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Nouvelles du paradis

Nouvelles du paradis (titre original : Paradise News) est un roman de l'écrivain britannique David Lodge, publié en 1991.

Résumé

Vue d'ensemble

Bernard Walsh accompagne son père à Hawaï pour assister sa tante malade du cancer. Le voyage le moins cher qu'il ait trouvé est un forfait de 15 jours avec Travelwise Tours.

Le cadre

L'action se dĂ©roule vers 1990, principalement aux Ă®les HawaĂŻ, Ă  Honolulu, mais aussi en Grande-Bretagne, Ă  Londres et Ă  « Rummidge Â», avatar de Birmingham dans plusieurs romans de David Lodge.

Les personnages

La famille Walsh

C'est une famille irlandaise installée à Londres depuis l'entre-deux-guerres.

Bernard Walsh, 44 ans, brillant Ă©lève puis sĂ©minariste, a Ă©tudiĂ© au Collège anglais de Rome, puis a obtenu un doctorat en thĂ©ologie Ă  l'universitĂ© d'Oxford ; il a longtemps enseignĂ© dans un sĂ©minaire (« Saint Ethelbert's Â»), puis Ă  l'occasion d'une restructuration, a Ă©tĂ© chargĂ© d'une paroisse de la banlieue de Londres ; se rendant compte qu'il a perdu la foi et s'impliquant dans une liaison sans issue, il s'est excommuniĂ© en abandonnant sa charge sans l'accord de ses supĂ©rieurs ; il est devenu professeur de thĂ©ologie Ă  temps partiel Ă  l'universitĂ© de Rummidge.

Jack Walsh, son père, 74 ans, retraitĂ©, ancien employĂ© de bureau, habite toujours la maison familiale dans la banlieue sud de Londres, Ă  « Brickley Â» (avatar du quartier d'enfance de David Lodge, Brockley, dans le district de Lewisham).

Ursula Walsh, sa tante, 70 ans, s'est mariée avec un Américain à la fin de la guerre et, après avoir divorcé vers 1950, s'est installée à Honolulu. Elle a rompu avec sa famille depuis un séjour à Londres en 1952, durant lequel elle ne s'est pas adaptée à la situation de pauvreté de sa famille et de l'Angleterre en général ; l'incident fatidique a eu lieu lorsqu'elle a utilisé pour prendre un bain la réserve d'eau chaude de toute une journée ; la mère de Bernard a trouvé ce comportement intolérable ; Ursula, à son tour ulcérée, est repartie immédiatement aux États-Unis.

Sean Walsh, son oncle, né vers 1920, est mort dans un transport de troupes au début de la guerre et est devenu un héros pour la famille.

Teresa Walsh, sa sœur, femme au foyer, élève une famille de cinq enfants, dont un fils handicapé, Patrick.

Habitants d'Hawaii
  • Yolande Miller, nĂ©e Argument, originaire de Boston, est sĂ©parĂ©e de son mari, mais non divorcĂ©e ; elle a sacrifiĂ© une Ă©ventuelle carrière universitaire Ă  celle de son Ă©poux et occupe un petit emploi de conseillère personnelle Ă  l'universitĂ© de HawaĂŻ. Elle affirme ĂŞtre un peu excĂ©dĂ©e par Hawaii : « Le paradis, c’est ennuyeux »
  • Sophie Knoeplfmacher, voisine et amie d’Ursula, originaire de Chicago, dont le mari dĂ©cĂ©dĂ© Ă©tait boucher casher.
Les touristes de Travelwise Tours
  • Roger Sheldrake, 35 ans, anthropologue spĂ©cialiste du tourisme ; il n’est pas en vacances, mais sur un « travail de terrain ». Il veut ĂŞtre le « Karl Marx du tourisme Â» : celui qui dĂ©construit cette activitĂ© destructrice et inepte afin de sauver le monde. Il pense que le tourisme est le nouvel opium du peuple, un substitut de la religion : le tourisme culturel ayant remplacĂ© les pèlerinages ; le tourisme balnĂ©aire comme recherche du paradis (ce qui est le thème de l’ouvrage qu'il est en train d’écrire).
  • La famille Best, caractĂ©risĂ©e par la constante insatisfaction des parents et par les tensions entre eux et leurs deux enfants adolescents.
  • Brian et Beryl Everthorpe, de Rummidge (Brian est un personnage de « Jeu de sociĂ©tĂ© », il Ă©tait alors cadre chez Pringle’s) ; il est Ă  la tĂŞte de sa propre entreprise commerciale ; tout en Ă©tant en « second voyage de noces », il espère faire des affaires et passer les frais du voyage dans la comptabilitĂ© de l’entreprise ; c'est par ailleurs un vidĂ©aste compulsif, avide de capter des scènes imprĂ©vues, et mettant en scène des moments convenus, comme leur premier matin Ă  Hawaii.
  • Sidney et Lilian Brooks, de Londres, venus Ă  l’invitation de leur fils, installĂ© en Australie ; il veut leur prĂ©senter « une personne qui lui est très chère »[1], qui se rĂ©vèle ĂŞtre un homme, et non une femme comme prĂ©vu.
  • Russel et Cecily Harvey, de Londres, en voyage de noces, mais dĂ©jĂ  en quasi-rupture Ă  la suite de rĂ©vĂ©lations inopportunes Ă  son sujet
  • Sue Butterworth et Dee Ripley, deux amies ; la première, mariĂ©e, accompagne la seconde dans de grands voyages et est supposĂ©e l’aider Ă  trouver « l’âme sĹ“ur » ; Bernard Walsh est d'abord envisagĂ© pour ce rĂ´le, mais finalement une relation semble s'Ă©tablir entre Dee et Roger Sheldrake.

