son temps avec une religiosité nouvelle qu'elle inspire, il n'en fut pas moins classé par Sylvain Maréchal parmi les athées en compagnie de Montaigne et de tant d'autres que cet auteur taxait d'athéisme.
Actuellement l'on découvre plutôt les tendances mystiques voire orphiques de son œuvre déjà pré-romantique et annonciatrice de mutations sociales.
Publications
- L'Éther, ou l'Être-Suprême élémentaire, poëme philosophique et moral, à priori, en V chants, Paris : Imprimerie de la rue des Petits-Augustins, 1796, in-8, 64 pages (lire en ligne sur Gallica).
- La Nature, Ode.
Bibliographie
- 1808 : Antoine-Alexandre Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, volume 4, Paris, 1809, p. 979.
- 1817 : Louis Gabriel Michaud, Biographie des hommes vivants ou Histoire par ordre alphabétique..., Paris, 1817, p. 243.
- 1833 : Joseph Marie Quérard, La France littéraire, ou Dictionnaire bibliographique des savants, 1833.
- 1833 : Sylvain Maréchal, Dictionnaire des athées anciens et modernes, Bruxelles, 1833, pp. 170-171.
- 1837 : Jean B. Gence, La vraie philosophie de l'histoire, Paris, 1837, p. 8.
- 1841 : Joseph Fr. Michaud, Louis Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, Paris, 1841, volume 68, p. 76.
- 1853 : Johann Samuel Ersch, Allgemeine Encyclopädie der Wissenschaften und Künste in alphabetischer Ordnung, 1853, p. 326.
- 1866 : Louis de La Roque, Edouard de Barthélemy, Catalogue des gentilshommes en 1789 et des familles anoblies, Paris, 1866, volume 2, p.52. (Cet ouvrage qui cite rarement ses sources doit être utilisé avec prudence).
- 1929 : L'intermédiaire des chercheurs et curieux, Paris, volume 92, 1929.
- 1937 : Robert Villers, L'organisation du Parlement de Paris et des Conseils supérieurs d'après la réforme de Maupeou, Paris, 1937, p. 277.
- 1954 : André Delavenne, Recueil généalogique de la bourgeosie ancienne, Paris, 1954, p.114.
- 1960 : Bibliothèque française et romane: Études littéraires, numéros 28-29, Université de Strasbourg. Centre de philologie et de littératures romanes, 1960, p. 158.
- 1964 : Paul Bisson de Barthélemy, Les Joly de Fleury: procureurs généraux au Parlement de Paris au XVIIIe siècle, 1964, p. 150.
- 1967 : Bernard Grosperrin, Daniel Vasseur, François Bluche, Jean-Luc Piveteau, Les Magistrats de la Cour des monnaies de Paris au XVIIIe siècle, 1715-1790, Université de Besançon. Institut d'études comtoises et jurassiennes, 1967, p. 112.
- 1969 : Alexandre Cioranescu, Bibliographie de la littérature française du dix-huitième siècle ...: E-Q, 1969.
- 1982 : Jean-Pierre Lobies, Index bio-bibliographicus notorum hominum: Corpus alphabeticum , 1982, volume 145.
- 1983 : Alistair Cameron Crombie, Michael A. Hoskin, History of science, volume 21, 1983, p. 28.
- 1984 : Brian Juden, Traditions orphiques et tendances mystiques dans le romantisme, 1984.
- 1988 : John W. Yolton, Leslie Ellen Brown, Studies in Eighteenth-Century Culture, volume 17, 1988, p. 55.
- 1990 : Joël Félix, Les magistrats du Parlement de Paris: 1771-1790, Paris, 1990, p.27.
- 1994 : David Avrom Bell, Lawyers and citizens: the making of a political elite in Old Regime France, 1994, p. 254.
- 1995 : Paul Ilie, The Age of Minerva: Cognitive discontinuities in eighteenth-century thought, 1995, p. 274.
- 2001 : Mathieu Couty, Jean-Benjamin de Laborde, ou, Le bonheur d'être fermier-général, Paris, 2001, p. 117.
- 2009 : Pierre M. Conlon, Le siècle des Lumières, bibliographie chronologique, 2009, p. 371.
Notes et références
- Relevé généalogique sur Geneanet
- Jean-Charles Poncelin de La Roche-Tilhac, État des cours de l'Europe et des provinces de France: pour l'année M.DCC.LXXXV, p. 55: Doyen des substituts du procureur général, nommé en 1774, Martin de Bussy. Voir aussi: François Bluche, Les magistrats du Grand Conseil au XVIIIe siècle, 1690-1791, Besançon, 1966, p. 112 "Pierre Jean Martin de Bussy, doyen des substituts en 1783."
- Cahiers Saint-Simon, numéros 23-2, par la Société Saint-Simon, p. 72.
- Selon Louis Gabriel Michaud, il s'agit d'un « poème impie sur la Nature imité de Lucrèce », voir: Biographie des hommes vivants ou Histoire par ordre alphabétique…, Paris, 1817, p. 243.
- 1983: Alistair Cameron Crombie, Michael A. Hoskin, History of science, volume 21, 1983, p. 28: « In 1796, Lalande, as freemason and putative atheist, published a poem by Martin de Bussy ».