Résumé détaillé

Bernard Walsh a reçu[2] un appel téléphonique d'Ursula, qui lui annonce qu'elle est atteinte d'un cancer et tient absolument à revoir son frère Jack avant de mourir ; elle demande qu'ils viennent tous les deux, offrant de payer les frais du voyage. Bernard a réussi à grand peine à persuader son père d'accepter.

Le roman commence le par l'embarquement Ă  Heathrow des passagers de Travelwise Tours, suivi du long voyage via Los Angeles, oĂą Bernard fait la connaissance de Roger Sheldrake.

A Honolulu, Bernard et Jack s'installent dans l'appartement d'Ursula, hospitalisée. Dès le lendemain, Jack Walsh, trompé par la conduite à droite, est renversé par une voiture et hospitalisé pour une fracture du bassin, ce qui compromet pour un bon moment toute visite à Ursula. Bernard doit dès lors s'occuper de son père en même temps que de sa tante.

Ayant été doté d'une procuration, Bernard se charge de mettre au point la situation financière d'Ursula, qui est apparemment modeste et risque de ne pas suffire pour faire face à un séjour de quelques mois en maison de retraite médicalisée (son plan d'assurance ne couvrant que l'hospitalisation). Mais il découvre un document oublié, une action IBM achetée en 1950 et jamais utilisée depuis : cette seule action, par le jeu des distributions gratuites intervenues depuis, vaut 2464 actions de 1990, soit 278 000 $[3].

Parallèlement, il sympathise avec la conductrice de l'automobile, Yolande Miller, qui au départ, veut éviter un procès, alors que des pressions sont exercées sur Bernard pour qu'il en engage un. Leur relation devient cependant un peu tendue en raison de circonstances liées au passé de Bernard ; n'arrivant pas à s'expliquer oralement, il lui transmet son journal des quelques jours passés, qui inclut un récit autobiographique, y compris l'échec de sa liaison trois ans auparavant. Yolande lui propose alors de faire son initiation amoureuse.

Ursula, placée dans une institution très haut de gamme, a avec Bernard des discussions religieuses, portant en particulier sur l'au-delà et le péché (en parallèle, Jack Walsh reçoit régulièrement la visite de Sophie Knoeplmacher, et ils discutent de la doctrine catholique). Ursula révèle à Bernard un secret familial : alors qu'elle avait 8 ans, elle a été victime de pratiques sexuelles de la part de Sean, âgé de 15 ans ; Jack, au courant, n'a rien fait pour empêcher Sean de continuer. Elle n'a jamais pu demander des comptes à Sean, mort alors qu'elle était adolescente, ni évoquer ces faits devant les autres membres de la famille et sa vie en a été marquée, en particulier sa relation avec son mari.

Bernard réussit à organiser la rencontre d'Ursula et Jack ; il n'y est pas présent, mais elle lui dit ensuite qu'ils se sont convenablement expliqués ; il informe sa tante de l'existence de Yolande, qui l'assistera après son retour en Angleterre (fin juillet). Ursula meurt quelques semaines plus tard, laissant sa fortune à Patrick (son petit-neveu handicapé) et à Bernard. Ses cendres sont dispersées au large de la plage de Waikiki. En octobre, Yolande annonce à Bernard qu'elle a pris la décision de divorcer et qu'elle viendra en visite à Rummidge pour Noël.

Analyse

La narration

Le roman est divisé en trois parties.

Dans la première partie (6 chapitres, du 9 au ), le récit est fait par un narrateur qui se place du point de vue de tel ou tel personnage d’une scène donnée. Au commencement du roman, le point de vue est celui de l'agent d'accueil de Travelwise Tours à Heathrow, qui voit arriver ses passagers les uns après les autres, jusqu’à l’arrivée de Bernard et de son père. Par la suite, le point de vue est le plus souvent celui de Bernard, mais il passe aussi à divers membres du groupe des touristes, notamment au moment où ils entendent la sirène de l'ambulance, sans savoir qu'elle emmène Jack Walsh.

Dans la seconde partie (2 chapitres), d'abord, Bernard Walsh tient un journal des journĂ©es du 12 au et rĂ©dige un rĂ©cit de sa vie jusqu'Ă  son abandon de la prĂŞtrise. Dans le second chapitre, le roman Ă©voque la « vie de touriste Â» Ă  travers les lettres, emails, cartes postales envoyĂ©es par divers membres du groupe Travelwise, ce qui permet parfois de voir le mĂŞme Ă©vĂ©nement selon des points de vue diffĂ©rents.

Dans la troisième partie (4 chapitres), le point de vue est celui de Bernard Walsh sur les événements du 17 au , puis sur une journée d'octobre où il donne son premier cours, consacré au paradis dans la théologie moderne, et où il reçoit une lettre de Yolande Miller qui lui raconte de façon détaillée les derniers jours et les funérailles d'Ursula.

Thèmes majeurs

Le paradis

Le concept de « paradis Â» est prĂ©sent Ă  la fois comme mĂ©taphore commerciale et touristique et comme problème thĂ©ologique.

On peut remarquer que le titre du roman est repris du titre d'une supposĂ©e publication de l'office de tourisme hawaiien ; mais surtout le mot « paradis » est utilisĂ© de façon systĂ©matique par des entreprises diverses, dont Sheldrake dresse la liste[4] : « Boulangerie du Paradis, Ferrari and Lamborghini du Paradis... Â». La mĂ©taphore, qui Ă©voque une plage tropicale quasiment dĂ©serte, devient comique Ă  Honolulu, notamment dans le quartier de Waikiki, le plus touristique. Du fait de cette situation, une grande compagnie hĂ´telière vient de crĂ©er dans une Ă®le encore intacte un « vĂ©ritable Â» paradis, « Wyatt Haikoloa Â», qui est en fait un Center Park gĂ©ant[5].

Le tourisme de masse

La question est présente de façon directe à travers le personnage de Roger Sheldrake ; et indirecte dans nombre de passages du roman.

Thèmes mineurs

Aspects de la société américaine
  • Propension Ă  faire des procès
  • Problèmes liĂ©s au système d'assurances sociales
Le surf

Ce sport, Ă©videmment « incontournable Â», est prĂ©sent dans le roman Ă  travers les personnages de Bernard Walsh et de Russel Harvey. Pour Bernard, c'est un objet d'admiration. Il cite[6] des vers de Shakespeare[7] : « Je l'ai vu frapper sous lui les vagues et avancer sur leur dos Â»[8] et ajoute : « Je me demande si c'est la première description du surf dans la littĂ©rature anglaise. Â». Russell Harvey, esseulĂ© du fait de la colère de son Ă©pouse, dĂ©couvre le surf Ă  l'occasion d'un zapping tĂ©lĂ©visuel et se met Ă  le pratiquer. Cecily dĂ©couvre un jour qu'il s'est trouvĂ© une activitĂ© de substitution et Ă©crit[9] Ă  une amie : « Une fois, il a rĂ©ussi Ă  prendre une vague et Ă  rester debout pendant quelques secondes... Ces quelques secondes m'ont presque fait oublier quel porc il est. Â». Effectivement, ils se rĂ©concilieront Ă  la suite d'un accident de surf subi par Russel.

La culture hawaiienne

La question est directement Ă©voquĂ©e par Yolande Miller, qui ressent de façon exacerbĂ©e sa quasi-disparition (elle a commencĂ© Ă  apprendre la langue, mais a arrĂŞtĂ© en constatant qu'elle n'est plus pratiquĂ©e) ; dans le roman, est Ă©voquĂ©e sa rĂ©cupĂ©ration par l'industrie du tourisme (lei[10] d'accueil, orchestres hawaien, mariages hawaiens, etc). Arrivant Ă  l'hĂ´tel Wyatt[11], Bernard Walsh est accueilli par un orchestre bavarois en costume traditionnel, « ce qui reprĂ©sente un changement par rapport Ă  l'habituelle musique de guitare Â».

Cependant, dans la description des funĂ©railles d'Ursula, Yolande Miller Ă©voque[12] une messe en plein air (sur la plage) durant laquelle des jeunes Hawaiennes dansaient le hula : « Je savais que le hula Ă©tait Ă  l'origine une danse religieuse, mais ... le hula qu'on voit Ă  Waikiki est entre la danse du ventre et le burlesque. Aussi, cela a Ă©tĂ© un choc de le voir dansĂ© pendant la messe. Mais cela marchait parce que ces jeunes filles n'Ă©taient pas particulièrement virtuoses, ni particulièrement belles. Elles n'avaient pas le sourire fixe qu'on associe aux danseuses de hula. Elles paraissaient sĂ©rieuses et concentrĂ©es. Â».

Éditions

  • Anglaises
    • Édition originale : Secker and Warburg, Londres, 1991
    • Éditions de poche : Penguin Books, 1992, 369 p. [ (ISBN 0140167285)] ; Vintage, 2011
  • Françaises (traduction[13] de Maurice et Yvonne Couturier)
  • Autres : Paradise News a Ă©tĂ© traduit en 9 autres langues : Catalan, Chinois, Espagnol, Italien, Polonais, Portugais, Roumain, Russe, Tchèque[14]

Notes et références

  1. Rivages, p. 69, dans le texte original : his very special friend, Penguin, p. 70.
  2. Ce paragraphe correspond au chapitre 2 du roman, un retour en arrière après l'embarquement à l'aéroport.
  3. Penguin, p. 223. On peut supposer que David Lodge s'est documenté sur cette situation...
  4. Rivages, p. 210 (autres listes p. 214 et 221).
  5. Rivages, p. 281.
  6. Penguin, p. 204.
  7. La Tempête, Acte 2, scène 1 : I saw him beat the surges under him,/And ride upon their backs.
  8. Traduction du site In Libro Veritas ; celle de Rivages, p. 180 : « Je l'ai vu battre les vagues sous lui, et chevaucher leur croupe. Â». Suite du texte : « il faisait route Ă  travers les eaux, rejetant des deux cĂ´tĂ©s les ondes en furie, et opposant sa poitrine aux vagues gonflĂ©es qui venaient Ă  sa rencontre ; il Ă©levait sa tĂŞte audacieuse au-dessus des flots en tumulte, et de ses bras robustes ramait Ă  coups vigoureux vers le rivage, qui, courbĂ© sur sa base minĂ©e par les eaux, semblait s'incliner pour lui porter secours. Je ne doute point qu'il ne soit arrivĂ© vivant Ă  terre Â».
  9. Penguin, p. 248.
  10. Guirlande de fleur passée au cou des voyageurs qui arrivent à Hawaï. Cf. page anglaise : lei (garland).
  11. Penguin, p. 325.
  12. Penguin, p. 363.
  13. Un problème de traduction n'est pas signalé dans l'édition française (Rivages, p. 31, Penguin, p. 24) :
    • « Remember me ? The black sheep of the family. Or should I say you ? Â» (black sheep = « mouton noir Â»)
      « Me ? Â»
      « No, not you. Ee-doubleyou-ee. Ewe. Â» (Ewe, « brebis Â», se prononce comme you)
      « Oh, yes, I see. But I'm also considered a bit of a black sheep nowadays. Â»
    • « Tu te souviens de moi ? La brebis galeuse de la famille. Le petit canard boiteux si tu prĂ©fères. Â»
      « Ah oui. Mais c'est moi, maintenant, la brebis galeuse de la famille. Â» L'introduction ex nihilo de l'expression « canard boiteux » ne paraĂ®t pas vraiment utile.
  14. Cf. site Worldcat.
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